« Je ne fais pas les poubelles de supermarché, c’est la foire d’empoigne. J’ai essayé une fois mais il faut se battre »

Témoignage. « Je vis grâce à ce que les gens jettent »

Mercredi soir peu avant 20 heures, dans le sud de Paris, les derniers clients se pressent pour acheter leur baguette. À quelques mètres de là, malgré le froid, Sylvie attend la fermeture et surtout la sortie de la poubelle.

« Je suis une habituée de cette boulangerie mais pas comme cliente… cela fait des années que je fais leur poubelle deux fois par semaine », explique cette Parisienne de 52 ans, son maigre butin entre les bras.

« Avec moins de 800 euros par mois, je ne peux plus faire face à mes charges qui sont toujours plus lourdes », ajoute cette ancienne assistante de direction en arrêt longue maladie dans le luxe avant de lâcher : « Je suis devenue une marginale, je vis grâce à ce que les gens jettent ».

Dix années déjà que l’agenda de Sylvie est rythmé par les horaires de sortie des bennes à ordures des magasins, les jours de brocante et de marchés. « Mais je ne fais pas les poubelles de supermarché, c’est la foire d’empoigne. J’ai essayé une fois mais il faut se battre ».

Comme toutes les personnes au budget étriqué [sic – NdJL], Sylvie raconte un quotidien fait de « petits trucs » pour économiser chaque euro.

Les marchés sont une autre solution pour glaner quelques fruits ou légumes abîmés mais aussi profiter des prix de gros pratiqués dans les dernières minutes. Et les brocantes, l’occasion de trouver des petits meubles ou des vêtements pour très peu.

La « terrible angoisse » de l’hiver

« Et puis, je profite aussi un peu de la générosité des gens. Depuis que j’ai découvert le site donnons.org, cela m’a sauvé », explique cette femme blonde menue et discrète, qui consulte quotidiennement les annonces de dons déposées sur le site internet.

Il y a deux ans, avec l’envolée des prix du gaz et de l’électricité, Sylvie raconte qu’elle n’a pas pu payer ses factures et s’est retrouvée avec sur les bras de nombreux impayés.

« La seule solution que j’ai trouvée, cela a été de vendre tous mes meubles. J’avais encore quelques vieux meubles de famille de mon grand-père et cela a été un déchirement mais je n’ai pas eu le choix et ensuite je me suis remeublée grâce aux dons ».

Depuis l’approche de l’hiver est une « terrible angoisse ». Sylvie a bloqué son thermomètre sur 12°C et quand elle a trop froid, elle va se réchauffer en faisant le tour des magasins.

Un paradoxe pour cette femme qui n’a pas acheté un vêtement neuf depuis des années. « On peut très bien se vêtir uniquement avec ce que les gens laissent mais on ne peut pas porter longtemps les mêmes fringues car c’est quand même très usé ce que l’on récupère », avoue Sylvie ajoutant rapidement avoir été une « vraie coquette dans sa vie d’avant ».

Le coiffeur est aussi une difficulté : « Avant je m’arrangeais pour faire modèle dans les écoles de coiffure, même si ce n’était pas toujours génial, on ne payait rien mais maintenant c’est 25 euros donc je n’y vais plus ».

Selon elle, « le plus déprimant » c’est de croiser de plus en plus de gens qui vivent en fouillant les poubelles. « On est de plus en plus nombreux à se retrouver et donc à partager quelques restes. Ça devient dur ».

Leur presse (Agence Faut Payer, 1er décembre 2012)

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