[La police travaille à Hénin-Beaumont] « Il ne faut pas que les policiers municipaux soient considérés comme des cow-boys qui en veulent au petit peuple ! »

http://juralib.noblogs.org/files/2013/03/015.jpgHénin-Beaumont : De la police municipale… aux bancs de la correctionnelle

Depuis longtemps, des rumeurs laissaient entrevoir l’inquiétante sortie de route de deux fonctionnaires de la police municipale d’Hénin-Beaumont. Des dérives désormais avérées puisqu’un brigadier et un brigadier-chef comparaîtront en octobre devant le tribunal de Béthune pour répondre de comportement en total décalage avec l’éthique de leur fonction. Plongée au cœur de pratiques fort heureusement désormais révolues[Révolues, mon cul ! – NdJL]

C’est un retour sur des années sombres où, dixit certains fonctionnaires municipaux, l’ambiance était pour le moins délétère au sein du poste de police municipale : « Des clans s’étaient créés avec beaucoup de tension au quotidien et parfois même des bagarres dont certaines ont terminé au poste », confie un observateur privilégié de ces turpitudes. Une dérive de certains policiers qui a trouvé son point de non-retour un soir d’avril 2011 à l’occasion d’une ronde des correspondants de nuit, rue Gustave-Delory. Une patrouille qui avise deux individus en train de fouiner à l’intérieur de la déchetterie, vraisemblablement un couple de Roms, qui prennent la fuite en les apercevant.

Une patrouille de trois policiers municipaux est alors demandée en renfort qui, dès son arrivée, interpelle le couple venant de sortir une série d’objets de la déchetterie. La femme est ceinturée et son mari menotté et plaqué au sol. Dans sa poche, 180 euros que les policiers expliquent dans un premier temps avoir remis à leur place après constatation. Sauf qu’à partir de là, les choses dérapent, des palabres commencent haut et fort alors que les correspondants de nuit sont soigneusement tenus à l’écart de la scène. Mais entendent clairement le couple de Roms supplier… Le mari répète « money, money ! » tandis que sa compagne implore « 10 euros pour mon bébé ».

Au bout de cet épisode confus, l’un des trois policiers informe les correspondants de nuit qu’un de ses collègues, un brigadier, venait de tenter de s’approprier les 180 euros du couple en bonne entente avec son brigadier-chef et ne leur avait réintégré la somme que parce que, lui-même, ne pouvait décemment cautionner cette pratique. Une tentative d’extorsion que le brigadier reconnaîtra finalement devant ses collègues, dans une ambiance de tension extrême… et qui montera même crescendo puisqu’avant de laisser le couple de Roms quitter les lieux, le brigadier-chef prendra la liberté de déchirer devant eux le permis de conduire du mari en laissant entendre que « de toute façon, c’était un faux ! »

Une affaire suffisamment grave pour qu’elle revienne rapidement aux oreilles du maire d’Hénin-Beaumont. D’autant que les fonctionnaires incriminés, dans un premier temps, avaient déclaré pour toute défense à leurs camarades qu’ils comptaient, avec l’argent saisi… faire un don au CCAS ! Du côté d’Eugène Binaisse, c’est en toute discrétion que le maire prend alors les mesures qui s’imposent : « Lorsque ces faits m’ont été rapportés, je les ai jugés suffisamment importants pour saisir le procureur de la République, au moins pour avoir son avis. On a pris des mesures de suspension conservatoires concernant les fonctionnaires mis en cause mais, depuis, on n’a plus eu de nouvelles de l’instruction ! » Une affaire tout de suite été prise très au sérieux qui a amené tous les policiers municipaux à être entendus par les policiers lensois. Et là, la boîte de Pandore ouverte, en ressort le détail de pratiques ahurissantes, remontant à quelques années, et qui, jusqu’alors, n’avaient jamais été officiellement remontées à l’administration municipale. Sont détaillées des pratiques incroyables de vol de marchandises à l’occasion d’un contrôle nocturne sur la zone Delta 3 et de revente régulière de marchandises, « tombées du camion », à l’arrière du véhicule du brigadier incriminé : parfums, jeans, chocolats, gâteaux et même cartes à puces pour décodeurs TV, tout cela bien évidemment vendu à vil prix.

Et les micmacs entre collègues ne s’arrêtent pas là puisque le brigadier en question, toujours sous couvert de son brigadier-chef, avait eu la bonne idée de créer fictivement une association de la police municipale d’Hénin n’ayant jamais eu d’existence réelle, mais en direction de laquelle le fonctionnaire sollicitait entre autres une enseigne de grande distribution du secteur pour recueillir des lots aussitôt revendus à des cafetiers… Une petite entreprise qui ne semblait pas connaître la crise et prospérait grâce à l’omerta générale.

« Ce sont des choses qui nous échappaient totalement, explique le premier magistrat. Toutes ces pratiques, on en a entendu parler tardivement, la plupart des faits se sont déroulés avant 2009. On avait besoin d’un peu de renouvellement au niveau du chef de poste, c’est chose faite depuis l’arrivée de M. Fachaux [sic – NdJL]. Il ne faut pas que les policiers municipaux soient considérés comme des cow-boys qui en veulent au petit peuple ! » L’adjoint à la sécurité, Marcel Germe l’admet, « pendant la période où les agents ont été entendus, c’était peu tendu au poste, mais aujourd’hui tout semble rentré dans l’ordre. Ils attendent tous le jugement avec impatience pour être libérés car ça leur pèse ! »

Une affaire dont l’audiencement a été reporté deux fois et qui pose des problèmes au DRH de la Ville. En effet, sitôt suspendus de manière conservatoire, les deux policiers se sont mis en arrêt maladie, ce qui a repoussé d’autant la procédure. L’un d’entre eux a repris et purgé sa suspension de 4 mois (durée maximale sauf s’il y a eu sanction pénale) puisqu’il n’y avait à son retour encore aucune décision prise par le procureur. Il a donc été réintégré mais pas au poste de police, « ce qui aurait créé un schisme ! » L’autre policier vient lui de terminer son arrêt maladie et, la procédure légale étant engagée, sa suspension est prolongée jusqu’au procès.

Publié par des larbins de la maison Poulaga (Pascal Wallart, lavoixdunord.fr, 3 mai 2013)

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