Nigeria, Algérie… A qui profite l’argent du pétrole ?
L’espoir suscité par la découverte du pétrole dans plusieurs pays africains tourne souvent au mirage. La gestion de la manne pétrolière restant toujours opaque.
L’or noir, synonyme de richesse fait souvent déchanter. Les dernières manifestations de rue au Nigeria et en Algérie montrent que les populations non seulement ne voient pas l’argent du pétrole, mais elles en souffrent.
Hier au deuxième jour d’une grève générale contre le doublement des prix du carburant au Nigeria, on sentait la détermination des populations à faire plier le gouvernement. La raison de la colère ? Le litre à la pompe est passé du jour au lendemain de 65 nairas (0,30 euro, à peu près 200 FCFA) à au moins 140 nairas alors que la majorité des 160 millions de Nigérians vivent avec moins de deux dollars par jour. Les syndicats exigent que le gouvernement rétablisse les subventions supprimées, le 1er janvier dernier. Les conséquences se font donc sentir tant pour les transports que pour l’alimentation des générateurs d’électricité. Le Nigeria, seul pays de l’OPEP en Afrique noire avec l’Angola, produit 2,4 Mbbls/j (en totalité dans le delta du Niger).
Comme au Nigeria, les jeunes algériens estiment que le pétrole est un mirage. Les manifestations, début janvier, contre la pauvreté en Algérie ont surtout levé le voile sur le dénuement de la population : alors que deux personnes sur trois ont moins de 30 ans aujourd’hui (sur une population de l’ordre de 36 millions d’Algériens), le taux de chômage pour celles en âge de travailler peut atteindre 50%, voire plus dans certains quartiers. La rente pétrolière, confisquée par une infime minorité, n’a pas servi à développer une industrialisation qui aurait créé des emplois. La jeunesse qui réclame aujourd’hui des emplois en paie les conséquences. Les réserves actuelles représentent l’équivalent de 72 ans de production. Elles peuvent donc encore tenir jusqu’en 2080. L’Algérie est à la 15e position en termes de réserves de pétrole et couvre 20% des importations de gaz de l’Europe. La politique du président Abdelaziz Bouteflika, en place depuis 1999, n’a pas réorienté cette manne pour irriguer les autres secteurs de l’économie nationale.
Selon plusieurs experts, en Algérie et au Nigeria, pour ne citer que ceux-ci, la gestion des revenus pétroliers est une affaire privée entre les compagnies pétrolières et le Président. Celui-ci supervise personnellement toutes les transactions financières se rapportant à l’exploitation des hydrocarbures. Mais ne nous trompons pas. Les cas du Nigeria et de l’Algérie ne sont pas isolés. L’Angola très riche en pétrole, reste pauvre. Des experts indiquent que plus d’un milliard de dollars disparaîtrait des revenus pétroliers (deuxième producteur après le Nigeria) sans justification, depuis quinze ans. La Guinée Equatoriale du président Teodoro Obiang Nguema qui a obtenu sa carte de membre des pays producteurs du pétrole au début des années 2000 a vite attiré le regard de la communauté internationale en matière de corruption. Alors que le pays est classé troisième producteur de l’Afrique sub-saharienne, le pétrole est avant tout une affaire du clan Obiang Nguema. On apprend également qu’au Cameroun, les recettes pétrolières n’ont jamais été budgétisées. Depuis 1977, année de forage de ses premiers puits, le Cameroun exploite le pétrole. Mais pour la société civile, une bonne partie des revenus issus de la commercialisation de ce pétrole est souvent détournée au détriment du développement que cette manne représentait pour ce pays. Dans la majorité des pays africains producteurs de pétrole, la déclaration et la gestion démocratique des revenus pétroliers sont donc quasiment absentes.
Si l’on en croit le rapport 2008 sur les performances des compagnies pétrolières et gazières, publié par Transparency International, 60% des personnes les plus pauvres vivent dans des pays riches en ressources, particulièrement ceux de l’Afrique. Ce paradoxe est très souvent qualifié de « malédiction pétrolière ». Le Ghana, le Mali, la Côte d’Ivoire opèrent leur entrée dans le club très fermé des pays producteurs de pétrole. Tout le mal qu’on peut leur souhaiter est que la manne pétrolière améliore vraiment la vie des populations.
Leur presse (Bakayoko Youssouf, abidjan.net), 11 janvier 2012.
Le Congo produit de plus en plus d’électricité, mais pas pour les Congolais
Les inaugurations de centrales à gaz et de barrages s’enchaînent au Congo-Brazzaville, un pays pétrolier, mais les particuliers ne semblent pas en profiter, moins de la moitié ayant accès à l’électricité en ville et presque personne (5%) en milieu rural.
A Côte Matève, banlieue sud de Pointe-Noire, capitale économique du Congo (sud), les torchères des deux centrales électriques à gaz brûlent 24 heures sur 24 : pourtant, malgré les 350 mégawatts par an, les habitants de la zone n’ont pas de lumière.
La plus puissante a été inaugurée en décembre 2011 pour un coût de 600 millions de dollars. Il faut y ajouter le barrage hydroélectrique d’Imboulou (120 mégawatts) construit pour 370 millions de dollars au nord de Brazzaville par la Chine, et lancé il y a sept mois.
En tout, pour la seule année 2011 le Congo a pu s’offrir 420 mégawatts (MW) nouveaux.
La puissance installée du pays a été multipliée par six depuis 2003, passant de 89 MW à plus de 500 pour des besoins estimés à 600 MW, selon le ministre de l’Energie, Henri Ossebi.
La Société nationale d’électricité (SNE) relève fièrement que depuis que le barrage d’Imboulou est opérationnel, le Congo n’importe plus un seul mégawatt de courant du barrage d’Inga, dans le sud-ouest de la République démocratique du Congo (RDC) voisine.
Cependant au Congo-Brazza, toutes les unités de production ou presque passent aux yeux des populations pour des monuments qu’on peut admirer mais dont l’utilité est inaccessible.
« Ici à Côte Matève, nous n’avons jamais été alimentés. Nous vivons juste à proximité de la centrale. Nous voyons la ligne haute tension qui en part, mais le courant n’est jamais venu dans nos maisons », déplore Julien Taty, 38 ans.
« A la nuit tombée, les jeunes élèves ne peuvent même plus réviser leurs leçons sous les lampadaires. L’éclairage public est inexistant », explique à l’AFP Maixent Bidié, 40 ans, enseignant dans un collège de Pointe-Noire.
« Les groupes électrogènes, malgré le bruit qu’ils produisent, restent le seul moyen de s’alimenter en énergie. Et il y a bien des gens qui utilisent les bougies à leur risque et péril », ajoute-t-il.
Les autorités reconnaissent le problème et affirment avoir investi au moins 1,5 milliard d’euros (1000 milliards de FCFA), dans les secteurs de l’eau et de l’énergie depuis 2001.
« En matière de distribution domestique (…) de cette denrée rare, notre système national présente encore, hélas, de nombreuses défaillances », admet le ministre Henri Ossebi.
« A ces faiblesses organiques, on pourrait ajouter les effets induits par les comportements inciviques de nos concitoyens (vol de câbles, piratage des lignes, ndlr) et par l’urbanisation rapide et incontrôlée de nos villes à la démographie galopante », poursuit M. Ossebi.
Selon lui, la hausse de la population des villes est source de pression constante sur le réseau électrique existant, déjà en état de vétusté avancé.
Au Congo les taux d’accès à l’électricité sont officiellement de 47% en zones urbaines et 5% en milieu rural. Le pays a décrété 2012 année d’accès aisé pour tous aux soins de santé de qualité et à l’électricité au quotidien.
« La centrale de Côte Matève va apporter une véritable mutation avec une augmentation significative de l’offre en énergie électrique », souligne Serge Bouiti Viaudo, directeur de cabinet du ministre des Hydrocarbures.
« Cette centrale nous permet de valoriser le gaz associé du champ pétrolier de M’boudi (situé dans la zone et exploité par ENI, ndlr), au lieu de le torcher. Cela a des impacts positifs sur l’environnement », se félicite Claudio Descalzi le directeur général de la société italienne qui a financé le projet.
Le secteur pétrolier, surtout offshore, représente plus de 60 % du PIB du Congo.
Leur presse (Agence Faut Payer), 6 janvier 2012.