[Cambodge] « Si nous leur permettons de continuer à faire grève, cela va devenir l’anarchie »

Trois manifestants de l’industrie du textile tués par la police au Cambodge

À Phnom Penh, la police cambodgienne a ouvert le feu vendredi 3 janvier 2014 sur une manifestation ouvrière, faisant au moins trois morts. Les salariés du textile sont mobilisés depuis plusieurs semaines pour réclamer des augmentations de salaires.

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Affrontements entre des ouvriers du textile et la police lors d’une grève, Stung Meanchey complex près de Phnom Penh, le 3 janvier.

Vendredi 3 janvier, à Phnom Penh au Cambodge, des milliers d’ouvriers du textile manifestaient, comme ils le font presque chaque jour depuis deux semaines, pour demander une revalorisation de leur salaire, bloquant une route devant leurs usines. Certains d’entre eux se sont opposés aux forces de l’ordre, armés de bâtons, de pierres et de cocktails Molotov.

C’est alors que des tirs ont éclaté. La police militaire a d’abord lancé des coups de semonce, avant d’ouvrir le feu sur les manifestants, faisant au moins trois morts et deux blessés.

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La tension monte

En novembre dernier, la mobilisation des ouvriers du textile, qui coïncide avec des manifestations de l’opposition réclamant le départ du premier ministre Hun Sen, avait déjà conduit à la mort d’une femme par balle. « Cette fois, ils ont utilisé des fusils », a dénoncé Chan Soveth, un membre du groupe de défense des droits de l’Homme Adhoc présent sur place, assurant qu’une dizaine de manifestants avaient été gravement blessés.

Selon le porte-parole de la police militaire Kheng Tito, leur intervention était devenue nécessaire, après que neuf policiers ont été blessés dans des incidents avec les manifestants. « Nous étions inquiets pour la sécurité, alors nous devions réprimer » la manifestation, a-t-il déclaré, notant que deux personnes avaient été interpellées. « Si nous leur permettons de continuer à faire grève, cela va devenir l’anarchie », a-t-il assuré.

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Les conditions de travail des ouvriers mises en cause

Ces dernières années, les manifestations ouvrières se sont multipliées pour dénoncer les conditions de travail dans le secteur textile. Les syndicats se plaignent notamment d’évanouissements collectifs, attribués à la sous-alimentation et au surmenage. L’Organisation internationale du travail (OIT) soulignait récemment que les conditions de travail s’étaient encore détériorées.

Au cœur des revendications de cette dernière mobilisation : le passage à un salaire minimum de 160 dollars (120 €) par mois en 2014. Il est jusqu’ici de 80 dollars et le gouvernement a promis il y a peu de le porter à 95 dollars dès avril 2014, ce que les syndicats jugent insuffisant.

Le secteur textile est crucial pour l’économie cambodgienne ; il emploie 650’000 ouvriers, dont 400’000 pour des sociétés sous-traitant pour de grandes marques internationales.

L’opposition et les manifestants font cause commune

Les ouvriers du textile se sont récemment alliés aux manifestants de l’opposition. Ces derniers protestent quotidiennement dans la capitale pour réclamer de nouvelles élections, estimant que celles de juillet ont été entachées de fraudes massives. Selon les résultats officiels, le Parti du peuple cambodgien (CPP) au pouvoir, a remporté 68 sièges aux législatives du 28 juillet – son plus mauvais score depuis 1998 – contre 55 pour le Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP).

« Nous déplorons ces violences, que nous condamnons avec la plus grande vigueur », a déclaré vendredi le chef de l’opposition Sam Rainsy, à la tête du CNRP. Il s’agit selon lui d’une « tentative inacceptable de casser non pas seulement une grève ouvrière, mais (…) le mouvement ouvrier dans son ensemble. Et derrière le mouvement ouvrier, de casser le mouvement démocratique qui est en train de se développer au Cambodge. »

Un grand rassemblement prévu dimanche 5 janvier

Le CNRP, prévoit un grand rassemblement de trois jours à partir de dimanche. Après la fusillade de vendredi, « les gens sont, certes, choqués mais ils sont plus déterminés que jamais à obtenir pour les ouvriers un salaire minimum décent et pour tous les citoyens cambodgiens de nouvelles élections », a insisté Sam Rainsy.

Depuis la courte victoire du Parti du Peuple cambodgien en juillet 2013, l’opposition dénonce un « coup d’État constitutionnel », et revendique la victoire. Ses députés protestent contre le fait que Rainsy, rentré d’exil juste avant le scrutin, n’avait pas été autorisé à y participer ; ils boycottent l’Assemblée nationale depuis l’ouverture de la session en septembre.

Le premier ministre Hun Sen, âgé de 61 ans, est au pouvoir depuis 1985 et a déclaré son intention d’y rester encore au moins dix ans.

Malgré sa croissance rapide, le Cambodge reste l’un des pays des plus pauvres de la planète, et le mécontentement de la population augmente face à l’accaparement des richesses, notamment des terres, par les proches du pouvoir.

Selon le Cambodia Daily, le CNRP a ajourné les négociations qui devaient avoir lieu vendredi 3 janvier avec le CPP, déclarant qu’il renouerait le dialogue lorsque les autorités auraient mis fin aux violences. Cette rencontre avait pour objectif de déterminer les conditions de futurs pourparlers entre les deux leaders politiques.

Presse esclavagiste (Alice Flamand, La-Croix.com, 3 janvier 2014)

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