Sur la « Révolution avec les réseaux sociaux » en Biélorussie

Il est assez difficile de trouver des informations en français de qualité sur le mouvement social actuel en Biélorussie, voila un article qui aborde le niveau d’absurdité dont il est question.

En attendant des centaines de personnes écopent d’amendes et de peines de prison allant jusqu’à deux semaines, alors qu’ils sont déjà résignés à ne pas agir…

 

Biélorussie : l’« inaction organisée » bientôt hors-la-loi

Le parlement biélorusse a été saisi d’un projet de loi visant à introduire des sanctions pour « inaction organisée », une façon de mettre un terme aux manifestations silencieuses dont le pays est le théâtre, rapporte vendredi le correspondant de RIA Novosti.

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Ces derniers temps, des actions de protestations d’un genre nouveau se déroulent en Biélorussie. Leurs participants, qui se donnent rendez-vous via Internet, n’apportent pas de banderoles et ne scandent aucun slogan. Ils n’expriment leur mécontentement que par des applaudissements.

Un député du parlement a confié à RIA Novosti que si ce projet est approuvé, il faudrait demander une autorisation pour une manifestation classique ainsi que pour toute « inaction organisée ». Cela concernera l’« inaction organisée » dont les participants se sont donné rendez-vous via Internet.

Actuellement, la police biélorusse lutte contre ce genre de protestation par le biais d’interpellations massives. Les contrevenants se voient infliger des sanctions administratives, allant de 15 jours de garde à vue aux amendes substantielles. Toutefois, ce genre d’actions échappe à présent au cadre de la loi.

La Biélorussie est confrontée à une situation économique extrêmement tendue qui a débouché fin mai sur la dévaluation de la monnaie nationale et entraîné une forte hausse de l’inflation.

Leur presse (RIA Novosti), 29 juillet 2011.

 

La Biélorussie va interdire les manifestations silencieuses

La Biélorussie va interdire explicitement les manifestations « silencieuses » qui se sont banalisées dans l’ex-République soviétique, selon un projet de loi publié vendredi.

Les manifestations, souvent organisées par le biais des réseaux sociaux sur internet, impliquent de part et d’autre du pays au moins dix millions de personnes chaque semaine. Les participants se regroupent dans des endroits convenus à l’avance, sans aucune banderole et se tiennent simplement en silence, ou bien applaudissent à l’unisson.

Le président Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, perçoit ce genre de manifestations comme faisant partie d’un complot pour renverser son gouvernement. La police disperse ces manifestations et arrête des dizaines de participants de façon routinière.

Condamnations

La Biélorussie, confrontée récemment à un important déficit budgétaire récemment, a dâ dévaluer son rouble de 36 % en mai. Les prix des produits de consommation sont donc montés en flèche, diminuant ainsi les revenus des Biélorusses et incitant des milliers de personnes à rejoindre les manifestations. Participer à des manifestations non autorisées est illégal en Biélorussie. Des centaines de contrevenants ont été placés en garde à vue lors de manifestations précédentes avant d’être condamnés, parfois jusqu’à deux semaines.

Selon les amendements publiés sur le site gouvernemental, « la présence massive de personnes dans un lieu public convenu à l’avance […] dans le but d’accomplir des actions convenues à l’avance ou des inactions […] afin d’exprimer des vues politiques ou des protestations » est considérée comme un piquet de grève et requiert, dès lors, une autorisation officielle.

Les experts estiment que les manifestations, qui attirent principalement un public de jeunes urbains, ne représentent pas une menace directe vis-à-vis de l’autoritaire président du pays.

Leur presse (Reuters), 29 juillet 2011.

 

 

Pour un court historique en français de la « Révolution avec les réseaux sociaux », inspirée du mouvement espagnol Democratia Real Ya! :

 

Biélorussie : une drôle de manifestation à Minsk

Une action de protestation plutôt inhabituelle s’est tenue mercredi [15 juin] en plein centre de Minsk, rapporte le correspondant de RIA Novosti dans la capitale biélorusse.

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La manifestation qui aurait réuni selon diverses estimations entre quelques centaines et quelques milliers de personnes s’est déroulée sans slogans ni banderoles antigouvernementaux. Le rassemblement a été organisé via réseaux sociaux.

La police biélorusse n’a pas utilisé d’équipements anti-émeute pour disperser les manifestants, mais a toutefois essayé de les repousser de la place Oktiabrskaïa. En réponse, les protestataires scandaient « Bravo ! » et « Merci ! » et applaudissaient.

Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a averti mercredi qu’il ne tolérerait ni grève, ni action de protestation opposées à la politique économique menée par l’État au moment où le pays fait face à une crise économique sans précédent.

Selon les politologues biélorusses, les forces nationales de sécurité qui n’ont jamais été confrontées à ce type de protestation devront revoir leurs méthodes de travail.

Leur presse (RIA Novosti), 16 juin 2011.

 

Biélorussie : la contestation se poursuivra

Les actions de protestation se multiplieront en Biélorussie dans un avenir proche, provoquant une répression plus sévère, estime le directeur de l’Institut international d’expertise politique, Evgueni Mintchenko.

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« Les manifestations se poursuivront en Biélorussie, et le président Loukachenko n’aura pas d’autre choix que de serrer la vis », estime M. Mintchenko.

Mercredi 22 juin, de nouvelles manifestations contre la politique économique des autorités biélorusses se sont déroulées à Minsk et dans plusieurs autres villes du pays. Selon les militants biélorusses des droits de l’homme, quelque 450 manifestants, dont des journalistes, ont été interpellés par la police.

Selon M. Mintchenko, la popularité du leader biélorusse Alexandre Loukachenko continue sa chute, le pays étant confronté à une situation économique extrêmement tendue. Dans ce contexte, M. Loukachenko pourrait utiliser la force pour couper court au mécontentement populaire.

« Le processus de contestation en Biélorussie est irréversible, et il va prendre de l’ampleur. Ce sera très difficile de l’arrêter », a indiqué M. Mintchenko.

La crise économique en Biélorussie a provoqué fin mai une dévaluation de la monnaie nationale de 36%, entraînant une forte hausse de l’inflation. Le 4 juin dernier, le Fonds anticrise de la Communauté économique eurasiatique (CEEA) a approuvé l’octroi à la Biélorussie d’un crédit de 3 milliards de dollars.

Leur presse (RIA Novosti), 23 juin 2011.

 

Biélorussie : aucune restriction des libertés (premier ministre)

La Biélorussie n’apporte aucune restriction aux droits et libertés de ses citoyens et n’a pas l’intention de le faire à l’avenir, a déclaré jeudi le premier ministre biélorusse, Mikhaïl Miasnikovitch.

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« Il n’y aucune restriction des libertés où des droits de l’homme en Biélorussie », a affirmé M. Miasnikovitch. « La Biélorussie est un État démocratique, qui respecte le droit international au même titre que sa propre législation. »

Le mécontentement populaire monte en Biélorussie confrontée à une situation économique grave. Dirigé depuis 16 ans d’une main de fer par le président Alexandre Loukachenko, célèbre pour sa dureté envers les opposants, le pays fait face à une dévaluation rapide de la monnaie nationale.

Mercredi 22 juin, des manifestations contre la politique économique des autorités biélorusses se sont déroulées à Minsk et dans plusieurs autres villes du pays. Selon les militants biélorusses des droits de l’homme, quelque 450 manifestants, dont des journalistes, ont été interpellés par la police.

Leur presse (RIA Novosti), 23 juin 2011.

 

Minsk : des dizaines de manifestants interpellés par la police

La police biélorusse a déjà interpellé des dizaines de participants lors d’un rassemblement silencieux dans le centre de Minsk, pour lequel des appels avaient été lancés via les réseaux sociaux, rapporte mercredi [29 juin] le correspondant de RIA Novosti sur place.

Cette action de protestation hebdomadaire contre la politique économique du gouvernement se déroule sans slogans ni banderoles.

Le président Alexandre Loukachenko avait prévenu qu’il « cognerait » sur les opposants qui appellent à la grève et à manifester au moment où le pays fait face à une crise économique sans précédent.

La Biélorussie est confrontée à une situation économique extrêmement tendue, la crise ayant provoqué fin mai une dévaluation du rouble considérable et entraîné une forte hausse de l’inflation.

Leur presse (RIA Novosti), 30 juin 2011.

 

Minsk : près de 100 manifestants condamnés

Près de 100 personnes ont été condamnées en Biélorussie pour avoir participé dimanche à une manifestation non autorisée à Minsk, a annoncé à RIA Novosti la militante des droits de l’homme, Anastassia Loïko.

« Selon les informations dont nous disposons, près de 100 personnes ont été traduites en justice », a-t-elle déclaré.

D’après l’interlocutrice de l’agence, la plupart des manifestants ont été condamnés à une détention administrative allant de cinq à 15 jours. Seules deux personnes, dont une femme élevant un enfant handicapé, ont écopé d’une amende.

Selon les défenseurs biélorusses des droits de l’homme, près de 380 opposants au régime d’Alexandre Loukachenko ont été interpellés dimanche à Minsk et dans d’autres villes du pays.

Ces derniers temps, les contestataires biélorusses ont changé de tactique: ils se réunissent sans drapeaux ni banderoles dans le centre de Minsk ou d’une autre ville et se mettent à applaudir, sans crier de slogans.

Ces actions se déroulent d’habitude le mercredi. Cette fois, les opposants ont décidé de l’organiser le 3 juillet, proclamé Journée de l’Indépendance en Biélorussie. Les forces de l’ordre n’ont pas tardé à disperser le rassemblement.

Leur presse (RIA Novosti), 4 juillet 2011.

 

1730 interpellations lors des récentes manifestations silencieuses au Bélarus

Quelque 1730 personnes ont été interpellées au cours de cinq manifestations silencieuses au Bélarus, dont 980 à Minsk, a indiqué jeudi le groupe bélarusse de défense des droits de l’homme Viasna.

La plupart des opposants ont été punis par des arrestations et des amendes. Beaucoup ont été battus, ont noté les militants de l’ONG.

Les actions de protestation se sont déroulées les 15, 22 et 29 juin, ainsi que le 3 et le 6 juillet et avaient été organisées par Internet. Les contestataires sont invités à protester contre la politique du président Loukachenko soit par des manifestations silencieuses, soit par des applaudissements sur les places de villes.

Les rassemblements sont dispersés par des unités de la milice, mais aussi par des agents en civil.

Leur presse (Voix de la Russie), 7 juillet 2011.

 

Au Belarus, il est interdit d’applaudir

Le président Loukachenko a dû prendre une mesure étonnante pour tenter d’enrayer un mouvement de protestation pour le moins original.

Le décor avait pourtant été particulièrement soigné. Des milliers de soldats alignés au millimètre près, des citoyens sagement regroupés dans les tribunes officielles, un défilé d’engins militaires savamment orchestré et une immense estrade dressée à la démesure de celui qui se trouvait en son centre : Alexandre Loukachenko, l’homme fort de la Biélorussie. Ce dernier, souvent qualifié de « dernier dictateur d’Europe », se livrait comme d’habitude à une diatribe contre l’opposition biélorusse, contre l’Europe, contre le monde entier…

Tout semblait bien rodé, donc, pour ce jour de fête de l’Indépendance, le 3 juillet dernier. Sauf que quelque chose d’inhabituel s’est produit pendant cette cérémonie. Un détail qui aurait presque pu passer inaperçu. Le silence. Un silence assourdissant qui s’est abattu sur le discours du président Loukachenko. Aucune réaction du public, aucun cri, aucune manifestation de joie ou même, pourquoi pas, de colère. Et surtout, aucun applaudissement. Chaque envolée lyrique de l’orateur se concluait par un blanc, aussi pesant qu’inhabituel (voir la vidéo ci-dessous). Alexandre Loukachenko, de son côté, ne semblait guère ému par cet apparent désintérêt à son discours. Et pour cause, c’est lui qui a interdit à son peuple de l’applaudir.

Un pays « à bout de souffle »

Une décision qui ne doit rien à un sursaut d’humilité du dictateur biélorusse. Bien au contraire. Loukachenko a pris cette mesure inédite après que ses détracteurs eurent décidé d’un moyen d’action plutôt inédit : des applaudissements incessants, dans toutes les villes du pays, comme signe de protestation au régime en place. L’appel a été largement diffusé à travers les réseaux sociaux du pays, Facebook, mais aussi son équivalent russophone Vkontakte. Et dans un pays confronté à sa plus grave crise depuis l’arrivée au pouvoir d’Alexandre Loukachenko, en 1994, l’idée a fait tache d’huile. Ainsi, pendant plusieurs semaines, en juin, les rues de Minsk et des autres villes du pays ont offert l’étonnant spectacle de passants applaudissant à tout rompre un spectacle de pauvreté et de désespoir.

Car la Biélorussie est « à bout de souffle », selon les propres termes de la Banque centrale en juin dernier. Le pays doit faire face à un déficit commercial abyssal et à une pénurie de devises, et la première tranche (800 millions de dollars) d’un prêt de trois milliards de dollars sur trois ans accordé par la Communauté économique eurasiatique ne suffira peut-être pas. D’autant que, pendant ce temps-là, l’Union européenne a renforcé ses sanctions contre Minsk pour protester contre les persécutions systématiques d’opposants politiques ayant cours en Biélorussie. Loukachenko « doit choisir sa voie : vers la démocratie ou vers (le tribunal de) La Haye », avait pourtant prévenu l’UE à la fin du mois de juin. Visiblement, le président a choisi une troisième voie.

Leur presse (Cyriel Martin, Le Point.fr), 8 juillet 2011.

 

Des dizaines d’opposants biélorusses arrêtés lors d’actions pacifiques

Des dizaines de militants d’opposition ont été interpellés en Biélorussie lors de rassemblements pacifiques convoqués, comme tous les mercredis, par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Des appels avaient été lancés sur des réseaux comme Vkontakte, l’équivalent russophone de Facebook, pour que les militants d’opposition se rassemblent silencieusement. Ces réseaux étaient inaccessibles dans la soirée.

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La consigne était d’avoir programmé les téléphones portables pour qu’ils sonnent à 20 heures locales (19 heures à Paris) sur la mélodie de Nous attendons des changements, un air de rock célèbre de l’époque de la chute du régime soviétique.

À Minsk, d’importantes forces de police, dont beaucoup d’hommes en civil, avaient pris position dans le centre-ville, où environ un millier de personnes se sont rassemblées peu avant 20 heures. Après que les téléphones ont sonné, la police a commencé à interpeller des participants.

ARRESTATIONS EN PROVINCE

Selon l’ONG de défense des droits de l’homme Viasna, au moins une quinzaine de personnes ont été arrêtées, dont deux journalistes locaux. Un photographe a été battu et d’autres ont été empêchés de filmer les arrestations.

Selon la même source, une trentaine de personnes ont été interpellées au même moment dans la ville de Mozyr, placées dans des cars de police et relâchées par la suite. Plusieurs personnes ont été interpellées à Brest, à la frontière avec la Pologne, où 150 militants avaient participé à l’action. Une dizaine de personnes ont aussi été interpellées à Sloutsk, dans la région de Minsk. L’Association de la presse bélarusse a également fait état d’interpellations de journalistes dans des villes de province.

La répression de l’opposition s’est renforcée dans l’ex-république soviétique depuis la réélection contestée en décembre du président Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis près de dix-sept ans.

Leur presse (Le Monde.fr), 13 juillet 2011.

 

Au moins 25 manifestants interpellés à Minsk

Au moins 100 personnes ont été interpellées mercredi [13 juillet] au cours de l’action de protestation silencieuse en Biélorussie, dont au moins 25 manifestants à Minsk, selon l’Agence biélorusse BelaPAN. Plusieurs d’entre eux dont les journalistes de l’agence ont été relâchés. Dans les autres cas, des procès-verbaux d’infraction administrative ont été dressés.

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Selon l’agence, on y trouve beaucoup de passants étrangers à l’action. À Gomel, on a interpellé notamment un commerçant italien, copropriétaire d’un café. En plus de Minsk et de Gomel, les autorités ont procédé à des arrestations à Brest, à Vitebsk, à Jodino, à Sloutsk, à Soligorsk et dans plusieurs autres villes, indique ITAR-TASS.

Dans la capitale, l’action s’est achevée aux sons des réveils-matins de téléphones portables. Des arrestations ont suivi. Des personnes en tenue civile ont empêché le travail des journalistes, surtout des caméramans. L’accès au réseau VKontakte réunissant des militants de la Révolution à travers le réseau social a été bloqué.

Leur presse (Voix de la Russie), 14 juillet 2011.

 

En Biélorussie, le rock est censuré

Plusieurs chansons jugées subversives, dont un air de rock célèbre, Nous attendons des changements, sont désormais interdites à la radio biélorusse, a déclaré le critique musical Dmitri Podberezski.

« Un responsable du ministère de l’information appelle la radio et annonce que désormais telle chanson ou tel chanteur sont interdits », a-t-il affirmé.

La direction de la première chaîne de radio a même élaboré une liste des chansons interdites d’antenne, selon la chaîne de télévision indépendante Belsat, basée en Pologne. « En premier lieu, il s’agit de la chanson Nous attendons des changements de Viktor Tsoï. Au cours du dernier mois, trop d’auditeurs la réclamaient », a déclaré une employée de la radio, citée par Belsat.

Cette chanson est très populaire parmi les opposants au régime de l’autoritaire président Alexandre Loukachenko, qui en ont fait un hymne de ralliement : lors de leurs rassemblements, les téléphones diffusent à un moment convenu à l’avance cette musique préalablement téléchargée.

Des dizaines d’opposants ont été interpellés par la police à Minsk et en province lors de la dernière manifestation de ce genre, le 13 juillet, après que les téléphones ont sonné, selon l’ONG biélorusse de défense des droits de l’homme, Viasna.

Les chansons des vétérans du rock russe Andreï Makarevitch et Iouri Chevtchouk, qui ont appelé à la libération des opposants emprisonnés en Biélorussie, sont elles aussi interdites d’antenne, a indiqué M. Podberezski.

Plusieurs groupes ne sont plus diffusés sur les ondes depuis des semaines, comme le groupe punk rock Lyapis Troubetskoi, connu pour sa chanson Belarus Freedom.

La répression de l’opposition s’est renforcée dans cette ex-République soviétique depuis la réélection contestée en décembre 2010 du président Loukachenko, au pouvoir depuis 17 ans et qui connaît une crise économique majeure.

Leur presse (Agence Faut Payer), 19 juillet 2011.

 

En Biélorussie, une révolution muette

Nous sommes à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne, à Byelastok, côté polonais. Dans le hall de gare, les « fourmis » [Nom donné aux populations vivant près de la frontière et qui, plusieurs fois par semaine, font l’aller-retour dans le pays voisin pour profiter des écarts de prix entre deux pays. De la Pologne vers la Biélorussie : textile, café, ustensiles de cuisine ou équipement ménager. De la Biélorussie vers la Pologne : essence, cigarettes, alcool. Cette activité peut générer un salaire à part entière dans le foyer.] s’activent. Deux vieilles femmes enfilent plusieurs couches de pantalons et de tee-shirts et se dirigent vers le quai avec une démarche de bibendum. Un peu plus loin, deux personnes enroulent autour de leur corps, à l’aide d’un film cellophane, plusieurs tee-shirts et robes d’été. Olga, une institutrice de la région, précise : « L’amende peut aller jusqu’à 500 dollars, mais ils font assez de trajets pour que cela reste rentable. Ils fonctionnent en réseau et mutualisent les amendes. »

Le ballet des fourmis n’a rien d’exceptionnel pour quelqu’un habitué à passer la frontière par voie terrestre. Mais ce qui étonne aujourd’hui, c’est la nature des produits transportés. Couches-culottes et serviettes hygiéniques ont remplacé l’habituel café dans les valises. Fin avril, le pays est plongé depuis plusieurs semaines déjà dans une crise des changes, et beaucoup d’entreprises importatrices ne peuvent plus acheter de marchandise en provenance d’Europe ou des États-Unis, faute d’euros et de dollars.

Il y a déjà pénurie pour un certain nombre de biens qui ne sont pas produits localement, pénurie amplifiée par les consommateurs eux-mêmes. Habitués aux dévaluations récurrentes et conservant le souvenir des années 1990, ils stockent en effet à la première alerte. Aussi, même le sucre et l’huile, pourtant produits localement, viennent à manquer. On peut se battre pour quelques kilos de sucre dans un supermarché, faisant dire au président Alexandre Loukachenko, quelques jours plus tard : « J’ai honte du peuple biélorusse [Propos rapportés par BelaPAN, le 27 mai 2011, suite à une visite d’État du président Loukachenko au Kazakhstan.]… »

La crise monétaire qui s’annonce depuis le début de l’année est tout sauf une surprise pour le président Loukachenko, qui avait pris soin d’avancer la date des élections présidentielles au 19 décembre 2010 [Lire « Le rêve brisé de la jeunesse biélorusse », février 2011]. Aux causes structurelles liées au système économique biélorusse (balance commerciale déficitaire, appareil productif peu rentable, peu de ressources énergétiques exploitables) s’ajoute une cause conjoncturelle : le 1er juillet 2011 est entrée en vigueur l’harmonisation avec la Russie des taxes d’importation sur les véhicules. Anticipant la hausse des prix, une véritable « course à l’importation » a eu lieu, les Biélorusses prenant d’assaut les marchés de véhicules d’occasion des pays voisins. Même si elle n’avait a priori rien à voir avec la crise en cours, la visite, début avril, du vice-président du Zimbabwe — pays champion de l’inflation — n’était pas faite pour rassurer la population.

La spéculation aidant (certains achetant plusieurs voitures par foyer pour les revendre ensuite en Russie), dès mi-avril 2011, trouver des euros ou des dollars relevait du parcours du combattant. De nombreuses personnes campent littéralement devant les bureaux de change et interpellent les clients : « Vous venez de changer des dollars ? Combien ? » Craignant les dévaluations, les Biélorusses ne gardent jamais de grosses sommes d’argent en monnaie locale. Les salaires sont aussitôt changé en dollars ou en euros.

Mis à part les produits alimentaires ou les biens de première nécessité, beaucoup d’échanges se font en dollars, y compris ceux impliquant des entreprises officielles qui, souvent, refusent d’être payées autrement qu’en dollars, monnaie avec laquelle il est pourtant interdit de conclure un contrat. Cette pratique est tellement courante que nombre de publicités contournent la loi en affichant les prix en « unité conventionnelle » (« y.e » en russe), affichant clairement le prix dans un dollar qui ne dit pas son nom.

À Minsk, dans le bureau de change de la BelarusBank du centre « Stolitsa », les personnes désireuses d’acquérir des dollars se sont organisés en comités locaux. Pour satisfaire le plus grand nombre, les acquéreurs se sont fixés une limite à « 100 dollars maximum par transaction ». Un cahier recense les demandes de chaque personne, avec un ordre chronologique d’arrivée et les coordonnées de chacun. Seuls les trois premiers de la liste sont physiquement présents dans le hall de la banque. Quand le premier a pu changer 100 dollars (grâce à un touriste, par exemple, venu acquérir de la monnaie locale), il appelle le quatrième de la liste, qui vient prendre son tour de garde et veiller à ce que l’ordre soit respecté dans la file d’attente. Les demandeurs doivent venir « pointer » tous les matins et signer la liste d’émargement pour confirmer leur présence et conserver leur rang dans la file. Une rigueur et une organisation que sans doute aucun système bureaucratique n’aurait pu instaurer. Ailleurs, ce sont des retraités, employés par des hommes d’affaires en manque de liquidités étrangères, qui sont payés pour faire la queue dans les bureaux de change.

Début mars, une personne qui se fait appeler « Piotr » a créé le site Prokopovi.ch. Non sans humour, le nom du site reprend celui du directeur de la banque nationale biélorusse, Piotr Petrovitch Prokopovich. Le site se propose d’être une « bourse d’échange » pour ceux qui souhaitent acquérir des devises étrangères. Le principe : une personne cherchant à « vendre » des dollars pose une annonce, un acheteur se manifeste, et ils se donnent rendez-vous dans une banque officielle. Le vendeur vient « déposer ses dollars » à la banque, et l’acheteur suivant dans la file d’attente les rachète aussitôt. Ainsi, l’argent ne reste pas à la banque, qui ne peut ni le bloquer en fin de journée, ni refuser de le vendre. Lancé au moment opportun, le site a vu sa popularité exploser et présentait quelques semaines après son lancement un pic de fréquentation à 100’000 visites par jour et 1500 nouvelles annonces quotidiennes !

Le site met toutefois en garde les utilisateurs contre les spéculateurs ou escrocs qui pourraient profiter du système. Avant la dévaluation, le cours du rouble était d’environ 3 100 BYR pour un dollar et 4 569 BYR pour un euro [Cours de la BelarusBank du 27 avril 2011, soit un mois avant la dévaluation du rouble biélorusse de 36 %, le 24 mai 2011], mais les entreprises en manque de liquidités étaient prêtes à acheter respectivement ces monnaies à 8000 et 10’000 roubles au marché noir. Les entreprises importatrices hésitaient même à vendre, car elles savent qu’elles seraient payées en un rouble « inéchangeable » qui risquait d’être prochainement dévalué.

À vrai dire, le président Loukachenko est dans une situation peu enviable. À cette situation s’ajoutent les pressions internationales, et l’avide voisin russe qui attend les privatisations pour acquérir les fleurons de l’industrie biélorusse [La Communauté économique eurasiatique (CEE), qui regroupe le Belarus, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Russie, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan, a approuvé début juin l’octroi d’un crédit de 3 milliards de dollars sur trois ans à Minsk. Mais Moscou a posé comme condition que le pays procède à d’importantes privatisations. Le premier lot concerne BelarusKali, géant de la potasse et de l’engrais en Biélorussie.]. La situation est en grande partie le résultat de son « miracle économique subventionné », qui est à bout de souffle, de son comportement diplomatique cyclique et changeant, et d’un système corrompu qui, s’il n’affecte pas trop le citoyen (le racket des populations sévit moins qu’en Russie ou en Ukraine), touche durement les petits entrepreneurs et plombe toute source de profit dans les entreprise étatiques.

Pour redresser l’économie du pays, Loukachenko compte, « comme au temps d’Andropov, dit-il, remettre les Biélorusses au travail ». On assiste alors à des scènes ubuesques, comme dans ce salon de coiffure de la ville de Mosty, où des miliciens sont venus un jour de semaine prendre l’identité des clientes en menaçant : « Nous allons vérifier, si vous étiez aujourd’hui censées être au travail, vous serez réprimandées. »

Mais qui remettre au travail, quand même les usines d’État mettent une grande partie de leurs ouvriers en « congés forcés sans solde » ? Six cent mille travailleurs seraient dans ce cas, selon l’aveu même de l’agence d’État (Comité National de Statistiques). Un tournant pourrait avoir lieu si la crise économique mettait plus de gens dans la rue que les appels des partis d’opposition. Mi-avril, par exemple, des automobilistes ont organisé des opérations escargot aux stations-service pour protester contre la hausse des prix de l’essence, bravant l’interdiction qui leur avait été faite de manifester.

Le mouvement de protestation, qui existait pourtant depuis plus de trois ans, a pris plus d’ampleur depuis le printemps 2011, avec l’utilisation des réseaux sociaux, notamment Facebook et Vkontakte, son équivalent russophone. Malgré les pressions subies par les instigateurs du mouvement [Serguei Pavliukevitch, un des instigateurs de la « marche des millions » sur Vkontakte, regroupant 120’000 sympathisants, a reçu le 6 juin la visite du KGB. Scénario similaire pour quatre autres administrateurs de groupes sociaux. Pressions sur la famille, confiscation de l’ordinateur, et obligation de retirer la page d’Internet. Le site Vkontakte est par ailleurs régulièrement bloqué par l’opérateur national BelTelekom.] « la marche des muets », ou la « révolution des réseaux sociaux », comme elle s’autoproclame, a commencé le mercredi 8 juin, et est reconductible de manière illimitée tous les mercredis. Sans être affilié directement à un parti, sans drapeaux ni slogans, avec pour seule arme des applaudissements, le mouvement qui rassemble de plus en plus de participants demande un « changement de gouvernance » et la « fin du régime Loukachenko ».

La façon dont les premières marches pacifistes ont été réprimées montre que, sur la liberté d’expression, la ligne politique du président biélorusse n’a pas changé. Il veut avoir « les mains libres pour travailler de manière efficace », comme il le répète lui-même.

Les « enlèvements » de passants en pleine rue par des miliciens en civil, pour des gardes à vues de deux à trois jours suivies d’une amende, ou d’un emprisonnement pour les plus récalcitrants, se multiplient. C’est paradoxalement cette injustice ressentie qui pourrait rallier de plus en plus de gens à la cause des « muets ». Ces mères de famille en pleurs (« Mon fils n’est pas un criminel, pourquoi l’a-t-on emmené ? ») commencent à comprendre que les autres « emmenés » ne sont pas les ennemis de la nation pour qui on veut bien les faire passer.

Pour les futures manifestations, les organisateurs proposent même d’être solidaires et de se porter volontaires pour être « emmenés », en montant massivement dans les camions de la milice, mettant ainsi les forces gouvernementales dans une situation inédite. Pousser le ridicule jusqu’au bout ne tue pas, mais il pourrait bien marquer durablement les consciences.

Ping-pong médiatique aux olympiades de l’absurde

Pour ne pas risquer de faire quoi que ce soit d’illégal dans un régime où les procès à charge sont alimentés par des faits inventés, les manifestants ont tout simplement décidé de ne rien faire. La seule consigne est de se réunir, d’applaudir, sourire et féliciter quand un milicien s’approche de vous.

En russe, le mot réseau social peut aussi se traduire par « filet social » (comme l’anglais network qui contient le mot « net », filet). Aussi les commentateurs de BTCanal1 ne se gênent pas pour parler de « jeunes écervelés pris dans les filets de l’opposition », manipulés et financés par d’occultes puissances « de l’Ouest ». Le reportage qui a suivi le premier « mercredi » parle, à défaut de pouvoir les montrer, de « quelques jeunes » titubants, de drogués, de marginaux, comme lors des événements du 19 décembre.

La dernière marche ayant eu lieu le 22 juin, jour anniversaire de l’entrée en guerre de l’Allemagne nazie contre le bloc soviétique, les médias biélorusses n’ont pas hésité à qualifier les manifestants de « néofascistes osant applaudir ce jour terrible pour le peuple soviétique ».

Habitués des manipulations médiatiques (les fameuses « barres de fer et bouteilles de vodka » le soir des élections), les manifestants affinent à chaque nouvelle marche leur stratégie : la consigne a donc été donnée pour la marche suivante de ne même pas fumer de cigarettes, afin qu’aucune photographie ou scène filmée ne puisse laisser supposer l’usage de drogue. Sur les appels au rassemblement, on peut lire :

« Ne leur laissons aucune chance de nous stigmatiser !
Lors des manifestations, interdiction de : boire de l’alcool ou consommer des drogues, de crier des slogans, de jurer, de marcher sur la route (restons sur les trottoirs), interdiction de traverser au feu rouge, d’apporter un symbole politique ou un drapeau, de provoquer la milice, chanter des chansons, et dans la mesure du possible, ne pas fumer (pour ne pas leur donner l’occasion de montrer à quel point nous sommes “pervertis”). Si quelqu’un propose de faire un “sitting”, ou commence à crier des slogans, écartez vous de lui à cinq mètres minimum, c’est sûrement un provocateur infiltré qui chercher à provoquer la répression.
La seule consigne : applaudir et sourire. »

Pourtant, pas besoin de casseurs ou de provocateurs pour démarrer la répression. Quelque peu désorientés lors de la première marche, les OMON (forces spéciales biélorusses) ont réagi à l’inattendu par l’imprévisible : arrêter de manière aléatoire toute personne se trouvant à proximité des applaudissements, attendant que quelqu’un résiste pour saisir de « belles images de violence ». Mais de résistance, point ou si peu. Et pas de bavure côté manifestants.

Lors de la dernière marche, près de cinq cents personnes ont ainsi été arrêtées sur l’ensemble du territoire. Chaque mercredi, le mouvement s’amplifie, et surtout, il est suivi dans plus d’une vingtaine de grandes villes biélorusses.

Sur cette vidéo, on peut voir un représentant de l’ordre, en civil, invectiver ses subordonnés : « Ne soyez pas timides, n’hésitez pas, allez ! Qui n’a pas compris la leçon ? On prend le prochain qui passe ! »

Le gouvernement a aussi appelé à la rescousse ses jeunes du BRSM (héritier des jeunesses communistes) pour organiser des « flash mobs » anti-manifestants. Pour contrer la « marche des muets », les jeunes du BRSM passent des chansons de la seconde guerre mondiale et des chants patriotiques sur de grandes enceintes sur le parcours des manifestants. Ces contre-attaques ne fédèrent qu’une dizaine de sympathisants par événement mais ont de quoi perturber les plus stoïques par le bruit qu’elles génèrent.

Leur presse (Benjamin Vautrin, Les blogs du Diplo), 20 juillet 2011.

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