[Chroniques de mitard publiées du 7 au 11 septembre 2012]
Hall d’immeuble
Les chiens aboient et la caravane en passant les a fait exploser. Je me suis tatoué un treillis. Éternel indigné, contre la guerre mais je m’y prépare. Je fais bande à part, sans bande juste ma part du gâteau, du ghetto. Poésie urbaine, mélodie des briques, des blocs. Symphonie de « TESS », sans les beaux-arts. Autodidacte avec tact, sous haute tension, sous haute surveillance. Gourmettes aux poignets, je rêve de la clé de sol et de faire le mur, l’école buissonnière. Sécher les cours de promenade, la cour martiale. Je plaide le crime passionnel, la légitime offense. Cette fois je vous promets la Lune car j’ai la fusée, en cas de chute j’ai la poitrine pour amortir. L’avenir me fait plus peur, j’ai digéré mon passé pour mieux avaler mon futur. Cage d’escalier délabrée, ZUP zappée, zone périphérique. Banlieue au milieu de nulle part, en ruines, ruinée, acquittée par le peuple de prolétaires, de cache-misère, de boucs émissaires. Prison, hôpital à ciel ouvert. Bidonville de luxe, rixe, police, patrouille, fouille, vos papiers s’il vous plaît ! Passage à tabac, même si tu ne fumes pas, tu attrapes le cancer à force de respirer l’odeur de l’usine d’à côté désaffectée. Déchetterie, gâchis, hommes de seconde zone, de deuxième classe comme dans le train, amende insolvable. Trésor public euh nan ! Trésor de la République d’en haut. France d’en bas surnom péjoratif, insulte, insultée, sous-estimée pourtant ça fait les 3/8 pour un smic, un snack, un grec-frites, plat national du ghetto. Salade, tomate, oignon, on ne lâche rien, on donne tout mais on n’a rien. BAC, képi, safari, CRS, panier à salade, outrage, prison, promenade, parloir, sanglots, suicide, émeutes la meute finit en garde-à-vue. Père, mère dépassés, montrés du doigt. Éducation nationale, éduque que l’élite, grandes écoles à dix mille euros l’année, même en viager on n’aurait pas eu assez. Discrimination positive, négative, tu l’aimes ou tu la quittes. Ça fait longtemps que vous nous avez quittés, abandonnés sur un banc de ciment tagué, graphé « NIQUE LA POLICE », gardien de la paix, bavure, paix à son âme, relax, meurtre, légitime défense, étouffé, bâclé, larmes, éternel recommencement. Assis au pied de ton hall d’immeuble, t’admires le monde qui tourne en rond comme les aiguilles d’une montre mais toi tu ne bouges pas, spectateur de ta propre vie.
[La Chronique de Youv derrière les barreaux est disponible en téléchargement gratuit sur le site des Éditions Antisociales. Elle est à suivre sur le compte Facebook dédié.]