Le suicide d’un activiste électrise la Bulgarie
Ce décès menace de ranimer la contestation qui a entraîné la chute du premier ministre.
L’annonce de la mort de Plamen Goranov a immédiatement fait le tour des réseaux sociaux : brûlé à plus de 80 %, ce jeune homme qui s’était immolé il y a deux semaines pour demander la démission du maire de Varna (Est) a succombé à ses blessures. Les « prières » quotidiennes de ses sympathisants n’auront pas suffi. « On espère seulement que son sacrifice n’aura pas été vain ! » disent-ils désormais. Cet alpiniste du bâtiment est ainsi en passe de devenir le symbole de cette grogne populaire née contre la hausse du prix de l’électricité et qui a provoqué contre toute attente la démission du gouvernement, le 20 février dernier. D’autant plus qu’il n’est pas le seul : en quelques jours à peine, trois cas d’immolations — et plusieurs tentatives — ont été recensés par les autorités. « Il s’agit clairement d’une série. Et même si les motivations semblent différentes, elles sont là pour nous signifier que les gens sont à bout et prêts à tout », témoigne le docteur Hristo Khinkov, patron du service de psychiatrie au Centre national de santé publique de Sofia.
Manifestants encagoulés
Tour à tour comparées à celles des martyrs tchèques, tibétains et tunisiens, les histoires de ces désespérés ne manqueront pas de donner un nouveau souffle aux manifestations, désormais quotidiennes en Bulgarie. À deux reprises, le 24 février et le 3 mars, jour de la fête nationale, les manifestants sont sortis en force dans les rues des grandes villes pour signifier qu’ils ne se satisfaisaient nullement de la démission du gouvernement. Mais leurs revendications, pour le moins confuses, ont jeté un froid au sein de l’intelligentsia bulgare. « Leur modèle social semble osciller entre la Libye de Kadhafi et la Biélorussie », s’énerve Konstantin Pavlov, auteur d’un blog politique très lu dans le pays. Lundi, la contestation a pris des airs de désobéissance civile, avec l’installation d’un « camp de tentes » devant le siège de la présidence à Sofia. Et on ne compte plus les accrochages avec la police à la suite des blocages de carrefours et autres axes routiers par des manifestants encagoulés. « Certains jours, on a l’impression qu’il suffit d’une étincelle pour que le pays bascule dans l’anarchie », estime un diplomate occidental. L’hospitalisation à deux reprises, pour hypertension, du premier ministre démissionnaire, l’ancien judoka Boïko Borissov, incarnant à lui tout seul la « stabilité » du pays, a certainement contribué à ce sentiment d’insécurité.
À Varna, la ville où Plamen Goranov s’est immolé, c’est le maire de la ville, Kiril Yordanov, accusé de collusion avec la mafia, qui est la cible de la colère populaire. Les manifestants demandent sa démission et protestent contre l’emprise sur la ville d’un groupe économique à la réputation sulfureuse, TIM, fondé dans les années 1990 par d’anciens commandos de marine. « TIM est la principale cause de nos malheurs », s’est époumoné Plamen lors d’un meeting, à quelques jours de son geste fatal, comme l’atteste une vidéo postée sur la Toile par ses amis.
Presse contre-révolutionnaire (Alexandre Lévy, LeFigaro.fr, 4-5 mars 2013)
Bulgarie : le suicide par le feu d’un homme provoque colère et espoir
Une centaine de bougies allumées et des monceaux de fleurs barrent l’entrée de la mairie de Varna, dans l’est de la Bulgarie, à la mémoire de Plamen Goranov, 36 ans, dont la mort à la suite d’une immolation par le feu en a fait le symbole des protestations contre la corruption des élites politiques.
Autour du portrait de Plamen, cheveux longs, sourire serein, alpiniste et artiste dont le prénom signifie « flamme », des inscriptions au feutre sur les dalles du trottoir : « Tu as embrasé notre courage et l’amour de la liberté » ; « Ton sacrifice nous mène à la victoire » ; « La mafia détruit la Bulgarie ».
Ou encore : « Tu es notre Jan Palach », l’étudiant tchèque qui s’immola par le feu en 1969 pour protester contre l’occupation soviétique après la répression du « Printemps de Prague ».
Plamen Goranov, mort dimanche, avait tenté de s’immoler par le feu le 20 février devant la mairie de Varna. Il réclamait la démission du maire conservateur, Kiril Yordanov, en place depuis 14 ans, qu’il accusait de corruption. Le jour même, le Premier ministre conservateur, Boïko Borissov, avait remis la démission du gouvernement.
« Que le gouvernement ait démissionné ne change rien. Il faut que la société civile puisse tout contrôler : les monopoles, les élections, les partis, les institutions », dit Ilarion Ananiev, 25 ans, un des animateurs informels du mouvement contestataire.
« Plamen était un grand, il frayait ce chemin », soupire Radostina Petrova, une amie du défunt, assise par terre, les yeux rivés sur les bougies.
« Plamen s’est éteint, mais sa flamme reste vive », titrait mardi le journal d’opposition de Varna, Narodno delo.
« Plamen Goranov est devenu un symbole national révélant que la démocratie en Bulgarie, contrôlée par une oligarchie post-communiste, est réduite aux apparences », a déclaré à l’AFP Ognian Mintchev, directeur de l’Institut d’études régionales et internationales à Sofia.
Alors que le maire serait sur le point de démissionner, Ognian Mintchev a souligné l’importance d’une mobilisation civile « pour empêcher la mise en place à nouveau d’hommes de paille à la tête de la ville ».
Principal port bulgare sur la Mer Noire, Varna est l’agglomération d’où les manifestations massives contre la corruption et la pauvreté avaient commencé il y a plus de trois semaines et où elles sont les plus importantes. Depuis le geste de Plamen Goranov, les manifestants portent un autocollant représentant une flamme.
« C’était un homme excentrique, mais le premier à avoir montré du doigt ceux qui dissuadent toute tentative d’activité économique indépendante à Varna », déclare Radoslav Radev, un informaticien de 25 ans.
Une société holding, désignée informellement par le sigle TIM, fondée à Varna dans les années 1990 par d’anciens militaires d’élite de la marine, compte parmi les plus puissantes de Bulgarie, selon un rapport de l’ambassade des États-Unis de 2005 paru sur Wikileaks, qui évoque des activités criminelles à l’origine de cette richesse. Elle a des intérêts pêle-mêle dans l’industrie pétrolière et chimique, le transport aérien et maritime, les finances et les assurances, les médias, le commerce et le tourisme.
« Tel un octopode, TIM étouffe l’économie, détruit la nature et criminalise la vie politique », résume Ognian Mintchev, originaire de Varna. Et même un député de Varna membre du parti conservateur au pouvoir GERB, Pavel Dimitrov, l’admet : « Rien à Varna n’arrive sans TIM ».
« Le maire ne fait qu’exécuter les ordres de TIM. Et ses réélections sont obtenues par la fraude », affirme Ilarion Ananiev.
Malgré la longévité politique du maire de Varna, les rues sont truffées de nids-de-poule et la ville manque pratiquement de chauffage central : « Je ne mets le chauffage en route que quelques heures par jour, mais ma facture d’électricité se monte à 160 leva (80 euros), alors que ma pension est de 300 leva » (150 euros), se plaint Yanka Petrova, une retraitée.
Pendant que des habitants de Varna rendaient hommage à Plamen Goranov, deux hommes ont sauté d’un pont, se noyant dans la mer, en l’espace de trois jours. Et, depuis le début des manifestations, deux autres Bulgares désespérés par la pauvreté se sont immolés par le feu les 18 et 26 février : le premier, âgé de 26 ans, est mort, tandis que le deuxième, 53 ans, père de cinq enfants, est dans un état grave.
Presse contre-révolutionnaire (Agence Faut Payer, 5 mars 2013)
Bulgarie : les mineurs manifestent pour protéger leurs emplois
SOFIA – Plus de 1.500 mineurs bulgares ont manifesté mardi à Sofia, pour défendre leurs emplois, alors que les centrales au charbon du pays pourraient être temporairement arrêtées pour compenser la faible consommation d’électricité et les exportations en recul.
La manifestation, organisée par les deux principaux syndicats de mineurs du pays, KNSB et Podkrepa, vient s’ajouter à des protestations générales contre des factures d’électricité très élevées en janvier, contre la pauvreté et la corruption en Bulgarie, qui ont amené à la démission le 20 février du gouvernement conservateur du Premier ministre bulgare, Boïko Borissov.
Nous sommes ici pour défendre nos emplois. Nous voulons du travail ! Nous voulons du pain pour nos enfants !, a clamé au cours du défilé le dirigeant du syndicat Podkrepa, Vladimir Topalov.
Les mineurs portaient des drapeaux bleus et pourpres des syndicats et ont scandé des slogans hostiles sous les fenêtres de l’Autorité de régulation de l’énergie DKEVR. Ils ont vidé plusieurs sacs de charbon devant le bâtiment.
La DKEVR devrait entériner dans la journée une baisse immédiate des prix de l’énergie de 7%, pour tenter d’apaiser les manifestations parfois violentes qui ont fait descendre dans la rue des dizaines de milliers de Bulgares ces trois dernières semaines.
Plusieurs centrales au charbon du pays ont dû réduire leur production, voire arrêter temporairement leur activité, en raison d’une faible consommation intérieure et des exportations d’électricité en baisse.
Les mineurs ont précisé qu’ils n’étaient pas opposés aux baisses des prix de l’électricité. Ils ont toutefois critiqué une proposition du ministre de l’Économie et de l’Énergie, Delyan Dobrev, de ne pas livrer l’électricité chère de trois centrales pour la consommation intérieure. Il y a d’autres solutions pour une électricité à moindre coût. Ceux qui ne les trouvent pas devraient s’en aller, a expliqué le dirigeant de KNSB, Plamen Dimitrov.
Selon les experts, près de 5.000 emplois de mineurs bulgares sont menacés avec l’arrêt temporaire des centrales thermiques du pays.
Près de 1.500 travailleurs de la société publique de chemin de fer seraient également touchés. S’il n’y a pas de charbon, il ne pourra pas y avoir de trains. C’est pourquoi, nous sommes solidaires des mineurs, a précisé le dirigeant du syndicat des cheminots bulgares, Petar Bunev, alors que plusieurs centaines d’entre eux s’étaient joints au cortège.
Presse contre-révolutionnaire (Agence Faut Payer, 5 mars 2013)