Tunisie : deux ans après la révolution, les dirigeants visés par des pierres
Les dirigeants tunisiens ont été visés par des jets de pierre lundi à Sidi Bouzid lors des célébrations du deuxième anniversaire du début de la révolution, témoignant des vives tensions en Tunisie, berceau du Printemps arabe.
Le chef de l’État, Moncef Marzouki, et le président de l’Assemblée nationale constituante (ANC), Mustapha Ben Jaafar, étaient venus dans cette ville économiquement marginalisée du centre-ouest du pays pour marquer les deux ans de l’immolation de Mohamed Bouazizi.
Les jets de pierre ont commencé après un discours de M. Marzouki, alors que M. Ben Jaafar tentait de s’exprimer devant 5.000 personnes réunies sur la place où le vendeur ambulant excédé par la misère et les brimades policières avait commis son geste.
Le service d’ordre a évacué les deux dirigeants, qui n’ont pas été touchés, et les manifestants, scandant « le peuple veut la chute du gouvernement » et « dégage, dégage », des slogans révolutionnaires, ont envahi la tribune.
La police n’est pas intervenue, alors que les heurts entre manifestants et policiers se multiplient dans le pays depuis plusieurs mois. En début d’après-midi, le clame était revenu.
Copieusement sifflé lors de son allocution, M. Marzouki a demandé aux Tunisiens d’être patients, alors que la misère était déjà au cœur des causes de la révolte de l’hiver 2010/2011 qui a renversé le régime de Zine El Abidine Ben Ali.
« Le gouvernement n’a pas de baguette magique pour changer les choses (…). Il a besoin de temps pour solder l’héritage de 50 ans de dictature », a tenté d’argumenter le président, qui avait déjà été chahuté près de la tombe de Bouazizi.
Sinistrée depuis des décennies, la région de Sidi Bouzid, à l’instar du reste de l’intérieur de la Tunisie, estime que le gouvernement, dirigé par les islamistes d’Ennahda, a trahi les engagements de la révolution.
Le Premier ministre islamiste Hamadi Jebali, grippé, n’a pas assisté aux célébrations de lundi.
« Le problème endémique du chômage »
« Les gens au gouvernement agissent comme pour nous punir d’avoir déclenché la révolution. Rien n’est fait pour nous, ils ne font que se partager les fauteuils », s’est insurgé Midani Khassemi, un chômeur de 36 ans blessé durant la révolte.
« Ils nous ont donné quelques chantiers provisoires qui ne résolvent pas le problème endémique du chômage », a renchéri Fader Khlifi, 27 ans.
La reprise économique, après la récession de 2011, est minée par l’insécurité persistante et le ralentissement dans la zone euro, principal partenaire économique de la Tunisie.
Selon le ministère de l’Industrie, les investissements ont chuté de 36% dans la région de Sidi Bouzid et les offres d’emplois de 24,3% sur les 11 premiers mois de 2012 par rapport à la même période l’année précédente. Au niveau national, le chômage stagne autour de 18%, nourrissant une rancœur qui dégénère régulièrement en affrontements.
Fin novembre, 300 personnes avaient été blessées au cours de cinq jours de heurts avec la police après qu’une grève a dégénéré en violences à Siliana, au sud-ouest de Tunis.
Outre les problèmes économiques, la Tunisie fait aussi face au défi que représentent les groupuscules islamistes radicaux qui ont orchestré des heurts, parfois sanglant, depuis l’été.
Depuis une semaine, l’armée pourchasse ainsi un groupe armé soupçonné d’appartenir à la mouvance salafiste dans la région de Kasserine, voisine de Sidi Bouzid. Et les autorités ont annoncé le démantèlement d’un réseau de recrutement d’Al-Qaïda.
Des islamistes radicaux étaient présents en nombre lundi dans la foule qui a conspué M. Marzouki.
En outre, la Tunisie est plongée dans une impasse politique, l’ANC ne parvenant pas à aboutir à un compromis sur la future Constitution, 14 mois après son élection.
Publié par le savoir-faire français (Agence Faut Payer, 17 décembre 2012)