[Rome] « Alors notre action semblera naître de la nécessité, et non de la haine ; et lorsqu’elle paraîtra telle aux yeux du peuple, nous serons nommés des purificateurs, non des assassins » (Shakespeare)

Tirs sur des carabiniers : un acte isolé

ROME – Les coups de feu tirés dimanche contre des carabiniers devant le siège du gouvernement peuvent être considérés comme un acte isolé, selon le ministre de l’Intérieur, mais l’auteur voulait s’en prendre à des politiciens, a indiqué le procureur qui a entendu ses aveux.

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L’affaire peut être considérée, sur la base d’un premier examen, comme un geste isolé, a déclaré devant la presse le ministre Angelino Alfano, peu après avoir pris ses fonctions.

Selon M. Alfano, six coups de feu ont été tirés et l’auteur des tirs Luigi Preiti a manifesté, tout de suite après, l’intention de se suicider mais il a affirmé n’y être pas parvenu car son chargeur était vide.

Le procureur de Rome Pierfilippo Laviani qui a recueilli dans l’après-midi la déposition de M. Preiti a évoqué un homme plein de problèmes qui a perdu son travail, a tout perdu, et a dû retourner vivre dans sa famille en Calabre. D’une manière générale, il voulait tirer sur des hommes politiques mais comme il a vu qu’il ne pouvait pas les atteindre, il a tiré sur les carabiniers, selon le magistrat qui a estimé que l’agresseur ne semble pas une personne déséquilibrée.

M. Preiti, qui était bien habillé et arrivait du Palais de Montecitorio, siège de la Chambre des députés, a tiré à l’improviste sur des carabiniers en faction devant le Palais Chigi, le siège du gouvernement, au moment-même où les ministres du nouveau gouvernement d’Enrico Letta prêtaient serment, à 1 km de là, au palais présidentiel du Quirinal. Les ministres devaient ensuite se réunir au Palais Chigi pour leur premier conseil sous la présidence de M. Letta.

M. Alfano a souligné devant la presse que la situation générale de l’ordre public même après cet incident ne suscite pas de préoccupations, tout en indiquant que la surveillance des objectifs à risque a été renforcée.

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Deux carabiniers ont été blessés, l’un au cou, l’autre aux deux jambes et l’agresseur souffre de contusions après avoir été jeté au sol par les forces de l’ordre alors qu’il tentait de s’enfuir. Le pronostic est réservé pour le carabinier blessé au cou tandis que l’état du deuxième n’inspire pas d’inquiétude.

Les médias italiens ont indiqué que Preiti est un maçon au chômage qui avait quitté sa Calabre natale pour le Piémont il y a 20 ans.

Il s’était séparé il y a deux ans et demi de sa femme et traversait des difficultés économiques. Il était retourné en Calabre pour vivre chez ses parents à Rosarno, laissant dans le Piémont sa femme et leur fils de 10 ans.

Selon certaines sources, il se serait mis récemment à jouer au vidéopoker et aux machines à sous — présentes dans tous les bureaux de tabac en Italie — dilapidant les économies familiales et accumulant des dettes.

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M. Preiti était arrivé samedi soir à Rome avec l’intention d’accomplir un geste éclatant, et logeait dans un hôtel, ont indiqué des enquêteurs cités par l’agence Ansa. Il détenait illégalement l’arme qu’il a utilisée, un pistolet Beretta semi-automatique de calibre 7,65.

Presse pousse-au-crime (Agence Faut Payer, 28 avril 2013)

 

Spari P. Chigi : Padova, scritte pro Preiti

‘Luigi Preiti uno di noi’ tracciato in centro con spray rosso

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(ANSA) – PADOVA, 29 APR – Due scritte tracciate con spray rosso inneggianti a Luigi Preiti, il muratore calabrese che ha sparato ieri davanti Palazzo Chigi ferendo due carabinieri, sono comparse stamane sui muri del centro di Padova. Sul fatto sta indagando la Digos.  »Luigi Preiti sei uno di noi, pagherete caro », e’ lo slogan, seguito da una A cerchiata malamente, vergato da ignoti sui muri di due edifici, uno in Riviera Ponti Romani, in pieno centro, l’altro in via Paolotti, nel quartiere universitario.

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Presse pousse-au-crime (Tuttosport.com, 29 avril 2013)

 

Les coups de feu sont pour vous

Si Luigi Prieti s’était suicidé, en se pendant dans la cave de la maison de ses parents (car de maison il n’en n’avait plus), il aurait tout simplement été un nombre supplémentaire dans une statistique qui tend à augmenter semaine après semaine : celle des désespérés qui remettent au geste ultime l’impuissance de se procurer un revenu avec lequel vivre, coincés entre un sens de faillite personnelle et l’anomie d’une solitude créée par une vie entièrement consacrée au travail, alors que les personnes chères s’enfuient et on ne comprend plus pourquoi exactement on se démène autant.

S’il s’était immolé avec de l’essence et donné feu, sur cette même place où il a déchargé le chargeur de son pistolet, il aurait peut-être suscité une grande clameur et pendant 1 jour et demi on aurait parlé de lui : les médias et les hommes politiques auraient proféré des paroles de douleur, idiotes et hypocrites, pour un homme « désespéré », invitant les Italiens à être solidaires, dans la douleur profonde, ils auraient peut-être même parlé de quelques nécessités d’autocritique et de remise en question, en s’invitant eux-mêmes à des comportements plus sobres pour donner l’exemple pendant que les Italiens et les Italiennes se serrent la ceinture. (Les conditions subjectives italiennes ne peuvent pas encore nous faire espérer une réaction « à la Tunisienne »).

Mais Luigi Prieti n’a opté pour aucune de ces alternatives et avant de mettre fin à ses jours, (s’il est vrai que ceci aurait été l’épilogue – comme nous informent les sites mainstream), il avait l’intention de toucher un Ministre… pour passer toute sa colère, pour donner un sens à un geste aussi désespéré, envoyer un dernier message à beaucoup d’Italiens qui sont dans les mêmes conditions. On peut faire toutes les considérations politiques qu’on veut sur l’inadéquation et l’erreur de ce geste, mais, humainement, il est difficile de ne pas se déclarer proche, d’une façon ou d’une autre, à Luigi. N’importe quel sondage honnête démontrerait que des pourcentages embarrassants témoigneraient un mouvement de sympathie et de compassion pour cet homme. Et peut-être vaut-il le coup de commencer à dire à voix haute que cet homme ne devrait pas rester en prison (comme personne ne devrait y être, et certainement pas ce 90% et plus, en cage pour crimes contre la propriété, l’immigration clandestine ou la consommation de substances stupéfiantes).

D’une chose nous pouvons être vraiment contents : que Luigi Prieti n’ait pas réussi à se tuer, et ainsi il a donné un nom à sa propre colère : « je voulais tuer les hommes politiques » aurait-il dit aux Carabiniers qui l’ont immobilisé après la fusillade. Un peu dur de le faire passer pour un « déséquilibré », ou non, Repubblica, Corriere, Presse, Rai, Mediaset…? alors on est passé à une description lombrosienne : « un Calabrais »… qui cependant n’avait pas rapports avec la ‘ndrangheta (mais la ‘ndrangheta n’aurait jamais pensé et ne pensera jamais à frapper les institutions centrales, elle se contente de manger grâce aux institutions periphériques). Un pauvre gars, détruit par le video poker… dommage qu’aujourd’hui le video poker soit une dévastation sociale de masse pour les prolétaires, comme ça a été le cas avec l’héroïne dans les années ’80 (et ce n’est pas dit que cette merde ne reviendra pas également, il suffit de voir la nouvelle diffusion de masse en Grèce). Les médias de régime savent bien que dans les quartiers dans lequel Luigi vivait (là où vit le plus grand nombre de nous), le panorama urbain est désormais plein d’acheteurs d’or, de locaux pour le jeu de hasard et d’activités qui ne cessent de fermer une derrière l’autre ? Non, eux ne le savent pas car ils vivent dans les centres ville, là où ces tristes et misérables spectacles n’arrivent pas à défigurer le paysage qu’ils admirent.

L’image d’aujourd’hui est celle des hommes politiques qui sourient et qui se donnent des tapes sur les épaules après l’énième le plus scandaleux partage de fauteuils que l’histoire nous rappelle, alors que dehors résonnent quelques coups et un peu de vraie réalité commence à entrer aussi dans leurs palais…

Traduit de l’italien (Infoaut, 28 avril 2013) par Solidarité ouvrière

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