Chambéry sous surveillance

La vidéo-surveillance se développe à Chambéry : le carcan, c’est maintenant !

Sous le masque de la « vidéo-protection », notre No man’s land chambérien, terre de barbares et de sauvageries bien connu, devrait bientôt retrouver sa tranquillité.

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Le conseil municipal à majorité PS a en effet voté en février 2012 le déploiement de caméras de surveillance dans le centre-ville. Les travaux ont débuté fin décembre 2012 et engagent dès lors une dépense estimée à 250’000 €. Sur les 16 caméras prévues, les premières ont été installées Place St Léger, Rue de Boigne, Faubourg Montmélian, Boulevard de la Colonne, Place de l’Europe (voir photos plus bas). Rapidement, tout le centre-ville mais aussi Chambéry le Haut vont être mis sous surveillance. Quand les sociaux-démocrates font le travail de l’UMP décomplexé, on se demande s’il faut encore se donner la peine de marquer une si médiatique frontière gauche / droite. Nous nous efforcerons plutôt de vous exposer nos arguments contre ce projet inefficace et coûteux, mais surtout liberticide et éminemment condamnable moralement.

En effet, le thème de l’insécurité fait recette depuis plus de 10 ans et la délinquance agite fréquemment les journaux de 20h. C’est même devenu la tarte à la crème à chaque veille d’élection. Si nous ne nions nullement l’existence de conflits et de heurts dans notre société, nous ne pouvons pour autant souscrire à l’idéologie véhiculée par cette terminologie. L’inégalité économique et sociale et la misère qui en découle sont à la source de ces contestations qui évoluent parfois en révolte ou se cantonnent le plus souvent dans une lutte pour la survie. Or, de quoi, de qui est-il question ? De hordes cruelles de jeunes qui font fuir les passants ? De dangereux fanatiques venus guerroyer en pleine rue Juiverie ? Ou pire, la si souvent oubliée délinquance en col blanc, des fanatiques de Moody’s ou de Standard & Poor’s prêts à saigner les bons contribuables chambériens ?

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Et bien Non, il n’en est rien. L’AN2V — ex-Association Pour la Vidéo-surveillance, on ne peut pas les soupçonner de gauchisme — a conduit l’étude préalable à l’installation des caméras. Cette dernière nous apprend que, de 2006 à 2010, la délinquance, déjà faible, a baissé de 22,3 % à Chambéry ! Elle nous renseigne également sur les incidents de la STAC (les bus de l’agglo sont déjà sous-vidéosurveillance) : 15 incidents en tout, 2/3 d’insultes, 2 cas de violences contre les contrôleurs et 3 jets de pierres… ou de boules de neige. Johannesburg, Beyrouth à quand le jumelage ?

C’est ici que les masques tombent : il n’est pas question pour les élus de s’attaquer à la délinquance mais bien de virer et de parquer les mendiants, les marginaux et autres indésirables de tout poils. Pour vous en convaincre, le chef de la police nationale à Chambéry défend dans ce rapport l’idée de s’opposer aux « flux entrants » de SDF en posant une caméra Rue Saint François de Sales. Autre public visé, les résistants à cette logique totalitaire. La police aimerait en effet également « pouvoir utiliser la vidéo-surveillance en cas de manifestations ». C’est finalement avec l’Estasia du 1984 d’Orwell qu’il faudra envisager un jumelage.

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Parfaitement injustifiée, ciblant les plus pauvres ou les manifestants, la vidéo-surveillance n’a même pas fait la preuve de son efficacité à établir un flicage pacificateur. Un rapport du Ministère de l’Intérieur britannique — pas non plus des copains — indique que « la vidéo-surveillance ne peut pas être considérée comme un succès ». Le Royaume-Uni ne sait que faire des images produites par ses 4,2 millions de dispositifs de vidéo-surveillance. Là encore, ce rapport explique dans ses conclusions qu’à défaut de résoudre des crimes, il y a bel et bien un intérêt : pouvoir détecter les personnes indésirables comme les « mendiants » et les « marchands ambulants » (!). Il faut aussi noter que le grand banditisme s’est très bien adapté et que les commerçants du centre ville se mettent le doigt dans l’œil jusqu’au cou s’ils pensent qu’une caméra arrêtera une voiture bélier.

Mais à qui profite le crime ? L’étude de l’AN2V est on ne peut plus orientée et l’investissement dans la capitale de la Savoie s’élève à déjà à 258’000 €. D’autres chiffres donnent le vertige. à Lyon le coût de déploiement a finalement atteint 9,1 millions d’euros, sans compter les 140’000 euros annuels pour la surveillance de 20 caméras. Certes, le dispositif chambérien sera « passif » et les bandes seront visionnées seulement à la demande. Mais rien ne nous garantit une escalade, la mairie nous a déjà fait le coup avec la surveillance des bus, puis de la piscine et enfin de l’installation actuellement en cours. Marché juteux pour les Thales, Cisco et autres Securitas.

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Pourtant, même si l’on nous faisait la preuve d’une once d’efficacité et d’un coût ridicule, la vidéo-surveillance est avant tout une attaque contre notre liberté.

Le droit à ne pas être suivi nous apparaît évident, il sera pourtant remis en cause lors de votre traversée du centre-ville. Dans sa logique paranoïaque, l’enregistrement permanent, de jour comme de nuit, fait de chacun·es un délinquant potentiel. Qu’est-ce qui s’opposera à terme à l’installation de caméras dans les classes, dans les salles de pauses, dans les salons… ? On nous prétexte ainsi l’idée que « celui qui n’a rien à se reprocher n’a pas peur d’être filmé ». On sait pourtant que nous modifions notre comportement dès que nous nous savons surveillés. Si l’on mettait tout le monde sur écoute téléphonique, que dirait-on encore vraiment ? C’est pourtant bien ce qu’il se passe avec les caméras ! Pour les sceptiques, signalons que les systèmes de type passif comme celui installé dans notre ville évoluent vers l’identification des comportements par des logiciels. La Détection Automatique d’Anormalité (DDA), loin d’être encore au point (heureusement !) était suggérée dans le rapport de l’AN2V. Une identification mécanique des comportements et encore plus des intentions suppose une définition mécanique de l’homme et de son projet d’existence. HAL 9000, l’ordinateur fou de 2001 L’Odyssée de l’Espace, a déjà déposé un CV à madame le maire.

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Comme vous pouvez le voir, cette installation ne vise qu’à attiser les peurs, à souffler sur les braises de la paranoïa sécuritaire. Restreindre les libertés de tous et d’abord des pauvres et des manifestants, voilà un projet réjouissant. Cette extension de la vidéo-surveillance est politicienne, elle cherche à fournir une réponse pire que le mal à des commerçants et à un électorat du centre et de droite, réel objectif de Bernadette Laclais pour les municipales de 2014. Les causes de la délinquance sont pourtant toujours liées à la misère, qu’est-ce que cet aménagement liberticide va y changer ?

Seules l’égalité économique et la justice sociale peuvent mettre un terme à la violence et aux logiques de contrôle social. La vidéo-surveillance ne fait que restreindre nos libertés, en nous divisant toujours un peu plus. Elle est un outil du pouvoir pour régner sur l’ensemble de la population en entretenant soigneusement le terrain de la peur de l’autre. Toutes celles et ceux qui partagent ce constat sont invités à nous rejoindre pour le faire savoir :

Ni à Chambéry, ni ailleurs ! La vidéo-surveillance nous enferme !

Fédération anarchiste de Chambéry, 5 février 2013

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