Un réseau contre les Flash-Ball

Un réseau contre les Flash-Ball

Les comités de soutien des victimes de « violences » policières, dont le montbéliardais « Justice pour Ayoub », travaillent désormais, main dans la main.

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Les comités de soutien ont participé à la manifestation en hommage à Rémi Fraisse.

Montbéliard. L’union fait la force et de la force, les militants en ont besoin. Alors que la liste des victimes de tirs policiers (de Flash-Ball) ne cesse de s’allonger, les comités de soutien travaillent désormais en réseau.

Le premier acte fort de cette coordination nationale a été une rencontre, les 8 et 9 novembre, à la Bourse du travail de Montreuil. « Nous avions émis l’idée de nous retrouver. La famille et les amis de Joachim, une victime, ont organisé le rassemblement », souligne Odile Banet, porte-parole du Comité de soutien d’Ayoub, un jeune Montbéliardais qui a perdu un œil après un tir policier de Flash-Ball en 2011 à Audincourt.

« Remettre à plat la doctrine du maintien de l’ordre »

Pendant deux jours, les victimes et leurs proches se sont exprimées : « Ça m’a permis de prendre conscience que le cas d’Ayoub [NDLR : visé lors d’une rixe alors qu’il attendait sagement son bus] n’était pas isolé. De nombreux jeunes ont pris une balle perdue parce qu’ils se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment. Mais, de toute manière, même quand il s’agit de manifestants, les personnes touchées sont souvent très souvent pacifistes. Finalement, aujourd’hui, on prend tous des risques à revendiquer un droit fondamental qui est de montrer notre opposition à une décision politique dans la rue », s’insurge la militante.

Et c’est bien de l’usage des lanceurs de balles de défense dont il a été question tout au long du week-end à Montreuil : « Ces armes militaires sont autorisées par les forces de l’ordre mais les règles d’usage ne sont pas suffisamment encadrées… Un tir de Flash-Ball est imprécis. Il n’est pas fait pour canaliser la foule mais pour maîtriser un seul individu. On l’utilise dans n’importe quelle situation. Résultat : des catastrophes, des personnes mutilées qui n’auront plus jamais une vie normale, des morts », déplore Odile Banet.

La militante rappelle que le maintien de l’ordre peut être garanti avec d’autres moyens : « Pourquoi utilise-t-on des bombes lacrymogènes et des canons à eau pour les manifestations de paysans, qui, entre parenthèses, commettent les plus grosses dégradations et que l’on réserve les Flash-Ball aux autres mouvements ? », s’interroge-t-elle.

Dans le travail en réseau qui prend forme, les familles et victimes poursuivent plusieurs objectifs. Le premier est de remettre à plat « la doctrine » du maintien de l’ordre : « Il ne s’agit pas de le remettre en cause. Il est nécessaire. Je respecte le travail des policiers, je ne suis pas anti-flic. Mais on ne peut pas admettre que des violences policières se traduisent, dans la très grande majorité des poursuites, par des non-lieux [NDLR : en ce qui concerne Ayoub, un non-lieu a été requis]. Quand l’affaire se retrouve au pénal pour homicide volontaire ou involontaire, elle se solde souvent par des relaxes. Les policiers se sentent couverts par l’institution. C’est une réalité. Nous voulons la rendre visible des citoyens et des politiques. »

« Un site Internet pour les victimes »

Deuxième combat mené les comités de soutien : des recours devant le tribunal administratif pour exiger le retrait de ces armes. Enfin, les militants comptent instaurer des fiches pratiques pour aider les victimes : « Certaines sont très isolées et ne bénéficient pas de l’aide d’un comité de soutien. Or, il y a des démarches indispensables à effectuer dès la commission des faits sur les plans juridique, médical, juridique, administratif. » En ce sens, les comités de soutien vont créer un site Internet destiné aux victimes et à leurs familles. Une œuvre coordonnée qui s’annonce titanesque : « Nous sommes toujours rattrapés par l’actualité. Lors de notre rencontre à Montreuil, nous avons participé à une manifestation suite au décès du militant Rémi Fraisse [NDLR : dans le Tarn, au barrage de Sivens]. Ce n’était pas prévu. Mais participer à ce mouvement était incontournable », conclut la représentante du comité « Justice pour Ayoub ».

Leur presse (Aude Lambert, EstRepublicain.fr, 3 décembre 2014)

 

Pour Ayoub et les autres mutilés

Le rassemblement, qui a eu lieu ce week-end à la Bourse du travail de Montreuil, était prévu de longue date. Sous l’impulsion du comité de soutien d’Ayoub, un Montbéliardais mutilé après un tir de Flash-Ball, la famille et les amis de Joachim, une autre victime, avaient organisé cette rencontre : « Une dizaine de comités de soutien étaient représentés », indique Odile Banet, membre du groupe qui épaule Ayoub et sa famille depuis le drame (le jeune homme a perdu son œil gauche qui a éclaté sous l’effet du projectile). Chaque victime, chaque proche a pu témoigner de son histoire, de ses souffrances.

« C’était humainement très lourd. On a pu constater à quel point les violences policières faisaient des dégâts sur le plan physique, social, psychologique », poursuit la militante.

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Un cortège, samedi à Paris, des comités de soutien des victimes de Flash-Ball.

Hasard du calendrier : la rencontre des comités de soutien se déroulait le jour de la manifestation en hommage à Rémi Fraisse, mortellement blessé par une grenade offensive à Sivens. « On ne pouvait pas ne pas y aller. Nous nous sommes placés en tête de cortège, à Bastille, avec nos banderoles [NDLR : la photo ci-dessus]. On voulait se montrer, sensibiliser. »

Ce « travail » collectif (et Odile Banet insiste bien sur ce mot) se veut aussi pragmatique : « L’objectif est d’instaurer des fiches pratiques pour toutes les victimes de violences policières commises en toute impunité, les démarches à effectuer car beaucoup de gens sont isolés et démunis face à ce type d’événements et aux institutions. » Mais surtout, l’usage des Flash-Ball (dont les comités de soutien demandent l’interdiction) dans les manifestations met en péril n’importe quel citoyen lambda comme Ayoub, présent au mauvais endroit, au mauvais moment. Il est bon aussi de le rappeler et de le marteler…

Leur presse (Aude Lambert, EstRepublicain.fr, 11 novembre 2014)

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