[Algérie] Chômage, révolte et répression

Algérie : blessés et arrestations lors de heurts dans la ville pétrolière de Laghouat

Des affrontements entre forces de l’ordre et chômeurs en colère ont éclaté mardi dans une ville pétrolière du sud de l’Algérie, faisant au moins dix blessés et illustrant la persistance des problèmes de sous-emploi et de logement dans le pays.

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1326280339.jpgLes incidents ont éclaté à Laghouat, ville proche du plus important champ gazier du Sahara algérien Hassi R’mél, selon le responsable local de la Coordination nationale de défense des droits des chômeurs (CNDDC), Abbes Hadj Aïssa.

« Il y a des affrontements depuis ce (mardi) matin entre chômeurs et forces de sécurité », a affirmé ce responsable à l’AFP, pour qui ni les uns ni les autres n’étaient à même de calmer la situation.

Selon lui, la population a réagi aux provocations des services de sécurité qui ont insulté des personnes âgées qui attendaient le bus.

Interrogé par l’AFP, le patron de la police locale s’est refusé à tout commentaire.

Selon la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH), l’intervention des forces de l’ordre a été très violente avec usage de gaz lacrymogènes. Des manifestants ont été passés à tabac et insultés, a précisé dans un communiqué la Ligue qui a confirmé de nombreuses interpellations.

La LADDH a estimé que l’un des motifs du mouvement était dicté par la crise du logement.

« Le recours à la force publique alors qu’il suffisait de faire toute la lumière sur l’opération d’attribution du logement social est l’expression d’une gestion autoritaire et arbitraire des affaires de la cité », a-t-elle jugé.

Les manifestants accusent de favoritisme les responsables locaux dans l’attribution de logements sociaux et réclament l’annulation d’une liste de bénéficiaires, selon cette source.

Plus d’un million de logements ont été promis par le président Abdelaziz Bouteflika pour le plan quinquennal s’achevant en 2014, mais le rythme de la construction est lent et les accusations d’abus et de corruption se multiplient. La distribution de logements sociaux donne souvent lieu à des contestations, parfois à des émeutes.

Mais la contestation a aussi été lancée à cause du chômage dans ce pays riche qui possède des réserves en devises officiellement évaluées à plus de 178 milliards de dollars.

A Laghouat, une grève avait été lancée dès dimanche à l’appel de plusieurs centaines de chômeurs qui se plaignent notamment de l’embauche systématique de personnes extérieures à la région.

A l’exception des boulangeries, les commerces de cette ville d’environ un demi-million d’habitants située à 400 km au sud d’Alger ont baissé leurs rideaux à la demande de la coordination des chômeurs, selon Hadj Aïssa du CNDDC, qui a promis la poursuite du sit-in jusqu’à nouvel ordre.

En Algérie, le taux de chômage chez les jeunes, fort de 50% il y a dix ans, atteint à l’heure actuelle 21%, selon les dernières statistiques du Fonds monétaire international (FMI).

Le coordinateur national du CNDDC, Tahar Belabès, a indiqué à l’AFP que le directeur régional de l’Agence nationale régionale pour l’emploi (ANEM), avait offert mardi 800 offres d’emploi arrivées à l’antenne locale de l’ANEM et s’est engagé à fournir d’ici une semaine du travail à de nombreux chômeurs de Ouargla.

« Nous allons voir ce que valent ces promesses et restons mobilisés car le problème des 5.000 chômeurs de Ouargla et des dizaines de milliers d’autres à travers le pays est loin d’être réglé », a ajouté M. Belabès.

Depuis plusieurs jours, des chômeurs manifestent pour les mêmes raisons dans d’autres villes pétrolières du pays, comme à Skikda (ville côtière située à 510 km à l’est d’Alger) et Ouargla (à 800 km au sud-est d’Alger).

Leur presse (Agence Faut Payer, 10 janvier 2012)


Algérie : violences et arrestations lors de heurts avec la police

Au moins dix personnes ont été blessées et 13 arrêtées lors d’affrontements mardi 10 janvier entre forces de sécurité et habitants de Laghouat, ville algérienne pétrolière du centre. Des violences qui interviennent sur fond de manifestations contre le chômage.

La ville de Laghouat n’est pas la seule à connaître ce mouvement de contestation : depuis plusieurs jours, des chômeurs manifestent également dans d’autres villes pétrolières du pays : à Skikda, à 510 km à l’est d’Alger et à Ouargla, dans le sud du pays.

En Algérie, le taux de chômage chez les jeunes, qui atteignait 50 % il y a dix ans, est de 21 %, selon les dernières statistiques du Fonds monétaire international (FMI) publiées en fin d’année.

« LA SITUATION EST HORS DE CONTRÔLE »

Dans cette ville des hauts plateaux proche du grand gisement de gaz de Hassi R’mel, une grève a commencé dimanche à l’appel de plusieurs centaines de chômeurs, qui se plaignent notamment d’embauches de personnels étrangers à la région.

« La situation est hors du contrôle des chômeurs et des services de sécurité », selon ce représentant de la Coordination nationale de défense des droits des chômeurs (CNDDC). « Il y a des affrontements depuis ce matin car la population a réagi aux provocations des services de sécurité qui ont insulté des personnes âgées qui attendaient le bus », a-t-il affirmé.

A l’exception des boulangeries, les commerces de Laghouat « ont baissé leurs rideaux à la demande de la coordination des chômeurs et nous allons rester en sit-in jusqu’à ce qu’on nous entende », a indiqué ce membre du CNDDC.

Leur presse (LeMonde.fr), 10 janvier 2012.


Laghouat : Trois blessés et 30 arrestations suite aux affrontements entre manifestants et forces de l’ordre

Trois personnes dont un policier ont été blessées lors des affrontements entre policiers et manifestants à Laghouat, selon des sources locales. Il s’agit de H.L 30 ans et de S.B 27 ans. L’un a eu une fracture au niveau du bassin et l’autre blessé à la tête. Leur état est toutefois jugé plus en moins grave. Quant au policier, il a été légèrement blessé.

A l’heure où nous mettons en ligne ces informations, des milliers de jeunes se trouvent encore aux alentours de la Sûreté de la wilaya pour exiger la libération des jeunes arrêtés le matin et  dont le nombre est de 30, selon les estimations du LADDH.

« La tension ne cesse de monter », selon un militant des droits de l’homme présent sur place, surtout que certains vont passer par le procureur. Quelques manifestants ont été relâchés, parmi eux des mineurs.

Les forces de l’ordre ont pour rappel procédé mardi 10 janvier, dès 7h30 à des arrestations massives aux alentours du siège de la wilaya de Laghouat où campent depuis maintenant 6 jours des citoyens mécontents d’une liste de distribution de logements « jugée » injuste.

Des affrontements ont alors éclaté entre les forces de l’ordre et les manifestants, qui n’ont pas voulu quitter les lieux. Le bureau de la ligue algérienne des droits de l’homme a reçu plusieurs plaintes notamment de la part des parents dont les enfants ont été arrêtés. « La ville est encerclée, les forces de l’ordre ont visé les quartiers dont les citoyens sont susceptibles d’affluer en masse vers le centre ville » a-t-on appris de sources locales.

« Les affrontements ont éclaté vers  8h30 », nous dira Yacine Zaid. Mais ce qui est sûr, selon Hadj Aïssa Abbas, président du bureau régional du comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC), est que « la répression est féroce et les casques bleus sévissent impitoyablement » , regrette-t-il.

A l’heure où nous mettons en ligne l’information, la ville de Laghouat est encerclée par les forces anti émeutes et les affrontements sont violents. Selon nos interlocuteurs « on ne sait pas encore ce qui va arriver dans les prochaines heures ».

Vers midi et demie, la situation est toujours  tendue dans la ville de Laghouat, encerclée par les forces de l’ordre. Des affrontements sporadiques sont signalés dans certaines artères de la ville.

Selon des sources locales, les forces de l’ordre ont commencé les provocations dans la nuit de lundi à mardi. Notre interlocuteur  révèle que « tout a commencé hier soir (lundi) vers 23h lorsque les forces de l’ordre ont envahi avec leurs camions anti-émeutes, l’endroit où nous avions campé ».

Leur presse (Hamida Mechaï, ElWatan.com), 10 janvier 2012.


Laghouat, Ouargla, Skikda. La tension monte !

Excédés par l’injustice et la bureaucratie, les citoyens de Laghouat ont enclenché hier une grève générale largement suivie.

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1326229271.jpgC’est devenu une coutume. Chaque début d’année, le pays s’embrase. Des chômeurs, essentiellement des jeunes, sont sortis, dans la matinée de ce dimanche 8 janvier, à Skikda, Laghouat et Ouargla pour réclamer de l’emploi, dénoncer les dépassements de certaines institutions en matière d’embauche et protester contre le mépris des autorités, indique le journal électronique TSA. « Les jeunes sans emploi se sont rassemblés aujourd’hui à Skikda devant le port, à Laghouat devant le siège de la wilaya et à Ouargla devant la direction régionale de l’Agence nationale de l’emploi (Anem) », indique l’un des porte-parole du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (Cnddc), Tahar Belabes.

D’après ce dernier, le choix de ces trois villes n’est pas fortuit puisque le chômage gangrène les jeunes de ces villes alors qu’ accueillent une importante activité dans le domaine des hydrocarbures. Mais la protestation la plus impressionnante de la journée n’est autre que la grève générale. Laghouat a également été « quasiment paralysée » par cette grève générale à laquelle ont participé les travailleurs de tous les secteurs en solidarité avec les demandeurs de logements sociaux.

La population de la ville de Laghouat a déclenché cette grève en signe de protestation contre les responsables de la wilaya accusés de « détournements de deniers publics et d’incompétence dans la gestion des affaires publiques », rapportent certains jeunes de la ville sur la Toile. Ainsi, « les transports en commun, les locaux de commerce et plusieurs autres institutions ont été paralysés par cette grève et les protestations continuent devant le siège de la wilaya, les protestataires demandant le départ de plusieurs hauts responsables », ajoutent les même jeunes. Il faut rappeler que Laghouat est en effervescence depuis l’affichage, le 2 janvier dernier, d’une liste de bénéficiaires de logements sociaux contestée par une partie des postulants aux logements. Cette grève générale enclenchée à Laghouat ressemble à celle initiée à la même période en 1957. A cet époque le peuple algérien avait défié le colonialisme avec ce qui est appelé la grève générale de huit jours (janvier – février 1957). Cette fois c’est le peuple qui défie son gouvernement contre le ras-le-bol des jeunes qui ne voient aucun avenir se profiler à l’horizon. Le pire dans cette histoire est que cela pourrait être « l’hiver algérien » qui s’annonce… Les commentaires qui circulent sur la Toile le laissent présager en tout cas. Le pays l’avait échappé belle l’année derrière à la même période. Mais les autorités n’ont pas appris des erreurs du passé. En un an de révoltes sociales rien n’a changé et l’Anseg risque de ne plus faire effet… Alors, comme on dit « Allah Yestar ».

Leur presse (Walid Ait Said, L’Expression), 9 janvier 2012.


Algérie : manifestations de chômeurs dans trois villes pétrolières

Des chômeurs ont manifesté, hier dimanche 8 janvier 2012 à Ouargla, Laghouat et Skikda, trois villes pétrolières algériennes, pour réclamer des emplois. Des chômeurs qui protestaient également contre les embauches extérieures à ces villes. Ils exigent une enquête indépendante sur les dépassements, la corruption et les passe-droits à l’ANEM (Agence nationale de l’emploi).

Ils étaient plusieurs centaines de chômeurs, surtout des jeunes, à manifester hier dimanche 8 janvier dans trois villes du pays. A Ouargla et Laghouat dans le sud, là où sont exploités les gisements d’hydrocarbures du pays, mais aussi à Skikda dans le nord, le port par lequel est exportée une grande partie de la production de pétrole.

Les jeunes de ces régions ne supportent plus d’être laissés à l’écart de la manne des hydrocarbures qui représentent 40 % du PIB du pays, alors que dans le même temps, le chômage touche plus de 20 % des jeunes, selon les chiffres officiels. Les salariés des entreprises nationales ou étrangères, qui travaillent dans ces régions, viennent en effet le plus souvent du nord du pays, et sur place, le malaise grandit.

Ce n’est pas la première fois que ces chômeurs du sud manifestent leur colère, ces derniers mois. Plusieurs ministres sont venus avec leurs lots de promesses. Mais les chômeurs dénoncent les passe-droits et la corruption dans l’administration, responsable de la politique de l’emploi. Cette fois, ils jurent d’observer un sit-in, jusqu’à ce qu’ils obtiennent du travail.

Leur presse (RFI), 9 janvier 2012.


Laghouat : Sit-in et grève générale pour la « dignité »

Les citoyens de la ville de Laghouat poursuivent leur contestation  pour la troisième journée consécutive, ce dimanche 8 janvier contre ce qu’ils appellent, une distribution « injuste » des logements, une liste qu’ils considèrent comme « louche » car 29 bénéficiaires font partie de la même famille.

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Simultanément, une grève générale est organisée par les commerçants de la ville de Laghouat  en signe de solidarité avec les protestataires et près de 40  chômeurs ont rejoint dimanche le mouvement de protestation observé depuis jeudi 5 janvier.

« La ville de Laghouat est paralysée car tous les commerçants ont baissé rideau en signe de solidarité avec notre mouvement », nous a déclaré au téléphone, Hadj Nacer Aïssa, président du bureau régional du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC). Notre interlocuteur estime que « nos droits sont plus que jamais bafoués ». Et c ‘est pour cette raison que « nous baptisons notre mouvement de protestation  »rassemblement pour la dignité » ». Chômeurs, constitués essentiellement de cadres universitaires, ils considérent que « le droit au logement est élémentaire et nous sommes solidaires avec les familles »

« Depuis hier soir (samedi, ndlr), nous avons dressé des tentes devant le siège de la wilaya aux côtés de ceux qui contestent contre la dernière liste des bénéficiaires des logements sociaux », nous a encore déclaré au téléphone, le membre du CNDDC.

Hadj Nacer Aïssa regrette toutefois que « quelques débordements ont eu lieu dans la nuit du 8 janvier car les forces de l’ordre voulaient nous empêcher de passer la nuit devant le siège de la wilaya ».

Ce dimanche, « ils seraient près de 800 personnes, parmi eux des familles », à y camper devant le siège de la wilaya, selon des témoins.

Par ailleurs, et dans la wilaya de Skikda des jeunes chomeurs se sont rassemblés devant le port sans y perturber l’accès. Tahar Belabès coordinateur national du CNDDC nous a confié que « ces jeunes chomeurs se sont soulevés pour demander qu’ils soient recrutés au niveau du port et pour dénoncer les dépassements souvent graves de la direction de l’emploi dont le fonctionnement est bureaucratique et auquel se heurtent les diplomés ».

Leur presse (Hamida Mechaï, ElWatan.com), 8 janvier 2012.


Skikda. Des jeunes chômeurs bloquent l’entrée du port

Jeudi dernier, des dizaines de jeunes cadres chômeurs ont bloqué l’entrée principale du port de Skikda. Dans leur majorité des jeunes diplômés, ils ont tenu à dénoncer « les méthodes de recrutement de l’entreprise portuaire de Skikda (EPS) ».

Un cadre de l’EPS a été délégué pour dialoguer avec ces jeunes, qui n’ont à aucun moment usé de violence. « Je suis originaire de cette ville et je dispose en plus d’un diplôme de marin qui me permet de travailler au port, seulement la politique de recrutement à l’EPS profite beaucoup plus à ceux qui ont le bras long », a lancé l’un des représentants des jeunes manifestants qui s’est dit « leurré dans une ville qui abrite l’un des plus grands ports et le deuxième pôle des hydrocarbures du pays ».

Le cadre de l’EPS, qui a longuement discuté avec les jeunes, les a informés qu’un recrutement est prévu dans un futur proche et leur a conseillé de se renseigner auprès du bureau de l’agence locale de l’emploi. Ils ont reçu des promesses de faire part de leurs doléances.

A rappeler que ce mouvement est intervenu au lendemain de la grève de la faim enclenchée, mercredi, par deux jeunes chômeurs membres du Comité national pour la défense des droits des chômeurs.

Par ailleurs, Le Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC) dénonce « énergiquement l’attitude du wali de Skikda qui refuse de recevoir les représentants de notre comité afin d’assurer une meilleure transparence dans la distribution des offres d’emploi au niveau local ».

Dans un communiqué transmis hier à notre rédaction, le CNDDC a qualifié d’« incompréhensible » le refus du wali. « Pis encore, le même responsable a instruit ses collaborateurs à refuser d’embaucher les membres de notre comité, politique de terre brûlée oblige », dénonce le même communiqué. Devant cette situation de non-recevoir de ses doléances, le comité « s’indigne contre ce genre de pratique qui a pour objectif d’exercer un chantage alimentaire à l’encontre de nos animateurs ». Et d’ajouter : « S’agit-il d’une nouvelle politique de gestion des conflits sociaux ? L’avenir le dira. »

Le CNDDC réaffirme, dans ce sillage, « son entière solidarité avec la lutte des chômeurs de la wilaya de Skikda, invite encore une autre fois les autorités locales à trouver des solutions aux problèmes des chômeurs et à cesser cette campagne d’intimidation qui ne fera qu’envenimer la situation ».

Leur presse (ElWatan.com), 7 janvier 2012.


Algérie : le calme avant la tempête ?

Les autorités algériennes portent un regard inquiet sur la Libye. En effet, le pays partage un certain nombre de similitudes avec son voisin : une rente pétrolière supposée le protéger des révoltes ; des islamistes libérés après avoir été vaincus et emprisonnés ; une population exaspérée ; des conditions de vie difficiles. Les dirigeants algériens escomptaient un enlisement de l’Otan en Libye où ils espéraient jouer le rôle d’un allié indésirable mais incontournable, à l’instar du Pakistan en Afghanistan. Mais la fin tragique de Kadhafi a sonné le glas de cette vision. La Libye « libérée » suscite des interrogations en Algérie.

Pourquoi, à l’inverse de ce qui s’est produit en Tunisie, en Egypte ou en Syrie, la révolte libyenne a-t-elle aussi rapidement tourné à l’insurrection ? Le scénario libyen est-il à même de se reproduire en Algérie ? Certes, Alger n’est pas Tripoli et le président Abdelaziz Bouteflika n’inspire pas à son peuple un sentiment de détestation aussi violent que celui que Kadhafi éveillait chez les Libyens. En revanche, si révolte il y a, elle pourrait fort bien ne pas s’apparenter au mode sacrificiel des manifestants syriens mais, bien plus, à celui de l’insurrection libyenne.

Mais pour l’heure et contre toute attente, l’Algérie ne se soulève pas. Même si des centaines de manifestations sont organisées, pour l’instant, aucune n’a débouché sur un mouvement de masse. La plupart de ces rassemblements sont sectoriels et revendiquent, non pas le départ du président, mais des augmentations de salaire ! Alors que l’on cherche à comprendre comment la Tunisie et l’Egypte sont parvenues, de façon inattendue, à chasser leurs chefs de l’Etat respectifs, on s’interroge sur l’incapacité de l’Algérie à produire une action collective pacifique qui soit à même de la faire basculer, elle aussi, dans le camp des pays en transition.

DES EMEUTES RECURRENTES

Des émeutes secouent régulièrement le pays. Pourtant, aucune n’est parvenue à impulser une dynamique de révolte de nature à catalyser les griefs et les doléances qui traversent la société algérienne. Ainsi, en 2004, le prix administré du gaz butane connaissait une importante augmentation, passant de 170 à 300 dinars (soit de 17 à 30 euros) la bombonne.

En janvier 2005, des soulèvements qualifiés par la presse d’émeutes du gaz, éclataient dans la wilaya de Djelfa et s’étendaient au Centre et à l’Ouest du pays. Depuis cette date, le Sud est également l’objet de soulèvements réguliers animés par un sentiment d’injustice : comment accepter l’idée que les hydrocarbures qui constituent la principale source de revenus extérieurs du pays soient contrôlés, gérés et distribués par les élites de la capitale perçues comme étrangères ? Pour la première fois, la population revendique le droit de contrôler la principale ressource nationale et réclame des comptes aux gouvernements successifs quant à leurs choix économiques. Pourquoi la région la plus riche en ressources énergétiques n’est-elle pas mieux dotée en infrastructures civiles ? Il est inquiétant de constater que les émeutiers font un lien entre cette injustice et leur identité berbère. Ainsi, en mai 2008, dans la vallée du Mzab, la ville de Berriane devenait le symbole de l’affrontement entre Arabes et Berbères. Les rues de la ville voyaient s’opposer des individus convaincus qu’il existait un lien entre le montant des retombées de la richesse pétrolière et l’appartenance ethnique ou raciale. Après la contestation et la violence des islamistes, de la Kabylie au Mzab, advenait le temps de la revanche des campagnes. En 2006, selon une étude de l’Agence nationale de l’aménagement du territoire (ANAT) réalisée pour le compte du ministère de l’Emploi et de la Solidarité nationale, plus de 177 des 1200 communes que compte l’Algérie étaient considérées comme défavorisées. Elles se situaient, pour 11% dans les régions du Nord ; pour 53% dans celles des Hauts-Plateaux et pour 36% dans le Sud. Sur ces territoires, le revenu des ménages était compris entre 5000 et 10’000 dinars par mois, soit de 50 à 100 euros. Entre 1989 et 2003, le salaire moyen a diminué de 20% : « engendrant un sentiment d’appauvrissement qui ne s’est pas dissipé quand la situation économique s’est améliorée et que des augmentations de salaire ont été effectuées ». Traumatisée par l’effondrement du prix du baril de pétrole en 1986, les Algériens a gardé de cette période la conviction que la richesse pétrolière était de nature aléatoire. Dans les années 1990, un quart de la population était considéré comme pauvre ; 4 millions de personnes vivaient au-dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec 1 dollar par jour, et 22% des habitants étaient privés d’un accès à l’eau potable.

En 2011, épuisée par la guerre civile, la population n’a ni la force ni l’énergie de se révolter.

Plutôt que de chercher à renverser le président, les salariés ont préféré s’emparer du contexte révolutionnaire de la région pour négocier des augmentations de salaire. A la différence de l’UGTT tunisienne qui a basculé du côté des opposants au régime de Ben Ali, les syndicats algériens ont défendu les différentes catégories de salariés, privant ainsi les sans-emploi d’un remarquable outil de mobilisation. De fait, force est de constater que, depuis 2003, le gouvernement consacre 50% de la fiscalité pétrolière (soit environ 13% du PIB) aux transferts sociaux (770 milliards de dinars, soit 75 milliards d’euros) afin de corriger les effets destructeurs du contrechoc pétrolier (1986-2001). Les résultats sont là : le taux de pauvreté est tombé à 4,9% de la population totale pour 12,1% en 2000.

Il reste que, si la population est moins pauvre, la précarité reste le lot de la majorité des citoyens : 4 millions de personnes, soit la moitié des actifs, ne disposent d’aucune protection sociale et sont employés dans l’économie informelle (secteur des services, agriculture et bâtiment). Enfin, n’oublions pas qu’en l’espace d’une décennie, 500’000 jeunes, constatant que le taux de chômage augmentait avec le niveau d’études, ont quitté prématurément le système scolaire sans aucune formation. En effet, 17% des chômeurs sont titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur.

LES AVANTAGES D’UNE RENTE PETROLIERE

En 2010, le gouvernement disposait d’un fonds de réserve de 150 milliards de dollars qui résultait de la hausse vertigineuse du prix du pétrole entre 2002 et 2008. Par ailleurs, en 2007, les recettes des exportations avaient atteint la somme de 56 milliards de dollars puis, en 2008, le montant record de 81 milliards de dollars. Jamais, depuis le début de sa jeune histoire, l’Etat n’a disposé de ressources financières aussi importantes. Le troisième choc pétrolier a permis de rembourser rapidement la dette (qui s’élevait à 30,47 milliards de dollars en 1998 – 63,2% du PIB – pour 4 milliards de dollars – 2,39 % du PIB – dix ans plus tard), de relancer un programme de grands chantiers d’infrastructures civiles et, surtout, de reconstruire un semblant de cohésion nationale mise à mal par les années de guerre civile.

Dans un contexte de croissance économique et d’abondance financière retrouvée, le PIB est passé de 1600 dollars par an et par habitant à 4593 dollars entre 1999 et 2010. Enfin, le chômage a fortement diminué, passant dans le même temps de 30% à 13% de la population active.

Le traumatisme de la guerre civile hante toujours les familles algériennes qui ne souhaitent pas s’engager dans un processus de contestation politique et craignent le retour du climat de violence. Les autorités exploitent habilement cette peur. A la différence de ce qui s’est passé en Tunisie et en Egypte, les parents algériens ne soutiennent donc pas leurs enfants lorsque ceux-ci manifestent.

Autre différence entre l’Algérie et ses voisins, nul ne croit pas que le départ de Bouteflika annoncerait pour autant l’avènement de la démocratie. Les révoltes du début des années 1990 ont conduit à la mise en résidence surveillée de l’ancien président (1980-1991) Chadli Bendjedid à la suite de la victoire du FIS. Celui-ci y est toujours et l’Algérie n’est pas pour autant une démocratie. Chacun est conscient du fait que le président ne constitue que l’un des éléments du pouvoir et qu’il ne saurait y avoir de véritable transition sans l’aval de l’armée. Quant à l’idée de se battre contre cette dernière, plus personne n’y pense depuis la défaite de la guérilla islamiste. Enfin, la passion du politique qui caractérisait l’Algérie et en avait fait un pays précurseur dans la transition démocratique (1989-1991) s’est éteinte. La guerre civile a broyé la classe politique. Les vainqueurs ont mis en place un système clientéliste dont la fonction n’est pas de prendre en charge les doléances de la population mais, bien au contraire, de consolider les privilèges et les prérogatives de la classe dominante. Pour la population, les partis ne servent à plus rien.

La présidence de Bouteflika s’est construite sur le retour de « l’homme providentiel » et non sur l’édification d’institutions politiques capables d’aider la société algérienne à résoudre pacifiquement ses conflits. La population a très bien compris cela, aussi ne réclame-t-elle pas le départ du chef de l’Etat mais la redistribution des surplus de la rente pétrolière.

Et pourtant, le discours de Bouteflika confirme les inquiétudes sur son état de santé. Considéré comme malade, affaibli et vulnérable, il semble être une victime facile mais cela n’est qu’une apparence car le régime qu’il représente dispose de très sérieux atouts pour résister à un tsunami démocratique. Tout d’abord, le ministère de l’Intérieur est rompu à la gestion des situations de crise qui secouent le pays depuis les années 1980. Les effectifs de la police s’élèvent à près de 200’000 personnes sont bien équipées et qui bénéficient de moyens considérables. Sous Bouteflika, la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) rivalise avec les tout puissants services de l’armée. Une révolution sécuritaire a eu lieu dans le pays à l’insu de tous ; l’armée n’a plus le monopole des moyens de contrôle et de coercition. Cette montée en puissance de la DGSN explique, pour certains observateurs, l’assassinat de son directeur, le 25 février 2010.

Au niveau international, à la différence de la Tunisie et de l’Egypte, l’Algérie dispose d’une rente pétrolière qui la met à l’abri des pressions que pourrait exercer la communauté internationale : 10% de l’approvisionnement en gaz de l’Union européenne proviennent d’Algérie. Les ressources du pays ne dépendent ni de l’industrie touristique ni de la rente du Canal de Suez, Alger ne reçoit pas d’aide comparable à celle que fournit l’armée américaine à l’armée égyptienne. Enfin, face à la solidité du régime, l’opposition apparaît comme atone, incapable d’offrir une alternative crédible. C’est dire que l’Algérie n’aurait aucun problème à résister à la pression internationale.

UN VIDE POLITIQUE INQUIETANT

Les forces démocratiques sont-elles capables d’initier des actions collectives susceptibles de déboucher sur la reconnaissance de leurs revendications ? La coordination nationale pour le changement et la démocratie pourrait-elle parvenir à structurer le combat au nom de la démocratie ? Il lui faut trouver un mode opératoire original et surtout approprié à l’Algérie car exiger le départ du président Bouteflika ne garantirait en aucun cas une transition démocratique. Entre 1999 et 2009, ce dernier, aidé par l’augmentation du prix du pétrole, est parvenu à sinon restaurer la légitimité des institutions tout au moins à garantir un retour à l’ordre dans les affaires. Cependant, sa volonté de poursuivre, en 2009, « l’oeuvre » entamée en 1999, a soulevé doutes et inquiétudes. Son écrasante victoire à l’élection présidentielle de mai 2009, avec 90% des suffrages, était prévisible. Puisque les rivaux du président-candidat ne disposaient ni de l’appareil d’Etat ni de la logistique d’un grand parti politique populaire, le scrutin ne pouvait déboucher que sur un plébiscite en faveur du président sortant.

Abdelaziz Bouteflika souhaite faire revivre la fiction du président populaire sur le modèle de Houari Boumediene (1965-1979). Aussi, l’enjeu de l’élection a-t-il davantage porté sur le taux de participation. Celui-ci, qui s’est élevé à 74,11%, a suscité des interrogations. En 1999, le vote pour Bouteflika s’expliquait par la volonté de tourner la page des années de violence et d’oublier le drame de la guerre civile. En revanche, en 2009, le plébiscite présidentiel a consisté à faire croire que la nation disposait d’un chef d’Etat fortement soutenu par sa population : avec le retour de l’abondance financière, Bouteflika ressuscitait le boumediénisme.

Pourtant, comme le soulignent certains observateurs, si, dans les années à venir, le cours du baril de pétrole retombait en dessous de 70 dollars, « l’économie algérienne serait confrontée à un véritable séisme, pouvant entraîner des licenciements massifs ». Depuis 1999, à l’exception du remboursement de la dette, l’Algérie n’a pas su sortir de la dépendance énergétique. Les hydrocarbures représentent toujours plus de 95% de ses revenus extérieurs et l’économie n’est pas suffisamment diversifiée. Préoccupé, à juste titre, par la réconciliation nationale après la guerre civile (1991-1999), le président a mis en oeuvre une politique d’amnésie qui a fonctionné : le drame de la guerre civile est enfoui dans la mémoire collective et personne n’a intérêt à le faire resurgir. La peur des responsabilités mutuelles a paralysé les protagonistes d’hier. La plaie s’est refermée sans avoir été préalablement désinfectée… Le désir du président d’entrer dans l’histoire comme le « sauveur » de l’Algérie masque son incapacité à bâtir des institutions politiques légitimes. Le renouveau du clientélisme peut fonctionner momentanément grâce aux revenus du pétrole. Mais les problèmes demeurent : dépendance pétrolière, faiblesse des institutions, chômage, corruption, etc. Autant d’ingrédients qui sapent les bases de la stabilité future.

La très forte abstention lors des scrutins législatifs montre que, pour les électeurs algériens, les partis politiques ne représentent pas la société mais sont les instruments d’un système qui leur accorde une faible marge de manoeuvre. Ainsi, l’absence d’institutions démocratiques, davantage que le troisième choc pétrolier, alimente les inquiétudes car, comme le souligne le sociologue algérien Zoubir Arous, « il n’y a plus de forces organisées capables de mener des changements pacifiques. C’est donc la voie ouverte au changement par le chaos. »

Lors des élections législatives de mai 2007, les éditorialistes ont souligné l’urgence de restaurer le lien entre électeurs et dirigeants politiques. Or le taux national de participation s’est élevé à 35,51%, soit l’un des plus faibles enregistrés depuis l’indépendance. Pis encore, selon Karim Tabou, premier secrétaire du Front des forces socialistes (FFS) qui avait appelé au boycottage du scrutin, le taux « réel » de participation aurait même été inférieur à 20%. Dans une chronique pertinente « Voter pour qui, pourquoi ? », un éditorialiste algérien soulignait que les électeurs « sanctionnent l’absence de politique et la transformation des partis en simples appareils et courroies du système… Cela suppose que l’on sorte des logiques de façade pour aller vers une démocratisation réelle et effective ». La très forte abstention a montré l’incapacité des formations à mobiliser des électeurs, faisant apparaître les partis comme un simple instrument au service d’un système clientéliste qui ne répond plus aux attentes du peuple.

Si la guerre en Libye a agi comme un repoussoir pour la société algérienne, le Maroc est sans doute un espoir. Les réformes promises par le Roi Mohammed VI obligent Alger à se réformer : prise entre la révolution démocratique tunisienne et les réformes constitutionnelles marocaines, l’Algérie ne pourra demeurer longtemps dans ce calme trompeur.

Luis Martinez – Directeur de recherche au CERI-Sciences Po et directeur du CERAM de Rabat

Leur presse (LeMonde.fr), 10 janvier 2012.

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