[Bosnie] « Mais après 20 ans de mensonges, les gens n’en peuvent plus. Nous nous unissons de nouveau. Nous avons tous les mêmes problèmes. Nous avons finalement réalisé que nous étions tous pareils et que nous avions plus en commun que ce que nous pensions »

La « révolution des bébés » unifie la Bosnie

Depuis une semaine, des Bosniens défilent devant le Parlement à Sarajevo. Toutes communautés confondues, ils dénoncent l’incapacité des élus à régler une loi sur l’identification qui empêche des milliers d’enfants d’être soignés à l’étranger.

http://juralib.noblogs.org/files/2013/06/011.jpegBallons colorés à la main, sifflets dans la bouche et poussettes à bout de bras, les Bosniens rassemblés devant le Parlement à Sajarevo semblent participer à une kermesse bon enfant. Ces quelques milliers de manifestants se rassemblent pourtant chaque jour depuis une semaine pour une cause des plus sérieuses.

Hurlant le slogan « JMBG » (l’acronyme de « jedinstveni matični broj građana », qui signifie « numéro unique d’identité des citoyens »), ils occupent le parvis pour réclamer aux députés l’adoption d’une loi sur le numéro personnel d’identification. Depuis le 12 février, l’ancienne législation a expiré, empêchant des milliers de nouveaux-nés venus au monde après cette date en Bosnie-Herzégovine de bénéficier de l’assurance-maladie ou d’avoir un passeport, faute de papiers en règle.

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Vidéo de l’une des manifestations organisées à Sarajevo le 11 juin 2013

La mobilisation pour la petite Belmina

Ce mouvement de protestation a été lancé en solidarité avec Belmina Ibrišević, un bébé de trois mois souffrant d’une grave maladie. « Cette petite fille née dans la ville de Gracanica a de graves problèmes de santé qui ne peuvent pas être traités en Bosnie. Mais elle ne peut pas voyager dans un autre pays car les bébés n’ont plus les numéros d’identité qui sont pourtant nécessaires pour obtenir des documents », explique à FRANCE 24, Zinajda Besic, une Bosnienne qui soutient les manifestants. Depuis la médiatisation de l’affaire, un grand mouvement de solidarité s’est organisé pour que la  petite Belmina, devenue symbole de ce mouvement baptisé « la révolution des bébés », puisse partir en Allemagne se faire soigner.

http://juralib.noblogs.org/files/2013/06/121.jpegMais au-delà de ce problème administratif, les causes de ce blocage sont beaucoup plus profondes. Comme l’explique Sabina Cehajic-Clancy, professeur à l’École de science et de technologie de Sarajevo, les tensions sont latentes depuis plusieurs mois en Bosnie et résultent de rivalités ethniques. « Les leaders politiques de la République serbe de Bosnie [avec la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine, une des deux entités qui composent la Bosnie-Herzégovine] ont notamment demandé que la loi leur permette de disposer de numéros d’identité différents. En d’autres termes, ils essayent de créer une nouvelle division dans le pays. Ce que le Parlement a refusé et c’est ce qui a mené à cette situation », résume Sabina Cehajic-Clancy.

« Serbes, Bosniaques, Croates réunis »

Face à ces divisions qui rongent toujours le pays depuis la fin de la guerre qui fit près de 100’000 morts entre 1992 et 1995, la population fait aujourd’hui front commun. « Des gens de toutes les régions, de toutes les ethnies nous ont rejoints pour la première fois depuis 20 ans pour se battre pour leurs enfants. Serbes, Bosniaques, Croates réunis », s’enthousiasme Fedja Stukan, l’un des organisateurs du mouvement. Mais pour cet acteur, connu notamment pour son rôle dans le film d’Angelina Jolie sur le conflit de Bosnie Au pays du sang et du miel, la « révolution des bébés » est aussi une protestation plus générale contre la situation économique et politique du pays. « Il y a trop de corruption dans notre système qui entretient la population dans la pauvreté. Les gens ont compris qu’ils devaient se battre pour leurs droits, car personne d’autre ne le fait », estime cet artiste né à Sarajevo.

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L’acteur Fedja Stukan (avec le chapeau) pose avec ses amis lors d’une manifestation.

Un tournant pour la Bosnie ?

Depuis sa ville de Brčko, située dans le nord du pays, Amra Daisy Huric participe également à la contestation. Cette diplômée en droit, sans emploi depuis trois ans, est inquiète de l’avenir de son pays, qui compte plus de 20 % de chômeurs : « Il y a trois bords politiques, les Serbes, les Croates et les Bosniaques. Leur travail consiste uniquement à propager la haine entre nous pour gagner des voix et faire des profits, au lieu d’investir dans le pays et de créer des emplois », se lamente la jeune femme. « Mais après 20 ans de mensonges, les gens n’en peuvent plus. Nous nous unissons de nouveau. Nous avons tous les mêmes problèmes. Nous avons finalement réalisé que nous étions tous pareils et que nous avions plus en commun que ce que nous pensions. »

Après une semaine de manifestations, le gouvernement a annoncé qu’il allait trouver une solution provisoire pour permettre à la petite Belmina de se rendre en Allemagne. Mais les protestataires sont décidés à poursuivre leurs actions et demandent aux autorités d’adopter une nouvelle loi d’ici le 30 juin. Fier de cette mobilisation, Fedja Stukan estime qu’il s’agit « d’une nouvelle page dans l’histoire de la Bosnie ».

De son côté, Sabina Cehajic-Clancy se veut plus mesurée : « Il est possible que la Bosnie entre dans une nouvelle ère. Ces manifestations unissent le peuple au-delà des divisions ethniques, mais jusqu’à quel point, personne ne peut encore le prédire ».

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Presse infantilisante (Stéphanie Trouillard, France24, 13 juin 2013)

 

La « révolution des bébés » s’empare de Sarajevo

La colère gronde en Bosnie-Herzégovine après un incident lié à un bébé.

« À bas le nationalisme, vive la Bosnie-Herzégovine citoyenne  » : le panneau, rédigé dans les deux alphabets en usage dans le pays, le cyrillique et le latin, flottait au-dessus de la foule massée mardi devant le Parlement de Sarajevo. Plus de 10’000 personnes étaient au rendez-vous, les agriculteurs ou les employés dont le salaire n’est pas payé depuis des mois venant, en cortège, grossir la foule. Solidaires, les taxis de Sarajevo ont bloqué le trafic durant plusieurs heures.

http://juralib.noblogs.org/files/2013/06/002.jpgTout a commencé pour un prétexte presque futile : un bébé de 3 mois qui avait besoin d’un traitement urgent à l’étranger n’a pas pu voyager, faute de disposer d’un passeport. En effet, depuis le 12 février dernier, les nouveau-nés ne peuvent plus obtenir de numéro national d’identification en Bosnie, en raison d’un désaccord politique sur la nouvelle dénomination des communes de Republika Srpska, l’entité serbe du pays. De ce fait, tous les bébés nés depuis cette date sont des « sans-papiers ».

Le 6 juin, des centaines de personnes se sont rassemblées devant le Parlement de Sarajevo et les manifestants ont décidé de « mettre le siège » au Parlement, empêchant les députés de sortir tant qu’ils n’auraient pas adopté une loi réglant le problème. La loi n’a pas été adoptée et le mouvement se poursuit. Les étudiants sont entrés en action, à Sarajevo et à Banja Luka, la capitale de la Republika Srpska. Des manifestations ont également eu lieu ailleurs.

Un mouvement national

C’est la première fois depuis la guerre qu’un mouvement commun rassemble ainsi tous les citoyens de Bosnie-Herzégovine. Pour Darko, militant d’un petit groupe anarchiste de Sarajevo, « la coupe était pleine depuis très longtemps. On se demandait juste quand arriverait l’étincelle qui mettrait le feu. » Cette étincelle est peut-être venue de Turquie, pays dont la Bosnie-Herzégovine est toujours très proche, politiquement et culturellement. La semaine dernière, des rassemblements de soutien aux manifestants turcs de la place Taksim avaient été organisés à Sarajevo.

Mercredi, à Banja Luka, des milliers de protestataires ont bravé l’interdiction de manifester émises par les autorités, les étudiants ont été rejoints par les retraités et les anciens combattants. Ici aussi, le rapprochement avec le mouvement « Occupy Gezi Park » a été vite fait : depuis plus d’un an, les citoyens de la ville manifestent régulièrement pour essayer de sauver le parc de Picin, que les autorités locales veulent aussi transformer en centre commercial. « En Republika Srpska, les gens sont habitués à écouter le pouvoir. Tout le monde vit mal, mais il n’y a jamais eu le moindre mouvement social depuis la fin de la guerre, explique la journaliste Dragana Tadic. La mobilisation pour le parc représentait donc quelque chose d’inédit, le tout début d’une prise de conscience citoyenne. »

Ces prémices de « printemps bosnien » inquiètent beaucoup les autorités. Rajko Vasic, le secrétaire général du Parti des sociaux-démocrates indépendants (SNSD), la formation de Milorad Dodik, le président de la Republika Srpska, a dû présenter sa démission après avoir traité, sur son blog, de « bâtards » les étudiants protestataires de Banja Luka. En réalité, la classe politique fait l’objet d’un même rejet dans les deux entités du pays. Jeudi, les organisateurs ont lancé « un appel au silence » : les rassemblements sont suspendus jusqu’au 30 juin, pour ne pas « troubler » le travail des députés qui doivent adopter la loi sur les numéros d’identité. Pour vérifier l’avancée des travaux, les citoyens sont tout de même appelés à venir boire leur café devant le Parlement, mais en silence.

Leur presse (Jean-Arnault Dérens, correspondant dans les Balkans, LaLibre.be, 14 juin 2013)

 

Les Bosniens exigent que leurs députés fassent leur travail

SARAJEVO, Bosnie-Herzégovine – Des centaines de personnes ont marché vers le parlement de Sarajevo, lundi, alors que les manifestations antigouvernementales en Bosnie-Herzégovine entraient dans leur deuxième semaine.

Le mouvement a commencé mercredi dernier, quand de jeunes parents en colère ont encerclé le parlement pour demander aux députés d’adopter une loi sur les numéros d’identification nationaux, dont les citoyens ont besoin pour obtenir des documents officiels comme un passeport. L’ancienne loi a expiré en février et tous les bébés nés dans le pays depuis ne possèdent pas de documents d’identité.

Jeudi, plus de 1500 députés et autres responsables s’étaient retrouvés coincés dans le parlement jusqu’à ce que la police les libère, après un affrontement de 12 heures avec les manifestants, dont faisaient partie des mères avec leur poussette.

Lundi, des Bosniens sont de nouveau descendus dans les rues pour réclamer que les politiciens fassent leur travail et cessent les disputes ethniques. Les manifestants ont marché devant des édifices gouvernementaux, dont celui de la présidence, avant de se rassembler devant le parlement.

Leur presse (Associated Press, 10 juin 2013)

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Une réponse à [Bosnie] « Mais après 20 ans de mensonges, les gens n’en peuvent plus. Nous nous unissons de nouveau. Nous avons tous les mêmes problèmes. Nous avons finalement réalisé que nous étions tous pareils et que nous avions plus en commun que ce que nous pensions »

  1. Adé dit :

    « Tout a commencé pour un prétexte presque futile : un bébé de 3 mois qui avait besoin d’un traitement urgent à l’étranger n’a pas pu voyager, faute de disposer d’un passeport. »
    Presque futile d’avoir besoin d’un traitement médical?
    Je ne saisis pas ce qui n’est pas « futile », je ne comprends pas comment on peut écrire des stupidités de cet acabit: la vie ou la santé d’un enfant comme une futilité, un prétexte,…

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