Guinée : un mort et 5 blessés par balle lors d’une manifestation à Conakry
CONAKRY – Au moins une personne a été tuée et cinq ont été blessées par balle lors d’une manifestation d’opposants jeudi à Conakry réclamant la tenue le 30 juin d’élections législatives libres et transparentes, a appris l’AFP de source hospitalière.
Le jeune Boubacar Diallo, âgé de 16 ans, a été tué par balle. Il est mort sur le coup alors qu’il se trouvait devant son domicile au moment où les forces de l’ordre pourchassaient des manifestants qui revenaient d’un meeting des chefs de l’opposition, selon cette source.
La répression a fait encore cinq blessés par balle qui ont reçu des soins dans divers centres de santé et cliniques de la ville, a ajouté cette source.
La mort du jeune homme a été confirmée par le chef de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, qui s’est rendu à la morgue de l’un des principaux hôpitaux de Conakry, l’hôpital Donka, où a été transporté son corps.
Voilà une preuve de la barbarie des forces de l’ordre qui pourchassent les militants de l’opposition jusque dans leur famille pour les tuer, a affirmé M. Diallo.
Damantang Albert Camara, porte-parole du gouvernement guinéen, interrogé et informé de ce décès par un journaliste de l’AFP, l’a jugé regrettable.
Dans un communiqué publié peu auparavant en fin d’après-midi, le porte-parole avait fait état de quatre blessés, deux parmi les manifestants et deux au sein des forces de l’ordre.
Le gouvernement regrette et condamne fermement la tournure que la manifestation, annoncée pacifique et autorisée par l’Administration, a prise à Conakry, basculant dans une violence que personne n’aurait souhaitée, ajoutait le texte.
Exprimant sa solidarité, sa profonde et vive compassion aux victimes, le gouvernement lance de nouveau un appel au calme et à la sérénité et invite les responsables politiques et les militants des différents partis à la retenue et au sens de la responsabilité.
À l’appel de plusieurs partis d’opposition, des milliers de personnes s’étaient rassemblées en banlieue dans la matinée dans une ambiance de fête. Après l’arrivée des dirigeants de l’opposition, les manifestants ont entamé leur marche, encadrée par un important dispositif des forces de l’ordre, qui s’est achevée par un meeting dans un stade de Conakry.
Le rassemblement a été troublé par un affrontement entre des manifestants qui lançaient des pierres et les forces de l’ordre qui ont riposté par des tirs de gaz lacrymogènes devant le siège du parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG).
Une manifestation similaire organisée il y a une semaine avait déjà dégénéré en violences qui avaient fait au moins 25 blessés.
Nous voulons des élections libres et transparentes, nous voulons que la Guinée soit un pays véritablement démocratique où il fait bon vivre, avait déclaré lors de la marche l’ex-Premier ministre Sidya Touré, présent avec d’autres opposants, dont Cellou Dalein Diallo et Lansana Kouyaté.
Selon M. Diallo cette manifestation visait à interpeller le président Alpha Condé pour qu’il fasse tout pour organiser des élections libres et transparentes dans un climat apaisé.
Les élections législatives, fixées au 30 juin, sont attendues depuis 2011. Faute de consensus avec l’opposition sur l’organisation d’un scrutin libre et transparent, elles ont été maintes fois repoussées.
Mercredi, le gouvernement, les partis qui le soutiennent et l’opposition avaient appelé à la retenue lors des manifestations de rue.
Presse coloniale (Agence Faut Payer, 25 avril 2013 – 20h56)
Des milliers de manifestants dans les rues de Conakry
Des milliers de personnes sont massivement sorties jeudi dans les rues de Conakry, à l’appel du collectif des partis membres de l’aile dure de l’opposition guinéenne, qui réclame plus de transparence dans l’organisation des futures législatives, a constaté APA.
La marée humaine, conduite par le principal opposant guinéen, Cellou Dalein Diallo, suivi de ses pairs Sidya Touré, Aboubacar Sylla, Mamadou Bah Baadikko, Fodé Mohamed Soumah, a entamé sa marche du carrefour Bambéto vers le Stade du 28 septembre via la route Le Prince.
Mais comme les précédentes marches, les militants et sympathisants de l’opposition ont quitté des quartiers de la périphérie de Conakry pour rejoindre le carrefour Bambéto dans la commune de Ratoma, les uns à pied, d’autres sur des motos ou à bord de véhicules.
Les manifestants réclament le départ de l’opérateur de saisie d’origine sud-africaine, Waymarck, le vote des Guinéens de l’étranger et des législatives transparentes. (…)
De Coza à Bambeto, en passant par Hamdallaye ou au grand marché Madina, les rues sont presque désertes, la circulation routière quasi inexistante et les boutiques et magasins fermés.
Cette marche intervient, alors que le pouvoir, la mouvance présidentielle et l’opposition ont signé la veille une déclaration de non-violence, grâce aux efforts du collège des facilitateurs dans la crise guinéenne.
La Guinée est en proie à une profonde crise politique avec le retrait des coalitions des partis membres de l’aile dure de l’opposition guinéenne du cadre de concertation sur le processus électoral initié par le Chef de l’État, Alpha Condé.
Nommé facilitateur international dans la crise guinéenne, en compagnie de deux facilitateurs locaux, Said Djinnit séjourne actuellement en Guinée, alors que le pouvoir et l’opposition ne s’entendent pas sur les modalités de la tenue des futures élections législatives devant finaliser la transition entamée en décembre 2008.
L’opposition guinéenne multiplie les marches et autres manifestations de rue à Conakry pour exiger un scrutin transparent. Sa manifestation du 27 février dernier avait dégénéré faisant ainsi neuf morts, des blessés, sous fond de bagarre intercommunautaire et de pillages des biens.
Des élections législatives censées se tenir six mois après la présidentielle de 2010 ont été reportées à quatre reprises en Guinée. Le scrutin est fixé maintenant au 30 juin prochain.
Leur presse (APA, 25 avril 2013)
Manifestation de l’opposition : le bilan de la journée
Quoiqu’il soit difficile de tenir un bilan pour une journée de manifestation à Conakry, celle d’aujourd’hui aura été riche, par ses spécificités et surtout la teneur des discours tenus à l’esplanade du Stade du 28 septembre.
Le moins que l’on puisse dire de la marche de ce jeudi, est qu’elle a commencé timidement. Certains avaient vite parlé d’échec. Au petit matin, la circulation était fluide sur l’axe Enco5 – Hamdallaye mais aussi sur les autres routes de Conakry, notamment celles de Kipé et de l’autoroute. Vers 9h, Cellou Dalein Diallo, le chef de file de l’opposition commence son safari dans ses fiefs pour galvaniser ses troupes et donner le ton de la marche. Après une rapide tournée jusqu’à Wanindara, des leaders se joindront à son cortège au niveau de Cosa ; c’est là d’ailleurs que la marche aura débuté avant même le point de ralliement, qui était Bambeto. Des milliers de jeunes, aux sons des musiques à la gloire des différents leaders de l’opposition, battront le pavé. La remarque principale sur le trajet Cosa – Bambeto, aura été que Lansana Kouyaté leader du PEDN fera la route à pieds au milieu des jeunes. L’ancien premier ministre entend ainsi prouver son ardeur et sa ferme volonté de dynamiser leur marche.
À Bambeto, la foule grossit, des jeunes attendant les leaders se joignent à la troupe. Le cortège avance lentement, signe de la forte mobilisation. L’ambiance est conviviale, un pick-up de la police vient semer le trouble. Mais pas pour longtemps, le chemin est repris par ces jeunes assoiffés de liberté, qui au prix de leur vie entendent dénoncer les abus du pouvoir.
Entre Bambeto et Hamdallaye, il faut 1h aux différents cortèges des opposants pour pointer le nez à Concasseur. C’est le point noir de la marche. Par on ne sait quel jeu de diable, du gaz lacrymogène est tiré par les forces de l’ordre massivement présentes au siège du RPG. La foule se casse en deux, les répliques ne tardent pas. Des pierres volent de partout. Une partie de la foule rebrousse chemin en inhalant du gaz. Les yeux rouges, rongés par la colère, déçus de ne pouvoir aller jusqu’au bout, des jeunes jettent des pierres aux forces de l’ordre, leur seule arme, des insultes avec. Des tirs à balles réelles auraient été faits, une information difficile à confirmer dans cette situation.
Mais le rythme de la marche reprendra vite, au fil de l’avancement, la foule s’agrandit, des curieux se mêlent à la danse. À 13h, les manifestants accompagnés des leaders sont à l’esplanade du Stade du 28 septembre, le terminus. Bano Sow de l’UFDG, en véritable MC (Maitre de Cérémonie) orchestrera les speeches des leaders. Tour à tour les leaders expliqueront les motifs de leur marche et adresseront leurs remerciements aux jeunes massivement mobilisés. Certains dans les langues locales harangueront la foule en lançant des piques à la gouvernance de Koro Alpha. En chef de mouvement, Cellou Dalein Diallo, le dernier à intervenir se dira flatté de la mobilisation des jeunes malgré la campagne du pouvoir pour déstabiliser le mouvement.
Plusieurs leçons peuvent être tirées de la journée de ce jeudi, et parmi elles, la soif de liberté des jeunes Guinéens, le dynamisme de l’évolution des mentalités. Durant un parcours de plus 20 km les jeunes ont marché sans incidents (l’accrochage au siège du RPG était prévisible), clamant leur envie de voir les Guinéens s’unir pour bien vivre.
Le seul hic aura été l’incapacité des forces de l’ordre à sécuriser la marche comme promis. Ce qui d’ailleurs était l’argument principal pour changer l’itinéraire initialement choisi par l’opposition. Sans jouer au statisticien, il reste évident que la marche a connu du monde et du
beau monde. Des milliers de jeunes étaient dans la rue, avec une présence remarquée des femmes aussi.
Presse d’opposition (Mams Sow, GuineeActu.info, 25 avril 2013)
Guinée : Bambéto, un quartier sur des charbons ardents
Toujours prompt à s’enflammer, ce quartier populaire de la banlieue nord de Conakry est l’un des plus turbulents de la capitale guinéenne.
On ne peut pas rater le rond-point principal de Bambéto. C’est le centre névralgique de ce quartier populaire guinéen de la « haute banlieue » de Conakry, le lieu où convergent et d’où
partent toutes les contestations sociales et politiques. À lui seul, le coup de gueule « À bas le CNT » (Conseil national de transition), inscrit en rouge sur l’un des monuments du carrefour, en dit long sur la propension de ses habitants à la fronde. Comme tous les jours, ce dimanche, aboyeurs de la gare routière, chauffeurs de magbana (minibus), mendiants aveugles guidés par des enfants aux pieds nus… ils sont des centaines à s’être donné rendez-vous ici pour tenter de gagner leur pain quotidien. Entre les cris de commerçants, le concert des klaxons et les coups de sifflet de policiers excédés par l’indiscipline généralisée des piétons comme des conducteurs, le bruit est indescriptible.
Part de colère
Des forces de l’ordre veillent au grain et guettent le moindre attroupement au rond-point, devenu leur pire cauchemar. Le quartier est peuplé majoritairement de Peuls, qui, à tort ou à raison, se sentent exclus du pouvoir politique depuis plusieurs années. Ici, c’est « 100 % Cellou », comme on peut le lire, en grands caractères, sur un autre monument du rond-point. En clair, le Peul Cellou Dalein Diallo, principal opposant à Alpha Condé, est le préféré des habitants de Bambéto, qui suivent ses mots d’ordre à la lettre.
Ceci étant, le plus souvent, notamment quand il y a des délestages, personne n’attend le mot d’ordre de Cellou (ici, on l’appelle juste par son prénom) ni de qui que ce soit pour manifester son mécontentement. Ainsi, durant la Coupe d’Afrique des nations (CAN 2012) de football en janvier-février, les jours où le Sily (l’« éléphant » en soussou, l’équipe nationale) jouait étaient particulièrement redoutés par les responsables d’Électricité de Guinée (EDG). Il a en effet suffi d’une interruption, le jour de son entrée en compétition, pour que Bambéto s’embrase.
De Lansana Conté à Alpha Condé, en passant par Moussa Dadis Camara et Sékouba Konaté, chacun a eu sa part de colère de Bambéto. Condé, lui, tente un rapprochement avec certains leaders du quartier rebelle. Mi-février, il a reçu des jeunes de Bambéto à Sékoutoureya. Une
rencontre bien entendu retransmise à la télévision nationale et organisée, entre autres, par le ministre Ousmane Bah, président de l’Union pour le progrès et le renouveau (UPR), allié de Condé et rival de Diallo dans les milieux peuls.
Foot, Thé, Dodo
« Les gens disent que nous sommes violents, que nous sommes opposés au pouvoir et que nous sommes manipulés par l’UFDG [l’Union des forces démocratiques de Guinée, le parti de Diallo, NDLR], explique Demba Diallo, étudiant en fin de cycle, en recherche d’emploi… C’est simplement ce qui arrive quand il n’y a pas de boulot. Le programme de la journée pour un jeune de Bambéto, c’est football au quartier le matin, déjeuner de riz à la sauce feuille à 10 heures (suffisant pour le seul repas du jour), balade à la gare jusqu’à 16 heures, thé le soir et dodo. Il n’y a rien d’autre à faire. »
Si ce n’est, tout de même, de partager quelques divertissements de temps en temps. Durant le mois de février, les membres d’Ultime Family, un groupe de rappeurs du quartier, ont sillonné les rues non bitumées et les dizaines d’allées tracées sans plan entre les maisons pour inviter les jeunes de Bambéto à leur anniversaire, organisé dans une boîte de nuit. Collées sur des réverbères – qui, ici plus qu’ailleurs encore, ne s’allument que très rarement –, les affiches conviant à la soirée en témoignent encore très phonétiquement (en tout cas sans s’embarrasser de quelconques règles d’orthographe). C’est aussi une particularité de Bambéto, dont l’une des devises est : « On n’est pas dans les détails. »
Presse barbouzarde (André Silver Konan, JeuneAfrique.com, 20 mars 2012)