Rhône. Faux dinars : un cas unique au monde selon la Banque de France
Les faussaires présumés avaient réussi un coup « exceptionnel » selon les experts. Le procès plonge au cœur de l’enjeu de la monnaie.
Hier, le procès des treize présumés faussaires en dinars algériens, plonge au cœur de la question de la monnaie, qui fait de cette affaire un cas judiciaire rarissime. Comme une plongée dans le cœur nucléaire du dossier, il est question d’une prérogative réservée à l’État.
Enjeu hautement sensible, qui suscite toute l’attention de l’avocat et des représentants algériens sur le banc des parties civiles, face aux accusés. « Battre monnaie, c’est un symbole du pouvoir », rappelle le président Patrick Wyon.
Spécialement venus de Chamalières, trois experts de la Banque de France sont à la barre. On apprend qu’il n’existe en Europe que huit papeteries et une quinzaine d’imprimeries habilitées à fabriquer les billets de banque. Le papier des dinars est imprimé en Allemagne, pour la Banque d’Algérie, précise un ingénieur dans un chuchotement de confessionnal, comme s’il redoutait des oreilles indiscrètes. On sait tout de la bande holographique métallisée qui brille au milieu d’un papier traversé d’un fil de sécurité. Des encres mélangées par irisation, on sait tout. Enfin presque.
Aucune contrefaçon n’a jamais atteint ce niveau
Pas question d’expliquer la technique d’impression en relief. « On ne peut pas tout détailler », tempère Marie-Christine Demaldent. « Des faux comme ça, on en voit beaucoup ? » lui demande l’avocat général Bernard Rabatel. « C’est rare, c’est exceptionnel » souligne la responsable de l’analyse de la contrefaçon à la Banque de France.
Selon elle, de mémoire bancaire, aucune contrefaçon n’a jamais atteint ce niveau, à part quelques roupies ou CFA grossièrement imités. On dirait presque un compliment. Un éclat de nostalgie passe imperceptiblement sur les visages des accusés. L’équipe lyonnaise alliée au Stéphanois s’entend dire qu’elle détenait le Graal entre ses doigts de fée : du papier fiduciaire authentique par bobines de 9 kilomètres à 400’000 billets potentiels, avec des imprimeurs plutôt débrouillards et la trouvaille d’une numérotation infaillible. Le rêve passe à la vitesse d’un nuage dans un ciel d’assises orageux.
« Toutes ces contrefaçons sont dangereuses » tranche la dame de la Banque de France. Sur invitation de l’avocat général, elle insiste : « le public peut être abusé, des professionnels aussi, des caissiers ou des commerçants. » Depuis sept jours, l’avocat général ne manque pas une occasion de noircir la contrefaçon de monnaie, qualifiée de « crime » par le code pénal, justement pour réprimer ce court-circuit de la puissance étatique. À quel niveau de l’échelle du crime le jury de Lyon va situer l’affaire des faux dinars ? Un bataillon d’enquêteurs est attendu aujourd’hui et demain, avant l’impression finale en début de semaine prochaine.
Presse plus vraie que nature (Richard Schittly, LeProgres.fr, 12 décembre 2012)