La police travaille à Calais

Violences policières à Calais : Human Rights Watch condamne

L’ONG internationale Human Rights Watch, après une mission d’enquête à Calais, vient de publier un communiqué de presse et une vidéo sur la situation générale des exilés et en particulier sur les violences policières, dont elle met à nouveau en lumière le niveau alarmant, y compris contre les enfants.

Le préfet et le ministère l’intérieur répondent, comme ils le font depuis des années, qu’ils ne sont au courant de rien.

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Voici le texte du communiqué :

« France : Les migrants et les demandeurs d’asile victimes de violence et démunis
Il faut enquêter sur les allégations de mauvais traitements par la police à Calais et fournir un abri à tous

(Paris, le 20 janvier 2015) – Les demandeurs d’asile et migrants vivant dans le dénuement dans la ville portuaire de Calais sont victimes de harcèlement et d’exactions de la part de la police française, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les abus décrits à Human Rights Watch comprennent des passages à tabac et des attaques au gaz lacrymogène alors que les migrants et demandeurs d’asile marchaient dans la rue ou se cachaient dans des camions dans l’espoir de se rendre au Royaume-Uni.

Plusieurs milliers de demandeurs d’asile et migrants, la plupart en provenance du Soudan, d’Érythrée et d’Éthiopie, vivent dans des camps de fortune ou dans les rues de Calais. Certains ont affirmé que leur traitement par la police, le manque de logements pour les demandeurs d’asile et les retards dans le traitement des demandes d’asile les avait dissuadés de demander l’asile en France.

« Les demandeurs d’asile et les migrants ne devraient pas être victimes de violences policières en France et aucun demandeur d’asile ne devrait être condamné à vivre dans la rue », a déclaré Izza Leghtas, chercheuse de la division Europe de l’Ouest à Human Rights Watch. « Offrir des conditions d’accueil adéquates et un traitement humain aux demandeurs d’asile n’est pas seulement une question de respect des obligations légales, c’est également ce qu’il y a lieu de faire pour mettre fin à la situation dans laquelle se trouvent de nombreux demandeurs d’asile à Calais. »

En novembre et décembre 2014, Human Rights Watch s’est entretenu avec 44 demandeurs d’asile et migrants à Calais, dont trois enfants. La plupart des entretiens ont été menés en groupes. Les migrants et les demandeurs d’asile ont décrit ce qui semble être des exactions de routine par des policiers alors qu’ils tentaient de se cacher dans des camions ou alors qu’ils marchaient dans la ville.

Dix-neuf personnes, dont deux des enfants, ont déclaré que la police les avait maltraitées au moins une fois, notamment par le biais de passages à tabac. Huit ont eu des membres fracturés ou d’autres blessures visibles, qui, selon leurs dires, ont été causées par la police à Calais et dans les environs. Vingt et un, dont deux enfants, ont confié que la police les avait aspergés de gaz lacrymogène.

En novembre 2014, le directeur départemental de  sécurité publique, s’adressant aux journalistes, a nié les allégations de mauvais traitements. Dans une réunion avec Human Rights Watch le 16 décembre 2014, des conseillers membres du cabinet du ministre de l’Intérieur ont assuré qu’ils n’étaient pas au courant de cas de violences policières contre les migrants et demandeurs d’asile à Calais, mais qu’ils mèneraient des enquêtes si les allégations étaient fondées sur des « faits précis ». Le 14 janvier 2015, le préfet du département du Pas-de-Calais a nié tout usage injustifié de la force par la police à l’encontre des migrants à Calais.

La France est confrontée à une crise de l’hébergement pour les demandeurs d’asile. Actuellement, seulement un tiers des personnes qui demandent l’asile en France sont logées dans des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). En décembre 2013, 15’000 demandeurs d’asile étaient sur une liste d’attente pour obtenir une place dans un centre d’accueil. Le temps d’attente était de 12 mois en moyenne. Un projet de loi devant le Parlement vise à accélérer les procédures d’asile et à augmenter les hébergements disponibles dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile dans tout le pays.

Bien qu’il y ait eu des demandeurs d’asile et des migrants à Calais depuis plus d’une décennie, en raison de sa proximité avec le Royaume-Uni par train et par bateau, leur nombre a fortement augmenté depuis le printemps 2014. Le 14 janvier 2015, Denis Robin, préfet du Pas-de-Calais a déclaré à Human Rights Watch qu’il y avait environ 2 300 demandeurs d’asile et migrants dans la région de Calais. À la mi-décembre 2014, des organisations non gouvernementales locales ont estimé que 200 femmes et jeunes enfants vivaient dans des campements et que 50 femmes et jeunes enfants se trouvaient dans un centre géré par une organisation locale.

La plupart des migrants et des demandeurs d’asile à Calais n’ont pas d’abri contre le froid et la pluie, pas d’accès à des installations sanitaires et un accès très limité à l’eau courante. Un grand nombre d’entre eux dépendent de la nourriture fournie par des organisations de solidarité et des bénévoles locaux.

Pourtant, la réponse du gouvernement français aux mauvaises conditions de vie à Calais a été insuffisante et lente. Le ministre de l’Intérieur avait annoncé en novembre qu’un centre d’accueil de jour serait mis à disposition pour fournir des douches, des repas ainsi qu’une assistance juridique à 1 500 demandeurs d’asile et migrants à partir de janvier 2015. Mais le 15 janvier 2015, seuls des services limités étaient disponibles sur le site jusqu’en avril 2015. D’après l’association Vie Active qui gère le centre, l’hébergement de nuit ne serait disponible qu’en mars 2015 et ne concernera que 100 femmes et jeunes enfants.

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Turner : La Plage de Calais (1830)

Le gouvernement finance une autre association, Solid’R, pour gérer un hangar à Calais dans lequel des migrants peuvent dormir la nuit, dont l’ouverture est obligatoire lorsque la température ressentie est de moins cinq degrés Celsius ou inférieure. Les autorités ont la latitude de le laisser ouvert même lorsque la température est au-dessus des moins cinq degrés ressentis. Ce hangar a ouvert le 26 décembre 2014 et a été fermé le 2 janvier 2015, puis a ouvert à nouveau le 14 janvier 2015 du fait de vents violents dans la région. Le 5 janvier 2015, l’association qui gère ce hangar a informé Human Rights Watch que sa capacité maximale était de 500 places, soit un tiers des 1 500 places promises par le gouvernement. M. Denis Robin a informé Human Rights Watch que, si nécessaire, la capacité du hangar pourrait être augmentée pour atteindre les1 500 places promises par le gouvernement, mais que des travaux de rénovation seraient nécessaires. Une installation similaire était disponible les années précédentes, mais avec une capacité limitée à 120 places.

Des officiels ont informé Human Rights Watch en décembre 2014 et janvier 2015 que des mesures avaient été prises pour inscrire et traiter les demandes d’asile rapidement. Ils ont déclaré que le nombre de demandes d’asile avait fortement augmenté en 2014. Ils ont également affirmé que 422 places dans des centres d’accueil avaient été proposées a des demandeurs d’asiles venant de Calais, et que 500 places additionnelles allaient été mises à disposition dans des centres d’accueil en dehors de Calais pour accueillir les personnes qui demandent l’asile à Calais, bien que l’on ignore comment ces places seront attribuées et quand elles seront toutes disponibles.

Bien que ces mesures constituent une amélioration, la situation demeure éprouvante pour de nombreux migrants et demandeurs d’asile et les nouvelles installations sont rudimentaires. Le gouvernement français doit intensifier ses efforts pour faire en sorte que tous les demandeurs d’asile – y compris ceux qui sont couverts par le Règlement Dublin – soient logés sans délai comme l’exige la législation européenne, selon Human Rights Watch. Le gouvernement devrait envisager de rendre l’abri d’urgence disponible indépendamment de la température ressentie et s’assurer qu’il y ait suffisamment de places pour tous les migrants sans papiers qui dorment dehors.

Le gouvernement français devrait également enquêter immédiatement sur les témoignages de violence policière à l’encontre des demandeurs d’asile et des migrants à Calais et garantir que toute personne reconnue responsable de tels actes soit amenée à rendre des comptes. Le gouvernement devrait fournir des directives claires aux policiers spécifiant l’interdiction de l’utilisation injustifiée et disproportionnée de la force, notamment des gaz lacrymogènes.

« Le gouvernement français devrait mettre un terme à toute violence policière et honorer son engagement à fournir rapidement un logement aux demandeurs d’asile », a conclu Izza Leghtas. « Une solution durable à la crise à Calais est attendue depuis longtemps. » »

Passeurs d’hospitalités, 20 janvier 2015

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[L’histoire du terrorisme est écrite par l’État] Aux armes etcetera

Opération à Comines : les armes des attentats de Paris seraient liées à un habitué de l’extrême-droite flamande

Mardi soir, une opération policière d’envergure menée à Comines visait à fouiller le domicile de Claude Hermant, figure notoire de l’extrême droite radicale française. Ce trafic d’armes aurait un lien avec les actes terroristes qui ont secoué la France en ce début d’année, porte de Vincennes, dans le magasin Hyper Cacher. Entre les mains de Coulibaly, des armes de guerre fournies par un radical installé chez nous, en Belgique.

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Le domicile cominois de Claude Hermant a été ciblé par les autorités car il était suspecté d’être une cache d’armes. Si l’opération n’a pas permis de mettre la main sur les armes recherchées, plusieurs « documents pouvant intéresser l’enquête » ont été saisis.

Selon certains riverains, évacués parmi les derniers, il s’agirait de deux gilets pare-balles et de 4 caisses en carton au contenu toujours inconnu.

Le trafic d’armes organisé par Claude Hermant concernerait principalement des armes démilitarisées importées de Tchéquie. Notamment de puissants fusils-mitrailleurs de type « Skorpion ».

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Éric Ciotti travaille.

Selon de nouvelles informations fournies par nos confrères de la Voix du Nord, certaines armes de ce trafic auraient servi aux actes terroristes survenus à Paris entre le 7 et le 9 janvier. La police judiciaire de Lille se penche sérieusement sur l’affaire de la prise d’otage dans l’Hyper Cacher. Les armes en possession de Coulibaly pourraient provenir des stocks de Claude Hermant.

Publié par des larbins de la maison Poulaga (NordEclair.be, 23 janvier 2015)

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Nouvelle fuite de tritium à Bugey

Communiqué de presse de Sortir du nucléaire Bugey suite à la nouvelle fuite de tritium à Bugey et l’annonce de la prolongation de Bugey 5 jusqu’en 2022

Un communiqué du CNPE (en date du 9 janvier) révèle l’existence d’une nouvelle fuite de tritium dans les eaux souterraines du site de Bugey.

Nouvelle fuite ?… Oui, car, déjà, fin 2012, début 2013 la centrale avait « laissé échapper » des quantités très importantes de cette forme d’hydrogène radioactif.

Contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, la centrale nucléaire du Bugey ne serait pas fiable et laisserait fuir des éléments radioactifs en quantité ?

Dans la communication du CNPE, on peut lire que le tritium « présente une très faible énergie et une très faible toxicité́ pour l’homme et l’environnement ».

Or, le tritium, qui est un élément gazeux ou liquide, est très difficilement confinable ; il traverse les métaux et le béton. L’industrie nucléaire a longtemps considéré cet élément radioactif — et continue de le présenter — comme inoffensif, mais des études récentes montrent que la toxicité du tritium a largement été sous-évaluée, notamment quand il est absorbé par l’organisme. Il pénètre alors dans l’ADN des cellules.

Ce n’est effectivement pas la première fuite de tritium à la centrale du Bugey, une affaire juridique est en cours pour la fuite survenue en 2012.

Le 15 octobre 2012, l’exploitant de la centrale nucléaire du Bugey avait déclaré à l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) un événement ayant des conséquences  pour l’environnement, relatif à une évolution très anormale de la teneur en tritium dans les eaux souterraines au droit du site. Il est à rappeler que la centrale se situe en amont de Lyon.

Le 22 février 2013, le Réseau « Sortir du nucléaire » a déposé une plainte pour pollution des eaux. Le Parquet de Bourg-en-Bresse a décidé d’engager des poursuites. L’affaire sera audiencée très prochainement.

Alors que l’ASN vient de prendre sa décision d’autoriser la prolongation du réacteur n° 5 jusqu’en 2022 [Ce réacteur n°5 est reconnu par cette même ASN comme … fuyard ! Il devra ainsi être soumis à de nouveaux tests d’étanchéité avant fin 2016 ! Mais, cela ne pose apparemment aucun problème : l’ASN autorise le fonctionnement d’un réacteur qui fuit… En 2022, il aura 43 ans, si tout va bien jusqu’à là…], nous apprenons l’existence de cette nouvelle fuite de tritium. De toute évidence, cette installation nucléaire, qui a largement dépassé son temps initial de fonctionnement, est de plus en plus vétuste, et présente des signes très inquiétants en termes de sécurité et de santé publiques. Mais EDF s’acharne à maintenir coûte que coûte en activité cette installation alors que des signaux très alarmants se multiplient depuis des mois… Faut-il réellement attendre une véritable catastrophe pour réagir ?… NON, la centrale du Bugey n’est NI propre, NI fiable.

SDN Bugey réclame et exige l’arrêt de Bugey qui, en plus d’être un gouffre financier, représente un véritable danger pour les populations et les travailleurs.

Mailing, 20 janvier 2015

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[Toulouse, 23-24-25 janvier] Festival de la Caisse antirep de la CREA Vol.2

http://juralib.noblogs.org/files/2015/01/0114.jpghttp://juralib.noblogs.org/files/2015/01/00.pngCREA

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[L’histoire du terrorisme est écrite par l’État] Grigny, 8 mai 2007

Prison avec sursis pour un policier ayant tiré à balles réelles vers des émeutiers à Grigny

Près de huit ans après les faits, un policier de l’Essonne a été condamné, vendredi 16 janvier, à trois mois de prison avec sursis pour avoir fait croire qu’il n’avait tiré avec son arme qu’à trois reprises, au lieu de six, lors de violences urbaines dans le quartier de la Grande Borne, à Grigny, en 2007. La cour d’appel de Paris l’a déclaré coupable du délit de « modification de l’état d’un crime ou d’un délit ». Sa condamnation ne sera pas inscrite à son casier judiciaire.

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Vers 22h20, le 8 mai 2007, trente à quarante jeunes gens attaquent avec des pierres et des cocktails Molotov des policiers venus surveiller le tournage d’un clip vidéo. L’affrontement est qualifié de « particulièrement dur » par les forces de l’ordre, rapidement débordées. Celles-ci tirent avec leurs Flash-Ball et utilisent des grenades lacrymogènes. Sans effet. « Nos munitions n’avaient aucune conséquence sur la détermination de nos assaillants », raconte le chef de la brigade anticriminalité (BAC) devant les enquêteurs de l’inspection générale de la police nationale (IGPN).

SIX COUPS DE FEU

La vingtaine de policiers est obligée de se replier dans une station-service un peu plus loin. Les violences se poursuivent. Sur des images de la vidéosurveillance, on voit notamment un individu en train de saisir le pistolet d’une pompe à essence puis tenter de l’allumer avec un briquet — sans y parvenir. Dans la panique, selon le récit donné par les forces de l’ordre, un des policiers tombe. Un émeutier qui se trouve à une dizaine de mètres le voit et se prépare à lancer un cocktail Molotov.

Le brigadier-chef [Yanneck Pageaud], fait alors feu avec son arme de service pour protéger son collègue. À trois reprises, assure-t-il. Le jeune homme, âgé de 17 ans, est touché au bras, mais il parvient à s’enfuir. Interpellé à l’hôpital peu après, il reconnaît, après seize heures de garde à vue, avoir lancé un cocktail Molotov éteint sur les policiers alors qu’il se trouvait à une cinquantaine de mètres. La justice décide de l’écrouer et ouvre une information judiciaire pour tentative de meurtre.

Mais l’enquête menée par l’inspection générale de la police nationale révèle finalement que six coups de feu ont été tirés par le policier. Trois caméras de vidéosurveillance ont également démenti la version des policiers. Confronté aux découvertes sur le nombre de tirs, le brigadier-chef de la BAC revient sur ses déclarations.

MENSONGE DU POLICIER

Devant l’IGPN, il reconnaît avoir utilisé dans la « panique » les six cartouches de son revolver Manhurin. Il avoue aussi s’être débarrassé de trois douilles « dans une bouche d’égout ou dans un terrain vague » pour tenter de dissimuler ses tirs. « J’ai craint que l’administration trouve mon comportement excessif et que d’avoir tiré six cartouches était trop par rapport à la situation vécue », assurait le policier, bien noté par sa hiérarchie.

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Le procureur de la République d’Évry de l’époque, qui en a eu connaissance, ne transmet pourtant ces éléments ni au juge d’instruction ni à la défense du jeune homme blessé par les tirs et placé en détention provisoire. Ils ne leur seront révélés que neuf mois après les faits, de façon fortuite, lorsque le juge demandera de nouvelles expertises.

Le mensonge du policier révélé, le jeune homme est remis en liberté, le 22 février 2008, « avec les excuses de la justice ». Le doute subsiste sur ses agissements ce soir-là, mais il lui profite aujourd’hui. « Même si sa présence aux abords de l’émeute comme simple spectateur paraît peu crédible, résume l’ordonnance de non-lieu, il n’en demeure pas moins qu’aucun élément, ni matériel ni de témoignage, ne permet d’affirmer le contraire. »

Une fois hors de cause, il se constitue partie civile. En première instance, le tribunal correctionnel d’Évry avait jugé, le 12 septembre 2011, sa constitution de partie civile irrecevable. Le jeune homme avait fait appel. Vendredi, la cour d’appel a donc condamné le policier, mais a débouté le jeune homme, qui demandait des dommages et intérêts.

Presse antiémeute (LeMonde.fr avec l’Agence Faut Payer, 16 janvier 2015)

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[L’histoire du terrorisme est écrite par l’État] « Éprouver la politique comme une réalité dont ils sont partie prenante »

Ce n’est pas des élèves que nous avons peur

« De nouveau, la laïcité et la Marseillaise resurgissent comme une thérapeutique idéale, espérant formater les élèves selon un modèle standardisé et docile », constatent pour le regretter les enseignant.e.s et chercheurs/ses sur l’école Vincent Casanova, Grégory Chambat, Laurence De Cock, Laurent Ott, Ugo Palheta, Irène Pereira, Valentin Schaepelynck, Emmanuel Valat et Viviane Vincente, alors que les élèves ont besoin « d’éprouver la politique comme une réalité dont ils sont partie prenante ».

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Les attentats ignobles et injustifiables des 7, 8 et 9 janvier ont déclenché une émotion populaire d’une ampleur inégalée, mais aussi une tentative – de la part du gouvernement, des partis institutionnels, relayés par les « grands » médias – d’imposer à marche forcée une « Unité  nationale », rendant quasiment inaudibles toutes voix discordantes.

Par décision du président de la République, le jeudi 8 janvier est ainsi devenu « jour de deuil national » et la minute de silence organisée ce jour-là dans les établissements scolaires a parfois suscité des questions, des remous voire des rejets. Nous ne cherchons pas à les ignorer, bien au contraire, mais nous aimerions en rétablir les justes proportions – il y a 64’000 établissements scolaires en France – et en discuter le sens. Certaines déclarations qui ont suivi les « incidents » indiquent de fait une orientation inquiétante :

le 13 janvier, la journaliste qui dirige le service politique de France 2, Nathalie Saint-Cricq, a affirmé à l’antenne : « Il faut repérer et traiter ceux qui ne sont pas Charlie ». Ne pas s’identifier à Charlie serait donc déjà, sinon un délit, du moins un « trouble » ou, comme l’a écrit récemment le sociologue Hugues Lagrange, l’expression des « tares morales et des inconduites (…) des minorités issues des pays colonisés » ? Cette stigmatisation ne peut qu’alimenter l’idée d’une liberté d’expression réservée à quelques-uns ; une idée qui est probablement pour beaucoup dans le refus manifesté par une minorité d’élèves de se plier au rituel du recueillement collectif ; une idée nourrie aussi par la trop fréquente absence de condamnation des propos racistes et islamophobes qui irriguent régulièrement les débats publics. En outre, le mot d’ordre contestataire « Je ne suis pas Charlie » peut prendre des significations très variables. Toutefois, pour la grande majorité des élèves, il ne s’agit certainement pas d’un refus de condamner les attentats, mais d’une mise en question de l’évidente sélectivité de l’émotion médiatique et d’une critique des tentatives (réelles) de récupération politique.

• le 14 janvier, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, a déclaré à l’Assemblée nationale : « Même là où il n’y a pas eu d’incidents, il y a eu de trop nombreux questionnements de la part des élèves. Et nous avons tous entendu les « Oui je soutiens Charlie, mais », les « deux poids, deux mesures », les « pourquoi défendre la liberté d’expression ici et pas là ? » Ces questions nous sont insupportables, surtout lorsqu’on les entend à l’école, qui est chargée de transmettre des valeurs ». Questionner serait donc devenu insupportable. Pourtant, pour nous, il n’y a pas d’enseignement possible sans le questionnement d’un certain nombre d’évidences partagées. C’est sur cette base qu’il est possible d’amener les élèves à penser autrement qu’ils ne l’auraient fait spontanément, au terme d’un échange de paroles, d’arguments impliquant une relation, une écoute réciproque. Il s’agit là d’un travail difficile, et dont les résultats ne sont jamais acquis, mais y renoncer équivaudrait à abandonner toute ambition pédagogique. En outre, cela ne peut guère se produire sous la pression d’une injonction institutionnelle, en condamnant a priori les propos dissonants ou sous la menace de la répression. Le métier d’enseignant n’est pas de « faire silence », puisqu’il implique bien au contraire de travailler avec les mots. Le silence effraie les plus petits et frustre les plus grands. Si le partage de l’émotion a sa place dans les salles de classe, notre travail reste bien d’interroger le réel.

De plus, dans un contexte où l’« unité nationale » est censée s’étendre jusqu’au domaine éducatif, les valeurs de la République sont présentées comme un catéchisme d’autant plus éloigné de l’expérience des élèves que ses valeurs sont concrètement niées. De nouveau, la laïcité et la Marseillaise resurgissent comme une thérapeutique idéale, espérant formater les élèves selon un modèle standardisé et docile. Pour notre part, ce n’est pas des élèves ou des adolescents que nous avons peur, et nous avons confiance dans leur capacité à développer une pensée autonome et généreuse. Notre considérons en effet que notre rôle d’enseignant et d’éducateur ne consiste ni dans un exercice de dressage ni dans une entreprise d’adaptation au monde tel qu’il va (mal), mais de rendre les jeunes capables d’une pensée critique, exigeante, nourrie d’entraide et d’idéaux collectifs.

Si l’école dysfonctionne, ce n’est pas en raison d’élèves aux paroles provocatrices qu’il faudrait « détecter » et « traiter », mais parce qu’elle a été notamment dévastée par des économies budgétaires opérées sur le dos des personnels et des élèves, particulièrement dans les quartiers populaires comme le rappellent depuis des mois les mobilisations pour le maintien des réseaux d’éducation prioritaire. Des zones entières du pays concentrent un chômage endémique et n’offrent que des services publics dégradés, une partie importante de leurs populations subissant un racisme structurel. La République « une et indivisible » est ainsi une formule qui se vide quotidiennement de son sens. Nous refusons donc la stigmatisation et la criminalisation des adolescent.e.s qui se dessinent aujourd’hui. Elles se sont déjà traduites par l’ordre donné aux établissements de faire remonter la liste des « récalcitrants », et parfois par une répression policière et judiciaire disproportionnée. Les effets de ces mesures ne peuvent être que délétères et augmenter encore plus, et à juste titre, la défiance des jeunes envers l’institution.

Aussi, pour remédier à cette situation, les élèves n’ont-ils pas besoin comme on l’entend un peu partout d’un surcroît d’éducation civique ou cours de « fait religieux » qui ne seront qu’un inutile pansement supplémentaire sur un cadre et des programmes scolaires déjà largement inadaptés ; ils ont besoin au contraire d’éprouver la politique comme une réalité dont ils sont partie prenante. Ils ont besoin de saisir qu’ils sont les co-bâtisseurs de la société de demain.

D’autres l’ont dit avant nous, il est temps de redonner du sens à la principale mission de l’école : l’émancipation, individuelle et collective. La démocratie de demain se prépare dans l’école d’aujourd’hui. Mais qui parie encore, au jour le jour, dans la démocratie et dans l’école ? Nous et tant d’autres avec qui nous travaillons !

Vincent Casanova, Grégory Chambat, Laurence De Cock, Laurent Ott, Ugo Palheta, Irène Pereira, Valentin Schaepelynck, Emmanuel Valat et Viviane Vincente – Mediapart, 20 janvier 2015

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[Montpellier, samedi 24 janvier] Rassemblement contre la violence d’État et celle de sa police

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[21 février à Toulouse] Appel du collectif ZAD 31

Le 21 février à Toulouse, manifestation en soutien aux ZAD et contre le monde des bétonneurs
Appel

La mort d’un homme le 25 octobre 2014 face aux forces de l’État sur la ZAD du Testet a marqué le début de deux mois de lutte à Toulouse, où se sont succédé manifestations, actions publiques et occupations. Ce mouvement fait écho à ceux qui animent les ZAD, à Notre-Dame-des-Landes, au Testet, et ailleurs, là où une occupation s’est installée pour s’opposer aux projets nuisibles de l’État. Les modes d’organisation et de vie commune expérimentés sur les ZAD ont été mis en pratique à Toulouse, dans les espaces arrachés un moment au contrôle de la Métropole.

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Par « Métropole » nous désignons l’organisation autoritaire et destructrice du territoire mise en place par l’État et les multinationales qui aménagent nos vies. Un véritable rouleau compresseur, qui réduit les milieux de vie à leur capacité de captation et de gestion des flux, conforme les lieux et les pratiques aux impératifs du marché, et étend dans toutes les directions ses tentacules d’infrastructures d’acier et de béton. Ici un aéroport, là une voie rapide, une retenue d’eau ou un parc à touristes.

Sur les ZAD comme à Toulouse, l’enjeu est bien le même. Il s’agit de reconquérir notre autonomie politique, notre capacité à s’organiser et s’entraider. Mais aussi de reprendre en main nos existences, de faire vivre et de défendre collectivement nos territoires. De se réapproprier ce que la Métropole nous confisque. D’ouvrir des brèches dans le monde morbide que nous construisent les aménageurs, pour y réinsérer de la joie de vivre, de la création, de la diversité et du bonheur.

Il y a un an, plusieurs dizaines de milliers de personnes convergeaient à Nantes pour dire leur refus de l’aéroport et de son monde, celui qui impose la subordination d’un bout de bocage à la métropole Nantaise. Mais aussi pour soutenir la ZAD, porteuse d’un autre monde plus respectueux de l’humain et du vivant. Face à ce mouvement populaire, l’État se crispe, réprime, mutile et tue.

L’« union républicaine » soudain proclamée de toutes parts s’accompagne de la militarisation de l’espace public et prépare le terrain pour des lois sécuritaires, qui donneront de nouveaux moyens à la répression d’État. Face à ces dérives, nous sommes déterminé-e-s à défendre les ZAD pour continuer à y construire des expériences et des pratiques communes.

Il ne se passe plus un mois sans qu’un ministre promette la fin d’une ZAD. Force est de constater que nous opposons à la vanité des réactions de la classe dirigeante la puissance de nos actions et de nos convictions. Les ZAD essaiment. Il faut les soutenir.

Le 21 février à Toulouse, à 60 km de la ZAD du Testet, rassemblons-nous nombreuses et nombreux à nouveau. Nous montrerons notre force créatrice au cours d’une manifestation, dans toute notre diversité. Nous ouvrirons une nouvelle brèche dans le monde formaté de la Métropole, chacun-e à notre manière. Nous nous réapproprierons nos espaces. Ce regroupement massif et éphémère nous appartient. Il sera le pendant de l’émergence progressive des mondes nouveaux porté par les ZAD.

Toutes et tous à Toulouse samedi 21 février 2015 !

Collectif ZAD 31

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[Journées libertaires de Pau 2015] « Résistances et révolutions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient »

http://juralib.noblogs.org/files/2015/01/0112.jpgJournées libertaires de Pau, édition 2015 : « révolutions et résistances en Afrique du Nord et au Moyen Orient »

Après un premier colloque pour la commémoration du centenaire du congrès anarchiste d’Amsterdam de 1907 qui s’est déroulée en décembre 2007. Chaque année, la section étudiante de la CNT-AIT organise des journées libertaires qui proposent d’aborder un thème particulier sous l’angle libertaire au travers de conférences, concerts, expositions, films …  et en faisant appel à des personnalités extérieures.

Cette année, nous avons choisi de traiter le thème des révolutions et des mouvements de résistance en Afrique du Nord et au Moyen-Orient pour les journées libertaires 2015 qui auront lieu du 16 au 21 février.

Nous jugeons que trop de clichés circulent sur la réalité de cette région du monde qui connaît aujourd’hui un vaste mouvement des peuples pour leur émancipation, et qui se confronte à des forces diverses qui veulent l’étouffer. Depuis 2010-2011 et le printemps des révolutions, cette lutte pour l’émancipation s’est intensifiée. Comment résister et réinventer la politique dans des contextes d’extrême violence ? Comment résister dans un totalitarisme théocratique comme en Iran ? Que s’est-il passé et que se passe-t-il en Tunisie et en Égypte ? Ceux que nous avons invité pour intervenir, connaissent bien ces sujets, d’abord parce qu’ils viennent de cette région du monde, ensuite parce que ce sont des militants, des acteurs de ces luttes. Ils viennent nous porter leur éclairage, pour ne pas nous laisser tributaires de la propagande médiatique officielle.

Pinar Selek viendra nous parler des « luttes antiviolentes dans les contextes d’extrême violence », cette féministe turque a toujours pris le parti des minorités réprimées en Turquie (enfants des rues, femmes, homosexuels et trans, Kurdes…) et en a subi les conséquences. Tewfik Allal et Sérénade Chaffik, du manifeste des libertés, nous parleront des révolutions tunisienne et égyptienne. Enfin, Somayeh Khajvandi, iranienne, réfugiée politique en France, préparant une thèse universitaire sur ce sujet, en compagnie de Behrouz Safdari, traducteur en persan des ouvrages situationnistes, nous parlerons de « la pratique amoureuse, forme de résistance sous un État totalitaire théocratique : l’Iran ».

Une exposition sur les mouvements anarchistes de la région aura lieu à l’université de Pau. Les anarchistes sont depuis longtemps une réalité, souvent minoritaire mais parfois influente, dans ces mouvements de résistance. Cette exposition nous propose un voyage dans l’espace et le temps pour entrevoir cette réalité anarchiste d’hier et d’aujourd’hui, quelques grandes figures et l’implication libertaire dans les révolutions tunisienne, égyptienne et syrienne depuis 2010.

Un concert avec Klaustomi, La Vermine et Qrab en soutien aux journées aura lieu le vendredi.

Un petit salon du livre anarchiste aura lieu le mercredi de 10H à 17H au local de la CNT-AIT.

Enfin, une exposition d’artistes locaux inspirés par le sujet clôturera ces journées le 21 février.

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Le comité d’organisation

Pour plus d’infos, vous pouvez consulter notre blog :
journeeslibertairespau.blogspot.fr

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[Namissiguima, Burkina Faso] Hideux dans leur apothéose / Les rois de la mine et du rail / Ont-ils jamais fait autre chose / Que dévaliser le travail ?

Burkina Faso : Des manifestants incendient les installations d’une société minière

Des manifestants, mécontents de l’implantation d’une société minière dans une zone réputée être un lieu de pèlerinage musulman, ont incendié mercredi [14 janvier] les nouvelles installations et les engins de la société, marquant leur opposition au démarrage des travaux de la société.

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Vue de l’incendie mercredi à Noogo

Des habitants du village de Noogo, commune de Namissiguima, province du Yatenga, située au Nord du Burkina ont mis le feu aux engins de la nouvelle mine qui s’apprêtait à lancer ses travaux. Selon les manifestants, l’exploitation de la zone minière risque d’entraîner la destruction du site de la mosquée de Ramatoulaye [sic – NdJL], lieu par excellence de pèlerinage musulman au Burkina Faso.

Pourtant, la société minière canadienne True Rechercher True Gold a obtenu une licence d’exploitation industrielle, de conformité environnementale et de réalisation d’étude de faisabilité de l’État burkinabè. Elle devait alors démarré ses travaux sur quatre sites pour une exploitation minière.

Dès l’accord de la licence d’exploitation par l’État, les populations des localités concernées avaient émis des préoccupations, qui selon elles, avaient été transmises aux autorités. Mais à leur surprise, la mine s’apprêtait à lancé ses activités avant la prise en compte des préoccupations émises.

Selon certains témoins, quelques heures avant l’incendie du site, les responsables de la mine étaient allés voir le Cheikh de Ramatoulaye pour discuter du problème mais les manifestants n’ont pas attendu la fin des échanges.

« Nous avons essayé de dialoguer d’abord avec les responsables des manifestants en leur disant d’attendre l’arrivée des autorités régionales. Quand les autorités sont arrivées, elles n’ont pas eu le temps d’échanger avec leurs responsables que les manifestants sont venus en masse, les obligeant à se retirer », a indiqué le commandant de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) de Ouahigouya, le commissaire de police Aboubakary Siribié.

« La sécurité de Truegold nous a informé que des populations venues de Namissiguima et de Ramatoulaye s’apprêtaient à faire une descente sur la société (…) des instructions ont été données d’intervenir. C’est ainsi que les éléments de sécurité ont utilisé les gaz lacrymogènes pour repousser les frondeurs mais étant donné qu’ils étaient nombreux, ils ont réussi à incendier le matériel », a-t-il relaté.

Au Burkina Faso, l’or représente à lui seul 4% du PIB du pays. Depuis 2009, l’or a pris la place du coton comme première source de devises. Il a rapporté l’année dernière près de 200 milliards de francs CFA, soit plus de 300 millions d’euros. La production espérée en 2015 est de 39 tonnes.

De nouvelles mines sont en construction à Karma, au nord du pays, Houndé et Niankorodougou à l’ouest, et Batié dans le sud.

Presse antiémeute (Koaci.com, 15 janvier 2015)

 

(…) Des sources proches de la localité ont expliqué que « les manifestants ont intimé à la société de ne pas commencer ses activités dans le village, l’accusant de non respect des cahiers de charges et soupçonnant des dégradations éventuelles de son environnement après le passage des machines de True Gold ». (…)

Presse antiémeute (APA via StarAfrica, 15 janvier 2015)

 

Burkina Faso : Crise à True Gold – Des domiciles et des biens de natifs de la localité incendiés

Chaque jour qui passe voit se détériorer la situation à Namissiguima. Après l’incendie des biens appartenant à la société minière True Gold le 14 janvier dernier, des jeunes révoltés s’en sont pris aux natifs de Namissiguima jugés proches des responsables de la mine.

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C’était le 16 janvier, lors d’une journée très mouvementée qui a vu le saccage ou l’incendie d’au moins quatre maisons. Un véhicule appartenant à El Hadj Abdoul Bonaf Maïga, frère cadet du Cheick de Ramatoulaye, a également subi la furie des flammes. Pour l’heure, la population rejette toute idée de recevoir le gouverneur de la région du Nord, Hassane Sawadogo.

Décidemment, plus rien ne va à Namissiguima. En effet, après l’incendie des installations de la société minière True Gold le 14 janvier dernier, des jeunes ont décidé, le 16 janvier de s’en prendre aux natifs de la localité jugés « proches » de la société. Dès 10h50 mn, quelques commerçants du marché central de Namissiguima, inquiets, ont fermé boutique.

Des jeunes dont l’âge varie entre 10 et 25 ans prennent en otage la localité, à la recherche des domiciles de personnes jugées proches de la mine d’or de Karama. Les forces de l’ordre sont déployées en grand nombre. Première cible des manifestants : la résidence de l’ex-maire de Namissiguima, Abdoulaye Ouédraogo.

Sa cour, toujours en construction, a été mise à sac et incendiée partiellement. Au quartier Toghin, réside un « traître » du nom de Souleymane Tinto.

Sa maison sera complètement saccagée et sa moto totalement incendiée. Tinto Charles et Tinto Gérard ont également reçu la visite des « insurgés » qui ont commis les mêmes dégâts à leurs domiciles.

Après les différents quartiers de Namissiguima, les jeunes prennent la direction de Ramatoulaye. Là, ils investissent la maison du petit frère du Cheick Aboubacar Maïga 2, Abdoul Bonaf Maïga. Son véhicule stationné dans la cour a été retiré de force pour être incendié à quelques 2 km environ, dans un espace vide.

Pourquoi s’en prendre à toutes ces personnes natives de Namissiguima ? À cette question, les réponses sont diverses. Pour ce qui est de l’ex-maire, on le soupçonne d’être très clément envers les autorités minières, d’être de connivence avec elles.

« Depuis le début de notre bagarre avec le Blanc (Ndlr : l’autorité minière), Abdoulaye ne s’est jamais joint à cette lutte. Il ne nous a jamais approchés pour comprendre quoi que ce soit. Nous avons alors compris que c’est un traître à la solde de True Gold », a confié Ali Ouédraogo (15 ans). « Ce monsieur (Ndlr : Abdoulaye Ouédraogo) veut nous vendre avec True Gold et aller vivre tranquillement à Ouahigouya. Il n’en est pas question », a fustigé Abdoulaye Bagagnan (19 ans).

Quant à Souleymane Tinto, recruté par la mine, on lui reproche de n’avoir pas respecté un mot d’ordre décrété par les habitants de toute la commune, lui demandant de cesser de travailler à la mine. À en croire les frondeurs, l’homme continuait toujours d’y travailler et à percevoir son salaire. Pire, sa rémunération aurait même été majorée.

Quant à Souleymane Tinto, on lui prête également des propos du genre : « Qu’il pleuve ou qu’il neige, True Gold ne quittera pas Namissiguima » ou encore, « Quand vous serez fatigués de manifester, vous resterez tranquilles ».

Les victimes sont toutes des natifs de Namissiguima

Le paradoxe le plus frappant vient de El Hadj Adoul Bonaf Maïga, petit frère du Cheick. Présent à toutes les assemblées générales contre les travaux de la mine, il a pourtant subi le courroux des manifestants. Son crime : il serait de mèche avec les responsables de la mine.

Selon une autre version, son véhicule a été incendié pour éviter qu’il naisse une idée de discrimination entre les habitants de Namissiguima et ceux de Ramatoulaye. En effet, toutes les personnes dont les biens ont été brûlés sont toutes de Namissiguima, chef-lieu de la commune.

L’intéressé que nous avons rencontré dit attendre les raisons de l’agression de son domicile. « Je n’ai jamais été de mèche avec True Gold. Qu’on m’en donne la preuve », a-t-il dit.

Lors de la prière du vendredi, Cheick Aboubacar Maïga 2 est revenu longuement sur les derniers évènements qui ont émaillé la localité. À son avis, la patience des populations a duré 4 ans.

« Nous avons tout fait pour éviter ces évènements malheureux, mais quand les jeunes sont fâchés, on ne peut plus les contrôler. Nous ne sommes pas contre les autorités administratives, mais nous voulons simplement leur dire qu’elles doivent prendre en compte les préoccupations des populations qui sont légitimes. Que mes bénédictions accompagnent la transition. Que Dieu le Miséricordieux mette sa main sur le Premier ministre Isaac Zida et son gouvernement, afin qu’il y ait des élections apaisées. Le nouveau gouverneur m’a appelé ce matin pour me dire qu’il voulait venir ici ce soir (Ndlr : vendredi 16 janvier), et je lui ai dit qu’il m’est difficile de le recevoir dans ce contexte. Ou bien peut-il venir ? », a-t-il demandé aux fidèles qui ont massivement pris d’assaut la grande mosquée. Ceux-ci ont répondu en chœur que la venue du gouverneur est pour l’instant inopportune.

À noter que nous sommes allés vers les responsables de True Gold pour avoir leur version de cette situation qui perdure. Après nous avoir fait attendre longtemps, la société s’est refusée à tout commentaire.

Presse antiémeute (Hamed Nabalma, AllAfrica, 19 janvier 2015)

 

Protestations au Burkina : Séparer l’ivraie du bon grain

La chienlit est-elle en train de s’installer au Burkina ? Au regard de ce qui se passe jour après jour et semaine après semaine, il faut malheureusement le craindre. Les contestations et les protestations doublées d’un incivisme hasardeux et désolant ont pris des proportions démesurées et glissantes. Cette question des contestations tous azimuts est difficile à aborder parce qu’ici il y a la sincérité, et là, il y a la mauvaise foi.

Telle contestation se justifie solidement et telle autre est une subtile machination. Si par exemple, s’opposer à la prise de fonction de Adama Sagnon en qualité de ministre de la culture et du tourisme se défend, si exiger la démission du ministre Moumouni Diéguimdé pour les faits à lui reprochés est fondé, si manifester contre la nomination du directeur général de la CAMEG peut se justifier, a contrario, les grognes à tous vents et sans arguments solides sont déplorables voire condamnables. Surtout que certaines manifestations semblent être instrumentalisées au bénéfice de personnes mécontentes de perdre des avantages ou mues par des désirs de vengeance.

Comment comprendre autrement ce groupe de gens qui ont manifesté dans l’Est contre le remplacement d’un directeur régional, élu par ailleurs membre du Conseil National de la Transition (CNT) ? La double raisons avancées par les manifestants — tenez-vous bien — étant que d’une part le nouveau directeur régional nommé en remplacement de celui devenu député de la transition est un cousin au ministre qui l’a nommé et d’autre part, il aurait commis antérieurement des malversations. L’enquête on le sait a démontré que ce sont là des accusations infondées s’apparentant à une diffamation gratuite. Visiblement les populations ont été induites en erreur. Comment comprendre également qu’on manifeste pour le maintien d’un haut-commissaire au prétexte qu’il est compétent. Être compétent signifie-t-il être irremplaçable et éternel ? Est-ce qu’à la nomination de celui-ci les populations savaient à quel type de personnage elles auraient affaire ? Qui dit que le nouveau haut-commissaire ne sera pas meilleur ? Pourquoi notre mémoire est-elle si courte ? N’est-ce pas de pareils arguments sur un Blaise Compaoré irremplaçable qui ont suscité l’insurrection populaire l’ayant emporté ? Il n’y a personne qui soit irremplaçable ne serait-ce que parce que nous sommes tous de simples mortels. Il faut que les populations arrêtent de se faire instrumentaliser.

Il y a aussi ces protestations qui sont fondées mais qui ont pris des formes répréhensibles. C’est le cas des manifestations des populations de la commune de Namissiguima dans le Yatenga qui ont incendié le 14 janvier des installations et équipements de la société minière True Gold sur le site du projet Karma près de Ouahigouya. Dans le fond ces populations ont raison dans la mesure où elles avaient à plusieurs reprises lancé des avertissements et attiré l’attention des autorités sur les désagréments multiples qu’engendrerait l’exploitation minière dans cette localité. Pour autant fallait-il qu’elles s’expriment avec tant de violence pour se faire entendre ? En s’organisant les populations de Namissiguima ne pouvaient-elles pas empêcher le démarrage des travaux de la mine par exemple par des sit-in ininterrompus sur le site ?

Aider les autorités de la transition à redresser ce qui est tordu

L’on pourrait multiplier les exemples de manifestations dont les unes sont aussi suspectes qu’illicites et les autres aux formes déplorables. Apparemment des gens de mauvaise volonté à travers des officines malodorantes sont en train de saper les fondements de la transition. Apparemment de l’ivraie en grande proportion est en train de se mélanger voire de supplanter le bon grain de notre révolution.

Bien entendu, ce « salmigondis » social nous a été légué par le régime Compaoré qui a laissé la gabegie et la corruption gangréner la société burkinabè. C’est un régime qui laissait faire et pourrir la situation avant d’accourir en médecin après la mort. Le régime Compaoré a tant bradé l’autorité de l’État à travers l’injustice et la corruption que ce n’est pas du jour au lendemain que celle-ci renaîtra comme par enchantement. C’est à tous les acteurs à quelque niveau que ce soit d’œuvrer à la restauration de l’autorité de l’État et du civisme et non aux seuls leaders de la transition. Et les premiers de ces acteurs devraient être les responsables politiques qui ont tous curieusement disparus de la scène de la transition. Bien sûr ils sont omniprésents sur le terrain politique, mais on voit bien qu’ils évitent soigneusement de se mêler des affaires de la transition au point de n’avoir même plus ni le temps ni l’intelligence politique de condamner certains actes. Erreur grossière à mon avis. Car s’ils n’aident pas les autorités de la transition à redresser ce qui est tordu, c’est bien à eux que sera refilée bientôt la patate chaude.

Et puis, ce sont les anciens opposants du CFOP qui ont décrété la désobéissance civile. Ça leur a réussi. Blaise Compaoré est parti. Mais l’on peut craindre que cette désobéissance ne soit pas partie avec lui. C’est pourquoi les différents leaders politiques au lieu de passer le temps à se faire des crocs-en-jambe démontrant à qui mieux mieux fut partisan ou adversaire de Blaise Compaoré gagneraient à œuvrer aux côtés des autorités de la transition à remettre l’État burkinabè à l’endroit. L’heure n’est pas à l’identification des fuseaux horaires de chacun dans le chantier de déboulonnage de Blaise Compaoré, mais à la reconstruction morale de la société. Ce qui importe en ce moment, ce n’est pas de démontrer qui est le héros des hérauts et qui est le zéro des Zorro de la révolution d’octobre (car chacun a joué sa salutaire partition) mais de travailler à remettre sur les rails les valeurs d’intégrité de la patrie. À donc foncer pour les hommes politiques, tête basse vers l’élection présidentielle, sans se soucier des avatars de la transition, le réveil pourrait être douloureux pour celui d’entre eux qui parviendrait dans quelques mois à Kossyam. Car hériter du désordre de Blaise Compaoré et de la pagaille de la transition créerait simplement une situation ingérable si l’on a la chance de ne pas vivre un non-État.

Les organisations de la société civile pour leur part, ne devraient pas exercer leur veille uniquement sur les organes de la transition, mais aussi sur ceux que l’on pourrait appeler les fossoyeurs de la transition. Ils sont dans l’ombre c’est vrai mais ils sont bien présents ; eux qui ne veulent pas du succès de la transition.

Je m’exprime ainsi parce que je crains que de leur terre d’exil, Blaise Compaoré et les siens ne rient tôt ou tard sous cape de notre révolution. Alors à bon entendeur, salut.

Presse antiémeute (Issaka Luc Kourouma, LeFaso.net, 19 janvier 2015)

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[Le Foin Levé] Du 26 février au 1er mars, rencontres RTF autour de la transmission et l’installation

Le Foin Levé
« Pour des fermes autonomes partout : Transmettons ! Installons ! »
Une rencontre thématique du réseau Reclaim the Fields
Du 26 février au 1er mars 2015 à Lîle (31290 Vieillevigne – au sud de Toulouse)

D’après le ministère de l’agriculture, 20’000 fermes sont concernées chaque année par le départ en retraite des exploitant-e-s, et 13’000 installations seulement se font [ce qui ne nous surprend pas, puisque la diminution du nombre de paysan-ne-s est un objectif visé par la PAC depuis ses débuts]. Pourtant, nous connaissons tou-te-s des personnes en recherche de terres ou de fermes où s’installer et monter des projets. Projets « hors cadres » ou atypiques, difficulté d’accès aux moyens financiers, agrandissement des exploitations voisines, fermes « trop petites » … sont des raisons avancées pour expliquer cette situation.

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TÉLÉCHARGER LE TRACT

Nous sommes un certain nombre à penser qu’il faut installer du monde dans les campagnes, dans une perspective de sortie d’un modèle économique et politique qui montre chaque jour un peu plus ses limites. Le modèle agricole issu des politiques productivistes et capitalistes des 60 dernières années n’a pas d’avenir, et la transmission des fermes nous semble un bon moment pour le changer ensemble, « cédant-e-s » et « repreneur-euse », pour y trouver des moyens de lutter, comme des moyens de construire des autonomies et des solidarités.

Dans les 10 prochaines années, près de 50 % des agriculteur-trice-s partiront à la retraite.

C’est maintenant qu’il faut réfléchir à comment conserver de « petites fermes », comment sortir des terres et des activités de logiques marchandes, redonner une place à l’agriculture vivrière, comment donner des suites aux mouvements paysans qui ont lutté jusqu’ici, comment vivre ensemble, comment donner envie…

Dans cette perspective, nous organisons pendant quatre jours une rencontre thématique sur la transmission des fermes et l’installation de personnes et de collectifs à la campagne.

Durant les deux premiers jours, nous questionnerons notre imaginaire autour de quatre grandes thématiques : le rapport au travail, la place dans les territoires ruraux, le rapport à la propriété privée et comment s’organiser et vivre ensemble (le tout dans l’idée de transmettre/reprendre).

Le troisième jour aura pour but d’analyser ce qui existe actuellement et ce qu’il y a à faire pour répondre aux questions et objectifs issus des deux journées précédentes. Il se modulera autour de trois ateliers :

• Les différentes façons d’accéder au foncier collectivement : Terre de Liens/SCI/GFA/assos, etc…

• Les différentes manières de s’officialiser pour cultiver collectivement avec un statut juridique, Associations/GAEC/CAE et l’influence de ces formes d’organisation sur le statut, cotisant solidaire/agriculteur à titre principal/ou autre

• Les failles pour une appropriation du foncier et l’accès aux terres agricoles (terres incultes, squat, friches, terrains communaux, sectionnaux, etc.)

Enfin, le quatrième jour sera l’occasion d’une rencontre avec des paysan.nes qui sont ou ont été dans cette démarche de transmettre leur ferme, afin d’échanger ensemble sur des possibles ou des expériences concrètes. Ce sera aussi un moment pour faire un bilan de ces rencontres et de préparer la suite à y donner.

Si ces thématiques vous intéressent, que vous soyez installé-e-s ou non, en recherche de lieux, de projets, de transmetteur-trice-s, intéressé-e-s par les questions “agricoles” et comment on y réfléchit ensemble ou tout à la fois … vous êtes les bienvenu-e-s !

L’idée étant de construire ensemble des réponses à toutes les questions précédentes, c’est bien de commencer à y réfléchir avant et d’amener tout matériel susceptible d’alimenter les réflexions (description ou interview de projets ou fermes ayant réfléchi à la transmission, livres, brochures, films, questions que vous vous posez par chez vous…).

N’hésitez pas à faire circuler cette information dans vos réseaux et autour de vous.

En pratique : Les discussions, l’hébergement et la cuisine se feront à l’Ile, lieu associatif proche de Toulouse (30 km). Une participation aux frais sera demandée mais ne doit pas constituer un frein à la venue. Pour les transports, on peut réfléchir à des solutions s’il y a besoin (organisation de covoiturages…).

Pour des questions de logistique, merci de vous inscrire dès que possible.

Nous vous renverrons les détails (accès, programme détaillé…) bientôt (disponibles aussi sur reclaimthefields.org).

L’équipe d’organisation de la rencontre « Le foin levé »

« Reclaim the Fields est une constellation de personnes et de collectifs qui veulent retrouver le contrôle de la production alimentaire. Nous sommes déterminé.e.s à sortir du capitalisme au travers de modes de production coopératifs, collectifs, autonomes et répondant à nos besoins. Nous ne sommes pas un groupe homogène, nous traversons les frontières, sans hiérarchie, sans tolérance des formes de discriminations et d’exploitations des personnes. Nous soutenons les luttes et visions de la Via Campesina. Nous souhaitons partager les connaissances et l’expérience acquise au fil des années de militance et de vie paysanne, et les enrichir avec les perspectives de celles et de ceux qui ne sont pas ou pas encore paysan.ne.s. » (extrait de Qui sommes nous ?)

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[L’histoire du terrorisme est écrite par l’État] « C’est une guérilla qui se prépare »

Combs la Ville (77) : « Depuis ce jour, Amedy Coulibaly déteste tout ce qui touche à la police »

Le Parisien de ce jour nous sort un article sur la jeunesse de « l’islamiste » antisémite Amedy Coulibaly. On y apprend qu’avant ses multiples passages en taule, avant sa « radicalisation » religieuse, Amedy Coulibaly était comme tous les jeunes blacks et rebeus de sa génération : un gibier à flic.

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Fils d’une famille de 10 enfants élevés par une femme seule, il a un parcours assez classique : il traîne dans la rue pour éviter la cellule familiale surpeuplée. Petits larcins et vie de misère qui ne manquent pas d’attirer les keufs, toujours prompts à punir ceux qui sont coupables d’être pauvres.

Lors d’un vol de moto (incroyablement dangereux n’est-ce pas ?), il se fait canarder par la police. Il est blessé, le pote avec qui il faisait le coup est mort. Il avait 18 ans.

Le policier héritera d’un non lieu. Comme à chaque fois. Comme, juste hier, le gendarme qui a tué Rémi Fraisse.

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« « Il y a une part de psychologie de comptoir mais oui, c’est clair que cet événement a fait naître la haine de la police de Coulibaly. Son ami est mort, le policier n’a pas été jugé (le parquet de Melun a estimé qu’il n’y avait pas d’opportunité à poursuivre et l’information judiciaire ouverte ensuite s’est soldée par un non lieu, les juges estimant que le fonctionnaire était en état de légitime défense, il n’y a donc pas eu de procès, NDLR). Depuis ce jour, il déteste tout ce qui touche à la police », témoigne ce trentenaire qui a grandi avec Amedy Coulibaly. »

Tu m’étonnes ! Coulibaly n’est pas un monstre, c’est le résultat d’une société dégueulasse et sans espoir. C’est un prolétaire perdu, qui n’a trouvé son refuge que dans une idéologie réactionnaire.

Paris Luttes Info, 16 janvier 2015

 

Violents incidents à la Grande-Borne Grigny (Essonne)

De violents incidents ont éclaté entre jeunes et forces de l’ordre, cette nuit, à la cité de la Grande-Borne à Grigny (Essonne). Un policier a été légèrement blessé par une balle de 22 long rifle alors qu’il était en intervention dans le quartier.

Ces nouveaux affrontements font suite à la mort d’un jeune de 19 ans, abattu dimanche matin par la police alors qu’il participait à un vol de motos à Combs-la-Ville (Seine-et-Marne). Hier soir, des jeunes de la cité de la Grande-Borne, dont il était originaire, s’en sont pris aux forces de l’ordre comme ils l’avaient déjà fait dimanche soir. D’autres incidents se sont produits à Corbeil-Essonnes, dans la cité des Tarterêts.

Policiers blessés

Les premières violences se sont produites vers 21h30, lorsqu’un bus du réseau TransEssonne, qui circulait sur la RN 445, en bordure de la Grande-Borne à Viry-Châtillon, a été incendié. Plusieurs individus ont fait arrêter le véhicule en bordure de l’avenue, fait descendre le conducteur et mis le feu à l’autobus. Tandis que les pompiers de la caserne toute proche intervenaient pour éteindre les flammes, les policiers qui les protégeaient ont essuyé des tirs de cocktails incendiaires lancés depuis le toit d’un centre commercial. Ils ont aussitôt chargé leurs agresseurs.

D’autres incidents se sont déroulés durant toute la soirée dans le quartier de la Grande-Borne. Vers 23 heures, un policier a été légèrement blessé à un pied par arme à feu alors qu’il participait à une intervention place du Damier, sur la commune de Grigny. L’auteur du tir n’a pas pu être identifié. À peu près au même moment, un bar-tabac situé route de Fleury, à Viry-Châtillon, a été saccagé par des jeunes, tandis que plusieurs feux de poubelles étaient allumés dans d’autres endroits de la cité de la Grande-Borne.

Des incidents se sont également produits hier soir dans la cité des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes. Les pompiers ont ainsi dû intervenir à plusieurs reprises pour éteindre des feux de poubelles ou de voitures allumés par des cocktails incendiaires. Deux policiers ont été légèrement blessés à coups de pierres alors qu’ils se trouvaient dans leur véhicule, près du parking de la Snecma. Plus tard dans la soirée, plusieurs voitures ont été retournées rue Paul-Gaughin, toujours à Corbeil-Essonnes.

Dimanche soir, des incidents violents s’étaient déjà produits dans la Grande-Borne après l’annonce de la mort d’Ali Rezgui, un jeune de 19 ans originaire de cette cité. Déjà connu des services de police pour de nombreuses affaires de violences, il a été abattu dimanche matin par les forces de l’ordre, dans des conditions encore mal déterminées, alors qu’il venait de participer à un vol de motos en compagnie de trois complices. Deux d’entre eux ont pu prendre la fuite à bord d’un des engins, mais le troisième a pu être interpellé. Âgé de 18 ans, il a été placé en détention hier soir à la maison d’arrêt de Melun (Seine-et-Marne) par le juge d’instruction chargé de l’affaire. Hier après-midi, une marche silencieuse s’était déroulée dans les rues de la Grande-Borne en mémoire du jeune tué par la police. La famille de la victime avait appelé les habitants de la cité à conserver leur calme.

Presse antiémeute (Jérôme Glaize, LeParisien.fr, 19 septembre 2000)

 

(…) De l’autre côté de la nationale, en bordure des pavillons fleuris de Viry-Châtillon (Essonne), des ouvriers remplacent les vitres brisées du bar PMU. Cent mètres plus loin, le boulanger surveille d’un œil les travaux de soudure sur son rideau de fer. La veille, des jeunes l’ont soulevé avant de casser la vitre et de glisser un bidon d’essence à l’intérieur, sans parvenir à mettre le feu. « Il y a quelque chose de suicidaire chez ces jeunes, ils détruisent leur propre univers, à commencer par les endroits où ils viennent chercher à manger », déplore le gérant.

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Installé depuis presque trois ans juste en face de la Grande-Borne, le commerçant entretient plutôt de bons rapports avec les jeunes de la cité qui viennent chez lui. « Celui qui est mort, je le connaissais bien. Il était dans la délinquance mais, à sa manière, il avait des qualités, il aurait pu faire des choses extraordinaires », souligne le gérant. Mi-résigné mi-philosophe, il se veut compréhensif malgré les dégâts causés à sa boutique. « Dans leur majorité, les jeunes demandent seulement du respect et de la reconnaissance. Le problème, c’est que beaucoup n’ont aucune perspective », analyse le commerçant. « Ici, on est à la frontière entre deux mondes qui se croisent sans se rencontrer : le quartier bourgeois d’un côté, le ghetto en face. C’est sans doute pour ça que les jeunes s’en prennent à nous ».

Discret et membre de plusieurs associations, Dio fait partie, lui, de ces nombreux jeunes sans histoire qui habitent le quartier. Âgé de vingt-sept ans, il vit à la Grande Borne depuis presque toujours. Pour lui, les violences sont le fait d’un « petit groupe », même si elles s’enracinent dans un terreau social difficile. « C’est vrai qu’il y a un contexte général de dégradation du quartier. Avant, l’immeuble où j’habite, c’était hyper-calme. Maintenant, ça craint. Dans mon hall, une dame a écrit : « Welcome to Tchernobyl ». Ceux qui peuvent s’en vont ».

Pour Dio, ce contexte n’explique pas tout. « Avant, je pensais que les violences étaient une sorte de rébellion avec un message. En l’occurrence, je crois que les jeunes ont vraiment été touchés par la mort d’un de leurs copains. Mais c’est aussi un prétexte pour se défouler et se laisser entraîner », explique le jeune homme. Selon lui, la « haine » qu’entretient une partie des jeunes de la cité envers les forces de l’ordre est la principale raison des émeutes. Le fait qu’un policier ait été blessé par balles lors des violences constitue, à cet égard, un palier rarement franchi dans les cités. « Il y a une vision des flics chez les jeunes qui est haineuse. Celui qui a tiré, c’est clair qu’il voulait se faire un flic et s’en vanter. D’ailleurs, c’est sûr, dans la cité, on va lui donner une médaille ».

À la fois « grand frère » et porte-voix de la colère des jeunes, Bouabdallah tient un discours ambigu et menaçant, entouré d’un petit groupe qui contient difficilement sa colère. « On essaie de calmer les petits mais ils ont la rage. Le sentiment de colère domine tout. Si ça continue, les jeunes ne vont plus hésiter, c’est une guérilla qui se prépare », claironne le jeune homme. « Ali, je le connaissais bien, je l’ai vu faire ses premières conneries, mais il ne méritait pas une balle dans le coffre », affirme Bouabdallah.

Autour de lui, les témoignages qui alimentent le contentieux avec la police ne manquent pas : contrôles d’identité accompagnés de brimades, accusations injustifiées, méthodes musclées de la BAC (Brigade anti-criminalité). « Ici, c’est la guerre permanente avec les policiers. Ils n’arrêtent pas de nous mettre à l’amende », résume l’un des jeunes. (…)

Presse antiémeute (Frédéric Chambon, Le Monde, 21 septembre 2000)

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Soirée de soutien aux médias libres le 24 janvier

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[ZAD des Chambarans] Festival Open Barrikad

« Open barricabane » le 7/8/9 février

Les mutines et les lutins de la forêt des Avenières vous invitent pour un contest barré de contestateurs.
L’idée est de venir poser et partager, ta patte, ta bonne humeur, ton mic, ta plume, ta planche, ton art barré.
2 jours de constructions, de rencontres et d’échange de techniques liées à la barricade…
Concerts, spectacles, fuck star system guests…

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La prog arrive vite !!!!!!!

Zad de Roybon contre le Center Parcs et pour un autre monde, 17 janvier 2015

 

Roybon (38) : festival Open Barrikad

Les 7, 8 et 9 février 2015 aura lieu le festival OPEN BARRIKAD sur la zone à défendre des Chambarans, contre la déforestation et la construction d’un Center Parcs. Deux jours de création de barricades originales sur parcours.

RDV samedi 7 février à 10h au lac de Roybon, départ à 12h pour un picnic à 13h sur la zone, puis construction de barricades et de cabanes pour occuper et défendre la zone.

Amène matériel de construction, outillage, tou-te-s tes potes et des fringues imperméables et chaudes.

Au programme, ateliers, spectacles, cantines et samedi soir, concert. Programmation détaillée à venir.

Squat!net, 17 janvier 2015

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[L’histoire du terrorisme est écrite par l’État] Bienvenue dans un monde de plomb

Paris

Alors que nous travaillions à la création de ce blog, le sang a coulé à Charlie Hebdo. Sans être des lecteurs assidus du journal, nous aimions ses dessinateurs. Comme beaucoup d’autres, nous sommes passés par des moments de stupeur, de tristesse et de colère.

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Un leitmotiv a circulé en boucle : on peut tout dire, on a le droit de tout dire. Oui, on devrait pouvoir tout dire, tout exprimer, n’avoir aucun tabou, que ce soit vis-à-vis de la religion, de la politique, du sexe… La satire, la dérision, l’humour font partie de l’hygiène mentale et sont une arme des faibles contre les puissants. Mais dessiner, écrire, parler, c’est aussi s’exposer, les travailleurs de Charlie Hebdo en ont payé le prix fort.

Difficile de tirer une leçon de cette tuerie particulière, sinon que des fascistes, des fous de Dieu, ont déclaré la guerre aux infidèles et donc nous l’ont déclarée. Leurs victimes, ce sont aussi des dizaines de milliers de civils syriens, irakiens… Ce sont les écolières kidnappées par Boko Haram et tant d’autres à qui l’on ne pense pas, parce que ça se passe loin de chez nous, parce qu’on ne les connaît pas. Le nouveau fascisme se trouve du côté de l’islamisme intégriste, mais pas seulement. Les attaques brutales contre la liberté d’expression, les assassinats de journalistes commis par des fanatiques ou par des serviteurs du pouvoir, se produisent dans de nombreuses régions du monde. En Russie par exemple, et les sbires de Poutine ne sont pas précisément des islamistes !

Ces paumés qui choisissent le djihad ; ces soldats entraînés qui s’en prennent à des civils désarmés ; ces révoltés prêts à tuer et à mourir pour une cause aliénante et oppressive ; ces activistes souvent manipulés par des agents infiltrés … sont peut-être des gens qui auraient pu s’engager dans la lutte sociale, si celle-ci n’avait pas été confisquée par les professionnels de la contestation et par les élites au pouvoir, comme celles que l’on a vues en boucle, manifester une indignation convenue, sur toutes les chaînes de télé.

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Verviers, 15 janvier 2015

Sûrement qu’à ceux de Charlie Hebdo ça les aurait bien fait chier de voir leur mort récupérée par les politiciens de tout poil, au nom de l’unité nationale ; par les représentants de toutes les églises, mosquées et autres synagogues. Et puis il y a ces gigantesques manifestations de la puissance policière et militaire, censées nous rassurer, nous protéger, mais qui tuent aussi, nous le savons, quand les intérêts des exploiteurs, des promoteurs, des pollueurs sont menacés.

Au risque de paraître simplistes, nous pensons qu’il faut ramener ces événements qui nous bouleversent à la question sociale. La liberté fait-elle encore rêver quand des pans entiers de la société sont marginalisés ? Avec la concurrence généralisée, le chacun pour soi, l’égalité et la fraternité paraissent insipides. Il n’y aurait que des gagnants et des perdants. Le système libéral et la démocratie constitueraient désormais l’horizon indépassable. Tout ce qui sortirait de ce cadre appartiendrait à la barbarie.

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Berlin, 16 janvier 2015

Comment changer radicalement le système tout en conservant la complexité, la diversité culturelle, l’humanisme ? Comment reconstruire un grand mouvement internationaliste ? Comment parler à l’intelligence et mobiliser celles et ceux qui défendent la liberté, la solidarité et le respect de ce qui nous entoure ? Telles sont les questions, parmi d’autres, que le drame du 7 janvier nous inspire.

But de ce blog

À l’initiative de ce blog, il y a des gens que le hasard des circonstances a mené à vivre en Suisse. Pourtant, nous ne nous proposons pas de porter en priorité un regard sur ce pays. Non pas parce que ce qui s’y passe soit sans intérêt, mais parce que nous sommes fatigués du nombrilisme helvétique. Ainsi, nous espérons être rejoints dans nos réflexions par des personnes vivant d’autres réalités. Par ailleurs, la distance que nous offre le fait de vivre dans un pays « exotique », nous permettra peut-être d’offrir un regard décalé sur ce qui se passe ailleurs.

Notre démarche s’inscrit dans une tradition actuellement en déroute, celle de « la Sociale ». Une histoire que l’on ne sait plus par quel bout prendre aujourd’hui. Avant nous, il y a eu des générations de militant-e-s syndicalistes, communistes, anarchistes … qui ont cru que leurs luttes mèneraient à une société sans classes et sans exploitation. L’avenir, même lointain, semblait tracé. Il ne l’est plus, mais le projet reste le nôtre.

Comment avancer sans boussole ? Quels sont les enseignements que nous pouvons retenir du passé ? Quelles réalités détermineront le changement social ? Comment identifier dans la masse des informations/désinformations qui circulent, celles qui sont intéressantes, pertinentes ? Pourrons-nous favoriser des événements qui feront progresser nos idées ? Ces questions et d’autres sont ouvertes. Nous essayerons d’y apporter des réponses.

Casusbelli, 11 janvier 2015

 

Nous sommes tous des hypocrites
Bienvenue dans un monde de plomb

Nous sommes tous des hypocrites. C’est peut-être ça, ce que veut dire « Je suis Charlie ». Ça veut dire : nous sommes tous des hypocrites. Nous avons trouvé un événement qui nous permet d’expier plus de quarante ans d’écrasement politique, social, affectif, intellectuel des minorités pauvres d’origine étrangère, habitant en banlieue.

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Née en 1960, Nathalie Saint-Cricq est la fille de Jacques Saint-Cricq, président du conseil de surveillance de La Nouvelle République du Centre-Ouest, la petite-fille de Jean Meunier, fondateur du même journal et homme politique français, et l’épouse de Patrice Duhamel, ex-directeur général de France Télévisions et frère d’Alain Duhamel, chroniqueur politique vedette de France Télévision et de Libération, Les Dernières Nouvelles d’Alsace, Nice-Matin et Le Point. Fin juin 2012, elle succède, au poste de responsable du service politique de France 24, à Fabien Namias, fils de Robert Namias, ex-directeur de l’information de TF1. | VOIR LA VIDÉO

Nous sommes des hypocrites parce que nous prétendons que les terroristes se sont attaqués à la liberté d’expression, en tirant à la kalachnikov sur l’équipe de Charlie Hebdo, alors qu’en réalité, ils se sont attaqués à des bourgeois donneurs de leçon pleins de bonne conscience, c’est-à-dire des hypocrites, c’est-à-dire nous. Et à chaque fois qu’une explosion terroriste aura lieu, quand bien même la victime serait votre mari, votre épouse, votre fils, votre mère, et quelque soit le degré de votre chagrin et de votre révolte, pensez que ces attentats ne sont pas aveugles. La personne qui est visée, pas de doute, c’est bien nous. C’est-à-dire le type qui a cautionné la merde dans laquelle on tient une immense partie du globe depuis quarante ans. Et qui continue à la cautionner. Le diable rit de nous voir déplorer les phénomènes dont nous avons produits les causes.

À partir du moment où nous avons cru héroïque de cautionner les caricatures de Mahomet, nous avons signé notre arrêt de mort. Nous avons refusé d’admettre qu’en se foutant de la gueule du prophète, on humiliait les mecs d’ici qui y croyaient – c’est-à-dire essentiellement des pauvres, issus de l’immigration, sans débouchés, habitant dans des taudis de misère. Ce n’était pas leur croyance qu’il fallait attaquer, mais leurs conditions de vie. À partir de ce moment-là, seulement, nous aurions pu être, sinon crédibles, du moins audibles.

Pendant des années, nous avons, d’un côté, tenus la population maghrébine issue de l’immigration dans la misère crasse, pendant que, de l’autre, avec l’excuse d’exporter la démocratie, nous avons attaqué l’Irak, la Libye, la Syrie dans l’espoir de récupérer leurs richesses, permettant à des bandes organisées d’y prospérer, de créer ces groupes armés dans le style de Al Quaïda ou de Daesch, et, in fine, de financer les exécutions terroristes que nous déplorons aujourd’hui. Et au milieu de ça, pour se détendre, qu’est-ce qu’on faisait ? On se foutait de la gueule de Mahomet.

Il n’y avait pas besoin d’être bien malin pour se douter que, plus on allait continuer dans cette voie, plus on risquait de se faire tuer par un ou deux mecs qui s’organiseraient. Sur les millions qui, à tort ou à raison, se sentaient visés, il y en aurait forcément un ou deux qui craqueraient. Ils ont craqué. Ils sont allés « venger le prophète ». Mais en réalité, en « vengeant le prophète », ils nous ont surtout fait savoir que le monde qu’on leur proposait leur semblait bien pourri.

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Presse porte-clefs (Quand Amedy Coulibaly dénonçait les conditions de détention à Fleury-Mérogis, Emeline Cazi & Luc Bronner, LeMonde.fr, 12 janvier 2015) | VOIR LA VIDÉO

Nous ne sommes pas tués par des vieux, des chefs, des gouvernements ou des États. Nous sommes tués par nos enfants. Nous sommes tués par la dernière génération d’enfants que produit le capitalisme occidental. Et certains de ces enfants ne se contentent pas, comme ceux des générations précédentes, de choisir entre nettoyer nos chiottes ou dealer notre coke. Certains de ces enfants ont décidé de nous rayer de la carte, nous : les connards qui chient à la gueule de leur pauvreté et de leurs croyances.

Nous sommes morts, mais ce n’est rien par rapport à ceux qui viennent. C’est pour ceux qui viennent qu’il faut être tristes, surtout. Eux, nous les avons mis dans la prison du Temps : une époque qui sera de plus en plus étroitement surveillée et attaquée, un monde qui se partagera, comme l’Amérique de Bush, et pire que l’Amérique de Bush, entre terrorisme et opérations de police, entre des gosses qui se font tuer, et des flics qui déboulent après pour regarder le résultat. Alors oui, nous sommes tous Charlie, c’est-à-dire les victimes d’un storytelling dégueulasse, destiné à diviser les pauvres entre eux sous l’œil des ordures qui nous gouvernent. Nous sommes tous des somnambules dans le cauchemar néo-conservateur destiné à préserver les privilèges des plus riches et accroître la misère et la domesticité des pauvres. Nous sommes tous Charlie, c’est-à-dire les auteurs de cette parade sordide. Bienvenue dans un monde de plomb.

Pacôme Thiellement, Les mots sont importants, 13 janvier 2015

 

Je suis dessinateur de presse, arabe … mais seulement ami avec Charlie !

Merci pour les messages et les demandes de participations dessinées, mais :

J’allais chez Charlie Hebdo depuis le lycée, ça date ! Et puis la dernière fois, c’était en septembre dernier, j’ai partagé une assiette d’huîtres avec Tignous, 3 jours de poilade et d’amitié franche… Alors depuis hier, je n’ai rien pu dessiner.

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Depuis hier, je reçois des messages d’amitiés, des pensées, et aussi des demandes de dessins, et de participation. Mais je reste comme un con devant ma feuille blanche.
J’ai compris que c’était l’horreur tout ca, moi qui enfant ai « naturellement » vu circuler des armes, appris à mentir pour que 4 types armés de fusils à pompe ne rentrent pas à la maison pour se venger, ou pour ne pas balancer des amis (dont je comprenais la situation) aux RG qui essayaient de nous extorquer des renseignements … jusqu’à l’année dernière encore, où cette fatalité, cette « loi du milieu » a tué 2 de mes potes d’enfance. L’un après l’autre, ils sont morts atrocement et ont fait les faits divers. C’est aussi ça mon âme d’enfant d’immigré. Des choses du passé refont surface…

La laïcité de façade qui m’a fait subir des contrôles d’identité humiliants qui m’ont souillé le cœur et où j’ai dû ravaler ma rage, des soirées niquées parce qu’on ne rentrait pas en boite, une petite amie qui m’a dit sur le seuil de sa porte que c’était terminé parce que ses parents ne veulent pas « que je sorte avec un Arabe » ou encore des emplois qu’on me refusait parce que les clients ne comprendraient pas. Des centaines de lettres et aucun entretien d’embauche à passer ! Peu de ressources financières, et l’ennui chevillé aux pompes bon marché chez Tati. Les vacances au quartier, ou en colo. Des braqueurs au grand cœur, on achetait des trucs tombés du camion à des prix que la Chine ne suivrait pas. On allait pas chipoter sur la légalité.

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La carte des zones de non-droit à Paris, selon Fox News.

Des Blancs à la télé, des Blancs dans les centres-villes, dans les bureaux. Même les assistantes sociales qui paradaient chez nous étaient blanches. La rédaction de Charlie, invariablement blanche. Hier encore, quand je suis allé au rassemblement pour Charlie Hebdo, la place du Capitole n’était pas « noire de monde ». Elle était blanche ! Il y avait quelques personnes comme moi, un peu, dont une femme en hijab qui portait un panneau ou il n’y avait pas écrit « Je suis Charlie« , rien de pro-liberté d’expression. Non ! Il y avait juste écrit : « Touche pas à ma France ! » Ça m’a rappelé ma tante qui m’a dit l’autre jour que « les Arabes d’Algérie, ils faut s’en méfier, ils veulent profiter, c’est tout ! » Et alors ça m’a rappelé que la religion me séparait des miens un peu plus chaque jour. Ça m’a rappelé qu’avant ce repli, il suffisait juste d’être Arabe pour se sentir proches, peu importe si tu faisais la prière, si tu respectais ou pas scrupuleusement les piliers de l’islam. Même si je ne cautionne pas cet aveuglement, je le comprends à un point, vous n’imaginez même pas… Bref, on ne mangeait pas de porc, mais on s’arrachait pas les cheveux sur des étiquettes « hallal ». Et la petite mosquée dans mon quartier d’enfance était encore une salle des fêtes à l’époque. Ils auraient pu en construire une, mais ils ont décidé que la salle des fêtes deviendrait la mosquée. Depuis, on a plus de salle des fêtes hors des pièces sans fenêtre dans une cave où ils ont mis des animateurs de quartier. Et on ne se faisait pas insulter à longueur de journaux, de médias radios, télés, de couvertures. Personne pour nous représenter à part des clowns triés sur le volet pour chanter les valeurs républicaines. Ces valeurs qui ont saccagé mon enfance !
On ne représentait pas encore un danger. Mais on était en danger. On l’a toujours été. La pauvreté et la misère, les ghettos sociaux, l’économie parallèle ou la prison, les voies de garage à l’école, l’échec scolaire, le chômage sans perspective d’avenir, et surtout, surtout l’ethnicité : tout ça c’est dangereux. Réellement dangereux.
Et puis, un peu partout, je lis que les bien pensants demandent de ne pas faire d’amalgame … j’y ai cru, j’ai essayé de les éviter ces amalgames. Toute ma vie, je n’ai fait que ça ! Éviter ces putains d’amalgames ! Sauf que voilà, ce pays, la France, est bâtie sur l’amalgame : La séparation économique et sociale est ethnicisée. Les visages floutés sur TF1 restent basanés, les dirigeants de ce pays sont tous un peu vieux, pas mal blancs, très masculins. Et ce pays aussi. Quand je suis allé à Clichy-sous-Bois l’an dernier, là-bas la population était massivement arabe et noire. À des kilomètres de Paris. Et il y a une sorte de frontière invisible à un moment où tous les passagers du bus deviennent blancs. Et ceux là, ils vont travailler. On passe des sacs de courses aux mallettes de travail. L’amalgame a bâti la France. Je me suis fait insulter par la police, gifler quelques fois à cause de cet amalgame national. J’ai parfois répondu et j’avais la trouille d’aller trop loin … de rajouter mon nom sur la liste des centaines de mes frères abattus pas des policiers. Tous ces crimes se sont soldés par des non-lieux, ou de la prison avec sursis. Et en général des promotions pour les assassins.
Alors nous, on est un peu las de ce manège, ça nous fatigue ces valeurs à la gomme, ces vertus inexistantes, cette liberté d’expression à sens unique. On ne dit rien parce qu’être musulman ce n’est pas être Charlie.
Enfin plus depuis l’arrivée de Philippe Val en tout cas. Même ce cher Cavanna, ex-pauvre et fils d’immigré italien, le fondateur de Charlie, pleurait d’impuissance parce que Val a pris et changé l’âme de ce qu’était Charlie Hebdo à la base.

Et les médias qui font mine de pleurer, ou de s’insurger devant la barbarie ont armé les criminels qui ont abattu mes amis. Alors si eux sont Charlie, si Val est Charlie, je ne peux pas être Charlie. J’ai trop de respect et d’amour pour hurler avec les loups. Trop de douleur et encore toutes mes facultés mentales en état de marche.

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Sinon expliquez-moi en quoi mettre une bombe sur la tête d’un prophète est marrant ? Ou écrire « traitre » sur le front d’un Juif sur une caricature d’avant-guerre par exemple ? En quoi c’est marrant, expliquez-moi ? En quoi Dieudonné [sic – NdJL] ne représente-t-il pas le courage du vaillant soldat qui se bat pour exprimer ses idées et convictions ? Lui aussi s’est moqué en parlant de Mahomet ou d’Allah, mais il riait de tout, et AVEC tout le monde ! Alors elle est où la différence ? Je ne comprends pas ! En quoi l’acharnement médiatique à vouloir sans cesse dénicher ce qui cloche avec l’islam est-il une liberté d’expression ? Bordel, c’est quoi au juste la liberté d’expression ?

Ne serait-ce pas la France qui a des gros problèmes d’intégration dans ce siècle ? Avec son système vicié, lent, et tout poussiéreux ? Ne serait-ce pas pour une fois, l’oppresseur qui aurait tort ? Au lieu de nous chanter à longueur de temps qu’on a de la chance dans ce pays parce que dans nos pays d’origine c’est pire. Ou qu’on se plaint, qu’on joue les victimes, comme si tous nous étions paranos !!!?
Que les études du CNRS sur la discrimination à l’embauche au logement sont erronées ? Qu’à Amnesty International ils se plantent, quand ils disent qu’il y a une véritable violence répressive à l’œuvre en France à l’égard des populations issues de l’immigration ? Que la Halde ne fait jamais suivre les plaintes pour discrimination ?
Mais quel Charlie voudriez vous que moi dessinateur de presse et de culture musulmane, je sois ? Le Charlie de la bande à Choron, Coluche et Reiser qui rigolait AVEC nous ? Ou celui de Philippe Val et d’un Charb qu’humainement j’aimais beaucoup mais qui a grillé un fusible et qui rigolait DE nous ? Je le lui ait dit à Charb, on était en désaccord mais ça n’empêchait pas que j’ai proposé une autre grille de lecture après l’affaire des caricatures en 2005. D’autres dessins, avec une autre vision. Et rien n’est passé. Ce n’est pas grave, il ne se voyait pas publier ça dans Charlie, c’est son droit. Mais aucun journal n’a suivi. Si Le Monde. Sauf qu’ils m’avaient demandé d’édulcorer et d’enlever certains passages afin que ça puisse être publiable. Alors j’ai refusé. Parce que je n’ai pas une tête à m’appeler Charlie !

Je me sens mal quand il y a un acte terroriste au nom de l’islam. Je me sens mal quand des dessinateurs prennent une caricature pour un dessin d’humour. Comme s’ils n’avaient jamais eu de cours sur l’image. Et je me sens coupable de faire partie de chacun de ces groupes, de les comprendre, de voir qu’ils se trompent sur l’autre, et sur eux-mêmes, parce qu’incapables de parler. L’Empire ottoman, celui des Abbassides, et tout le monde arabe en général était malgré la dictature et les violences inhérentes à l’exercice de pouvoirs impérialistes (c’est vrai tu as raison Kris Krumova, merci) était humain. Je parle des peuples. Les Juifs, alors persécutés dans toute l’Europe trouvaient principalement refuge chez nous. Et nombre de nos illustres ancêtres, des savants ou des poètes, pensaient que le domaine de tous les domaines, la quintessence divine n’était pas la science, ni l’art, ni la géométrie, mais bel et bien l’amour et la sexualité. Le moyen par lequel on donne généralement la vie donc ! Nous n’incarnions pas la terreur et la mort. Nous célébrions ce que Dieu a mit de plus cher à notre disposition : La vie ! Je parle du savoir et des valeurs que ces peuples se transmettaient. Et aujourd’hui, un nombre important des miens, acculés au mur, se sont repliés pour s’opposer, résister pour ne pas être rien pour personne. Ne surtout pas être rien à nos propres yeux. Immigré ici ou là-bas, c’est la même impression d’être partout apatride, mais on ne se l’avoue pas. Et de toute façon à qui, puisque personne n’écoutera…

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Les gens qui savent ce que c’est que de vivre nos vies savent que j’ai édulcoré mes BD pour m’adapter, me mettre au niveau intellectuel et psychologique de ce pays. C’est-à-dire en dessous de toute volonté de dialogue, d’ouverture, d’objectivité et de réciprocité. Je ne peux pas ouvrir mon cœur à un pays qui me sort des mots à la con comme « diversité » ou « vivre ensemble » et qui diffuse à gogo vidéos et bandes sons du drame sans égard ni pour les familles de mes potes qui sont morts, ni pour la majorité des musulmans que le système médiatique fait souffrir à longueur de temps !
Sinon dites-moi où sont passées les vidéos de caméras de surveillance du commissariat de Joué-lès-Tours ?
Au fait, à propos des intégristes, je me rappelle qu’ils étaient venus au quartier, j’étais enfant. Des mecs sortis d’une camionnette qui ressemblait à celle de Retour vers le futur quand Doc se fait abattre. Bref, je n’ai pas pensé à ça, mais je me souviens que ma mère (qui nous élevait toute seule) les avait vus (et flairés) et qu’elle m’avait foutu la trouille en me disant que j’aurais affaire à elle si jamais je leur adressais la moindre parole. Voilà je viens d’y penser parce qu’aujourd’hui, c’est ton anniversaire Youma…

J’ai reçu quelques messages qui disent que rien ne justifie l’acte terroriste … alors je vais donc RÉPÉTER : Je NE cautionne PAS cet acte effroyable, ce meurtre. Cessez de me relier à cela, je vous remercie ! D’autant que j’ai perdu personnellement de bons potes dans l’histoire. Et je vais donc PRÉCISER : Dans l’état actuel des choses où les populations immigrées, noires, arabes, musulmanes etc. subissaient la ghettoïsation économique, sociale que l’on sait depuis un bail, il ne leur reste que 5% de dignité, une religion, cet espace intime qu’est la foi et qui fait tenir debout dans les situations les plus critiques. Et malgré cette maigre « bandelette de Gaza » intime et psychologue que les Musulmans tentent de préserver pour ne pas craquer sous le poids de la mise à l’écart et des insultes répétées, il se trouve malgré tout en France, des gens qui se permettent de s’offusquer qu’on tienne à ce petit bout de territoire privé qu’est leur religion. Au risque de choquer, ça ne m’étonne plus qu’il se soit trouvé des gens avant la Seconde Guerre mondiale pour faire circuler de sales blagues antisémites en France, à une époque où les Juifs étaient à peu près dans la même situation que celle des Musulmans aujourd’hui. Finalement, il y a une vraie cohérence dans ce pays les gars, ça c’est une constante bien nationale !

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Personnellement, je n’ai jamais compris pourquoi à Charlie ils ne s’acharnaient pas avec autant d’assiduité à la criminalité politico-financière de religion monétaire, et qui finira par tous nous enterrer vivants dans nos petites batailles identitaires. Si nous en sommes là, c’est parce que le système tourne à vide. Sauf qu’en 2014 y’en a qui veulent encore vérifier si les Musulmans ont vraiment de l’humour. Sans même se douter qu’il y a des cons vraiment vraiment vraiment partout : Même s’il n’y a pas que cela (heureusement), il y en a chez les Musulmans comme il y en a chez Charlie ! Sinon ce bon vieux Siné ne se serait jamais fait virer !

Les miens, les issus de l’immigration, les jeunes, les vieux, les clandos, les blédards, ceux qui virent muslim, modérés ou radicaux, les rappeurs, les intégrés, les rageux, les « viva l’Algérie », ceux qui disent « Cheh ! » depuis mercredi, ceux pleurent, tous ceux qui se taisent, ceux qui ont peur, ceux qui applaudissent, ceux qui ont la rage, ceux qui ont mal, ceux qui comprennent sans cautionner, ceux qui cautionnent sans comprendre, tous : On critique parce qu’on aime ce putain de territoire français et ses habitants ! Malgré tout le mal qui a été fait, malgré les incompréhensions, la surdité, la peur, l’ignorance que ce pays a envers nous, on l’aime quand-même surtout si ça l’emmerde ! Si on l’aimait pas, on serait simplement indifférents. On ne critiquerait rien, on ne provoquerait pas, on ne sifflerait pas la Marseillaise, il n’y aurait pas de drapeaux algériens dans les stades, il n’y aurait pas eu le rap, pas de tensions, pas d’émeutes, pas de liens, pas de relation, aucun crime ni passion, pas de blessures, aucune souffrance, pas de tentation djihadiste, pas d’attentats, pas de drames, ni de moments de joie (heureusement plus nombreux !). Je sais que Charlie Hebdo s’acharnait sur l’islam avec le même amour. Et la même incompréhension.
Mais tant que les médias n’ouvriront pas leurs ondes et leurs journaux aux uns et autres avec la même attention. Tant que les inégalités sociales et économiques persisteront à s’acharner encore et toujours sur le seul critère racial, alors la vie continuera. On va rire, mais on va pleurer ensemble.
Quoiqu’il arrive ce pays on l’aimera de tout notre cœur, jusqu’à ce que mort s’en suive !

Dernière chose : Ma compagne est française et nous avons ensemble 3 jolies petites princesses aux cheveux frisés et aux yeux bleus pétillants de bonheur ! Alors je n’ai aucun intérêt à salir une communauté quelconque. Je n’appartiens à personne ! À la maison, ma femme et moi nous représentons l’autorité, le pouvoir. Et nos 3 filles sont le peuple. Si l’une des 3 filles se sent maltraitée, et s’insurge contre nous, nous ne nous disons pas que c’est de sa faute, que c’est à elle de mieux s’intégrer dans sa famille … vous comprenez ? Ma compagne et moi aimons nos enfants, et s’il y a conflit, incompréhension, entre elles et nous, c’est nous que nous allons d’abord remettre en question, dans notre éducation ou autre. Nous lui parlerons, elle s’exprimera, et nous tâcherons de lui montrer qu’on est à ses côtés. C’est donc à l’autorité de se soumettre, car l’autorité est le pouvoir, et a les clés de la résolution des conflits. Le pouvoir d’agir. Ça s’appelle Responsabilité ! Et la France doit prendre les siennes, et écouter ses minorités … parce qu’elles font partie de la solution !

Je n’oublie pas qu’il y avait quelques Arabes à Charlie, je le savais déjà ça, merci ! Mais je tiens à rappeler qu’il y a aussi quelques Blancs dans les prisons françaises. Quelques-uns … alors que pourtant nous vivons en France n’est-ce pas ? Mais le cœur de mon texte ne dit pas cela. J’ai écrit ce texte parce que je ne veux plus perdre des gens que j’aime de cette façon violente et impardonnable. Et que peu importe le conflit, je choisirai toujours d’aider le peuple. Jamais le pouvoir : Lui il peut se débrouiller tout seul. Et s’il a besoin d’aide, il sait où me trouver… Si ce pays ne veut plus jamais subir une telle tragédie, alors il a tout intérêt à se demander pourquoi elle est arrivée. Et de comprendre pourquoi les principaux clients de ses groupes intégristes se recrutent dans les pays les plus pauvres de la planète, et dans les couches sociales les plus abandonnées de son territoire aux allures de pays éclairé ! Pas en Arabie saoudite, ou au Qatar (eux ils financent) mais au Nigéria, au Maghreb, en Syrie etc.

Un intégriste n’est pas un islamiste, c’est tout au plus un Misériste !
Ce n’est pas l’islam qui l’a façonné. C’est la misère !
Même un enfant comprendrait ça !!!!!

Bon allez, merci pour ces messages de soutien, ces demandes de dessins, des chaines de solidarité sont nécessaires je pense, mais là j’atteins l’overdose. Cette journée de deuil national est un cache misère… Le terme « national » ne me parle absolument pas. Et par certains côtés oui, je suis comme Charlie, mais je ne suis pas Charlie !

J’ai un pied dans le monde arabe, un pied en Occident
Un pied dans les quartiers et l’autre en France
Un pied dans le dessin de presse et l’autre dans la vie de tous les jours
Un pied chez Charlie Hebdo, un pied au cul de Charlie Hebdo
Un pied dans les médias alternatifs et l’autre dans les journaux
Un pied dans l’anonymat et l’autre dans l’auto-censure
Un pied dans la douleur, et l’autre dans la colère.

RIP Charlie

Halim Mahmoudi – Facebook, 8 janvier 2015

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[France génocidaire] La Nuit rwandaise n°9 – Appel à contributions

Appel à contributions – La Nuit rwandaise n°9
En mémoire de Jean-Franklin Narodetzki

Chaque année depuis avril 2006, la revue La Nuit rwandaise fait le point sur l’état des connaissances concernant les complicités françaises et la participation – militaire, diplomatique, financière, médiatique – dans ce qui apparaît comme le plus grand scandale de la cinquième République : la participation, au plus haut niveau de l’État français, dans l’extermination programmée de plus d’un million de Rwandais, hommes, femmes et enfants, parce qu’ils étaient catégorisés comme Tutsi ou parce qu’ils refusaient de prendre part aux massacres.

http://juralib.noblogs.org/files/2015/01/019.jpgComme chaque année, cet appel est lancé aux témoins, chercheurs, militants, journalistes ou historiens travaillant avec rigueur, méthode et détermination à l’établissement de la vérité sur l’engagement français au Rwanda, avant, pendant et après le génocide des Tutsi de 1994 : nous attendons vos textes – analyses, témoignages, informations, documents – avant le 1er mars 2015.

L’année écoulée, celle des vingtièmes commémorations, aura vu naître de nouvelles mobilisations en vue d’exiger de l’État français qu’il fasse toute la lumière sur son engagement criminel au Rwanda : ainsi le collectif « Rwanda 20 ans ça suffit », la campagne « #Rwanda20ans » de l’association Survie, la mobilisation lancée par le CIIP ou encore celle lancée par l’EGAM, « Rwanda, la vérité maintenant ! », auront rappelé la nécessité, en France, que soit mis fin au négationnisme d’État sur le génocide des Tutsi, notamment par la déclassification des archives françaises. Les initiatives pour la justice et la vérité en France sont nombreuses et les actions et mobilisations devraient se poursuivre, et espérons-le, s’amplifier, en 2015.

L’année 2014 aura également vu Guillaume Ancel, ancien militaire de l’opération Turquoise, rapporter que la France a massivement armé les génocidaires en déroute au Zaïre, ajoutant à la liste des crimes français celui d’avoir ainsi puissamment contribué à l’effroyable insécurité qui sévit depuis dans l’est de ce qui est devenu depuis la République Démocratique du Congo.

Dans le même temps, on aura encore enregistré de nouveaux témoignages sur l’engagement direct dans le génocide de soldats désignés comme « Français ». Les débats perdurent autour de l’éventualité d’une participation française directe à des massacres génocidaires, en particulier à Bisesero, les 13 et 14 mai 1994. Mercenaires ou pas, divers chercheurs conviennent au moins de la présence de « Blancs ». Il ne semble pas qu’il y ait d’autre solution, à ce point, que de constituer une commission d’enquête, pour s’assurer de la validité des nombreux témoignages recueillis, et en recueillir d’autres, afin de préciser l’état des connaissances et de mettre un terme à des débats qui ont assez duré. Ne cachons pas que La Nuit rwandaise serait heureuse de publier les conclusions d’une telle commission, ou l’état de ses travaux, s’ils étaient assez avancés lors de notre parution.

Sur le front judiciaire, après avoir prononcé un non-lieu quant aux accusations lancées par le juge Bruguière, mettant un terme à plusieurs années de ce qu’il faudrait qualifier de « diffamation judiciaire » envers la direction du FPR aujourd’hui au pouvoir à Kigali, le juge Trévidic a été saisi d’une plainte, émanant de la veuve d’un pilote, explicitement dirigée contre l’armée française, désignant y compris un soldat du RPIMA. Plus de vingt ans après les faits, l’évidence de la piste de tireurs français dans l’attentat ayant abattu l’avion du président Habyarimana devrait ainsi être enfin examinée.

Pendant ce temps, au Congo, c’est dans l’indifférence générale que perdure cette guerre faite aux « Tutsi ». S’y déploie toujours une politique internationale initiée par la France au profit de leurs alliés des ex-forces génocidaires rwandaises, aujourd’hui regroupées sous la bannière des FDLR que l’on prétend combattre tout en les protégeant, allant jusqu’à s’allier ouvertement à eux, comme on a pu le voir dans les combats contre le M23. Un an après notre précédent dossier, il nous faut faire le point sur la situation, en documentant autant que possible les événements récents, dont, par exemple, les massacres de Beni ou les violations répétées des accords de paix, de Kinshasa à Kampala, au détriment de ce qu’il reste du M23 après sa démobilisation consentie.

Comprendre et expliquer les complicités françaises dans le génocide des Tutsi exige de questionner l’engagement militaire français sur d’autres théâtres d’opération, en Afrique comme ailleurs dans le monde, où les doctrines militaires françaises sont mises en œuvre ouvertement et sans le moindre recul critique, toujours considérées comme le must de la pensée militaire en dépit de leurs résultats immanquablement chaotiques, pour ne pas dire littéralement apocalyptiques…

Ainsi, dès le quatrième numéro de la revue, nous évoquions le rôle joué par la France dans la formation des armées qui installeront des dictatures fascistes en Amérique latine dans les années 70, et sur l’utilisation et la diffusion de la doctrine française de guerre « contre révolutionnaire ». On y revenait encore au précédent numéro avec une importante interview de Gabriel Périès. On tâchera d’examiner ici, entre autres, les prolongements particuliers de cette doctrine sous la forme de théorie onusienne du maintien de la paix robuste, avec « l’approche globale » proposée et mise en pratique par le général Baillaud aujourd’hui dans l’est du Congo.

Alors que nous commémorerons cette année les vingt ans de Srebrenica, nous pleurons la perte de notre collaborateur Jean-Franklin Narodetzki, à la mémoire duquel ce prochain numéro est dédié. Comme pour lui rendre hommage, confirmant les dénonciations qu’il pouvait déjà faire dans son livre Nuits serbes et brouillards occidentaux, un document a été produit récemment par la défense du général Mladic établissant que l’abandon de Srebrenica résultait d’un accord entre Serbes et Français – les seconds récupérant quelques soldats pris en otages en échange de la vie des milliers d’habitants de Srebrenica. Pour ce vingtième anniversaire de Srebrenica, dans le prolongement du travail de Jean-Franklin, il nous semble important de consacrer un dossier de ce prochain numéro de la revue au rôle joué par la France à Srebrenica et, plus largement, dans cette ignoble guerre bosniaque contemporaine du drame rwandais.

Il faut obtenir l’ouverture de toutes les archives diplomatiques et militaires sur la Bosnie comme sur le Rwanda. On a pu enregistrer avec satisfaction l’accord du premier ministre de l’époque, Édouard Balladur, confirmé par l’accord, également explicite, de celui qui aura été son ministre des affaires étrangères, Alain Juppé, en faveur d’une telle ouverture. Ainsi, en bonne logique administrative, rigoureusement rien ne devrait s’y opposer, les responsables de ces archives acceptant que soient examinés tous les documents produits ou reçus par leurs administrations. On a raison de soupçonner que ces messieurs soient d’autant plus enthousiastes pour réclamer une telle ouverture qu’ils espèrent bien que ces archives auront été soigneusement nettoyées avant d’être livrées à quelqu’examen que ce soit. On peut même craindre que la destruction des éventuelles pièces compromettantes soit en cours et que le peaufinage du tri de ces archives se fasse plus méticuleux à mesure que monte la revendication d’y avoir accès. Tout retard dans la prise en compte de cette revendication peut être légitimement considéré comme suspect, pouvant procéder d’une volonté de dissimulation de preuves.

La Nuit rwandaise espère réunir autant de voix que possible pour réclamer l’ouverture sans retard de la totalité des archives militaires et diplomatiques, de l’ensemble des services de l’État, concernant les politiques entreprises par la France au Rwanda et en Bosnie dans les années 1990-95. Sachant qu’il faudra porter une attention particulière aux conditions dans lesquelles un véritable contrôle citoyen sur l’examen de ces archives puisse être garanti.

Malheureusement, au vu du récent massacre d’Iguala, l’actualité impose de revenir sur la question de la coopération policière franco-mexicaine si scandaleusement mortifère. Là aussi, les techniques de chaos que déploient les promoteurs de la guerre révolutionnaire portent trop bien leurs fruits, et il est à craindre que l’on voie là une énième manifestation des compétences en matière de trafic de drogues attribuables à cette école française depuis son origine, aux temps reculés de la guerre d’Indochine.

Cette année 2015 sera aussi celle du centenaire du génocide des Arméniens par les Turcs, en 1915. La question de l’implication allemande aux côtés du régime génocidaire des Jeunes Turcs est si semblable à celle de la France aux côtés du Hutu Power qu’un éclairage à ce propos s’impose dans notre revue, au moins pour rendre compte des débats existants en Allemagne à ce propos, si semblables à ceux que nous pouvons avoir en France concernant le Rwanda.

Comme chaque année, nous rendrons compte de l’état d’avancement des procédures judiciaires sur le sol français, ou de leur non-avancement, après le procès Simbikumgwa et dans le contexte de l’activité du pôle-génocide des juges d’instructions, à Paris.

Nous envisageons d’explorer aussi, pour ce numéro, la question de l’implication française dans le coup d’État d’Habyarimana, dès avant 1973 donc, faisant remonter le curseur d’une présence française au Rwanda active, et même décisive, dès cette époque.

On reprendra ici les critiques du très discutable documentaire de la BBC, en nous interrogeant sur les soutiens dont bénéficient les alliés rwandais des FDLR. Dans la même veine des complicités inavouables, on en profitera pour rendre compte de l’étude si remarquable de Richard Johnson sur Human Rights Watch.

Dans l’espoir que cette revue puisse ainsi contribuer à faire toujours plus de lumières sur l’envergure du problème soulevé par les politiques souvent secrètes et non moins condamnables que s’autorise l’État français à l’abri d’une réputation vertueuse manifestement usurpée.

Prière de nous signaler d’ores et déjà toute intention de contribution que ce soit sur l’ensemble des questions ici évoquées ou sur tout autre sujet pertinent pour contribuer à cette recherche, sachant que la copie doit nous être remise au plus tard début mars pour que nous puissions mettre en forme l’ensemble de ces contributions, corrigées, maquettées, imprimées, comme chaque année en début avril, tentant de marquer l’état de l’avancée des connaissances comme des débats qui ne font que s’amplifier avec le temps, preuve de l’utilité de ces recherches.

La Nuit rwandaise – mailing, 4 janvier 2015

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[Sud-Algérien] « Qu’y a-t-il après la misère, la mort ? Le gaz de schiste nous prendra le peu que nous avons et nous n’en voulons pas » (2)

Impasse dans le dossier du gaz de schiste : Le Sud en ébullition

L’appel du front populaire anti-gaz de schiste, né de la jonction des différents collectifs de wilaya, a été entendu. Des regroupements ont été organisés toute la semaine pour sensibiliser les populations et raviver leur intérêt à la question de l’heure, celle du gaz de schiste. « Il s’agit pour nous de marquer notre soutien à In Salah, à cette belle mobilisation qui se poursuit et défie Sonatrach », affirme Tahar Belabès qui prend part chaque après-midi aux « rencontres d’échauffement » tenues à Souk Lahdjar, près du ksar de Ouargla.

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Le collectif a choisi la place du 27 Février 1962 pour ce nouveau rassemblement et prévoit une mobilisation plus importante que celle de samedi dernier. « Nous avons misé sur un encadrement plus nombreux qui fait du porte-à-porte dans tous les quartiers, nous avons même opté pour le jeudi, un jour de semaine, pour sonder la population », dit Nadir Boukhetta, membre du comité d’organisation. Des chercheurs du cru local sont associés à cette manifestation qui se tiendra simultanément dans chaque ville du sud du pays.

À l’heure où les anti-schiste organisaient une collecte de fonds à l’est du ksar, un groupe de chômeurs bloquait pour la deuxième journée consécutive l’accès à la place du 1er Mai, dans le quartier sud du ksar de Ouargla, réclamant le départ du directeur de l’ANEM. Même son de cloche à Tamanrasset, où l’activité commerciale a repris normalement hier.

Les organisateurs d’une marche, à laquelle ont participé des milliers de personnes, appellent à une participation massive à celle d’aujourd’hui, au moment où la direction de l’éducation a tenu une réunion avec l’ensemble des directeurs d’établissements scolaires pour sensibiliser les élèves et leurs parents contre l’implication des écoliers, collégiens et lycéens, dans ce mouvement de protestation. La réunion s’est tenue au siège de la wilaya en présence du wali et des services de sécurité pour étudier l’évolution préoccupante de la situation, affirme notre correspondant.

In Salah invoque ses martyrs

Toujours déterminés, avec autant de hargne et de révolte contre le maintien des forages de gaz de schiste dans leur région, les habitants d’In Salah ont une fois de plus marché, hier. Une marche qui a fait jaillir quelque 500 personnes de la foule, pour prendre le chemin de Deghamcha El Moudjahidine.

« C’est un geste symbolique, nous sommes retournés vers nos martyrs de 1889 pour demander leur soutien, leur baraka. » La marche a donc pris l’itinéraire du hameau d’El Barka, à 3 km d’In Salah, a dépassé l’erg qui sépare la ville du cimetière des martyrs des batailles d’El Feguiguira et Deghamcha, pour arriver aux tombeaux des martyrs tombés au champ d’honneur lors de la prise d’In Salah par l’armée française, au début du siècle dernier.

Hadj Mohamed Z. était heureux de voir le mouvement anti-schiste faire ce lien avec le passé glorieux du Tidikelt. Le recueillement a duré une demi-heure, « juste le temps de recharger les batteries et de dire à nos ancêtres que nous ne céderons pas » ajoute-il. À In Salah, au-delà de la mobilisation quotidienne qui a poussé même les femmes à multiplier leurs actions au cours de ces quinze jours de contestation pacifique, ce sont les repères historiques de cette région enclavée dans la plaine du Tadmaït qui remontent à la surface.

« L’histoire retiendra que quand il a fallu parler d’In Salah, c’était pour souligner le refus populaire massif au gaz de schiste », affirme Abdelkader Bouhafs, cadre à Sonatrach et activiste de l’association Shams In Salah. Et d’ajouter : « Il ne sera pas dit que le nom de notre ville est associé à l’acceptation de la catastrophe écologique qui découlera sûrement de l’extraction du gaz de schiste, si jamais les autorités persistent à le faire. »

In Salah, une ville du désert qui pèse sur l’échiquier national ?

« Les habitants n’ont pas encore avalé le parallèle avec Paris ou la tour Eiffel qui empêcherait la recherche du gaz de schiste », comme l’a souligné le représentant de Sonatrach lors du débat télévisé initié, lundi dernier, par la 3e chaîne de télévision à propos des protestations anti-gaz de schiste dans le sud du pays. « Pour nous, In Salah est encore plus importante que Paris, ne serait-ce que parce qu’elle renferme les plus grands gisements de gaz, d’eau et d’ensoleillement d’Algérie. » In Salah l’oubliée est remontée dans l’estime de ses propres habitants depuis qu’elle symbolise et cristallise le mouvement d’opposition au gaz de schiste en Algérie.

Presse antiémeute (Houria Alioua, ElWatan.com, 15 janvier 2015)

 

Gaz de Schiste : Appel à des marches dans plusieurs villes du Sud

Le front anti-gaz de schiste s’élargit. Une manifestation d’un million de personnes se prépare dans six wilayas du Sud et du Grand-Sud, dont trois concernées directement par le projet gouvernemental d’extraction du gaz de schiste, prévoyant le forage de 200 puits par an pour produire 20 milliards de mètres cubes de gaz annuellement pour les 20 prochaines années, ainsi que confirmé dimanche par Saïd Sahnoune, PDG par intérim de Sonatrach.

Les déclarations de M. Sahnoune ont eu l’effet d’une bombe auprès des populations du Sud. Au moment où les protestataires d’In Salah dénoncent le fait que les forages sont maintenus à l’heure où la protestation prend de l’ampleur, que les rangs du camp anti-gaz de schiste grossissent, que de nouveaux villages, villes et wilayas se joignent à la protestation, Sonatrach continue à appliquer son programme à Dar Lahmar, non pas à 200 km d’In Salah mais à seulement 28 km de cette ville de 40’000 âmes et à 25 km d’El Barka, dont une habitante s’étonne que l’on dise que « les puits de gaz de schiste sont dans le bassin d’Ahnet, une zone déserte, inhabitée, alors que je vois les sondes de ma fenêtre » !

Pendant qu’une «milyounia» – en fait une série de rassemblements simultanés programmés demain à Ouargla, Tamanrasset, Adrar, Ghardaïa, Laghouat et Biskra – se prépare, In Salah restructure ses rangs. Entre ceux qui ont opté pour la reprise de l’école et ceux qui prônent la paralysie générale, la voix des sages a tranché en faveur de la démocratie, à savoir la souplesse et la libre décision. Sitôt connue, cette règle de conduite a donné lieu à une manifestation des écoliers, hier matin, dans les rues d’In Salah.

La population exige l’arrêt de l’exploitation du puits

Une centaine de véhicules sont arrivés lundi soir de Foggaret Ezzoua (40 km d’In Salah) dont les habitants en avaient assez de manifester seuls chez eux ; ils ont donc dressé leurs tentes sur l’esplanade de la daïra d’In Salah où la foule était plus nombreuse, hier, au sit-in quotidien. Annoncée par Abdelkader Zizah, le médecin de la ville, via les réseaux sociaux, l’information concernant une décision du président Bouteflika d’arrêter les forages a secoué l’assistance pendant une bonne heure.

C’est d’ailleurs pour cette raison que les manifestants ont convoqué un conseil extraordinaire vers 17h, pour informer les autorités du maintien de la protestation jusqu’à l’officialisation d’une éventuelle décision de la Présidence. Entre-temps, la société civile d’In Salah a confié à une délégation de six personnes la mission de rencontrer l’émissaire du président Bouteflika, attendu dans les prochaines heures.

Parmi eux un cardiologue, un médecin généraliste, un financier, un géologue, un chimiste et un spécialiste de l’environnement. Ces délégués sont chargés d’une seule prérogative : convaincre l’envoyé spécial du point de vue de la population, à savoir l’arrêt de l’exploration et le nettoyage du site de Dar Lahmar, en attendant une concertation nationale.

Presse antiémeute (Houria Alioua, El Watan, 14 janvier 2015) via AlgeriaWatch

 

Hamid Slimani. Membre du comité d’organisation de la protestation d’In Salah
« Nous avons encore l’espoir que les autorités nous entendent »

Comment se présente actuellement la situation à In Salah ?

Notre vie est chamboulée depuis deux semaines, toute la ville vit au rythme de cette protestation qui n’a pas diminué en intensité et dont le caractère pacifique focalisé sur une volonté commune de préserver notre environnement fait l’unanimité.

Comment avez-vous réagi aux déclarations du ministre de l’Énergie et du PDG de Sonatrach ?

Je pense que l’étonnement était mutuel. Nous pensions que le ministre serait sensible à notre inquiétude et qu’il répondrait favorablement à notre revendication. Il a, pour sa part, été choqué de voir notre détermination, d’écouter nos arguments scientifiques, environnementaux, citoyens. Il ne s’y attendait pas. Son cœur ne nous a pas écouté, il est venu nous imposer une décision, un programme. Tout In Salah est maintenant persuadé que la décision n’est plus entre les mains de Sonatrach, ni le gouvernement d’ailleurs.

Sonatrach assure que vous vous trompez sur les risques liés au gaz de schiste. Que répondez-vous ?

Nous avons l’impression qu’il y a une machination derrière cette histoire. Même nos députés nous le disent. Ils ont voté pour la loi des hydrocarbures avec un programme qui devrait commencer en 2022, alors que les forages avaient déjà commencé. Ici, les habitants ne font plus confiance à Sonatrach, elle n’a aucune crédibilité. Force est de constater qu’elle ne peut même pas assurer la continuité du service dans la station Naftal d’In Salah. Comment peut-elle dans ce cas garantir que l’eau ne sera pas polluée ?

En plus, c’est Schlumberger qui fracture pour le compte de Sonatrach qui n’a pas de savoir-faire en la matière et ne maîtrise pas les techniques. Ils minimisent les risquent pour nous amadouer, mais je vous dis que j’étais parmi la délégation qui est partie avec le wali à Dar Lahmar. Ils forent toujours et n’ont aucune réponse à nos questions, précisément celles qui concernent les infiltrations de produits chimiques dans les nappes d’eau, ni celles concernant la migration du CO² séquestré à Krechba qui a mal tourné en 2010.

Un émissaire du président de la République est attendu, qu’allez-vous lui dire ?

Que nous ne sommes pas contre les intérêts du peuple algérien ni l’exploitation du gaz de schiste, mais contre les risques encourus par l’environnement en général, les nappes d’eau, le sol et l’air. Les autorités ne nous ont pas donné d’explication au départ, nous n’avons jamais évoqué de problèmes concernant le gaz conventionnel par le passé, mais aujourd’hui, le danger est confirmé par des études de grande envergure, ni Schlumberger ni Statoil n’ont d’état d’âme, ils ne veulent pas nous détailler les substances toxiques utilisées. Elles n’ont aucune garantie que l’eau ne sera pas polluée et nous savons que le cancer et les malformations nous attendent.

Et si Bouteflika maintenait les forages de gaz de schiste, quelles solutions envisagez-vous ?

Si nous avons la certitude que le président de la République ne va pas arrêter le forage, nous déclarerons que nous sommes lésés par notre propre tuteur. Nous ne fléchirons pas, nous resterons sur notre position, l’arrêt des forages et un débat national sur le projet du gaz de schiste. Si les forages persistent ? Je ne peux pas vous dire ce qu’il adviendra, mais nous avons encore l’espoir que le président Bouteflika ne va pas approuver cette condamnation à mort d’In Salah.

Presse antiémeute (Houria Alioua, El Watan, 14 janvier 2015) via AlgeriaWatch

 

Grèves de Ghardaïa à Tamanrasset
Le Sud ne décolère pas

La grève s’est poursuivie pour son deuxième jour, hier, à Ghardaïa où les commerçants mozabites ont maintenu les rideaux baissés. Alors qu’à In Salah, la ville demeure entièrement paralysée, à Tamanrasset, plusieurs secteurs, à commencer par les transports, sont depuis lundi soir à l’arrêt.

Colère et débrayage à Ghardaïa, manifestations quasi-quotidiennes à In Salah, et grèves et solidarité à la capitale de l’Ahaggar. Le Sud algérien connaît depuis le début de l’année 2015 une large mobilisation jamais égalée.

Selon le fédéral du FFS, à Ghardaïa, Hammou Mosbah, les commerces du centre-ville de la Vallée du M’zab sont restés fermés hier, deuxième jour de grève. Pour rappel, cette action se veut un geste de protestation des commerçants mozabites contre le décès de trois personnes âgées asphyxiées chez elles par le gaz lacrymogène lors des affrontements entre gendarmes et citoyens.

En réaction aux déclarations des autorités locales qui ont démenti ces faits, Hammou Mosbah explique : « Elles ont raison de parler ainsi, car il n’y a pas eu d’autopsie. Les trois victimes n’ont pas été transportées à l’hôpital. Vu leur âge avancé, nous avons préféré les enterrer sans plus attendre. C’était aussi le souhait de leur famille… »

Notre interlocuteur fait savoir par ailleurs que des 18 Mozabites arrêtés dimanche par la gendarmerie, 6 individus, dont un mineur ont été relâchés tard dans la soirée de lundi, alors qu’un autre souffre d’une maladie chronique selon toujours la même source qui affirme que depuis lundi soir, la ville baigne dans un calme précaire. « Les affrontements ont cessé mais peuvent toujours reprendre d’un moment à l’autre », ajoute-t-il. Par contre, une petite altercation entre Chaâmbis et Mozabites a eu lieu avant-hier à Berriane, plus précisément au niveau du quartier Baba Saâd.

À In Salah, la population occupe toujours la rue pour protester contre l’exploitation du gaz de schiste, selon le sénateur issu de la région, Abbas Bouaâmama. Ce dernier confirme l’information selon laquelle la présidence de la République prévoit l’envoi d’un émissaire sur place pour ouvrir le dialogue avec les notables et délégués des manifestants.

La ville reste totalement gelée de toute activité. À Tamanrasset, la population a décidément emboîté le pas, par solidarité. Selon le sénateur RND, plusieurs secteurs sont à l’arrêt. Après la grève générale des transports locaux et inter-wilayas, déclenchée lundi soir, plusieurs autres secteurs, entre commerces et administrations, ont suivi hier, mardi. La protestation contre l’exploitation du gaz de schiste mobilise visiblement plus que jamais.

La population du Sud ne semble pas décolérer jusqu’à cessation du premier forage de schiste de Tidikelt, à In Salah, inauguré en catimini fin décembre 2014, par le ministre de l’Énergie.

Presse antiémeute (Mehdi Mehenni, Le Soir d’Algérie, 14 janvier 2015) via AlgeriaWatch

 

Exploitation du gaz de schiste : Les mouvements de protestation se poursuivent

La protestation contre l’exploitation du gaz de schiste ne baisse pas. Depuis l’annonce par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, de l’intention du gouvernement de tirer profit de cette énergie sujette à controverse, les populations de plusieurs régions du sud du pays expriment régulièrement leurs inquiétudes à travers notamment l’organisation de marches et de rassemblements.

Les employés de la Caisse nationale des assurances sociales (CNAS) et de la direction des Ressources en eau ont organisé, hier, un sit-in pacifique devant le siège de la wilaya, tandis que le personnel de la commune de Tamanrasset s’est rassemblé devant le siège de l’APC, en signe de protestation contre « l’exploitation du gaz de schiste dans la région », rapporte l’APS.

Une marche pacifique regroupant des étudiants et des lycéens a également été organisée à travers les artères principales de la ville de Tamanrasset, avant d’aboutir devant le siège de la wilaya où un sit-in pacifique s’est tenu, indique la même source qui précise que l’activité commerciale est paralysée au centre-ville, suite à la fermeture des marchés et des locaux commerciaux.

Le mouvement de protestation contre l’exploitation du gaz de schiste se poursuit également à In-Salah où un sit-in pacifique est toujours maintenu devant le siège de la daïra.

En dépit des « assurances » du ministre de l’Énergie, Youcef Yousfi, les habitants des régions du Sud campent sur leurs positions, exigeant notamment l’arrêt immédiat des travaux de forage lancés par Sonatrach pour extraire ce gaz mais aussi du pétrole.

Le ministre de l’Énergie, pour rappel, s’était rendu jeudi dernier dans la daïra d’In-Salah pour rencontrer les représentants des protestataires et les notables de la région et les avait assurés que « l’exploitation de cette énergie ne comportait aucun danger », appelant les protestataires, par le biais de leurs représentants, à « faire preuve de sagesse et à s’assurer des conséquences de l’exploitation du gaz de schiste ».

En fait, le gouvernement algérien est devant un vrai dilemme. La non-exploitation du gaz et du pétrole de schiste sera préjudiciable à plus d’un titre, sachant que l’essentiel des revenus de l’État viennent justement des hydrocarbures.

Partant du constat que les principaux gisements de pétrole et de gaz conventionnels connaissent un déclin pour cause de leur surexploitation depuis une quinzaine d’années — on est passé, selon les experts, de 700’000 barils/jour en 1999 à 1,7 million barils/jour en 2013 —, le calcul est simple et les inquiétudes du gouvernement sont aussi claires.

L’exploitation du gaz de schiste, en dépit de toutes les menaces que cela représente sur la nappe phréatique et l’environnement, est la seule carte dont disposent nos gouvernants pour faire fonctionner un pays qui n’arrive pas à diversifier son économie malgré les centaines de milliards de dollars injectés dans les circuits depuis l’avènement de Bouteflika au pouvoir.

L’argument avancé par le gouvernement et qui consiste à faire valoir que l’Algérie n’a pas d’autre choix que d’exploiter les énergies non conventionnelles pour assurer l’avenir des futures générations ne semble pas convaincre les habitants du Sud qui ont été oubliés durant des décennies et qui n’ont pas réellement profité de tous les plans de développement initiés depuis l’indépendance du pays, et ce pour cause de mauvaise ou, disons-le franchement, absence de gouvernance dans une région qui recèle pourtant l’essentiel de nos richesses.

En tous les cas, une chose est certaine, la mobilisation contre l’exploitation du gaz de schiste semble aller crescendo, pas seulement au Sud mais également au Nord ou de plus en plus de voix s’élèvent contre la démarche du gouvernement qui veut battre en brèche ce que tous les experts en la matière présentent comme étant un danger environnemental irréversible.

Presse antiémeute (Zahir Mehdaoui, Le Quotidien d’Oran, 13 janvier 2015) via AlgeriaWatch

 

Douze jours de manifestations non-stop

Après un soutien quasi quotidien aux manifestants d’In Salah, In Ghar, seconde daïra du Tidikelt, distante de 60 km d’In Salah sur l’axe d’Adrar, a entamé hier sa grève générale en signe de solidarité.

Les populations du Tidikelt maintiennent donc leurs manifestations pacifiques sous le regard des forces de l’ordre, qui n’ont pas eu à intervenir depuis la réouverture de la transsaharienne le 1er janvier dernier. L’opinion publique nationale observe de loin pour certains ou s’implique davantage, comme c’est le cas du chef-lieu de la wilaya, Tamanrasset, Ouargla, Laghouat, Metlili et Adrar.

La paralysie des établissements scolaires et des administrations de la région est totale, des voix se sont élevées samedi pour un retour à l’école, mais les organisateurs y ont vu un signe de fléchissement qui pourrait donner des idées aux autorités. Ce sera donc la grève générale jusqu’au départ de Sonatrach, Statoil et Schlumberger et l’arrêt total du forage non conventionnel.

D’autres localités d’In Salah, telles que Foggaret Ezzoua et Iguestene, ont apporté leur soutien, leurs représentants sont de loin les plus convaincus, leurs jeunes sont les plus déterminés, apprend-on auprès des contestataires heureux de voir aussi Reggane et Tamanrasset redoubler de présence dans la rue avec des étudiants qui reviennent régulièrement à la charge.

Le rythme est maintenu, trois marches ayant des destinations différentes sont organisées chaque jour : celle des femmes, celle des jeunes et des hommes. L’une sur l’axe de l’hôtel Tidikelt vers haï 5 Juillet ; l’autre vers Ksar Laarab ; les femmes, quant à elles, accaparent le centre-ville, se déplaçant de la daïra vers le CEM El Maghili et la maison de jeunes d’In Salah. Des dizaines de personnes commencent à bouger vers 9h30 pour revenir devant la daïra deux heures plus tard. Même les prières sont accomplies sur place.

Fermeture des commerces à Tamanrasset

À Tamanrasset, les opposants au gaz de schiste décrètent la fermeture des commerces dans toute la wilaya de Tamanrasset à partir d’aujourd’hui, a-t-on appris des protestataires qui ont investi la rue, hier, en signe de solidarité avec les habitants d’In Salah. Les manifestants demandent aux commerçants de toute la wilaya de baisser rideau du matin jusqu’à 18h pour que « tout le monde prenne conscience de ce qu’endurent les habitants de Tidikelt depuis 12 jours de protestation et de résistance contre l’exploitation des gaz non conventionnels dans le Sud ».

Les marcheurs, pour la majorité d’entre eux des étudiants, collégiens et lycéens, ont parcouru plus de 10 kilomètres, scandant des slogans appelant particulièrement à « Arrêter l’exploitation du gaz de schiste à In Salah ». Sous l’œil vigilant des services de sécurité mobilisés à cet effet, les protestataires ont organisé un sit-in de moins d’une heure à la place publique Ilamen, au centre-ville, avant d’amorcer leur marche à destination du centre universitaire El Hadj Moussa Ag Akhamok en passant par le siège de la wilaya et sillonnant les principales artères de la capitale de l’Ahaggar.

Presse antiémeute (Houria Alioua, ElWatan.com, 12 janvier 2015)

Publié dans Les luttes de classes en Algérie | Marqué avec , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Commentaires fermés sur [Sud-Algérien] « Qu’y a-t-il après la misère, la mort ? Le gaz de schiste nous prendra le peu que nous avons et nous n’en voulons pas » (2)

[L’histoire du terrorisme est écrite par l’État] Quelle critique révolutionnaire face au déferlement sécuritaire ?

Quelle critique révolutionnaire face au déferlement sécuritaire ?
Réflexions rapides sur les limites des critiques radicales de la sécurité

L’ampleur inédite des manifestations contre le « terrorisme » et pour la « République » du dimanche 11 janvier 2015 et l’accélération de l’embrigadement sécuritaire de masse dont cette mobilisation témoigne risquent de faire plonger dans la dépression tou(te)s ceux/celles qui participent d’une manière ou d’une autre à la critique de la sécurité et de son monde.

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Une sécuritisation réussie

Le dispositif mis en branle depuis mercredi constitue indéniablement un cas d’école de sécuritisation réussie. Le concept de sécuritisation, développé par Barry Buzan et Ole Waever, désigne un « process through which an inter-subjective understanding is constructed within a political community to treat something as an existential threat to a valued referent object and to enable a call for urgent and exceptional measures to deal with the threat » [Buzan Barry, Waever Ole, Regions and Powers : The Structure of International Security, Cambridge University Press, 2003, p. 491].

Pour qu’il réussisse, une acte de sécuritisation suppose une cible (qui est la menace ?), un objet référent (qui doit-être protégé ?), un agent (qui définit la menace ? qui fournit la sécurité ?) et une audience à convaincre.

Dans le cas présent, l’« islamisme » et les catégories de populations que l’on y associe constituent la cible et la « République », en d’autres termes l’expression politique de l’ordre capitaliste et raciste, l’objet référent. Les appareils de sécurité nationaux et transnationaux répondent efficacement à une « demande » de sécurité artificiellement entretenue au quotidien. L’audience est conquise. L’audience est Charlie.

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De la tragique efficacité de l’antiterrorisme

Après plus d’un demi-siècle d’existence, l’appareil anti-terroriste issu de la contre-insurrection coloniale [Voir Rigouste Mathieu, L’ennemi intérieur : La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France métropolitaine, La Découverte, 2011 ou Bonditti, Philippe, L’antiterrorisme aux États-Unis (1946-2007) : une analyse foucaldienne de la transformation de l’exercice de la souveraineté et de l’art de gouverner, Thèse de doctorat, Institut d’études politiques, 2008] fonctionne toujours aussi bien dans sa capacité à créer du consensus hégémonique et d’une manière plus large à gouverner les populations sur la base de divers énoncés sécuritaires et du calcul de risque permanent. Loin de générer un quelconque « état d’exception » généralisé ou l’avènement d’un « nouveau fascisme » comme l’affirment à la fois certaines critiques libérales et plus radicales, il est au contraire l’un des plus fidèles compagnons des démocraties libérales-marchandes.

Les mesures législatives dites « dérogatoires » ne constituent pas une « suspension de l’État de droit ». Elles génèrent seulement de nouvelles normes juridiques existant à côté de normes plus anciennes. Émergent ainsi des régimes juridiques différenciés qui ne font que traduire dans le droit le fonctionnement inégalitaire réel de la justice de classe et de race. Guantanamo n’est pas l’expression de la « vie nue » en prise directe avec la « souveraineté » mais la concrétisation extrême d’une démultiplication des statuts juridiques particuliers parfaitement compatible avec le cadre général des démocraties libérales.

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Si l’antiterrorisme génère si peu de résistance de masse en Occident, c’est bien parce qu’il laisse à une majorité jugée « conforme » le bénéfice de ces droits formels et réserve les pratiques d’exception à une minorité « déviante » [Bigo Didier, « Introduction. Les libertés sacrifiées au nom de la sécurité ? », in Bigo Didier (éd), Au nom du 11 septembre … Les démocraties à l’épreuve de l’antiterrorisme, La Découverte, 2008], en gros le prolétariat racialisé. L’antiterrorisme se nourrit des clivages de race des sociétés capitalistes et des systèmes de privilège que ces derniers déterminent.

Ainsi, l’antiterrorisme, et la sécurité plus généralement, ne s’opposent pas à la « liberté » — prise dans son acception libérale comme ensemble de droits ou dans sa version anarchiste comme l’inverse d’une état de domination — dans un balancement permanent entre sécurité et liberté. Au contraire, la sécurité participe à configurer des régimes particuliers de liberté dans lesquels les hommes interagissent selon les principes du libre-marché [Foucault Michel, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France. 1977-1978. Gallimard, 2004, p. 50. Foucault Michel, Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France. 1978-1978. Gallimard, 2004, p. 31]. En effet, sa logique est de définir et de neutraliser les populations, les conduites et les situations jugées nuisibles, à tort ou à raison, au régime de la liberté marchande. La sécurité ne vise pas tant à nous contrôler directement qu’à organiser les environnements dans lesquels nous évoluons dans l’intérêt de la reproduction capitaliste.

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Dans les sociétés occidentales, les aspects les plus violents et coercitifs de la sécurité sont réservés aux franges les plus précaires des classes dominées (non-blancs, sans-papiers, prostitués…). La majorité de la population est libre de circuler dans des environnements pacifiés, de vendre sa force de travail, d’exercer ses droits formels et de se moquer des dominés au nom de la « liberté d’expression ».

La panique morale qui fait suite au massacre de Charlie Hebdo ne constitue que la théâtralisation spectaculaire de la gouvernementalité sécuritaire quotidienne.

Sa profondeur met notamment en exergue l’impuissance des militants révolutionnaires à agir face au régime de l’insécuritisation [Par « insécuritisation », nous entendons la gestion des conduites sur la base de la génération d’un sentiment d’insécurité] permanente.

La sécurité engendre certes de nombreuses résistances, notamment autour de la question de la violence policière dans les quartiers populaires, mais celles-ci restent fragmentées. Des stratégies collectives en lien avec un projet d’émancipation global qui articuleraient en leur sein ces résistances restent absentes. Cet éparpillement reflète bien sûr la variété des technologies de pouvoir que la sécurité déploie en fonction des contextes sociaux dans lesquels elle opère. À travers des formes de pouvoir et des modes de subjectivation différenciés, la sécurité renforce et reconfigure les principes de différenciation de classe/race/genre qui structurent les rapports sociaux capitalistes.

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Quelles armes critiques face à la sécurité ?

Le désemparement que la gauche révolutionnaire peut ressentir face au branle-bas de combat sécuritaire des derniers jours s’explique en outre par l’hégémonie regagnée, temporairement du moins, des classes dominantes via l’appel à l’unité nationale aux dépens des musulmans.

Mais il témoigne aussi d’un certain déficit analytique des critiques radicales de la gestion sécuritaire. Celles-ci souffrent notamment de deux types de défauts.

Le premier consiste dans la réduction de la sécurité à des technologies de pouvoir considérées isolément (les discours médiatiques d’insécurité, la police, la vidéo-surveillance, le plan vigi-pirate, l’antiterrorisme…). Ces dernières sont ainsi abstraites du dispositif global dont elles font partie, de l’environnement qu’elles visent à organiser et des contexte sociaux-spatiaux spécifiques dans lesquels elles s’exercent.

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On critique par exemple la police de manière générale et abstraite en la désignant comme « police du capital » mais on ne s’attarde pas sur les modes opératoires différenciés en fonction du triptyque classe/race/genre des « régimes de violence policière » tel que le fait avec finesse Mathieu Rigouste [Rigouste Mathieu, La domination policière. Une violence industrielle, La Fabrique, 2012].

On dénonce PRISM comme un nouveau « Big Brother » en occultant l’imbrication plus ou moins poussée de ce type de programme avec les formes de surveillances horizontales, interactives et ludiques permises par les réseaux sociaux et technologies mobiles. Au lieu d’essayer de faire bannir telle ou telle technologie sécuritaire ou de tenter d’échapper à la sécurité au profit d’un anonymat illusoire, il convient plutôt de cartographier les espaces, les logiques et les formes de la sécurité afin de développer des résistances adaptées.

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Le second défaut réside dans la tendance à subsumer la critique de la sécurité dans une critique générale de l’État, de l’« Autorité », du « Pouvoir » ou toute autre entité substantielle ou principe unitaire de la domination face auxquels se dresseraient les sujets révolutionnaires.

Ce type de critique ne prend pas en compte la multiplicité des acteurs de la sécurité, allant des élites sécuritaires du champ transnational de la sécurité au prolétariat de l’industrie de la sécurité privée en passant par les masses « citoyennes » apeurées et consommatrices de produits de sécurité (émissions alarmistes, anti-virus, commémorations, alarmes, assurances, armes…). Elle ignore par ailleurs la diversité des formes de pouvoir mises en œuvre à tous les niveaux par la sécurité au profit d’une vision strictement répressive de cette dernière.

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La sécurité doit ainsi être appréhendée comme une sphère sociale et un domaine de pratiques hétérogènes dotés d’une certaine autonomie relative. Tout comme l’État, elle est un champ de force où s’affrontent plusieurs groupes pour le monopole de la définition de la peur et de la menace [Bigo Didier, “La mondialisation de l’(in)sécurité ? Réflexions sur le champ des professionnels de la gestion des inquiétudes et analytique de la transnationalisation des processus d’(in)sécurisation”, Cultures & Conflits, vol. 58, 2006].

Comme l’aboutissement de ces luttes influe sur le type de mécanismes déployés, il est nécessaire de prendre en compte les dynamiques propres de la sécurité dans les résistances et les critiques qu’on lui oppose. Il est par ailleurs vital de comprendre sa grammaire particulière afin de ne pas reproduire cette dernière dans nos contre-discours et de ne pas nourrir ainsi les processus d’insécuritisation.

En faisant l’impasse d’une analyse critique approfondie de la sécurité comme idéologie masquant la réalité des rapports de domination et légitimant l’hégémonie des classes dominantes, comme dispositif et mode de gouvernement particuliers reposant sur des régimes de vérités propres et comme sphère sociale relativement autonome, les critiques radicales existantes de la sécurité ne saisissent pas adéquatement la manière dont la sécurité participe concrètement à la reproduction des rapports sociaux capitalistes.

Elles risquent ainsi de négliger certains potentiels de luttes localisés dans les multiples points d’application des mécanismes sécuritaires d’une part et de peiner à définir les termes d’une stratégie contre-hégémonique globale qui articulerait sans l’uniformiser cette multitude de résistances d’autre part.

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De la manière que les critiques dé-coloniales et féministes ont permis d’élargir la critique du capitalisme en y intégrant la critique des rapports de race et de genre, il nous faut étendre et approfondir la critique de la sécurité en dépassant la contestation des formes purement coercitives et répressives de cette dernière.

S’intéresser à la sécurité c’est s’intéresser à l’une des conditions de possibilité essentielles du capitalisme. D’une certaine manière, il nous faut prendre au sérieux les narratifs sécuritaires en tant qu’ils expriment une crainte réelle quant à la capacité du capitalisme à se reproduire.

Paris Luttes Info, 14 janvier 2015

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[ZAD des Chambarans, de Poligny et du Rousset] « Brémond ! On sait où tu crèches et étouffes-toi avec ton pognon blaireau »

Brémond, ton Center Porc à Poligny et à Rousset ne se feront pas comme à Roybon !

Ni ici, ni nulle part

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Brémond, prends note et dis à tes potes que vous allez bientôt vous évaporer de notre atmosphère.
On va vous souffler et vous n’exercerez plus vos influences nauséabondes dans nos campagnes et dans nos villes.
Vous ne prendrez plus en otage une petite commune en décroissance démographique sous l’égide du sacro-saint travail.
Comme l’association de soutien au Center Porc du Bois aux Daims qui dénonce dans une conférence de presse le 24 décembre dernier les promesses non tenues du groupe, la plupart des emplois étant attribués à des “travailleurs étrangers” !!!
Ça nous fait mal, mais ça nous fait doucement rire…
Vous ne ferez plus appel à la Commission nationale des débats publics afin de permettre à votre groupe de bénéficier d’une niche fiscale (outre les 500 M octroyés prévus par les collectivités locales sur les 3 centres). Tout cela afin que vos projets puissent être rentables, puisque votre groupe chute avec son action depuis 2007.
Vous n’enverrez plus vos milices faire le sale boulot à votre place, bientôt on sera face à face.
Ton bétonnage, ta pollution des nappes et de l’eau.
Votre mépris pour la vie et les êtres nous dégoûte, Pierre tu nous fait gerber.
Car nous sommes des millions et vous n’êtes qu’une poignée de ventripotents haineux et désuets.
T’es classé 358e au palmarès des plus pingres avec une fortune personnelle de 145 M d’euros.
On sait où tu crèches et étouffes-toi avec ton pognon blaireau.
Ton influence et tes abus vont apprendre à se taire, comme le projet de Roybon et le site de l’office du tourisme de Poligny.
Car nous sommes nombreux-ses et connecté-e-s à vouloir votre perte, vous les flicocrates du pouvoir et du pognon, prenez garde aux pleurs des arbres et à la colère des pierres.

Les lutines et mutins d’ici et d’ailleurs – Zad de Roybon contre le Center Parcs et pour un autre monde, 12 janvier 2015

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[L’histoire du terrorisme est écrite par l’État] Délation, prison, flicage

DÉLATION, PRISON, FLICAGE : LA FARCE « ANTITERRORISTE » NE FAIT PAS RIRE

Au moment même, ce 13 janvier, où les députés commencent à discuter de nouvelles mesures de surveillance et de répression « antiterroriste », la police et la Justice font usage — un usage aussi peu « aveugle » que les actes terroristes qui l’ont suscité — des textes disponibles avant les tueries des 7 et 9 janvier.

À défaut d’empêcher de nuire des fanatiques religieux pourtant connus et surveillés, les frères Kouachi comme Merah, l’appareil policier et judiciaire, ainsi que les « services » — comme l’écrivent les journalistes en affectant un air de vieux baroudeur du renseignement —, on se déchaîne contre des gamins, des plaisantins et des pauvres types. Il est bien possible que certains de ces pauvres types soient aussi des sales types, mais cela ne change rien au problème.

On applique avec célérité, et gourmandise, des dispositions très récentes — en l’espèce la loi du 14 novembre 2014 — énième ajout au dispositif législatif « antiterroriste ». À Toulouse, le procureur Patrice Michel affirme, martial : « Il ne faut pas reculer d’un centimètre ».

Saluons cet accès de modestie ! Non seulement la « démocratie » — entendu ici comme système représentatif régulateur de l’exploitation capitaliste du travail — ne « recule » pas, mais elle avance, et à grandes enjambées encore !

En permettant et en encourageant la délation par exemple, via le système Pharos. Lequel reçoit tout de même 400 « signalements » par jour, ce qui n’est pas mal pour une population supposée traumatisée par les « périodes sombres de son histoire », selon l’expression consacrée. Période d’unanimité nationale oblige, Pharos a reçu 20’200 « signalements » en quatre jours…

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À Toulouse, donc, trois jeunes hommes de 20 à 25 ans ont été condamnés à des peines de prison ferme pour « apologie du terrorisme » et placés en détention.

Le premier (10 mois ferme) bouscule des flics (ou des contrôleurs, le terme « agents » [Informations tirées du Monde, 12 janvier 2015] n’est pas clair) dans le tramway « où il voyageait sans titre de transport ». Il déclare, selon ses accusateurs, « Les frères Kouachi, c’est que le début, j’aurais dû être avec eux pour tuer plus de monde ». Le second (10 mois ferme), interpellé alcoolisé lors d’un contrôle routier, insulte les flics « On va tous vous niquer à la kalachnikov ». Le troisième n’est plus SDF (3 mois ferme). Dans une bagarre à la sortie d’une boîte de nuit, il profère des injures antisémites et des menaces : « Je veux vous tuer à la kalach’ sales juifs ».

Pauvres types (alcoolisés dans au moins un cas), antipathiques sans doute (le dernier notamment), mais coupables surtout de rodomontades balancées à des agents de sécurité (publique ou privée).

Pour être satisfait de telles condamnations, il faut avoir l’esprit petit ; pour se sentir rassuré par elles, il faut être un crétin.

Or ces farouches « apologistes du terrorisme » ne sont pas les seuls. Dans la région lyonnaise, logique de l’imbécillité policière, c’est Guignol qu’on emprisonne !

Dès le mercredi 7 janvier au soir, soit le jour de la tuerie à Charlie Hebdo, la police interpelle à Vaulx-en-Velin un homme de 26 ans qui « imitait le son d’une mitrailleuse [sic] au passage des policiers ». Même sans enregistrement audio, et n’en déplaise au journaliste de Lyon première (8 janvier), il est plus que probable que le mauvais plaisant imitait plutôt le son d’une mitraillette. Ne pinaillons pas, le résultat est le même : au trou !

Deuxième interpellation, à Saint-Priest, le même soir, d’un jeune homme de 20 ans. Ce dernier aurait « à la vue d’un équipage de police, hurlé “Vive les assassins de la police” tout en riant ».

Nous voici dans le cas de figure classique des « cris séditieux », qui valurent à de nombreuses personnes d’être arrêtées dans la rue ou dans les estaminets, après l’adoption des lois scélérates (pléonasme) réprimant les « menées anarchistes » à la fin du dix-neuvième siècle.

Notons, parce que je crains que la sidération médiatique ait engourdi bon nombre de cervelles, que le sanpriot [Habitant de Saint-Priest. Vous aurez appris quelque chose.] est interpellé pour s’être moqué de flics, trois jours avant que trois millions de personnes défilent prétendument pour le droit de rire de tout.

À moins que la « jurisprudence Charlie » ne suppose qu’il est désormais illicite de se moquer d’un Charlie … et donc des flics, du gouvernement, des services secrets, etc. puisque ce sont, nous le savons désormais, autant de « Charlie ».

http://juralib.noblogs.org/files/2015/01/022.pngL’énumération entamée ci-dessus serait incomplète sans la mention des poursuites visant un adolescent de 14 ans, interpellé et placé en garde à vue, pour avoir posté sur son compte Facebook « un commentaire hostile à la mobilisation en faveur des victimes des récents actes terroristes ». La formule du journal Nice-Matin (10 janvier) est d’autant plus obscure qu’elle est contredite par le titre de la brève : « Un adolescent convoqué en justice pour avoir injurié les victimes de l’attentat ». À moins que Nice-Matin considère tout bonnement que critiquer la « mobilisation », c’est « injurier les victimes ».

On voit que les « figures dangereuses » du jeune, de l’étranger et du terroriste, dont j’ai analysé l’usage politique dans La Terrorisation démocratique (Libertalia) se trouvent idéalement confondues dans les poursuites « antiterroristes » de ces derniers jours.

Se trouvent ainsi exclus de la dite « communauté nationale », et ravalés au rang d’ennemis de l’intérieur, quelques millions d’individu(e)s qui n’ont (inexplicablement !) pas saisi l’occasion des tueries islamistes des 7 et 9 janvier pour opérer avec la police cette « réconciliation » que salue la députée Marie-Françoise Bechtel (chaîne LCP, 13 janvier) en évoquant les cars de CRS applaudis dimanche dernier. L’« union sacrée », toujours justifiée de la lutte contre une « barbarie », se fait au dépens des plus faibles.

(À suivre, hélas !…)

Claude Guillon, Lignes de force, 13 janvier 2015

 

Six condamnations à de la prison ferme pour apologie du terrorisme

Dans le Nord, un homme au lourd passif judiciaire a écopé de quatre ans. Le tribunal a voulu « taper fort ».

La justice a décidé de réagir vite. Six personnes ont été condamnées à de la prison ferme et deux à de la détention provisoire pour apologie du terrorisme depuis mercredi et l’attaque contre Charlie Hebdo. Selon la loi du 14 novembre 2014 renforçant les dispositions de la lutte contre le terrorisme, l’apologie publique est passible de cinq ans de prison ferme et 75’000 euros d’amende. Une peine portée à sept ans et 100’000 euros si l’apologie est faite via un moyen de communication en ligne.

Pour appliquer ce texte, un dispositif spécial a été mis en place : Pharos, la Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements, un site Internet géré par le ministère de l’Intérieur et destiné à recevoir les signalements de quiconque souhaiterait alerter les autorités d’un contenu ou d’un comportement illicite sur Internet. D’après Le Monde, Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, a indiqué aux préfets que 12’600 messages faisant l’apologie des attentats ont été recensés sur les réseaux sociaux depuis l’attaque.

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Six condamnations à de la prison ferme

À Lille. Un homme de 34 ans, originaire de Douchy-les-Mines (Nord), a été condamné à quatre ans de prison. La lourdeur de la peine s’explique en partie par le lourd passif judiciaire du condamné, mais aussi par une volonté de « taper fort » selon Christophe Delattre, le vice-procureur du tribunal de grande instance (TGI) de Valenciennes, joint par Libération. Il aurait aussi crié devant les policiers « Allah akbar. Il devrait y en avoir plus des Kouachi. J’espère que vous serez les prochains […] Vous êtes du pain béni pour les terroristes ». Outre les quatre ans d’emprisonnement, le trentenaire a écopé d’une annulation de son permis de conduire pendant deux ans et d’une interdiction de ses droits civiques et familiaux pendant trois ans : « Je ne vois pas comment quelqu’un qui ne partage pas les valeurs de la République pourrait être autorisé à voter aux prochaines échéances électorales », a déclaré Christophe Delattre à Libération.

Toulouse. Trois hommes de 20 à 25 ans ont été condamnés à des peines de 10 mois de prison ferme pour deux d’entre eux et 3 mois pour le troisième, en comparution immédiate. L’un d’entre eux, avait lancé dans le tramway : « Les frères Kouachi, c’est que le début, j’aurais dû être avec eux pour tuer plus de monde. » Un autre avait déclaré : « On va tous vous niquer à la kalachnikov » et « je vais venir au commissariat pour faire comme à Paris ». Le troisième a crié lors d’une altercation : « Je nique les Français, je suis propalestinien, je veux faire le jihad et vous tuer à la kalach’ sales juifs ! »

Toulon. Un homme de 27 ans a été condamné à un an de prison, dont trois mois ferme pour avoir publié sur Facebook des photos de jihadistes et des propos faisant l’apologie des attaques sanglantes de la semaine dernière à Paris : « On a bien tapé, mettez la djellaba, on ne va pas se rendre, il y a d’autres frères à Marseille. »

Orléans. À Orléans, un jeune de 27 ans a été condamné à six mois de prison ferme pour avoir crié « vive la kalach » jeudi dernier en direction d’un groupe de policiers croisé dans un centre commercial, et imité le bruit de l’arme en mimant la gestuelle d’un combattant tirant une rafale. Au tribunal, il a expliqué qu’il avait bu : « J’ai sorti ça comme ça et je m’en excuse. »

Deux détentions provisoires

Nice. Le tribunal correctionnel de Nice a maintenu en détention provisoire un jeune homme de 18 ans. Il lui est reproché notamment d’avoir lancé à des policiers, en gare de Cannes : « Ils ont bien fait à Paris, il ne faut pas insulter le Prophète, je vais vous kalacher, les musulmans vont niquer la France. »

Strasbourg. Le tribunal correctionnel de Strasbourg a renvoyé lundi le procès d’un jeune homme qui comparaissait pour apologie sur les réseaux sociaux de l’attentat contre Charlie Hebdo, mais a décidé de le maintenir en détention. Le prévenu de 30 ans, marié et père de deux enfants, avait relayé une photographie montrant un fusil d’assaut posé sur le sol, avec plusieurs munitions, et une phrase manuscrite : « Bons baisers de Syrie, Bye bye Charlie. » Le tribunal correctionnel a renvoyé l’affaire au 27 janvier, pour répondre au souhait du prévenu de ne pas être jugé dans le contexte de vive émotion que connaît le pays. Le parquet a requis le maintien en détention, pour « éviter tout renouvellement de l’infraction » et « garantir » sa présence lors de cette prochaine audience. Outre la photographie relayée, les enquêteurs avaient également mis la main sur divers messages du jeune homme, comme « Les frères, réveillez-vous » ou « Mettez-vous opérationnels pour défendre vos sœurs, vos mères ».

Presse porte-clefs (Fanny Lesbros & Guillaume Gendron, Liberation.fr, 13 janvier 2015)

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[Alès, mardi 27 janvier] La situation au Burkina – Discussion avec Bruno Jaffré

La situation au Burkina – Discussion mardi 27 janvier au Capitole à Alès

Les médias français en ont peu parlé et bien mal. Ce qui se passe de positif en Afrique et qui vient contredire les idées reçues issues du colonialisme, n’intéresse pas les nouveaux chiens de garde. Pourtant le 30 octobre le peuple burkinabé rassemblé et organisé a réussi à chasser du pouvoir un « grand ami de la France », Blaise Compaoré responsable de la mort de Thomas Sankara, Norbert Zongo et bien d’autres.

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Ouagadougou, le 30 octobre 2014

Le mouvement populaire qui l’a chassé du pouvoir n’est pas surgi de rien. À plusieurs reprises (en 1998, 1999, 2000, 2008 et 2011) les Burkinabé avaient manifesté leur opposition à l’homme et au régime. Le dernier mouvement a été décisif. Un gouvernement provisoire a été mis en place avec l’accord des mouvements responsables de l’insurrection et des élections doivent être organisée en 2015. Le Monde Diplomatique a publié en décembre un article qui raconte l’histoire des divers mouvements qui ont agité le Burkina ces dernières années.

Mais nous avons voulu en savoir davantage et nous avons demandé à Bruno Jaffré biographe de Thomas Sankara et observateur particulièrement attentif et compétent de la situation au Burkina de venir nous en parler. Il a choisi comme titre de la conférence qui aura lieu le mardi 27 janvier dans la salle du Capitole à Alès:  » Au Burkina faso, de la révolution de 1983 à l’insurrection populaire de 2014″.

Infos Anti-autoritaires en Cévennes à l’Assaut des Montagnes !, 5 janvier 2015

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[ZAD] Check radio, des Chambarans à toi qui nous lis

Check radio, des Chambarans à toi qui nous lis

Aujourd’hui à Roybon existe un espace où, dans l’action, et venant tous.tes d’horizons militants divers, on peut se croiser et expérimenter nos différents regards sur les luttes, le monde et les possibles. À ce jour, le chantier est suspendu mais pas arrêté, certains arbres restent menacés de défrichage et plusieurs lieux de vie sont ouverts sur la zone.

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Alors on t’invite franchement à :

• venir vivre en commun, en permettant à chacun et chacune de trouver sa place dans le collectif et en réinventant de chouettes rapports humains, où on se parle, on s’écoute et où on n’hésite pas non plus à s’engueuler parfois.

• venir partager des savoirs sans autorité et apprendre loin des experts. Sans contrainte d’argent ou de normes, sans compte à rendre et sans bon point, il est bien agréable d’apprendre.

• et aussi venir mettre en œuvre d’autres modes de vie et d’habitat en repensant nos besoins et nos ressources (bienvenu-e-s dans la forêt !)

• venir rencontrer des gens du coin, aux opinions différentes, et brasser des idées, pour rendre créateurs les conflits.

• venir prendre le temps, dans l’action, de mettre cette lutte en perspective, et de penser son inscription dans des mouvements plus larges.

Y a de quoi faire et y prendre plaisir ! On vous attend par ici.

Des occupant.es de la forêt – mailing, 11 janvier 2015

Le nouveau blog automédia : Zad de Roybon contre le Center Parcs et pour un autre monde

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Résistons Ensemble n° 137 – janvier 2015

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Résistons Ensemble

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[L’histoire du terrorisme est écrite par l’État] Il n’y a pas de liberté sans pouvoir effectif de transformer l’existant

Des policiers accueillis aux cris de « Allahu Akbar… »
Les feux d’artifice de la honte

Besançon | Le tir d’une demi-douzaine de gros mortiers de feux d’artifice a été entendu de Bregille à Saint-Claude, deux quartiers diamétralement opposés et éloignés de la capitale régionale, mercredi soir, vers 21h30.

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Un urbanisme qui rend particulièrement difficile l’intervention sereine des forces de l’ordre.

Ils provenaient du quartier de la Grette où, visiblement, l’annonce de l’attentat contre l’hebdomadaire « Charlie Hebdo », a été fêtée par quelques individus. Quelques minutes auparavant, la police était intervenue au 29 H, sur appel au « 17 », pour des perturbateurs dans les étages de la cage d’escalier.

Sur place, la patrouille a été immédiatement la cible de projectiles divers, balancés aux cris de « Allahu Akbar… » par une dizaine d’individus, vêtus de sombre. « On en a tué deux, on va continuer » ont ajouté les jeunes gens, tandis que l’équipage de police faisait marche arrière afin de ne pas envenimer les choses. Le tir festif s’est produit après leur départ.

« Cela a toujours été un quartier difficile… »

Depuis l’été et l’installation de caméras de vidéosurveillance par la Ville, la tension est particulièrement vive dans le quartier dit des « 408 » à Besançon. « Cela a toujours été un quartier difficile, où il faut être plus nombreux qu’eux » souffle un policier expérimenté.

De par sa configuration, complètement détachée du tissu urbain qui l’environne de façon plutôt lâche, la dalle de la Grette ne facilite pas, en effet, l’intervention de la police. Au milieu des immeubles qui s’élèvent de façon monolithique, commerces, écoles, maison de quartier façonnent un univers étanche, dominé, dès la nuit tombée par les trafiquants de stupéfiants. Le deal y fleurit et des armes de guerre y ont déjà été trouvées. « On a ce profil de délinquants qui font également l’apologie d’une idéologie de façon à marquer encore plus leur territoire … qui correspond de fait à celui des deux suspects de la tuerie de mercredi. »

Un défi permanent aux forces de l’ordre

Cet ensemble, qui se paupérise de plus en plus avec une centaine de logements vides, pose un défi permanent aux forces de l’ordre. Récemment, l’interpellation d’un suspect dans une affaire de coups de couteau, filmée intégralement par une caméra, a révélé une scène sidérante de rébellion urbaine.

Des résidants de tous âges, jusqu’à la mamie en pantoufles donnant des coups de pied dans le véhicule de la BAC, ont répondu à l’appel de l’interpellé, pressant les policiers qui s’en sont sortis avec un sang-froid impressionnant. La condamnation de huit des assaillants, hommes et femmes identifiés par les images vidéo, quelques jours plus tard, a provoqué une réaction instantanée. Le poteau portant la caméra a été sectionné à la disqueuse.

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Modeste contribution contre « l’union nationale je suis Charlie » Diffusée à la manif de gauche de ce samedi après-midi à Marseille, non sans difficultés (insultes, tracts jetés à la gueule, « mais vous avez pas honte de diffuser ça aujourd’hui », etc.), mais ça a quand même suscité des discussions qui ont un tout petit peu ébranlée la torpeur généralisée de la manifestation… (Marseille Infos Autonomes, 11 janvier 2015) | TÉLÉCHARGER LE TRACT

Depuis, c’est l’escalade. Lorsque la Ville coule une protection de béton autour des mats, un court-circuit est provoqué dans l’éclairage public pour les plonger dans le noir. Ce jeu du chat et de la souris s’affiche avec morgue, lorsque lors d’une perquisition en règle des communs, les quatre pneus du commissaire qui pilote l’opération sont crevés au nez et à la barbe de la demi-compagnie de CRS sécurisant l’opération … et surveillent surtout ce qui pourrait tomber des étages.

Pour Jean-Sébastien Leuba, adjoint à la vie des quartiers, « ce sont quelques jeunes, sur des milliers à Besançon, qui font que ce quartier est stigmatisé. Je ne veux pas céder à la provocation, ni leur donner de l’importance. Déjà, après le 11-Septembre, il y avait eu ce type de provocations. On a des choses en préparation, avec la politique de la Ville, l’éducation à la citoyenneté, c’est l’affaire de tous… Dans ce contexte de crise, c’est une réaction globale, la mobilisation de tous les acteurs qui nous permettra d’avancer. En tout cas, je tire mon chapeau aux forces de l’ordre qui, par rapport au travail qu’ils font et aux effectifs qu’ils ont perdus ces dernières années, conservent leur sang-froid dans ces moments difficiles. »

Presse antiterroriste (Fred Jimenez, EstRepublicain.fr, 9 janvier 2015)

 

Être ou ne pas être Charlie – là n’est pas la question

Dans le chaos provoqué par l’attentat monstrueux qui a coûté la vie à douze êtres humains, il n’est pas facile de se situer. Entre ceux qui expriment uniquement douleur et colère justifiées, ceux qui « craignent les amalgames » et ceux qui appellent à l’union nationale (et internationale) contre l’Islamisme radical sous la bannière du slogan « je suis Charlie ».

Bien sûr, le crime appelle douleur et colère, mais contre quoi exactement ?

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Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale, Patrick Calvar, directeur général de la DGSI et Jean-Marc Falcone, directeur général de la police nationale arrivent à l’Élysée le 7 janvier 2015.

Ce massacre ignoble est revendiqué par des individus qui se disent membres de Al Qaida. La nécessité absolue de combattre les mouvances obscurantistes de l’islamisme radical ne doit pas nous rendre amnésique. Ces courants qui s’imposent par la terreur affirment commettre leurs crimes au nom de l’Islam. Leur développement a été rendu possible par les interventions impérialistes, le démembrement des États et l’utilisation par l’Occident de ce courant contre les forces progressistes. En France, la situation sociale insupportable que vit la population issue de l’immigration post-coloniale, le racisme d’État, l’islamophobie, les discriminations, la stigmatisation ou les contrôles au faciès portent une responsabilité évidente dans l’essor de ce courant qui touche en réalité une frange marginale d’une jeunesse de toutes origines mais sans horizon.

Bien sûr le crime risque de provoquer des amalgames. Mais ces amalgames sont-ils nouveaux ? Charlie Hebdo, qui a longtemps représenté pour nous l’impertinence, l’insolence de mai soixante-huit, Wolinski, Cabu, l’écologie, RESF, ne s’est-t-il pas justement distingué dans l’art graphique et politique de l’amalgame depuis des années ? Et que les choses soient claires, personne ici ne dit qu’il n’avait pas la liberté de le faire et il a eu toute liberté de le faire des années durant.

Avoir la moindre complaisance ou compréhension pour des assassins de dessinateurs ou pour la mise à mort de gens en raison de leurs idées est insensé.

Mais Charlie Hebdo a mené une bataille politique. Et occulter et faire oublier dans quel contexte il publiait ses caricatures faisait partie de sa bataille politique.

Peut-on imaginer des caricatures émanant de journaux progressistes critiquant la religion juive pendant les années trente au moment de la montée de l’antisémitisme et de la persécution des juifs ? Et nous ne parlons pas ici de caricatures antisémites de l’époque mais de caricatures critiquant la religion juive.

Comment la critique des religions pourrait-elle faire abstraction du rapport dominant/dominé ? Critiquer les religions cela se fait aussi dans un contexte, dans un moment politique qui n’est aucunement neutre à l’égard des musulmans. Les actes de Charlie Hebdo, et les caricatures et les articles sont des actes et ont participé au développement de l’islamophobie en France. Développement du mépris et du racisme à l’encontre de tous les musulmans, des lois chargées de protéger « la laïcité à la française » contre eux, des mosquées attaquées, des agressions physiques contre des gens « d’apparence musulmane ». Leur désignation comme boucs émissaires de la crise économique et sociale, qu’ils subissent aussi et souvent en première ligne, à l’aide des « amalgames » est en marche depuis des années.

http://juralib.noblogs.org/files/2015/01/023.jpgDes ghettos et des discriminations, il n’en est pas question aujourd’hui, l’« union nationale » peut se faire avec le sang de tous ces morts, contre les musulmans, des mosquées brûlent déjà (encore), le terrain a été préparé de longue date.

Le « suicide français » est en marche annonçait le mois dernier un autre Charlot.

« L’Union Nationale » et « l’Union Sacrée » que l’émotion autour du massacre qui vient d’être commis essaie de nous imposer, manipulent les sentiments d’horreur et de révolte légitimes au service d’autres significations bien plus complexes et douteuses. La liberté d’expression n’est pas menacée en France, même la plus raciste. Nous ne sommes pas dans le camp de ceux qui soutiennent le racisme d’État ou les interventions impérialistes. Nous n’acceptons pas le « choc des civilisations » et la logique « terrorisme/antiterrorisme ». Nous refusons d’avance toutes les nouvelles lois « sécuritaires » et toutes les nouvelles formes de discrimination ou d’injonction à l’égard des musulmans que cette union nationale ne peut manquer de produire.

Alors aujourd’hui craindre l’amalgame nous semble plus qu’insuffisant. La France se dit un État de droit, les criminels doivent être arrêtés et jugés pour leurs crimes. Mais leur crime va bien au-delà, il vient en réalité de libérer la politique de l’amalgame, et du bouc émissaire. En ce sens les bourreaux comme les victimes de l’attentat étaient partie prenante de la guerre des civilisations. En ce sens, si les assassins nous font horreur, Charlie n’était pas et n’est pas pour autant notre ami et « nous ne sommes pas Charlie ». Si notre solidarité et notre profonde compassion vont à tous les journalistes, salariés, policiers, victimes innocentes de cette tragédie et à leurs familles, l’union qu’il faut construire aujourd’hui est celle d’une France qui accepte d’être enfin celle de tous ses citoyens, musulmans inclus. La bataille contre le terrorisme passera par la bataille pour l’égalité, la justice, la reconnaissance de la France d’aujourd’hui dans toute sa diversité source d’immense richesse. Pour qu’au bout de cette nuit, le jour se lève, nous devons être aujourd’hui des musulmans.

Bureau national de l’UJFP, 9 janvier 2015

Nous apprenons à l’instant la prise d’otage d’un supermarché casher de la Porte de Vincennes, à Paris, qui semble liée à une attaque de plus grande envergure. Plus que jamais notre travail à l’UJFP sera de construire du « commun » autour des valeurs universelles que nous venons d’énoncer. Comme juifs, nous serons toujours du côté du dominé, du racisé, du discriminé, qu’il soit musulman, Rrom, juif…

 

Attentat à Charlie Hebdo : après l’émotion, l’instrumentalisation

L’attentat dans les locaux de Charlie Hebdo mercredi 7 janvier et le massacre de 12 personnes — un agent d’entretien, un visiteur, 8 membres de la rédaction et de deux policiers chargés de leur protection — par des fanatiques religieux sont dramatiques tant au plan humain qu’au niveau de ce qu’ils signifient. Nous ne pouvons qu’exprimer notre condamnation et apporter notre soutien. Néanmoins les conséquences de cet événement risquent d’être tout aussi dramatiques au plan politique et social.

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Cet attentat est une aubaine pour les tenants du repli identitaire et nationaliste. Le Front national va essayer d’en sortir gagnant en tentant une fois de plus de se poser en garant des libertés républicaines et de la laïcité. Pourtant, nous savons ce qu’il en est réellement de la véritable nature de ce parti et que sur le fond il est le premier ennemi des libertés publiques et individuelles.

Inévitablement, on va aussi assister à une poussée de l’islamophobie, du discours discriminant et d’exclusion qui touche déjà la communauté musulmane dans son ensemble et plus largement les populations d’origine immigrée. Celles-ci vont bien être les premières victimes des conséquences de cet attentat. On risque même de voir se développer des initiatives populistes et racistes comme le mouvement Pediga en Allemagne. Par ailleurs, n’oublions pas que les jeunes assassins qui ont perpétré cette tuerie ont aussi été victimes de lavages de cerveaux de la part de fanatiques religieux que l’État français a sciemment laissé s’installer dans les banlieues et en milieu carcéral.

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Enfin, au nom de « l’union nationale » et de la lutte contre le terrorisme, le gouvernement et les classes dirigeantes politiques et économiques vont renforcer les mesures sécuritaires et liberticides, restreignant un peu plus nos libertés et renforçant le contrôle social des populations. Cela, sous couvert d’un discours d’unité nationale masquant les divergences d’intérêts de classe et visant à faire oublier la situation économique et sociale désastreuse ; leur gestion du système capitaliste produisant chaque jour un peu plus de misère et de précarité, fragilisant la société dans son ensemble.

Tout cela risque d’alourdir encore un climat politique et social déjà très pesant et inquiétant.

Seule une action sociale visant à la réduction des inégalités, visant à construire une société basée sur l’égalité économique et sociale peut inverser la tendance et apporter des réponses à la situation actuelle et à ses enjeux. Par ailleurs, celle-ci doit inévitablement s’accompagner d’une action éducative et pédagogique, d’éducation populaire, dans le but de lutter contre toutes les formes d’obscurantismes. Dans ce contexte, l’école et ses personnels jouent un rôle central.

Une fois de plus notre objectif : « éduquer pour émanciper » est plus que d’actualité pour lutter contre le fanatisme, l’obscurantisme et le fascisme sous toutes ses formes !

CNT Éducation 69, 10 janvier 2015

 

La sale guerre (de retour)

Réaction de la rédaction du site italien d’analyse militante InfoAut après les assassinats perpétrés dans les locaux de Charlie Hebdo.

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Plus que jamais nous réalisons à quel point “nous sommes racontés” par un langage normé [« medio(cre) » dans le texte, « medio » qui signifie normé et « mediocre » qui signifie médiocre] qui nous domine et parle de nous, contre nous, en nous écrasant et en nous rendant impuissants.

À tous ceux qui sont déjà en train de saturer les réseaux sociaux de condoléances, prêts à s’enrôler dans la nouvelle guerre de civilisation contre l’Islam (à droite) ou en faveur de la pareillement insupportable profession de foi en faveur de la liberté d’expression (à gauche), nous aimerions rappeler une banalité : il n’y a pas de liberté sans pouvoir effectif de transformer l’existant, le reste n’est que verbiage. En ce moment, c’est surtout un raisonnement à froid, détaché et intelligent dont on a grandement besoin.

Le plus insupportable sera d’assister aux manifestations et aux prises de position au cours desquelles les porte-drapeaux de l’ironie libérale défileront main dans la main avec lepénistes et supporters gauche-chic de Hollande. De bien moches compagnons de route. Alors que la droite se délecte d’identités perdues et fantasmées, la gauche brille par son cynisme postmoderne de la distance et de l’ironie qui ne s’engage pas. Ironie parfaitement fonctionnelle (nous nous en apercevons ces jours-ci) quant au renforcement du status quo libéral et capitaliste. Les premiers travaillent à la création d’un ennemi imaginaire, les autres à une éthique du désengagement et d’une adhésion au capitalisme tardif de la liberté-dans-la-consommation (surtout culturelle, ça va sans dire [En français dans le texte]).

Pour éviter tout malentendu et pour tenter de poursuivre une réflexion difficile et dérangeante, nous le disons : nous sommes écœurés par ce qui s’est passé ! Nous sommes à des années-lumière d’actes de cette teneur ! Nous ne croyons pas qu’ils représentent ou puissent être utiles aux causes et intérêts des populations qui ont payé et continuent à payer les effets des politiques impérialistes scélérates. Nous voilà acquittés de notre devoir, nous avons montré patte blanche – mais nous rendons-nous compte à quel point il est humiliant et surréaliste de devoir faire ces préambules ? Être obligés a priori de prendre position en faveur de la civilisation occidentale, sous peine d’être mis au banc des accusés, est déjà en soi la preuve de l’uniformité du discours occidental. Discours dans lequel la satire « islamophobe-libertaire » est complètement homologuée – reprenons le fil…

Durant les 20, 25 dernières années, l’Occident euro-atlantiste a effectué directement ou déclenché à distance guerres et conflits inter-confessionnels et inter-ethniques afin de maintenir sa propre domination géostratégique sur des territoires principalement de foi musulmane. Il ne s’agit pas de justifier un massacre qui n’a de sens que pour ceux qui l’ont accompli et ceux qui veulent attiser de nouveaux affrontements de civilisation. Mais il reste toute même inévitable et obligatoire de se demander combien de morts ont produit ces 30 années d’intrusion euro-américaine au Moyen-Orient. Intrusions qui, structurellement et selon le besoin, ont utilisé et favorisé, ou au contraire puni et combattu, un islam politico-militant, qui lui-même s’est toujours transformé, fragmenté, réuni et recomposé au gré des alliances et des intérêts qui étaient et sont encore en jeu.

Les services secrets et les états-majeurs des États-Unis, de la Grande Bretagne, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie n’ont jamais cessé de jouer, de manière (ir)responsable, avec des pantins qui depuis longtemps contre-utilisent à leur tour ceux qui les financent et les soutiennent quand ça les arrange. Pensons à ce qui s’est passé en Lybie, au Mali, en Syrie et aujourd’hui aux portes de Kobane avec l’ISIS, commanditaire politique de ce massacre stupide et inutile. Aujourd’hui un peu de cette sale guerre dissimulée revient chez elle, avec les intérêts. Et comme souvent, elle ne prend pas les formes claires et politiquement légitimes d’autrefois, mais la physionomie délirante et mortifère d’un monde sur le bord de l’implosion systémique. La merde que nous exportons ailleurs nous éclabousse en retour. Paradoxalement le cui bono [« À qui profite le crime ? »] de ce geste fait les intérêts des apologistes du choc des civilisations, non seulement les Salvini [Chef de la Ligue du nord, parti d’extrême-droite italien], les Le Pen et respectivement les disciples du nouveau Califat, mais également des États-Unis. Ces derniers, de loin, riant sous cape, pourront se complaire d’avoir réussi en quelque sorte à décharger sur l’Europe non seulement la crise économique mais également les effets les plus néfastes de cette « guerre contre le terrorisme » dont ils sont les principaux initiateurs.

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Pour finir, encore quelques paroles sur la satire et la tant déclamée liberté d’expression. Depuis 2001, Charlie Hebdo a construit son fonds de commerce sur la névrose islamophobe dont les principaux vecteurs sont les barbus, les femmes voilées et autres ennemis imaginaires. De notre point de vue, la raison d’être de la satire est de déranger ceux qui commandent. S’exprimer ironiquement dans une vignette n’exempte pas d’un jugement de valeur sur le message véhiculé. Pointer du doigt les groupes minoritaires discriminés à cause de responsabilités historiques précises, n’équivaut pas à critiquer et railler le pouvoir religieux et culturel hégémonique de son propre pays. En France, la prétendue question de « l’ennemi intérieur », désormais omniprésente en Europe, se façonne autour et sur l’omission du passé colonial. C’est pour cela qu’il n’y a pas de liberté abstraite qui tienne, et que Charlie Hebdo, d’hebdomadaire désacralisant, est devenu un magazine qui faisait horreur à quelques-uns de ses anciens collaborateurs. En somme, avec toute l’empathie que l’on peut avoir pour les victimes, nous ne sommes pas Charlie Hebdo, qui est devenu un bien piètre journal.

La facilité avec laquelle on opère le rapprochement entre l’auteur d’un geste criminel et son groupe social est le test révélateur d’une hiérarchie des groupes sociaux. Lorsqu’un musulman tire, c’est tout l’Islam qui en est responsable, lorsqu’un noir commet un vol à main armée, c’est toute la race qui est présumée coupable (comme le démontre le nombre d’assassinats de jeunes noirs par la police aux États-Unis). Lorsqu’en revanche c’est un intégriste catholique qui massacre des dizaines de jeunes au nom de la défense de l’Europe judéo-chrétienne, comme c’est arrivé à Utoya en Norvège, l’épisode est dépolitisé et relégué dans le champ psychiatrique.

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Le foutoir général ne peut que produire ces monstres (d’un côté comme de l’autre), nous devons en être conscients. La seule réponse possible non homologuée est de nous chercher et de construire des rapports de force en capacité d’imposer notre terrain sans se faire traîner dans ceux d’autrui, si visqueux. Et ce en refusant l’appel à l’enrôlement, au prix d’apparaître impopulaire aujourd’hui, pour éviter d’ultérieures catastrophes demain.

Traduit de InfoAutParis Luttes Info, 10 janvier 2015

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21 février

Le 21 février, tous et toutes à Toulouse, pour une manifestation d’ampleur nationale.

Un an après la manifestation du 22 février à Nantes, les mots d’ordre et les craintes n’ont toujours pas changés.

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Malgré la mort d’un homme et les mobilisations qui l’ont suivie, malgré la multiplication des zones à défendre contre l’appétit des bétonneurs et cela comme autant de points de ruptures, de lieux d’organisation et de vie, malgré les éborgnés et les blessés de toute nature qui garderont des séquelles à vie, malgré tout les gens incarcérés ; nous réentendons toujours le même couplet mortifère :

Les travaux reprendront, les occupants seront évacués et tout rentrera dans l’ordre.

Les menaces sont claires, le pouvoir destructeur de l’État et de ses miliciens est connu, nous ne pouvons pas rester dans l’attente.
La proposition est là, que nos luttes locales se rassemblent enfin en un seul point pour faire du 21 février une journée de puissance collective contre l’État bétonneur et sa répression policière.

Toutes vos idées et pratiques de lutte sont la bienvenue.

Nous ferons une première réunion pour l’organisation de cette journée avec le comité zad 31, mardi 13 janvier à 19 heures, au CASC, 10bis rue du Colonel Driant à Toulouse.

Reçu le 9 janvier 2015

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