« Guérilla bocagère » ?
Pour ne plus entendre « il ne faut pas les provoquer » quand la foule dégage les flics depuis une barricade.
Ou : pour le partage des savoirs populaires utiles.
Après un mois d’affrontements, de destructions et de barricades, la guerre qui est menée ici semble prendre un nouveau tournant.
Que le gouvernement demande une trève de six mois, c’est le signe d’une bonne nouvelle : ils étaient en train de perdre. Que cette trève, sur le terrain, signifie pour les flics la possibilité de se comporter comme s’ils étaient chez eux sur la ZAD, est autrement moins réjouissant.
Ce qui est sourdement en train de se mettre en place n’est pas qu’un recul. C’est une phase autre, moins visiblement offensive, d’une opération de contre-insurrection (comme ils disent dans leurs manuels de stratégie) ou de pacification (comme ils disent à la télé). Une phase de maintien de l’ordre, comme celle qui a précédé chaque expulsion.
Reprenons. Ils sont en train de perdre. Pas militairement. La quasi totalité des lieux expulsable sont désormais des champs de gadoue. Notre cohorte de blessés ce samedi le raconte aussi. Mais le déchaînement de brutalité dont ils devraient user pour nous virer n’est plus si assumable. Leur « population » leur devient trop hostile. Et puis, plus nous avançons et plus nous sommes nombreux, et forts ensemble. Ils perdent parce notre peuple bigarré se tient lié.
Que font-ils, donc ? Ils occupent militairement, et ils communiquent.
Les flics doivent être gentils, ils doivent pouvoir aller partout. Nous pouvons circuler – au prix de quelques détours – mais à condition de ne pas être offensifs. C’est à dire, à condition de nous tenir tranquilles et de nous taire. C’est à dire, à condition de perdre.
Parler de contre-insurrection, ce n’est pas dire que nous sommes dans la bande de Gaza (malgré les bulldozers et les peines de prison pour port de lance pierre), ni en Tchétchénie (malgré les barricades sur les départementales).
Ce n’est pas non plus vouloir faire de nous des soldats.
C’est, simplement, ne pas perdre de vue que nous sommes en lutte et qu’il s’agit de vaincre. C’est se donner des clés pour comprendre le comment et le pourquoi de leurs manœuvres. C’est se donner les moyens d’une pensée stratégique, un souci d’efficacité dans nos actions, et des leçons à tirer, depuis le vaste monde.
De leur côté, on peut penser qu’après les pluies de grenades viennent :
• Renseignement : très probables tentatives d’infiltration, fichages des allers et venues, surveillance des communications.
• Intimidation : peines lourdes sur des motifs douteux, diffusion de la peur autour des pratiques offensives (jets de pierres et fusées…), déclarations martiales.
• Communication : confiscation du débat par la fumeuse commission de dialogue intergouvernementale, usage stratégique de leur presse.
• Présence dissuasive : checkpoints, prises de positions dans la forêt, camions qui rodent, contrôle des chargements, petites provocations.
Sur chacun de ces points, il faut les tenir en échec. Donc, pour faire court :
Il faut être discrets, il ne faut pas se faire prendre, il n’y a RIEN à négocier, les flics doivent dégager de la ZAD.
Ceci est une invitation à faire circuler techniques, recettes, et savoirs utiles en ce sens.
Fiche technique n° 1 : œufs de peinture
(ou de toute autre substance nauséabonde, colorante, irritante, inflammable)
Variante 1 :
Prendre des œufs, les trouer aux deux bouts, souffler pour vider, remplir avec une poche à douille ou une grosse seringue.
Boucher les trous à la cire.
Variante 2 : œufs en cire
Faire fondre de la paraffine (bougies ou blocs d’un kilo dans le commerce) dans une casserole ou une boîte de conserve
Gonfler un ballon de baudruche avec de l’eau : l’enfiler sur le goulot d’une bouteille plastique pleine d’eau, retourner, presser la bouteille. Il ne doit pas rester d’air dans le ballon. L’extérieur doit rester sec. Tenir sans nouer.
Tremper rapidement le ballon dans la cire, une dizaine de fois, jusqu’à obtenir une coque adéquate. Plonger dans l’eau pour refroidir. Vider l’eau et enlever le ballon.
Remplir de la substance voulue. Le mélange essence/huile/glycéro, qui tache et inquiète, semble faire ses preuves.
Boucher le trou avec un bout de papier journal enduit de cire.
Tremper l’œuf une dernière fois.
Viser juste.
Fiche technique n° 2 : lance-pierres
LE MANCHE
Une branche en Y peut suffire. Mais les lance-pierres avec un repos sur l’avant bras permettent beaucoup plus de tension, donc de doubler les élastiques, donc beaucoup plus de puissance et de précision. Mais ils sont moins discrets.
On en trouve dans le commerce, on peut en forger avec du fer à béton de 8mm, ou en fabrique de bien des manières.
L’ÉLASTIQUE
C’est le matériau le plus difficile à trouver sur place, et ce qui casse le plus vite. Il faut en amener le maximum de là ou vous venez.
Prévoir 30cm pour un lance pierre simple, 70cm pour les doubler.
Élastique à lance-pierre, au mêtre dans certains bricos et armureries. Noir carré, ou tubulaire. Élastique à garrot, dans les hôpitaux, chez les vétérinaires ou les boutiques de matériel médical.
Élastique « espagnol », rond et plein, plus puissant, interdit en france, sans doute disponible sur internet.
La chambre à air ne vaut rien, le tendeur non plus, à moins de le détisser et d’utiliser les élastiques à l’intérieur en les tressant.
LA LANGUETTE
On utilisera un morceau de cuir bien épais, d’environ 8×4cm, simplement percé pour passer l’élastique. Un morceau de sangle fait aussi bien l’affaire, en percant à chaud pour « cautériser ».
Des « cones » de cuir, ou les poches à amorces des lance pierre de pêche, peuvent permettre de lancer des œufs
Pour l’assemblage, on peut utiliser du scotch souple (type électricien), ou mieux des serre-flex (petits modèle blanc, les sous-marques se désserrent). Il faut bien tendre l’élastique au maximum au moment de l’attacher, sinon il se détache en tendant.
PROJECTILES
Les cailloux sont rares dans le bocage. Leur irrégularité leur fait décrire des courbes.
On pourra leur préférer des galets bien rond, des écrous ou des billes (de verre ou d’acier).
Des fragments de céramique (bougies de voiture) permettent de faire voler en éclat le verre sécurit. Mais les pare-brises de fourgons de GM sont le plus souvent en plexi.
PAR EXTENSION
Sur le même principe on peut imaginer des « lance-pierres » fixes sur les palissades et barricades, tendus à deux mains et de tout son poid, avec, par exemple, des tendeurs de musculation ou beaucoup de fibres de tendeurs en guise d’élastique.
Fiche technique n° 3 : the famous molotov
Le principe est bien connu. Mais les détails comptent.
La bouteille doit se briser. À ce titre, préférer les bouteilles de vin ou jus de fruit à celles de biere.
Le mélange doit s’enflammer facilement, puis brûler assez longtemps. Le mélange 2/3 essence, 1/3 huile de vidange est assez efficace. Les ingrédients peuvent varier selon l’usage.
La mêche est un morceau de tissu. Il doit être assez absorbant pour assurer une belle flamme qui ne s’éteigne pas en vol. Imprégner la mêche au dernier moment, l’essence s’évapore vite. On peut soit coincer la mêche dans le goulot, soit la nouer autour de la bouteille, ce qui permet de reboucher avec un bouchon ou un bout de bougie et assure une meilleure conservation au cocktail.
Viser juste.
Fiche tecnique n° 4 : boucliers
Se protéger des tirs permet d’approcher bien plus près de la cible choisie. C’est une des conditions pour tenir à découvert.
À titre d’exemples :
Les bidons en plastique bleu, coupés en deux, assortis de deux poignées (une grande pour le bras, une petite pour la main) se portent seul, et permettent de s’abriter à deux (dont un lanceur).
Toutes sortes de banderolles en bache épaisse renforcée (de bois, tubes PVC, protections diverses) permettent de se déplacer à plus nombreux.
S’entrainer, en groupes mobiles, à avancer, reculer, encaisser des projectiles, permet d’être plus efficace et moins hésitant en situation.
Fiche technique n° 5 : méfiance #1 : pendant une attaque
Nous avons vécu cette situation : 10 flics déguisés en insurgés embarquent sur une barricade quatre de nos camarades. Quelques leçons à en tirer.
Autant que possible, décider de où et quand nous intervenons, plutôt que de se rendre à leurs invitations. Ce n’est pas toujours possible, en particulier lors de l’attaque d’un lieu. Mais certains de leurs mouvements sont très prévisibles.
Toujours évoluer en groupe de confiance. Ne pas se laisser isoler entre des inconnus. En particulier avant de faire quoi que ce soit d’illégal, vérifier par qui l’on est entouré. Avant d’être menée, une action n’a besoin d’être connue que par ceux qui y participent.
Être prêts à réagir vite — et sans doute violemment — si cette situation se répète. Des bâtons aident.
Dans l’urgence, mieux vaut être trop méfiant que pas assez. Et il faut arrêter de se vexer — et d’insister — lorsqu’on est écarté d’un groupe où on ne connait personne. Pure perte de temps et affaiblissement, pour tous.
Fiche technique n° 6 : méfiance #2 : communications/identifications
La géolocalisation d’un portable est une pratique plus que commune chez les flics. Les relevés de plaques aussi. Et ils filment souvent les allers et venues depuis leurs positions.
Même si l’on est pas en train de faire quoi que se soit de répréhensible, et même si on n’en a pas l’intention, se soumettre à ce fichage les aide. Par élimination, ressemblances, déductions, il leur est beaucoup plus facile d’identifier quelqu’un parmi un groupe défini.
Changer et échanger les vêtements – et les chaussures – le plus souvent possible. Attention aux détails (bijoux, tatouages, postures…).
Les communications sont très certainement surveillées.
Pour le téléphone : ne rien dire sur un portable, ne pas prendre de photos compromettantes. Même éteint, un téléphone peut servir de micro. Merci d’enlever sa batterie lors des discussions.
Pour internet : un ordinateur sous windows ou mac qui se ballade sur internet est un livre ouvert pour les RG. L’utilisation adéquate de Tails (se référer à leur site) résout la plupart des problèmes d’anonymat. Pas besoin d’être « bon » en informatique.
Pour rappel.
Les services secrets affectés par Sarkozy à la surveillance de l’« extrême-gauche violente », tournés très vite vers les « anarcho-autonomes » n’ont jamais été démantelés. Or, en ce moment, les « anarcho-autonomes », pour eux, c’est nous. La surveillance n’est pas un fantasme.
Fiche technique n° 7 : méfiance #3 : sur place et alentour
C’est le point le plus délicat. Devant la présence plus que probable d’infiltrés ou de balances, les mesures de sécurité nécessaires peuvent vite tourner à une ambiance délétère et paranoïaque, ce qui serait catastrophique pour un mouvement aussi ouvert que le notre. Ce ne serait pas la première fois que des rumeurs d’infiltrations savamment orchestrées pourrisse un mouvement plus surement que des infiltrés réels. Par ailleurs, contre un Mark Stone, il est difficile de faire quoi que ce soit. Mais on peut penser que la plupart des infiltrés n’ont pas sa « classe ».
Quelques consignes.
En cas de suspicion, éviter la rumeur. Rester discret, se renseigner : avec qui la personne est arrivée, qui elle connaît, ou elle dort. Qu’est ce qu’elle demande, à qui ? Tendre des perches ou des pièges.
Aux assemblées la théorie, les grandes lignes stratégiques. Aux petits groupes plus sûrs, l’organisation précise d’une action. Les départs s’annoncent au dernier moment, autant que possible.
Éviter les bavardages et spéculations sur qui a fait quoi. Qu’une chose ait été faite, cela suffit.
Lorsque l’on accorde sa confiance à une personne récemment rencontrée – ce qui, heureusement et inévitablement, ne cesse d’arriver – le faire pour soi, ne pas mouiller les autres sans leur en parler.
Ne pas oublier de vivre et de rire, ne pas faire régner la méfiance et le secret sur les moments où ils sont inutiles. Certains savoirs gagnent à être largement partagés – le comment, plus que le qui.
Se souvenir que nous gagnerons en étant nombreux à savoir nous battre et nous soutenir de 1000 manières, pas grâce à quelques groupes isolés et paranoïaques de guerriers.
Fiche technique n° 8 : Quand c’est trop tard
Connaître le numéro de la légal team et le nom d’avocats.
Refuser le fichage, même face au chantage, évite de le regretter toujours par la suite.
On peut refuser de donner son identité, mais c’est interdit. Pour le reste, il est préférable de ne RIEN dire aux flics. Ou de chanter des chansons. C’est autorisé, clair et simple à tenir. Leur boulot, c’est de tirer sur le moindre bout de fil qu’on leur donne pour dérouler la pelote. La fatigue après 48h peut faire faire des erreurs.
Toujours refuser la comparution immédiate, pour pouvoir préparer sa défense. On ne vous le proposera pas. C’est au moment de passer devant le juge qu’un délai se demande.
Il y aura des pressions (même peut-être de la part des avocats commis d’office). Des risques (réels) de préventive. Mais arriver à son procès sans l’avoir préparé, c’est la garantie de se faire massacrer.
Voilà pour les règles de base.
Un guide d’autodéfense médicale et juridique, plus complet, est disponible sur internet et sur la ZAD.
Fiche technique n° X : faire une fiche technique
Et bien, fais donc, rajoute au bout du texte, et renvoie à Indymedia Nantes et/ou zad(at)riseup(point)net.
Quelques suggestions :
• frondes et propulseurs
• patator
• catapultes
• médias et propagande
• brûler un véhicule
• saccager un parcmètre ou un automate de péage
• effacer ses empreintes digitales et adn
etc.
Juste prendre toutes les précautions nécessaires quant à l’opacité de la provenance.
Indymedia Nantes, 3 décembre 2012