[Chronique de Youv derrière les barreaux] Partie 41 – « Je n’avais aucune pitié pour les imitations voyou »

Partie 41

En prison, tu avais pas le droit de tomber malade sinon c’était tant pis pour toi, quand tu demandes à être soigné, t’as l’impression de passer pour un mendiant, j’ai vu des mecs morts de douleur et les matons prenaient tout leur temps pour intervenir, c’était à la tête du client, si tu étais un bordélique et que c’était le maton que tu avais insulté la veille qui était de service crois-moi qu’il te laissait mourir avant d’agir, si tu es malade tu devais écrire et prendre un rendez-vous, en gros tu devais prévoir ta maladie, un jour j’avais une rage de dents j’ai écrit toutes les feuilles de mon bloc-notes avant d’être reçu par un dentiste, tellement j’avais mal, je savais même pas quelles dents me faisaient mal, et le dentiste m’a soigné pendant trois mois une dent qui n’avait rien du coup quand on s’est aperçus de l’erreur, cette dent me faisait mal à nouveau, mort de rire, quand ils ont détecté la bonne dent j’étais déjà mort, les soins en prison c’est de la folie, pour être reçu par un ophtalmo tu avais plus d’un an d’attente, donc fallait éviter par tous les moyens de tomber malade sinon c’était à tes risques et périls, surveiller ton alimentation, éviter de manger leur gamelle, noyée dans un bain de bromure, pour te rendre impuissant le temps de ton incarcération, c’était ce qu’ils avaient trouvé pour calmer les ardeurs des mal-incarcérés, j’ai rarement mangé leur gamelle au pire je rinçais sous l’eau pendant minimum trente minutes, sinon c’était immangeable, à force je suis devenu végération LOL, tout ce qu’on mangeait était à base de thon, y avait quelques cuistots qui arrivaient à te sortir des plats gastronomiques avec rien, c’était des magiciens, moi mon plat préféré c’était « le gloubi-boulga » dit le gloubi, c’était tiré de l’émission « L’île aux enfants » de Casimir, cette recette avait fait ravage dans les prisons parisiennes, c’était un plat à base de chips de gruyère et des œufs assaisonné d’une sauce au choix, je me suis drogué au gloubi pendant des années, mais le mieux c’était d’avoir un cuistot dans son équipe, c’était même indispensable à ta survie MDR, EN HUIT ANS D’INCARCÉRATION JE SAIS À PEINE FAIRE UN ŒUF AU PLAT À CROIRE QUE LA CUISINE C’ÉTAIT PAS POUR MOI.

1999, alors que j’étais en cellule avec mon pote du 92 « Gennevilliers » la porte s’ouvre, les surveillants nous ramènent un troisième codétenu, nous étions pas chauds pour l’accueillir mais bon tranquille, c’était un renoi qui faisait deux têtes de plus que moi et mon pote, à peine que le surveillant a fermé la porte, qu’il s’est mis au milieu de la cellule et a dit à mon pote du 92 : « Monte au perchoir je prends ton lit », moi j’étais allongé à côté mort de rire dans ma tête, je les regardais de haut en bas je me suis dit encore un renoi qui va passer un sale quart d’heure mais qui à cet instant ne le savait même pas, j’ai jamais compris pourquoi certains branleurs voulaient toujours faire les cow-boys pour se faire respecter, mais le pauvre il était tombé sur plus scarla que lui, mon pote a fait mine de lui laisser son lit c’était un coup de bluff pour attendre que les matons nous ferment définitivement la porte, c’est là qu’on allait voir qui était qui, on a laissé le renoi aller jusqu’au bout de sa folie pour lui montrer que sa folie avait des limites, j’avais déjà mal pour le mec, c’était hallucinant, comment un mec pouvait arriver dans une cellule et faire le voyou sans même connaître les occupants, je pense que ses deux têtes de plus que nous lui ont donné la force et le courage de nous tester, mais le pauvre était tombé sur des gremlins, des hyènes affamées, sans le vouloir ça allait être notre occupation de la soirée, on l’a fini à coups de casserole, de poêle, et de boîtes de thon sur la tête, tout ça sur un fond de 2pac MDR, c’était pour dissimuler les cris, JE N’AVAIS AUCUNE PITIÉ POUR LES IMITATIONS VOYOU, imaginez-vous une seconde si ce même gars serait tombé sur des faibles, ça allait être la kermesse, pour lui il a fini la nuit avec son matelas sous le lit superposé wallah des barres, le cow-boy était devenu indien MDR, le pire c’est que le matin dès l’ouverture des portes à 7 heures, il se rue sur le maton, il nous a balancés normal, il a tout raconté, mais ce qu’il a oublié de dire c’est que c’était lui qui avait fait le vatos locos au début, carrément il a porté plainte, j’ai repris trois mois en plus et quinze jours de mitard, ça me rend fou de voir certains faux fous et quand il tombe sur plus fou qu’eux il réalise que sa folie était limitée, y a que lui qui croyait à sa dinguerie, quand tu es un imposteur, un usurpateur, tu tomberas tôt ou tard sur plus taré que toi qui te mettra la fessée et là tu réaliseras que tu es un homme des plus banals.

RESTER SOI-MÊME ÇA PAIERA TOUJOURS QUAND TU JOUES UN RÔLE N’OUBLIE PAS QU’IL Y A UN CLAP DE FIN, COMME ON DIT CHASSEZ LE NATUREL IL REVIENT AU GALOP.

En promenade tu pouvais tomber sur quelques grandes gueules qui aboyaient plus fort qu’un chien mais en réalité ce n’était que du blabla, la plupart c’était des tricheurs, qui passaient leurs journées à raconter les histoires des autres mais jamais ils te parlaient de sa propre affaire ça m’a toujours fait marrer ce genre de personnage, des gros mythos MOI J’AI FAIT CI MOI J’AI FAIT ÇA, wallah ils m’ont fait mal à la tête avec leurs histoires à dormir debout, tous les mecs qui s’adonnaient à ce genre de discipline avaient forcément des trucs à cacher après quelques recherches approfondies, tu apprenais que le mec avait raconté que du vent qu’il était tombé pour violence conjugale et pas pour un soi-disant réseau de stups il s’amusait à chanter, FUCK LES MYTHOS, en taule j’avais du mal à me mélanger, j’avais du mal à côtoyer des mecs dont je n’étais pas sûr, du coup j’étais beaucoup en retrait ça m’a évité pas mal de salades, des balances, comment tu veux balancer quelqu’un dont tu ne sais rien, c’était ma philosophie, si on t’avait balancé c’était un peu ta faute, fallait garder tes infos pour toi personne t’a dit d’aller le crier sur tous les toits que tu faisais ci ou ça, donc pour éviter qu’une balance te mette sur sa liste, je me mélangeais très rarement, qu’avec les mecs sûrs, et même comme ça la balance trouvait le moyen de citer ton nom comme quoi c’était un métier à part entière.

FUCK LES BALANCES, LES DONNEUSES, LES JACTEUSES, VOUS ÊTES LA CAUSE DE 90 % DES MECS INCARCÉRÉS.

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