[Chronique de Youv derrière les barreaux] « Le futur nous avait mis une baffe par le présent »

http://juralib.noblogs.org/files/2012/09/0513.jpg[27 juillet 2012]
Un trentenaire dans la tête d’un centenaire

Je me revois en 1996 assis dans le dernier wagon d’un train de banlieue à refaire le monde avec un frère de cœur.

On se voyait, se projetait dans les années 2000 que l’on croyait être futuristiques. Que les voitures allaient voler, que nos conditions iraient en s’améliorant.

Comme le temps n’a qu’une parole, vient l’année 2000. J’étais à l’époque en prison, espoirs étouffés, gâchés par les barreaux de ma cellule.

Le futur nous avait mis une baffe par le présent.

13 heures c’est l’heure du courrier, heureux, j’étais car je venais de recevoir une lettre de ce frère de cœur, compagnon du dernier wagon.

C’était le seul qui avait pris la peine de m’écrire un courrier. Preuve que c’est les meilleurs qui partent en premier.

Quinze jours plus tard, j’apprends son décès en lisant Le Parisien.

« HOSTY JE T’AIME ÉTERNELLEMENT MON FRÈRE !!! QUE TON ÂME REPOSE EN PAIX FRÉROT. »

Mes yeux retiennent leurs larmes. Mon cœur lourd porte le poids de ceux que j’aime. Je cours vers la victoire et si j’y arrive ce ne pourrait être que grâce à eux.

Ne prends pas la fragilité de l’espoir pour une faiblesse. Si je perds mon contrôle et je te gifle ce sera ma seule faiblesse.

On se croise, se recroise sans se dire un mot sans même se regarder persuadés d’être mieux que l’autre. On croit avoir plus de sciences et plus de vécu que l’autre.

Ça montre en public ses cicatrices comme si c’était des trophées.

Si tu falsifies ton bonheur, le temps te démasque. Les douleurs, les blessures ne disparaissent jamais totalement. Elles hibernent juste et attendent la moindre occasion pour refaire surface. C’est pour ça que j’ai toujours une retenue dans mes sourires. Chaque phrase, chaque ligne sont trempées dans un souvenir.

Je suis un jeune trentenaire. J’ai l’impression d’être centenaire. Je prends la plume comme pansement de mes erreurs. J’ai mûri, grandi sans avoir le choix. Pudique, tou­jours seul même en public. Je crois en demain car chaque jour en annonce un autre. Venus d’où l’on vient, partis des sous-sols on aura du mal à faire pire que la veille.

Ma plume mélancolique est noire comme son encre, mais si tu apprends à lire entre ses lignes tu y trouveras la goutte d’espoir qui te donnera la force de surmonter tes réalités.

On m’a enterré mais je garde un œil ouvert sur le sablier. Je repartirai comme je suis venu. Dix ans confisqués, les deux tiers d’une vie à méditer sur ces erreurs d’ado turbulent.

SI C’ÉTAIT À REFAIRE ??? Je ne changerais rien puisque sans mes fautes, je ne serais pas celui que je suis devenu !!!

[La Chronique de Youv derrière les barreaux est disponible en téléchargement gratuit sur le site des Éditions Antisociales. Elle est à suivre sur le compte Facebook dédié.]

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