Bosnie : le siège de la présidence à Sarajevo incendié par des protestataires
Des manifestations contre la pauvreté ont tourné à l’émeute, vendredi 7 février, en Bosnie-Herzégovine : la présidence a été incendiée à Sarajevo, de même que les sièges des administrations locales à Sarajevo, Tuzla et Mostar. « État de guerre ! Le pouvoir brûle ! », titrait à la une samedi le quotidien Oslobodjenje. D’après l’agence officielle FENA, les flammes à Sarajevo s’étendaient jusqu’au deuxième étage du bâtiment, qui jouxte celui du gouvernement régional, incendié peu auparavant par les protestataires. Des échauffourées avec la police ont fait près de 150 blessés.
Ces manifestations, qui avaient lieu pour la troisième journée d’affilée, sont d’une ampleur sans précédent dans l’ex-république yougoslave qui, il y a trente ans jour pour jour, accueillait les Jeux olympiques d’hiver. Elles illustrent l’exaspération de la population face à une classe politique engluée dans des querelles politiciennes et incapable de redresser une économie sinistrée depuis la fin de la guerre intercommunautaire de 1992-1995. Le mouvement a embrasé les principales villes de la Fédération croato-musulmane, une des deux entités de Bosnie-Herzégovine avec la République serbe de Bosnie.
« Nous n’avons rien à manger. Et vous ? » pouvait-t-on lire sur une pancarte. Le chef du gouvernement de la Fédération croato-musulmane, Nermin Niksic, a convoqué pour une réunion extraordinaire jeudi soir des responsables de toutes les agences policières et des procureurs des villes concernées pour évaluer la situation sécuritaire.
Police kicking a man into river channel yesterday at #Sarajevo #Bosnia #Protests #Riots
Le calme est revenu dans la nuit de vendredi à samedi, mais une forte odeur de brûlé continuait samedi 8 février de flotter à proximité de la présidence, à Sarajevo. Des pompiers ont lutté toute la nuit contre les flammes. L’immeuble de l’administration régionale a quasiment entièrement brûlé à l’intérieur, selon un responsable de la brigade municipale des pompiers.
Rongé par une corruption endémique, ce petit pays balkanique de 3,8 millions d’habitants est l’un des plus pauvres d’Europe. Le chômage frappe 44 % de la population active, mais la Banque centrale estime toutefois le nombre de personnes sans emploi à 27,5 % car beaucoup de gens sont employés au noir. Le salaire mensuel moyen est de 420 euros, et près d’un habitant sur cinq vit dans la pauvreté, selon des statistiques officielles.
Une vue d’ensemble des bâtiments du gouvernement dans la capitale, à Sarajevo, pris d’assaut par les manifestants.
Des milliers de personnes se sont rassemblées dans plusieurs villes du pays, comme ici à Sarajevo, pour dénoncer une corruption endémique et un chômage de 44 %. Dans la capitale, entre 2000 et 7000 personnes, selon les sources, se sont rassemblées vendredi.
La police a tenté de protéger les bâtiments officiels dans la ville de Tuzla, dans le nord-est.
Les barrières installées par les forces de l’ordre n’ont pas tenu longtemps face aux manifestants, déterminés à s’emparer de ce bâtiment du gouvernement.
Reports that jailed activists in #Sarajevo are being beaten in custody. #Bosnia
Un policier blessé est évacué par plusieurs personnes. Parmi les quelque 150 blessés, la majorité étaient des policiers.
Des manifestations contre la pauvreté, qui ont eu lieu pour le troisième jour consécutif, ont tourné à l’émeute aussi à Tuzla (nord-est), à Mostar (sud), à Zenica (centre) et à Bihac (nord-ouest). Des hooligans, ayant rejoint des milliers de manifestants, ont saccagé et mis à feu des immeubles de l’administration de l’État dans toutes ces villes.
« He who sows hunger, reaps anger » – graffiti on Sarajevo government building, #bosnia
Presse contre-révolutionnaire (LeMonde.fr avec l’Agence Faut Payer, 7 février 2014 à 01h57 ; mis à jour le 8 février à 16h31)
Bosnie : manifestations anti-gouvernement
Des manifestants en colère contre la situation économique en Bosnie, entrés de force au siège du gouvernement cantonal à Tuzla (nord-est), ont commencé à le saccager et l’ont incendié, a rapporté un journaliste de l’AFP.
Sloboda (Freedom) is not just a football club in Tuzla.
Une centaine de jeunes encagoulés portant des enseignes de l’équipe locale de football ont pénétré dans l’immeuble où ils saccagaient le mobilier et jetaient des téléviseurs par les fenêtres. Plusieurs centaines de policiers se sont répliés à une centaine de mètres où ils ont formé un cordon autour d’un immeuble abritant les services d’urgences de la ville. Des balles en caoutchouc auraient été tirées pour disperser les manifestants.
Plus de 5.000 manifestants présent sur place applaudissaient. Des flammes ainsi qu’une épaisse fumée noirâtre s’échappaient du premier étage de cette tour de dix étages. Les protestataires à l’intérieur de l’immeuble empêchent les pompiers d’éteindre les flammes.
#Bosnia today: Graffiti on stormed and later torched government building in #Tuzla says « Death To Nationalism »
Presse contre-révolutionnaire (LeFigaro.fr avec Reuters et Agence Faut Payer, 7 février 2014 à 13h59 ; mis à jour à 14:46)
Bosnie : émeutes contre la pauvreté et le chômage
TUZLA (Bosnie-Herzégovine) — Des manifestations contre la pauvreté et le chômage ont tourné à l’émeute vendredi à Tuzla (nord-est de la Bosnie) et à Sarajevo, où les sièges des administrations régionales ont été saccagés, ainsi qu’à Zenica (centre). À Sarajevo, le siège de la présidence a été incendié.
« I told them I’m an artist. I am. So the police let me in. Now I got an official canton apple. » #sarajevo
Les échauffourées avec la police ont fait près de 150 blessés, dont 80 à Sarajevo et 50 à Zenica, pour la plupart soignés pour des contusions. Il y a eu plus d’une dizaine de blessés à Tuzla, dont deux, un manifestant et un policier sérieusement atteints, ont été hospitalisés.
Ces manifestations, qui avaient lieu pour la troisième journée d’affilée, sont d’une ampleur sans précédent dans cette ex-république yougoslave qui, il y a trente ans jour pour jour, accueillait les Jeux olympiques d’hiver.
Elles illustrent l’exaspération de la population face à une classe politique engluée dans des querelles politiciennes et incapable de redresser une économie sinistrée depuis la fin de la guerre inter-communautaire de 1992-1995.
À Tuzla, une centaine de jeunes encagoulés portant des insignes de l’équipe locale de football ont pénétré dans l’immeuble du gouvernement local, où ils ont saccagé le mobilier et jeté des téléviseurs par les fenêtres.
Ces scènes se sont déroulées sous les yeux de plus de 5.000 manifestants qui applaudissaient. Des flammes et une épaisse fumée noirâtre s’échappaient du premier étage de cette tour de dix étages.
Les policiers, au nombre de plusieurs centaines, ne sont pas intervenus et se sont repliés à une centaine de mètres pour protéger un immeuble abritant les services d’urgences de la ville.
Dans la soirée, à Tuzla, les pompiers tentaient d’éteindre des incendies déclenchés par les manifestants dans deux immeubles dépendant de la municipalité de la ville.
« Le printemps bosnien »
Un des leaders des manifestants, Aldin Siranovic, a déclaré que la foule réclamait la démission du gouvernement. « Ils nous volent depuis 25 ans et ruinent notre avenir. Nous voulons qu’ils s’en aillent », a-t-il lancé.
À Sarajevo, un millier de protestataires « ont cassé les fenêtres et ont mis le feu aux guérites des gardiens et aux locaux » de l’immeuble abritant l’administration régionale, a rapporté la télévision officielle locale.
La façade du siège voisin de la présidence de Bosnie-Herzégovine a été aussi endommagée par des jets de pierre, mais le bâtiment n’a pas été incendiée, a assuré la police.
À Zenica (centre), des échauffourées entre environ 3.000 manifestants et forces de l’ordre ont fait cinq blessés parmi les policiers.
Comme les jours précédents, des manifestations devaient avoir lieu dans une vingtaine de villes dont Prijedor (nord), Mostar (sud), Banja Luka (nord) et Bihac (nord-ouest).
« La révolte des citoyens ! » a titré en une Dnevni Avaz, le principal quotidien local. « Le printemps bosnien ! » affirmait pour sa part le quotidien Oslobodjenje.
Rongé par une corruption endémique, ce petit pays balkanique de 3,8 millions d’habitants est l’un des plus pauvres d’Europe. Le chômage frappe 44% de la population active, mais la Banque centrale estime toutefois le nombre de personnes sans emploi à 27,5% car beaucoup de gens sont employés au noir.
Le salaire mensuel moyen est de 420 euros, et près d’un habitant sur cinq vit dans la pauvreté, selon des statistiques officielles.
State cars burning in #Sarajevo between the Presidency building & FA Ministry during unemployment riots.
#Sarajevo regional government resigned today 3rd regional government to resign in 2 days #Bosnia
« De plus en plus de gens vivent dans la misère et dans la pauvreté, ils ont faim. Le peuple a perdu l’espoir et ne croit plus à une amélioration de la situation. Manifester est leur seul moyen » d’être entendu, a commenté un analyste local, Vehid Sehic.
« Policiers ! Vous êtes nos frères, nos camarades, nos voisins ! Vous devez nous rejoindre », a lancé à l’adresse des forces de l’ordre à Tuzla, Nihad Karac, un manifestant.
« Je suis à la rue depuis deux ans. Les autorités sont sourdes à nos appels et elles méritent ce qui leur arrive », s’est exclamé son camarade Mithad Kukuruzovic.
La veille, dans cette même ville, des heurts violents entre des milliers de manifestants et les forces de l’ordre avaient fait 130 blessés, en majorité des policiers. Huit protestataires avaient été interpellés.
Des scènes de pillages ont été rapportées par la presse locale en marge de la manifestation.
Quelque 7.000 personnes selon les médias locaux, 2.000 selon la police, avaient protesté dans cette ville, jadis la plus importante ville industrielle de cette ex-république yougoslave. La manifestation avait rassemblé des salariés de plusieurs anciennes entreprises publiques en faillite qui n’ont plus reçu de salaire depuis plusieurs mois.
Presse contre-révolutionnaire (Rusmir Smajilhodzic, Agence Faut Payer, 8 février 2014)
UPDATE: Protests Across Bosnia Are A “Collective Nervous Breakdown”
“He who sows hunger reaps anger,” warned the red graffiti on a Sarajevo government building this week. The message hinted at the depth of poverty and disillusionment in Bosnia and Herzegovina (BiH) that has driven people to join demonstrations across the divided country, where the unemployment rate is about 40 percent. Protesters have since stormed and ransacked government buildings in Tuzla, Zenica, Mostar, and in the capital city of Sarajevo, where the headquarters of the presidency was also set ablaze. Some protesters allegedly threw firecrackers and stones at police, who responded with rubber bullets and tear gas. Hundreds have been injured. On Friday, activist Darko Brkan called the protests “a collective nervous breakdown”.
Demonstrations began on Tuesday in the northern city of Tuzla, where some 10,000 former workers gathered to demand that the local government investigate questionable privatizations they said had destroyed companies and their livelihood. Among the troubled firms was the Konjuh furniture factory, which was founded in 1885 by Austro-Hungarian entrepreneurs. During the socialist period, the company employed 5,300 employees and sold high-quality wood furnishings to clients on five continents. But by December 2012, the company employed just 400 workers, some of whom had gone on hunger strike. Also present were demonstrators from the 36-year-old Dita detergent factory — once the biggest producer of liquid detergents and washing powders in the country. Former Dita employees have protested over unpaid wages for at least two years.
The government of Tuzla canton told the crowd of largely middle-aged men that they had no authority over privately-owned companies. However, that may not have been entirely true. The majority of shareholders in the Konjuh furniture factory transferred their voting rights to the government of Tuzla canton several years ago.
Numerous protests have been held in Tuzla in recent years over the disappearance of jobs and the environmental devastation of what is now a post-industrial area. The Tuzla power station burns 330,000 tons of coal every year, and has seriously polluted the Jala River. Other pollutants have come from the factories, including chemical plants that have recently been shut down.
Many residents of Tuzla express Yugonostalgic sentiments, lamenting that the “reliable health service” and access to information offset some of their concerns about pollution in socialist times. They have long complained about being ignored by the authorities, and protests, pickets, hunger strikes, and sit-ins, in the former industrial boomtown are common.
The first clashes between police and protesters in Tuzla came on Wednesday, and continued through the following day. On Friday, dramatic images started appearing on Twitter: the local government building surrounded in still smouldering fires; broken computer monitors, scattered papers, and other debris thrown from the offices above; graffiti on facades calling on all politicians to resign.
Then the protests spread. Though most of the demonstrations were confined to the Federation — the Bosniak and Croat half of Bosnia and Herzegovina — several hundred Serbs showed up for a solidarity protest in Banja Luka, the Bosnian Serb capital.
Groups of organized protesters encouraged this kind of solidarity. A movement calling itself UDAR — the same name as opposition leader Vitali Klitshko’s political party in Ukraine — say they spontaneously formed this week as a response to the workers’ protests in Tuzla and are now “calling for an extension of the movement”. They’ve already produced a pretty sophisticated three-minute mobilization video available with both English and German subtitles. For UDAR, it’s important “that Bosniaks, Serbs and Croats are fighting together and reject the nationalism that is often used by the government to create splits between people.”
Despite the fact that many of them used determinedly anti-nationalist rhetoric, it was difficult for some diplomats to sympathize with the protesters after viewing images of plumes of black smoke rising over Sarajevo, cars (allegedly belonging to politicians) upside down in a drainage ditch, or reading news that historical archives from the Austro-Hungarian period had been incinerated in a fire.
Both the EU and United States were quick to issue condemnations of the “violent behavior”, which they described as “deplorable” and “inexcusable”. The EU thanked law enforcement agencies “for their efforts in extremely difficult circumstances.”
However, we received one report of possible police brutality from a journalist in Sarajevo: “I walked right past the old municipal building that protesters had just torched. A few minutes later, I watched a policeman billy-clubbing three protesters as other cops held them immobile.” There were also reports of police brutality earlier in the week.
The demonstrators blamed the police for all of the violence. A “Declaration by Workers and Citizens of the Tuzla Canton” released late Friday evening explained that, “Accumulated anger and rage are the causes of aggressive behaviour. The attitude of the authorities has created the conditions for anger and rage to escalate.”
Still, others have been left wondering how people across BiH could be so angry with the government that they would ransack and burn its buildings in several major cities.
Some believe the answer is built into the very foundation of the post-war state. The Dayton Peace Agreement, signed in Ohio in 1995, turned the country into a purgatory of two ethnically-segregated entities. Ever since, the international community’s guiding principle for building democracy in BiH has been “separate but equal”, with few positive results. Unfortunately, this has made it almost impossible for anyone to accept a supranational “Bosnian” identity.
In addition, ethnic elites have become the targets of scorn, and are increasingly viewed as corrupt servants of a dysfunctional system that keeps BiH hungry and poor, polarized and frozen. As another election approaches, the politicization of ethnicity and the ethnicization of politics appears even more absurd. As someone spray painted on the government building in Tuzla, “Death to nationalism”.
Presse contre-révolutionnaire (Balkanist, 8 février 2014)