4 juillet : la conférence de presse NO TAV en Val de Suse

 

Au lendemain de la manifestation internationale du 3 juillet 2011 contre le TGV Lyon-Turin, et face au déchaînement des grands médias à son sujet, le mouvement NO TAV, à travers une dizaine d’intervenant.e.s, a tenu une conférence de presse à proximité du chantier. La totalité de la conférence se trouve là. Récit et traductions de la première prise de parole.

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1310035361.jpg

Le premier intervenant, Maurizio Piccione, fait partie du comité NO TAV Spinta dal Bass, des bourgs d’Almese, Avigliana, Villardora, en basse vallée de Suse. Il commence par contester vivement les chiffres ridicules donnés par la police (6000 à 7000 manifestant.e.s), puis il répond en détail à la ritournelle qui a été martelée dans les médias ce jour-là, selon laquelle la manifestation avait été un désastre, gâchée par des casseurs venus d’ailleurs et même de l’étranger. Nous traduisons son argumentaire sur ce dernier point.

Maurizio Piccione rappelle d’abord les objectifs que s’étaient donnés les gens de la vallée avec cette manifestation : non pas reprendre le chantier (« on savait qu’on ne pourrait pas le faire »), mais l’assiéger, « s’en approcher de tous les côtés, atteindre les clôtures et faire pression dessus, (…) les secouer, leur faire comprendre que le chantier était désormais assiégé et qu’il le serait par la suite ». Il rappelle également que le lundi précédent, 27 juin, le campement de la Maddalena avait été expulsé à coups de gaz lacrymogènes par la police, que les gens en avaient tiré des leçons, et que beaucoup étaient allés s’acheter des masques à gaz dans la semaine.

Ainsi, « les familles avaient été invitées à défiler dans le cortège d’Exilles, alors que les gens de la vallée habituellement plus militants étaient invités à rejoindre le cortège de Jaillans avec l’équipement adéquat, ce qui voulait dire : casques et masques à gaz. » L’intervenant raconte qu’il se trouvait dans le cortège de Jaillans, et qu’au moment de bifurquer vers les clôtures, tout le monde (« nous étions une large majorité de gens de la vallée ») avait mis son masque, son foulard et/ou son casque, « et si vous regardez les photos, tout le monde ressemblait à des black blocs ».

Maurizio Piccione rappelle ensuite que l’idée était d’arriver les mains vides aux clôtures, « parce qu’on savait que si nous tirions les premiers, on n’atteindrait jamais les clôtures ». « Mais à l’instant même où nous sommes arrivés aux clôtures, poursuit-il, il s’est mis à pleuvoir absolument de tout, des grenades lacrymogènes à hauteur d’homme, de l’eau irritante des canons à eau… On s’est retrouvés dans un nuage de fumée. À ce moment-là, chacun a cru bon de se défendre comme il pouvait, comme il voulait. Et là, la journée a pris une autre tournure. Beaucoup de gens de la vallée ont décidé de ne pas lâcher, de continuer à aller aux clôtures et de continuer à mettre la pression. » Il ajoute que manifestement, les autorités avaient délibérément placé la journée sous le signe de la guerre, à tel point que des policiers en venaient à lancer des pierres sur les gens quand ils étaient à court de lacrymos.

« Dans cette situation, dans cette journée-là, excusez-moi, je le dis et je le répète, il n’y avait rien d’autre à faire que de continuer à se défendre », affirme-t-il. « Ça ne veut pas dire que le mouvement No TAV est devenu violent, ça veut dire que cette journée à été programmée d’une certaine manière par ceux qui veulent accentuer le climat de tension, militariser la vallée, exaspérer la population, et qui ont tout fait pour qu’on débouche sur ce qui du point de vue extérieur, sur le plan médiatique, a été pensé comme un piège, dont le but était de faire passer le Val de Suse pour une vallée submergée par la violence. »

Et il termine en disant : « bien sûr, il y a des gens qui sont venus de l’extérieur, mais leur présence n’a été que marginale, dans le sens où s’ils n’étaient pas venus, la journée n’aurait pas été différente d’une virgule. Les choses se seraient passées exactement de la même façon. »

Indymedia Paris, 7 juillet 2011.

 

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1310035846.png

 

Italy: NO TAV press conference – “This is the people’s resistance”

In the midst of the riot porn that can be found on the internet about the NO TAV protests of Sunday 3 July – and that I’m not going to post here because a) you can find it anywhere and b) you can have too much of it — I’ve found a story that I think is much more important.

On the Monday after the protests, the NO TAV network held a press conference in Chiomonte. So what?, you might ask. Well, it could’ve been a disaster. In 2001, after the ferocious state violence of the G8 summit in Genoa, the Genoa Social Forum made the big mistake of retreating: instead of staying united, some groups left the alliance, others stayed but distanced themselves from the “bad protesters” (namely the Black Block) and blamed them for the violent reaction of the police. The State, the police and the media had won their war: they had wanted to tear the movement apart and they succeeded. So, you can imagine what a joy it was for me to read the NO TAV network statements:

“It wasn’t the Black Block, it was just people, and the majority of them locals. We came prepared with helmets and masks after what happened on the 27th June, but we came with bare hands. After the police started attacking us with teargas, stones and water jets, we defended ourselves in any way we could. We couldn’t do anything else”, declared Maurizio Piccione, who opened the conference. Another representative said “Popular resistance is our way of doing things. The only accusation we will agree with is that we resisted against a situation that wasn’t created by us. The Black Block is being used as a scapegoat, because people can’t accept the fact that a whole valley wants to resist. We must thank the Valsusa residents for resisting, and we’re proud of this.”

Despite it being a press conference, the marquee was crowded with about 50 people, not just representatives and delegates of the different groups, but also people who wanted to tell their version of the story. When a journalist of the right wing paper Secolo XIX asked about the Black Block, a person just replied “I was there and I’m not the Black Block.” The journalist was challenged and finally left the conference. Other journalists left “in solidarity” with their colleague. Gone forever are those times when journalists in Italy (or any other country) would literally risk their lives to speak The Truth. Now they just mouth the words of those who stuff their mouths with gold.

The Catholic groups in the No TAV alliance criticised Susa’s local bishop for closing down the cathedral and obeying the prefect’s order of keeping the priests under him quiet. A local wine farmer described his by-now daily experience of having to travel into the militarised territory to get to his vines. Everyone was united in their rage and outrage at the lies perpetrated by the media, and expressed solidarity and sympathy with the protesters injured and arrested. At the moment there are 4 people still in prison — they were going to know today if their arrests would be confirmed or not, but the meeting has been postponed, so they’re still in. To send them cards and letters:

Marta Bifani / Roberto Nadalini / Salvatore Soru / Giancarlo Ferrari
Casa Circondariale Lorusso Cutugno
Via Pianezza 300
10151 Torino
Italy

Looks like there’ll be a protest camp at the end of July and an international one in August, so… stay tuned!

Article based on this text — if you understand Italian you can watch some videos of the press conference. This is a good website in general, and it’s got a page with English translations, so take a look!

Italy Calling, 6 juillet 2011.

 

Dans le Val de Suze, le combat des Arpétars, amazighs des Alpes

Un endroit extraordinaire avec ces arbres, ces vignes, la beauté de ces villages et des personnes qui aiment leur vallée : la vallée de Suse.

Voilà ce que j’ai vu lorsque je suis arrivée à Chiomonte, sous un ciel étoilé. Des milliers de personnes nous ont accueillis avec une extrême gentillesse, comme si nous faisions partie de leur famille. Il y avait des feux de camp, des chansons, de quoi manger et boire. On aurait pu croire à un repas de famille ou à un barbecue entre amis. J’ai parlé avec des personnes sensibles, généreuses, respectueuses de leurs terres. Puis nous avons rencontré les porte-paroles des mouvements, des élus, des ouvriers, des commerçants, des agriculteurs, etc, etc.

Puis  l’aube s’est levée et la tension est arrivée. Aux environs de 4 heures du matin un silence pesant s’est installé et l’autoroute a été fermée. Un peu plus tard nous avons vu arriver depuis la Maddalena, une colonne de camions transportant des pelleteuses, des bulldozers, des tractopelles, et autres engins de chantier. Peu de temps après les militaires sont arrivés par dizaines, par centaines, par milliers, une armada de véhicules bleu foncé, glissant sur l’autoroute comme un serpent approchant sa proie. Ma première sensation d’effroi est arrivée en même temps qu’eux. Tout le monde s’est préparé : casques, foulards, lunettes et protections de fortune pour les coudes, les genoux, le ventre. Cette impression de danger vous prend le ventre et ce sentiment d’incompréhension vous gagne l’esprit. Comment un État, de soi-disant droit  peut se permettre d’envoyer sa force militaire pour déloger des personnes, sur des terrains privés qui appartiennent à la communauté de communes de la vallée de Suse et à un privé qui l’a loué aux NOTAV.

Mon cerveau ne peut comprendre que plus de 40’000 (quarante milles !) personnes, qui s’opposent aux travaux d’un train à grande vitesse, ne soient pas prises en compte par un gouvernement. Toute une vallée qui résiste depuis plus de 20 ans, ne peut se faire entendre, leurs voix ne sont pas assez fortes face au bruit des billets.

Les élus et les  avocats descendent à la « centrale » (au bas de la rampe d’accès au site archéologique de la Maddalena où est le camp des NOTAV qui refusent que ce site préhistorique soit détruit par les travaux du Lyon Turin) pour discuter avec la police. Plus tard, un feu d’artifice donne le signal : c’est le début de l’attente, la peur qui monte dans votre corps, vous imprègne, vous tenaille. La pelleteuse entre en action et declenche le début des hostilités. Les militaires sont là, sur l’autoroute, cachés dans les tunnels, le bruit court : « ils sont au moins 1500 ». Puis arrive l’hélicoptère qui tourne inlassablement au-dessus de nos têtes, pour nous épier, nous photographier, nous compter. Ce bruit infernal se mêle aux cris des manifestants. Soudain on entend ce qui est pour moi des coups de feu mais en fait ce sont des pétards qu’ont déclenchés les défenseurs pour faire reculer les militaires et ça fonctionne : les casques bleus reculent et vont se cacher à l’abri sous les arbres. Mais  la pelleteuse continue son travail et malgré les jeunes gens qui sont sur les murs antibruit les détruit, un par un, dans un bruit effroyable. Les manifestants se défendent en envoyant de la peinture, en vidant des extincteurs sur les militaires.

Soudain on voit Turri, un pacifiste, qui va à la rencontre des militaires pour essayer de négocier avec les forces de l’ordre. Mais eux ne sont pas des pacifistes, ils l’attrapent, le retiennent par terre, ils sont 3, il est seul. En bas de l’autre côté, les négociations échouent et à partir de maintenant c’est la guerre ! Les forces de police sont là pour prendre possession de la Maddalena sans état d’âme et pour moi c’est le début de l’horreur. De chaque côté la garde mobile force les passages avec ses bulldozers et ne s’inquiète pas des manifestants qu’elle frappe, qu’elle neutralise à coup de gaz lacrymogènes. Nous sommes en pleine guerre. La guerre du pouvoir. La guerre de l’argent. Les gaz lacrymogènes commencent à me gêner, je n’arrive plus à respirer, (je suis asthmatique) et là, la peur est la plus forte. Je pense à ceux qui se font frapper, ceux qui ce font empoisonner par une pluie de grenades lacrymogènes que nous voyons arriver par centaines sur le camp de la Maddalena, dans un nuage de fumée bleue et blanche, opaque. Nous devons partir, je dirais même fuir, par la montagne. Commence alors le parcours du combattant, le terrain est accidenté, les obstacles sont durs à franchir, l’hélicoptère qui nous survole et la police qui nous poursuit. Tous ces sentiments qui se mélangent : la peur, la panique, la colère et le souci pour ceux qui sont encore là-bas, sur place, et puis les douleurs physiques qui se rajoutent. Nous marchons depuis ce qui nous semble des heures, les serpents cachés dans les vignes, les ronces qui nous arrachent la peau, les chevilles qui se tordent. On tombe, on se relève, on avance et on entend les bruits de destructions massives. Cet hélico sur nos têtes, ces questions : nos amis sont-ils blessés ? Sont-ils en danger ? Je pense à tous ces jeunes, mon cœur de maman saigne pour ceux qui pourraient être mes enfants, mon cœur de femme bat pour tous ceux qui pourraient être mes frères et sœurs, mes parents. Mes prières vont pour eux, leur protection et leur salut. Enfin nous arrivons au bout de notre périple, mais touchés par l’horreur de la situation. Nous ne serons plus jamais pareils, bouleversés par ces images d’apocalypse. Comment en sont-ils  arrivés à cette infamie ?

Alberto Perino et tous les citoyens de la vallée, élus ou non, se battent depuis 20 ans sur trois points :

— Une ligne est déjà existante sur deux voies donc pourquoi en construire une autre alors que l’existante ne sert pas à 70 % de ses possibilités. Mais nous ne parlons plus du Lyon-Turin aujourd’hui, mais du  Paris-Milan. Il n’y a plus de train direct entre Lyon et Turin. Mais 4 TGV direct Lyon et Milan et surtout ce sont des lignes incompatibles avec le ferroutage.

— Une catastrophe environnementale : présence d’amiante et d’uranium dans les alpes ou vont être creusés les tunnels. Le tunnel de 57 km va vider l’eau des montagnes qui va se retrouver dans la vallée mais plus sous forme potable. Des milliers de m³ d’eau perdus. Les premiers travaux ont déjà asséchés plusieurs sources. Sans eau, plus de vie. La vallée a déjà plusieurs infrastructures : lignes à haute tension, autoroutes, voies ferroviaires. Elle ne peut  rien accepter de plus sans subir de gros dommages. Destruction de maisons, de terres agricoles, dégradations irréversibles  de la nature.

— L’aspect financier qui n’est pas négligeable, perte d’argent, trou financier pour la vallée.

L’État italien a programmé ce massacre car le 30 juin si les travaux ne sont pas commencés il y aurait une perte de 675 millions d’euros de subvention de l’Europe.

En arriver à détruire la vie dans la vallée et trouver que 40’000 personnes qui s’opposent aux travaux est une quantité négligeable, alors  quel est le prix de la vie humaine ?

Alors que l’État italien n’a pas d’argent pour entretenir les écoles et les services de santé de la vallée de Suse, il est prét à payer 17 milliards d’euros pour ce projet pharaonique, inutile et extrêmement dangereux écologiquement.

L’assaut au camp de la Maddalena par les « Romains » a coûté et détruit pour plus de 100’000 € payés par le contribuable « gaulois » de la vallée de Suse.

Je tenais à féliciter les NO TAV pour leur ténacité, leur courage et leur solidarité. Ils ont toute mon estime et ma considération. Leur combat continue et ma pensée et ma présence seront avec eux en permanence. À mes yeux leurs vies valent de l’or et leur amitié m’est  plus précieuse que tout.

Je crois que le moment est venu d’informer les populations de Savoie et d’Europe sur les dangers encourus par les travaux au mont Cenis.

Valérie, représentante des Femmes de Savoie

Kabyle.com, 30 juin 2011.

Ce contenu a été publié dans Aménagement du territoire - Urbanisme, avec comme mot(s)-clé(s) , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à 4 juillet : la conférence de presse NO TAV en Val de Suse

  1. Ping : L'ALSACE LIBERTAIRE » 4 juillet : la conférence de presse NO TAV en Val de Suse

Les commentaires sont fermés.