[Résistance contre les expulsions] « Notre lien avec les familles est celui de la solidarité, pas de la charité. Nous sommes autant dans la précarité qu’elles »

Toulouse : le CREA expulsé vendredi ?

Vendredi 1er juin le tribunal administratif devrait prononcer l’expulsion des militants et familles qui habitent depuis plus d’un an au 70 allées des Demoiselles. Pariant sur le changement de majorité présidentielle, le Collectif pour la Réquisition l’Entraide et l’Autogestion (CREA) enchaîne manifestations et actions pour stopper cette procédure qu’il juge expéditive. Retour sur un an de centre social auto-géré.

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Dans la cour du CREA, on prépare la mobilisation

Romain est pressé et un peu stressé. Il prend le temps de poser son paquet de tracts pour réparer la chaîne du petit vélo de Carlo. Romain a moins de 30 ans, il veut mettre fin au capitalisme et à l’État. Hier après-midi il a participé à l’action péage gratuit à la sortie Nord de Toulouse. Avec une quarantaine de membres du CREA, ils ont tenu les barrières du péage levées durant trois-quarts d’heure et ont tracté auprès de conducteurs plus ou moins réceptifs. L’objectif ? Faire parler d’eux pour alerter sur la menace d’expulsion du 70 allée des Demoiselles.

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Opération péage gratuit au niveau de la barrière de Paris

Du squat au centre social autogéré

Avril 2011. Huit militants toulousains décident de s’installer dans les anciens locaux de l’AFPA. Habitués des squats, leur credo est le même : prendre un bâtiment de force c’est abolir la propriété privée et donc remettre tout en cause. Mais, cette fois-ci, leur démarche est différente. Les huit militants forment un collectif, le CREA, et inventent un centre social auto-géré. Très vite, ils sont rejoints par sept familles à la rue. Elles viennent de Tchétchénie, du Maroc, de Bulgarie, d’Afghanistan ou de France.

Dans l’immense bâtiment inoccupé, les nouveaux habitants mettent en place une vie quotidienne collective et basée sur les principes d’auto-gestion. Comme une coloc’ chacun a sa chambre mais doit passer la serpillière ou cuisiner les produits récupérés à la fin du marché. « On essaie de s’en sortir collectivement entre galériens », racontent les militants. Ils rappellent n’être là qu’en cas de besoin, « Notre lien avec les familles est celui de la solidarité, pas de la charité. Nous sommes autant dans la précarité qu’elles », poursuit Romain.

Aujourd’hui ils sont quarante à y vivre, dont 10 militants du CREA et 18 enfants scolarisés. Petit à petit, le centre social devient un lieu animé par des centaines de personnes peu familière des squats. Ils alignent une longue liste de projets et d’activités, du soutien scolaire et juridique, au cours de boxe, en passant par les concerts et les projections.

Depuis septembre 2011, les expulsions s’enchaînent

En septembre 2011, le CREA va plus loin. « Nous étions dégoutés de devoir refuser des familles certains soirs parce que nous manquions de place », explique Maud. Alors les militants lancent la campagne « zéro enfants à la rue », devenue « zéro personne à la rue ». Les réquisitions de bâtiments s’enchaînent. Selon le collectif, 120 personnes y seront logées, soit 40 % de l’hébergement d’urgence des familles à Toulouse. La préfecture se fâche et ordonne les expulsions. Aujourd’hui, toujours selon les militants, 6 des 10 bâtiments réquisitionnés ont été expulsés.

Le 10 février, le centre social auto-géré reçoit à son tour une assignation devant le tribunal administratif.

Presque confiant, le CREA présente le dossier qui doit démontrer à la justice l’utilité sociale du centre social auto-géré. Nous sommes le 20 mai. « Soyez tranquilles nous ont assuré nos avocats, la procédure d’examen des dossiers devrait prendre un à deux ans », rapporte Maud. Deux jours plus tard, la date du procès tombe : le 1er juin. La jeune femme évoque un abus de pouvoir de la part de la préfecture dans ce dossier. « La préfecture nous a dans le nez, elle veut nous voir partir avant de faire elle-même ses cartons », croit savoir la militante. Contactée, la préfecture a refusé de s’exprimer sur le sujet préférant laisser « la justice faire son travail ».

Ironie du sort, le propriétaire des bâtiments qui assigne le CREA en justice n’est autre que l’ex-ministère des solidarités et de la cohésion sociale, devenu, le 16 mai, celui des affaires sociales. Depuis le 22 mai, le CREA multiplie les actions à Toulouse mais aussi les appels téléphoniques et les mails pour alerter le ministère de Marisol Touraine. « Ils nous disent rappelez dans trois semaines » rigole nerveusement Maud. « Mais dans trois semaines nous serons à la rue. »

Leur seul espoir : un report du procès

Les militants veulent pourtant croire que le changement de majorité présidentielle pourrait plaider en leur faveur. Vendredi dernier le CREA s’est invité au Conseil Municipal. « Nous voulons que la mairie prenne position, ils sont potes avec le gouvernement maintenant », affirme Sébastien. Ils ont réussi à obtenir une petite entrevue avec Pierre Cohen qui selon eux s’est montré plutôt frileux. Au CREA on espère aussi un autre soutien qui pourrait venir du côté du ministère du Logement dirigé par Cécile Duflot. C’est ce qu’aurait laissé entendre François Simon candidat EELV dans la 3e circonscription lors de sa visite au centre social auto-géré la semaine passée.

Mercredi, une manifestation, organisée avec le GPS et le DAL est prévue à 14 h au départ du CREA. « Nous savons que le procès ne sera pas annulé et que nous le perdrons. Aucun juge ne donnera raison au droit d’usage sur le droit de propriété », annonce Maud. « Nous demandons à ce que le procès soit reporté, au moins de deux mois pour que nous puissions nous organiser et que les gosses finissent leur année scolaire tranquilles », conclut la jeune femme.

Leur presse (Tiphaine Le Liboux, Carré d’info, 29 mai 2012)

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Une réponse à [Résistance contre les expulsions] « Notre lien avec les familles est celui de la solidarité, pas de la charité. Nous sommes autant dans la précarité qu’elles »

  1. PpP dit :

    La justice et la police fonctionnent. Les socialistes sont là, heureusement.

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