[La police travaille] La presse et la police ne forment qu’une seule main

[Nantes] Mercredi 11 janvier 2012, nouveau flagrant délit de propagande policière dans Presse Océan

Nouveau cas de connivence et complaisance entre la préfecture et Presse Océan. Analyse critique d’un nouveau « dossier » de la Pravda nantaise.

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Digne d’un titre de tract du syndicat policier de droite extrême Alliance, le ton est donné. La « Une » du quotidien nantais Presse Océan du 11 janvier, donne le ton : « Ces policiers pris pour cible ». Le chapeau fait part d’une recrudescence des faits de « violences sur les policiers ».

Alors que deux jeunes sont morts ces derniers jours à la suite d’arrestations de policiers (un jeune, Wissam El Yamni, tabassé à mort par des flics à Clermont-Ferrand la nuit du Réveillon, un autre mort menotté lors de son interpellation à Aulnay-sous-Bois mardi 10 janvier). Alors que les violences policières se multiplient partout en France. Alors que les policiers sont toujours plus exonérés et blanchis, Presse Océan marque une nouvelle étape en faveur de la Police Nationale et des dominants. Avec une sémantique sortie des discours d’Hortefeux ou de Guéant, quels sont les nouveaux mensonges, connivences et collaborations de notre journal local ?

À qui appartient Presse Océan ? C’est un élément du groupe Ouest France (Ouest France est le nouveau nom de l’Ouest Éclair, journal collaborationniste notoire interdit à la Libération) possédé aujourd’hui par François-régis Hutin, copain de Sarkozy et décoré par lui « commandeur dans l’Ordre national du mérite » en novembre dernier.

1- Les antécédents de Presse Océan : un casier bien rempli

Depuis quelques temps déjà, ce journal défraie la chronique avec des articles à l’allure de tracts offensifs, multipliant les mensonges et la propagande assumée. En voici quelques exemples notables.

— Concernant la lutte anti-aéroport, Presse Océan fait office de tract en faveur de la multinationale Vinci, chargée de la construction du futur aéroport à Notre-Dame-des-Landes commandité par le pouvoir socialiste. Recyclant les saillies d’Alliot-Marie, Presse Océan titre le 14 septembre 2011 : « Anti-aéroport, ces ultras qui inquiètent ». Il s’agit d’un pamphlet alarmant sur les méfaits des « ultras » (comprendre : opposants au projet d’aéroport) « aguerris aux affrontements » et « professionnels de l’agitation ». La source principale de cet article est la police et la gendarmerie. Les terribles « anarchos-libertaires » auraient suivi des formations selon le journaliste, pour pratiquer la « technique du poids mort ». Quelle horreur ! On est plus très loin de « l’escalade de violence » promise par un gendarme interrogé par le plumitif.
Faut-il rappeler que les seules bandes organisées armées et violentes qui patrouillent à Notre-Dame-des-Landes sont les policiers et gendarmes ? Voir cette pépite journalistique ici.

— La « soirée des décideurs » : Presse Océan du 5 décembre consacre un dossier sur ses quatre premières pages avec photos couleurs intitulé « Vingt visages à découvrir pour les vingt ans des nouveaux décideurs nantais ». La soirée des décideurs est une soirée annuelle réunissant la crème de toute la raclure nantaise nouvellement installée : patrons de multinationales (un patron de Vinci par exemple, cultureux aux ordres du pouvoir local — type Jean Blaise), hiérarchie répressive (préfets ou directeurs de la police) et bureaucrates de haut niveau. Chacun de ces braves hommes a droit à sa photo et sa petite interview sur ses hobbies, sa petite famille. Même les soviétiques n’auraient pas osé !

— Une propagande en faveur de la TAN. Un reportage/tribune libre d’une page du patron du réseau de tranports en commun nantais pour dénoncer la fraude « incivique » et annoncer la mise en place d’une société privée de sécurité dans les transports nantais et ici encore, un reportage pour magnifier le travail formidable des nouvelles milices privées dans les transports en commun nantais.

Enfin, avant chaque vacances d’été, Presse Océan nous gratifie d’un dossier sécuritaire, anxiogène et valorisant la police. Par exemple une de leurs « une » mettait en scène un homme capuché essayant de fracturer une porte avec un pied de biche et un gros titre appelait à la vigilance, ou même deux gendarmes armés de fusils à pompe en première page. Tremblez, braves gens.

Ce ne sont que quelques exemples pour illustrer la couleur éditoriale de notre torchon local. C’est donc dans ce contexte décomplexé qu’arrive sans surprise notre dossier élogieux envers la police.

2- Le contenu de ces articles :

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Ce dossier de deux pages (plus la « une » assortie d’affichettes apposées chez tous les distributeurs) intitulé « Le fait du jour », est signé par la journaliste Anne-Hélène Dorisson. Il est constitué de quatre articles. En page 2, un article conséquent sur l’augmentation des plaintes déposées par les policiers : « 507 faits de violences sur dépositaires de l’autorité en 2011 », soit « 8% d’augmentation » par rapport à l’année précédente prétend l’article. Ce ne sont pas des faits de violence, mais des plaintes de policiers. Une plainte n’est pas un fait. Les plaintes de flics ont donc augmenté, même si la plumitive admet qu’il ne s’agit en général que de « chevilles foulées » : on est bien loin des violences graves commises par la police sur les Nantais, que nous allons évoquer. Après avoir souligné que les violences sont souvent le fait « d’ivresse » et concernent aussi bien « les quartiers sensibles que le centre-ville », le patron de la police nantaise en appelle à se munir de « gilets pare balles » (ce qui est assez peu efficace pour se prémunir de doigts foulés et « d’hématomes ») et à la « solidarité » policière. Un final presque touchant.

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Un encart est offert en dessous à un « expert » : Dominique Pécaud, présenté comme un « sociologue », ce maître de conférences recycle la doxa sur le mode des vieux cons, du style c’était mieux avant, voyez plutôt : « il y a des pannes de transmission des valeurs » chez les jeunes, et une « perte de reconnaissance du savoir faire » des policiers. Un « savoir faire policier reconnu jusque dans la Tunisie de Ben Ali », aurait ajouté Alliot-Marie. La sociologie serait un sport de combat… en faveur du pouvoir et des flics ? On croit rêver !

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La page suivante (page 3) évoque quant à elle la recrudescence de saisies d’armes blanches à Nantes. Doit-on rappeller qu’on peut désormais être interpelé pour des ciseaux en manifestation et être accusé de « port d’arme » ? L’article déplore « 362 ports d’armes enregistrées » mais « 724 » interpellations. Précisons que les armes sont en général saisies après une fouille. La moitié des interpelés le serait donc à tort, sans raison ?

Enfin, ce dossier se clot par une tribune publicitaire pour le syndicat Alliance : cet encart (article et photo couleur) d’une demie page est réservée au syndicat Alliance (de droite extrême) sous le titre anxiogène : « On doit toujours être sur nos gardes ». L’auteur commet une interview de Thierry Spitz et Arnaud Bernard, deux flics représentants du syndicat, systématiquement mis à l’honneur dans ce journal. Ils déplorent que « le respect de la police se perd » notamment chez les « étudiants pourtant pas méchants pendant les manifs ». Ces mêmes étudiants et lycéens qui sont systématiquement attaqués, arrêtés ou blessés par les flics lors de mouvements sociaux. Comme on a pu le voir lors des dernières luttes (CPE, LRU, mouvement des retraites…).
Ces syndicalistes ressassent également les poncifs sur les juges « pas assez sévères » : « aujourd’hui, les flics sont sanctionnés pour un oui ou pour un non, alors que quand tu frappes un flic, tu t’en sors parfois avec un simple rappel à la loi ». C’est une nouvelle mystification d’extrême droite relayée sans vergogne par Presse O’. Faut-il rappeler que des interpelés à Saint-Nazaire lors du dernier mouvement social, ont été enfermés plusieurs mois pour un caillou jeté (alors que dans le même temps un manifestant était mutilé au pied par la police) ? Faut-il rappeler le harcèlement judiciaire contre l’institeur Sami Benmeziane accusé à tort d’avoir retourné le doigt d’un flic ? Doit-on rappeler que les responsables (policiers) de la mort de Taoufik El Amri, mort noyé en 2006 à Nantes sont libres ? Tout comme le policier qui a mutilé un lycéen en novembre 2007 au flashball ?

3- La victimisation des policiers par Presse O’ et la pratique du délit d’outrage

« L’élastique de la chemise en carton du grand patron [de la police ndlr] […] regorge de plaintes de policiers. » C’est la phrase terrifiante qui introduit le torchon philopolicier de Presse O’. Comment des gens en « état d’ébriété » (comme le répète ce même article) pourraient-ils blesser des professionnels de la sécurité armés, entraînés et protégés ? Ces plaintes sont soit des affabulations brodées autour d’égratignures, soit, en grande majorité des délits d’outrages.

C’est l’occasion pour nous de faire un point sur cette pratique devenue courante dans la Police Nationale de l’ère Sarkozy. Entre autres analyses, le site Rue 89 publiait en 2008 un article sur le délit d’outrage. Morceau choisi :

« Du côté de la magistrature, on estime que le nombre de cas “pas seulement d’outrage mais même de rébellion” est “en pleine explosion”. Emmanuelle Perreux, juge et présidente du Syndicat de la magistrature, constate ainsi “une forte augmentation du nombre de poursuites pénales”. »

Dans un autre article sur la BAC, le sociologue Didier Fassin explique :

« Ces jeunes [de cités], notamment ceux qui appartiennent aux minorités d’origines subsaharienne et maghrébine, sont extrêmement souvent contrôlés et sujets à des fouilles aux corps. Ils apprennent très vite qu’ils vont être soumis à ces contrôles. Ils savent également qu’ils n’ont aucun moyen d’aller contre ces pratiques, injustifiées et d’ailleurs assez souvent illégales au regard du code de procédure pénale. Ils savent enfin que la moindre protestation peut donner lieu à un outrage ou à une rébellion, dont le coût s’avérerait très élevé en termes de sanction pénale. Il faut savoir que les outrages et rébellions sont un moyen pour les policiers d’anticiper une plainte pour violence policière. »

L’outrage est effectivement souvent utilisé par les flics pour faire contrepoids à leurs propres abus (par exemple beaucoup de militants molestés par les flics sont accusés de rebellion ou d’outrage).

Le sociologue ajoute :

« les officiers et les commissaires savent très bien qu’un gardien de la paix qui « fait » souvent des outrages et rébellions doit être particulièrement suivi, car c’est quelqu’un de violent. »

Enfin, voici une contribution du journal La Provence :

« En cas d’abus de pouvoir, la parole d’un simple citoyen ne pèse pas lourd face à celle d’un agent assermenté. Du reste, seuls 0,50% des interpellés sont relaxés. »

Le délit d’outrage serait à la fois un façon de faire remonter les statistiques des flics à peu de frais, mais également d’arrondir ses fins de mois, car il en résulte une amende pour l’outrageur.

Les flics nantais, nous n’en doutions pas, sont donc de plus en plus violents. Et paralèllement de plus en plus victimisés, héroïsés et caressés par notre presse locale bien aimée.

4- Les violences policières à Nantes et sa région. Récapitulatif de quelques violences policières commises à Nantes, peu, pas, ou mal abordées par Presse Océan :

Dans la nuit du 22 au 23 novembre 2006, Taoufik el Amri meurt noyé dans l’Erdre suite à un contrôle policier. Les policiers concernés sont condamnés trois ans plus tard pour faux témoignages : on ne connaîtra donc jamais la vérité.

En novembre 2007, la police nantaise expérimente des flashballs d’un genre nouveau (les Lanceurs de Balles de Défense) sur une manifestation d’étudiants et de lycéens : un jeune perd l’usage d’un œil. (Presse Océan relaiera systématiquement la parole de la préfecture dans cette affaire, en prétendant par exemple que la blessure était anodine, que l’attaque policière était une « échauffourée », et autres mensonges flagrants démentis depuis.)

C’est d’ailleurs à Nantes que commence une longue série de mutilations : sept personnes au moins, dans toute la France, ont perdu l’usage d’un œil suite à un tir de flashball. Un homme est mort, à Marseille en décembre 2010, après qu’un policier lui ait tiré au flashball dans le cœur. Presse Océan se gardera bien de le souligner.

En janvier 2011, une soirée étudiante à la Fac de Nantes est attaquée par la police : en résultent insultes, passages à tabac et arrestations.

Lors d’une manifestation à l’aéroport de Nantes Atlantique le 27 juillet 2011, les CRS brisent les côtes d’une manifestante et la laissent sans soin. Son pronostic vital est engagé pendant plusieurs heures (pour rappel, ce jour-là, Presse Océan ne fera écho que des « dégâts matériels » occasionés — à savoir une machine à café renversée — et des flics blessés — quelques égratignures — mais n’aura pas une ligne pour cette manifestante gravement touchée).

Le 2 septembre 2011, le GIPN et les policiers tirent au taser sur des manifestants anti-aéroports dans le centre-ville de Nantes. Le soir-même, les policiers nantais attaquent au gaz et à la matraque des passants lors d’un festival musical annuel (voici un petit texte et des vidéos d’un passant qui a subi les violences). La presse ne fera aucun écho de cette attaque.

Les manifestations politiques sont systématiquement encadrées et provoquées par la police nantaise.

En toile de fond, l’espace public est saturé par la présence policière : des caméras de surveillances aux cars de CRS faisant des rondes en centre-ville.

Et ce ne sont que quelques exemples révélateurs du climat policier qui règne à Nantes comme partout en France (ce récapitulatif est repris de cet appel).

Pour rappel, une manifestation contre les violences policières et en mémoire du massacre d’Algériens par la police en 1961, organisée le 17 octobre dernier, avait réuni au moins 200 personnes dans le silence total de cette même presse locale : pas une ligne (compte rendu de cette manif). Presse Océan sait choisir ses « faits du jour »…

En définitive, tout est mensonger dans cet article relevant du tract policier. Mais ce dossier n’est pas isolé, ce journal montre simplement une fois de plus à quel point il est un relai du pouvoir, des flics et des patrons, pour conditionner l’opinion nantaise.

Stop à l’intoxication des médias locaux ! Honte aux journaflics de Presse Océan !

La peur doit changer de camp.

Indymedia Nantes, 16 janvier 2012.

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