[Mettre en échec l’impunité et la violence policière] Communiqué de l’Assemblée des blessés, des familles et des collectifs contre les violences policières

CONDAMNÉ POUR VIOLENCES VOLONTAIRES ET FAUX ET USAGE DE FAUX : UN POLICIER PERD DEUX POINTS SUR SON PERMIS DE TUER

Dix ans au moins que nous nous faisons tirer dessus à coup de flashball et de lanceur de balles en diverses circonstances.
Dix ans que s’accumulent les blessures, les mutilations irréversibles et parfois la mort.
Dix ans d’humiliation, à vérifier l’impunité dont bénéficient les policiers à coup de classements sans suite, de non-lieux et de relaxes.

Le 20 mars dernier la cour d’assises de Mamoudzou, à Mayotte, a condamné un gendarme pour avoir éborgné un enfant de 9 ans en 2011 – c’est une première pour une cour d’assises. Il a été reconnu coupable de violences volontaires ayant entraîné une mutilation et une infirmité permanente et condamné à deux ans de prison avec sursis.
Aujourd’hui, Jean-Yves Césaire, le policier qui avait tiré sur Geoffrey Tidjani à Montreuil en 2010 alors qu’il participait à un blocus devant un lycée pendant le mouvement contre la réforme des retraites, a été reconnu coupable par le tribunal correctionnel de Bobigny de violences volontaires aggravées et de faux et usage de faux. Il a été condamné à un an de prison avec sursis, deux ans d’interdiction de port d’arme et un an d’interdiction d’exercer.
Si les lignes semblent bouger, ces peines sont finalement bien symboliques. Dans le premier cas, dès le lendemain du verdict le gendarme a pu reprendre sa triste fonction et son arme, et de nouveau tirer. Aujourd’hui en suspendant et désarmant temporairement Jean-Yves Césaire, la justice n’a fait que retirer au policier quelques points sur son permis de mutiler et de tuer, points qu’il pourra récupérer dans 2 ans. Dans deux ans il pourra tirer et mentir à nouveau.
Nous nous réjouissons cependant pleinement de la condamnation pour faux et usage de faux. Malgré une vidéo invalidant totalement les déclarations policières, Geoffrey et sa famille avaient dû longuement batailler pour que cette plainte pour faux soit instruite. Aujourd’hui la juge a dû reconnaître que les procès verbaux des policiers étaient un tissu de mensonges assermentés. Même si elle a réussi à ne jamais le dire explicitement, parlant avec prudence d’« habillage de la vérité », pour une fois la justice a admis que la police ment pour se couvrir, ce qui n’est pas une exception mais la règle.
Sans cette vidéo, c’est Geoffrey qui aurait été condamné sur la base des mensonges des policiers, et ceux-ci jamais poursuivis. Nous nous félicitons donc que les charges contre Geoffrey aient été abandonnées, et qu’il n’ait pas eu à subir l’affront d’une relaxe. Le policier bredouillant et mal à l’aise, et au delà tous ses collègues venus remplir la moitié de la salle en soutien, a dû rendre des comptes et subir les assauts que le procureur réserve habituellement aux petits délinquants. Ce sont eux, cette fois, qui ont dû écouter en silence un verdict en forme de rappel collectif à la loi et la déontologie. Que les policiers ne puissent plus tirer en se disant qu’ils seront couverts de toutes façons, qu’ils aient eux aussi quelque chose à perdre, que la peur les habite un peu, constitue une petite victoire.
Petite victoire quand tant de proches de personnes tuées par la police doivent faire face au déni de justice, aux mensonges policiers, aux non-lieux. Quand au sein de l’Assemblée des blessés, des familles et des collectifs contre les violences policières, on a vu les policiers ayant tiré sur Pierre, Casti, Quentin, Yann, Davy, Ayoub – tous blessés ou mutilés par des lanceurs de balles – blanchis par la justice, le plus souvent sans procès ni réelle instruction.
À propos des flashballs et LBD, la juge a admis qu’il « convient de s’interroger sur la pertinence du recours aux armes de type flashball » : « arme dangereuse », à la « fiabilité douteuse », dont l’usage est souvent « aventureux » et dont le « statut d’arme collective tend à déresponsabiliser ses usagers ». Elle a enfin pointé la banalisation de l’utilisation de ces armes, tout en insistant sur le fait que le tireur n’avait pas à l’utiliser hors contexte de « violences urbaines », laissant supposer que dans ce cas le policier aurait pu mutiler en toute impunité.
Ce procès a ainsi jeté une lumière crue sur les pratiques de la police en général, plus spécialement dans les quartiers populaires et tout particulièrement en Seine St-Denis. Déclaration de Jean-Yves Césaire : « le flashball ce n’est pas quelque chose d’inconnu en Seine-St-Denis ». Aurait-on assisté à de telles méthodes pour lever le blocus d’un lycée dans le centre parisien ?
Nous le répétons : dans la rue ou dans les manifestations, il n’y a pas de bon usage d’une arme comme le flashball. Blesser et terroriser sont ses objectifs et non ses dérives. Il n’y a qu’une seule manière d’arrêter la multiplication des mutilations qu’elle entraîne : désarmer la police.

En novembre dernier, nous avons décidé de constituer l’Assemblée des blessés, des familles et des collectifs contre les violences policières, pour se soutenir mutuellement et trouver ensemble les moyens d’entraver l’usage de ces armes. Nous n’avons pas peur. Nous poursuivrons tous les policiers responsables de blessures par des procédures pénales et attaquerons également devant le tribunal administratif l’autorité politique qui les arme. Faire qu’à chaque blessé, les policiers tireurs craignent pour leur poste et que l’État soit condamné. Dans les tribunaux ou dans les manifestations, dans les commissions parlementaires ou devant les usines d’armement, nous serons-là, déterminés à mettre en échec l’impunité et la violence policière.

LES POLICIERS NOUS BLESSENT
POURSUIVONS-LES !

Assemblée des blessés, des familles et des collectifs contre les violences policières, le 2 avril 2015

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