Les cadres de l’Azawad s’élèvent contre toute alliance avec les islamistes

Les cadres de l’Azawad s’élèvent contre toute alliance avec les islamistes
Ils adressent une lettre ouverte aux dirigeants du MNLA

Des cadres et des personnalités de l’Azawad ont adressé une lettre ouverte au Secrétaire Général du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), Bilal ag Achérif, pour lui faire part de leur rejet de tout rapprochement ou alliance avec l’organisation islamiste Ansar Dine dirigée par Iyad ag Ghali.

Courant mai, le MNLA est entré — pour des raisons stratégiques nous a-t-on-dit — en pourparlers avec l’organisation djihadiste Ansar Dine. Ainsi, le 25 mai, les négociations ont abouti à la signature d’un protocole d’accord sur lequel beaucoup d’encre a coulé. Le communiqué n’est jamais paru. Car les dits accords volèrent vite en éclats.

Le rapprochement du MNLA avec Ansar Dine ont été très mal accueillis dans les milieux amazighs (berbères) qui le voyaient comme l’effondrement de tous les espoirs nourris par la libération totale du territoire de l’Azawad, puis suivie de la proclamation de l’indépendance de ce territoire amazigh.

Une éventuelle alliance avec un groupe islamiste est manifestement contre nature. Pour les Berbères, elle fut un coup d’État avant l’heure contre le premier État amazigh en gestation.

Et les premiers scandalisés par cette initiative sont les Touaregs eux-mêmes !

Les Azawadiens ne pouvaient imaginer que la liberté attendue depuis plus de cinquante ans, pour laquelle des dizaines de milliers de vies sont sacrifiées, des milliers de familles déchirées et exilées, soit offerte à une organisation qui n’a d’autre projet que de plonger leur pays dans l’obscurantisme et le moyen âge.

Réunis en Coordination des Cadres de l’Azawad (CCA), des personnalités diverses du pays ont adressé une lettre ouverte au Secrétaire Général du MNLA pour lui faire savoir qu’ils se démarquent de tout projet de fusion avec Ansar-Dine et lui demandent d’assumer ses responsabilités en rompant sans délais le protocole d’accord signé avec l’organisation djihadiste.

Ci-dessous le texte de la lettre ouverte.

La Rédaction de Tamazgha le site berbériste, 30 mai 2012


Coordination des cadres de l’AZAWAD (CCA)

Lettre ouverte à Monsieur Bilal Ag Achérif
Secrétaire Général du MNLA
GAO

Objet : Démarcation des cadres de l’AZAWAD avec le projet de fusion MNLA/Anssardine

Monsieur le Secrétaire Général et cher frère,

Au regard de la posture fondamentaliste, particulièrement celle du jihadisme salafiste, prônée par Ansar Eddine, inconciliable avec la ligne politique du MNLA et contraire à l’islam pratiqué par l’ensemble des populations de l’AZAWAD, et compte tenu de la forte imbrication avérée entre AQMI et Ansar Eddine, les cadres, notables et ulémas de l’AZAWAD, après analyse approfondie, expriment catégoriquement leur désapprobation par rapport au projet de fusion entre le MNLA et le groupe islamiste Ansar Eddine.

Aussi, ils invitent le MNLA à assumer pleinement ses responsabilités en rompant sans délais le protocole d’accord signé avec le groupe islamiste Ansar Eddine le 25 mai 2012. Ils demandent à l’ensemble des cadres et des organisations de la société civile de soutenir le MNLA et ses forces armées à se démarquer irrévocablement de toute tentative d’instauration d’un État jihadiste dans l’AZAWAD.

Gao, le 30 mai 2012

Pour la coordination des cadres de l’AZAWAD (CCA)
Le Porte parole
Habaye Ag Mohamed


Mali : les négociations au point mort entre le MNLA et Ansar Dine

À Gao, l’alliance entre le MNLA et Ansar Dine, deux des mouvements qui occupent le nord du Mali depuis la fin mars, a du plomb dans l’aile. Selon nos informations, les négociations entre les séparatistes et les islamistes se sont même interrompues ce mardi 29 mai, trois jours seulement après un protocole d’accord signé dans la douleur. Le chef de la délégation d’Ansar Dine a quitté les discussions. Iyad Ag Ghali, le chef du mouvement islamiste est toujours attendu à Gao. Lui, l’ancien chef rebelle touareg qui a réussi à redevenir l’homme incontournable de l’Azawad.

On le dit manipulateur, orgueilleux, avide de pouvoir, Iyad Ag Ghali la figure charismatique de la rebellion des années 90 est devenu un fou de Dieu, un islamiste qui prône l’application de la charia à travers tout le Mali. Iyad a même pris un nom djihadiste, Abou Fadil.

Fin 2011, il crée son mouvement, Ansar Dine. Il s’agit d’une façon d’exister aux côtés du tout nouveau MNLA qui revendique l’indépendance de l’Azawad et qui n’a pas fait appel à lui. Iyad va alors chercher ailleurs les moyens d’exister et de retrouver le leadership qu’il est en train de perdre.

Ses soutiens, il les trouvera auprès du groupe terroriste Aqmi. Ce dernier, originaire d’Algérie, a des connections chez les touaregs ifoghas. Au fil des semaines et des mois, Ansar Dine et son parrain Aqmi vont multiplier les victoires sur les frères du MNLA. Iyad continue à fasciner au point que de nombreux combattants du MNLA, attirés par les moyens financiers d’Ansar Dine, mais aussi par la personnalité de son chef, vont rejoindre le mouvement islamiste.

Iyad souhaite-t-il vraiment un accord avec le MNLA ?

Certains de ces proches assurent qu’il est et restera un touareg avant d’être un islamiste. Certains pourtant doutent aujourd’hui de son indépendance vis-à-vis des djihadistes : « Iyad a perdu la main. C’est Abou Zeid et Belmoctar qui lui dictent ses décisions », entend-on à Gao. Hier, un de ses proches, un modéré du mouvement qui conduisait la délégation Ansar Dine à Gao, a quitté la négociation pour rejoindre Kidal.

Au MNLA, des voix s’élèvent désormais à Gao pour refuser cet accord avec Ansar Dine. Un accord incompatible avec les valeurs et l’identité profonde de la région, affirment ces militants et cadres touaregs.

Nord du Mali : qui contrôle quoi ?

Aucun calendrier n’a été établi à ce jour pour mettre en oeuvre la fusion des effectifs du MNLA et d’Ansar Dine, telle que prévue par le protocole d’accord signé dans la douleur samedi 26 mai. En attendant, le MNLA et Ansar Dine continuent de revendiquer, chacun de leur côté, le contrôle de la plupart des localités du nord du Mali.

Le MNLA contrôle la ville de Gao ainsi que l’aéroport. Avec entre 1500 et 2000 hommes revendiqués dans la zone, Gao représente son quartier général, même si le mouvement — il ne le nie pas — a accusé d’importantes défections ces dernières semaines. Elles portent sur plusieurs centaines d’hommes à Gao au profit d’Ansar Dine, qui s’en félicite.

Les hommes de Iyad Ag Ghali, il est vrai, sont bien mieux lotis. « Ils ne discutent pas les prix dans les commerces, alors que les gens du MNLA achètent peu de choses et marchandent tout le temps », relève un habitant de Tombouctou. Ansar Dine domine la ville sainte même si le MNLA tient l’aéroport. Dans l’extrême Nord-Est, le groupe islamiste règne aussi en maître à Kidal, Tessalit et Aguelhok. Plus au sud, les deux groupes se partagent Goundam, mais là encore, l’aéroport est aux mains du MNLA.

Dans le Sud-Ouest enfin, le mouvement contrôle les localités de Léré et Niafounké. Mais Ansar Dine envisage sous peu une présence à Niafounké et se prépare, selon un porte-parole, à investir étape par étape toutes les zones qui comptent dans le nord du Mali.

Publié par des ennemis de l’Azawad (RFI via Temoust, 30 mai 2012)

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