[Justice pour Ali Ziri] Menaces et mensonges des porcs pour faire dévisser une plaque commémorative

Suite aux pressions de syndicats de police, le préfet du Val-d’Oise a ordonné hier au maire d’Argenteuil de retirer une plaque, déposée le 14 janvier 2012 par un collectif, en mémoire d’Ali Ziri, un retraité algérien, décédé en juin 2009 après son interpellation.

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« Pour l’État, la plaque constitue une atteinte à la présomption d’innocence, précise le cabinet du maire d’Argenteuil, cité ce matin par Le Parisien. L’État menace la ville d’un recours devant le tribunal administratif si nous n’y donnons pas suite. »

D’après Ludovic Collignon, représentant du syndicat Alliance Police dans le Val-d’Oise, le ministre de l’intérieur Claude Guéant se serait empressé d’annoncer la « bonne » nouvelle à ce syndicat, proche de la droite, lundi soir au Paradis latin, un cabaret parisien du Ve arrondissement. « Le ministre de l’intérieur nous a annoncé que le maire avait accepté le retrait de la plaque lors d’un entretien avec le préfet lundi », affirme Ludovic Collignon.

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« D'après Ludovic Collignon, représentant du syndicat Alliance Police dans le Val-d'Oise, le ministre de l'intérieur Claude Guéant se serait empressé d'annoncer la “bonne” nouvelle à ce syndicat, proche de la droite, lundi soir au Paradis latin… »

Mais selon le cabinet du maire, joint mardi matin, « la Ville n’a pas encore pris cette décision, une réunion avec le maire à ce sujet devant avoir lieu cet après-midi ». Ce n’est que vers 17 heures mardi que la Ville, jusqu’ici très ferme, a reculé. Philippe Doucet, maire PS, a annoncé, par communiqué de presse, qu’« en regard des tensions qui se font jour (il) concède la dépose de la dite plaque ».

Coup de pied de l’âne, il rappelle au passage que l’État ne s’était « pas opposé ni à la tenue de cette manifestation dont il avait préalablement été tenu informé, ni à l’arrêté du maire du 9 janvier prévoyant la pose de la plaque provisoire ».

L’objet de la polémique est l’inscription portée par la plaque, dévoilée le 14 janvier par monseigneur Gaillot et à l’initiative du collectif vérité et justice pour Ali Ziri : « Ali Ziri, 69 ans, mort le 11 juin 2009, suite à son interpellation par la police nationale, ici même. »

Interpellé le 9 juin 2009 par trois policiers, Ali Ziri était tombé dans le coma le soir même et était décédé le 11 juin. La commission nationale de déontologie de la sécurité avait évoqué un « traitement inhumain et dégradant » et deux expertises médicales lient la mort d’Ali Ziri à l’utilisation de techniques de maintien sur un homme âgé et fortement alcoolisé (2,4 grammes par litre).

La dernière, en date du 15 avril 2011, concluait à « un épisode hypoxique (une diminution de la quantité d’oxygène apportée aux tissus – ndlr) en rapport avec les manœuvres d’immobilisation et les vomissements réitératifs ». Des techniques de maintien (le « pliage » notamment) récemment pointées du doigt dans la mort de Wissam El-Yamni à Clermont-Ferrand.

Malgré ces rapports mettant en cause le rôle des policiers, le parquet de Pontoise a requis en décembre 2011 un non-lieu. Le juge d’instruction, qui n’a jamais entendu les trois policiers interpellateurs, doit encore se prononcer sur un éventuel non-lieu, qui mettrait fin à toute poursuite.

La plaque, autorisée par un arrêté du maire PS d’Argenteuil, Philippe Doucet, était donc selon la Ville « provisoire », en l’attente de la décision de la justice.

Mais jugeant l’inscription « diffamatoire » et « insultante » envers les policiers, les syndicats de gardiens de la paix sont aussitôt montés au créneau. Le syndicat Alliance Police avait menacé le 23 janvier de déposer plainte pour diffamation.

Tandis que le principal syndicat de gardiens de la paix, Unité SGP Police FO, avait appelé ses troupes à un rassemblement devant l’hôtel de ville d’Argenteuil le 6 février 2012. Ne manquant pas au passage de saisir Frédéric Péchenard, le directeur général de la police nationale, et le préfet du Val-d’Oise.

« Nous ne critiquons pas la pose d’une plaque commémorative, mais la présence des termes police et interpellation, argumente Frédéric Jung, représentant d’Unité SGP FO dans le Val-d’Oise. Là, on a l’impression que toute la police est incriminée et ça provoque un tollé dans nos rangs. De plus, la présomption d’innocence existe toujours pour nos collègues ! »

« Les syndicats jouent sur les mots, regrette-t-on à la mairie d’Argenteuil. Ils dénoncent le texte en prétextant que la plaque affirmerait qu’Ali Ziri est mort “des suites d’une interpellation” alors que ce n’est pas du tout ce qui est écrit. C’est un fait, Ali Ziri est effectivement décédé après une interpellation ! Et le collectif, auteur du texte, a laissé à la justice le soin de se prononcer sur la responsabilité de la police. »

Pour Me Stéphane Maugendre, l’avocat de la famille d’Ali Ziri, un retrait serait « un scandale ». « L’inscription n’est pas diffamatoire puisqu’elle n’impute pas un fait direct aux services de police, elle s’inscrit uniquement dans une chronologie », estime-t-il.

Mohamed Nemri, membre du collectif Justice et Vérité qui regroupe une trentaine d’associations et de syndicats, n’entend, de toutes façons, pas retirer la plaque. « Nous ne l’avons pas posée pour la retirer trois semaines plus tard, déclare-t-il. La population d’Argenteuil, qui suit cette affaire depuis le début, et tous ceux qui attendent que les trois policiers soient enfin entendus par le juge ne comprendraient pas. »

Le coordinateur de l’association des travailleurs maghrébins de France (ATMF) à Argenteuil regrette cependant l’ampleur de la polémique. « Dans certains de nos tracts, nous avions été beaucoup plus loin que ce qui est inscrit sur la plaque, sans aucune réaction des syndicats de police, explique Mohamed Nemri. Vu la période de campagne électorale, c’est clairement l’occasion pour le gouvernement de taper sur une municipalité de gauche qui a autorisé l’apposition de la plaque. »

De son côté, Unité SGP Police FO maintient pour l’instant son appel pour le 6 février. « Tant que la plaque n’est pas dévissée, le rassemblement est maintenu », déclare Frédéric Jung.

Leur presse (Louise Fessard, Mediapart, 31 janvier 2012)


Pour rappel :

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Plaque inaugurée par Bertrand Delanoë le 6 décembre 2006 au n° 20 de la rue Monsieur-le-Prince (Paris)

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