Ces temps-ci, à travers le mirroir déformant des médias et les infos qui circulent, il semblerait que la question des journalistes soulève beaucoup de débats, voire de conflits, avec action directe entre opposantEs (sic) d’arrachage de pancartes etc.
C’en est même devenu un sujet à part entière dans les médias. La même dépêche tourne quasi en boucle. Mais cela n’a rien d’étonnant.
Les journalistes ont ainsi un papier tout prêt, peuvent parler d’eux-mêmes, et aller jusqu’à s’interviewer mutuellement.
Au passage en plus, on peut continuer d’instiller cette bonne vieille stratégie de la division, en parlant des bons oppasants (les « historiques » pour pas faire trop binaire), et les « nouvelleux arrivantEs complètement sectaires et qui n’ont rien à voir avec la lutte ».
En gros comme d’habitude une minorité d’étrangers ultra-violents / professionnels (probablement bénévoles contrairement aux politiciens professionnels si tant est qu’on sache de qui il est fait mention), à qui ce serait tout la faute parce qu’ils suivent pas les desiderata des journalistes.
Et tant mieux si au passage, on fait table rase de l’histoire des relations entre cette lutte et les médias. En cherchant un peu, on trouve pourtant des échos de ces relations, comme cet exemple révélateur pendant le Camp Climat. Non, ce rapport avec les journalistes n’est pas nouveau sur cette lutte, et n’est pas le fait d’une lubie comme les caricatures de la presse voudraient le faire croire.
C’est tout bénef donc, et ça permet de ne pas parler du fond de cette lutte. Enfin de celui qui leur plaît, comme il leur plaît. Voire même comme France 3 Pays de la Loire, de prétendre qu’il n’y a pas de discussions de fond au sein de la lutte…
On aura presque tout lu. Mais on pourrait se questionner de toute façon sur l’ensemble de la ligne éditoriale de ce média local, comme d’autres (Presse Océan est toujours un bon cas d’école également). Et ce d’autant plus si l’on prend le temps de le faire dans un temps plus long que simplement les expulsions.
C’est toujours un débat récurrent à un moment dans les mouvements sociaux, et c’est souvent bénéfique de regarder comment les précédents ont agi face à cette question. Tirer des conclusions de leurs erreurs et réussites pour mieux savoir comment l’aborder.
Il existe pas mal de textes qui traînent sur le net, des brochures, des sites qui permettent de se documenter.
Ce court texte de Serge Halimi notamment est une bonne base d’une critique du rapport entre journalistes et mouvements sociaux et des enjeux pour une lutte :
Cette autre brochure plus spécifique apporte aussi un bon éclairage des techniques journalistiques :
Techniques de désinformation, Manuel pour une lecture critique de la presse
Le site acrimed.org regorge de textes sur cette question. Se familiariser avec les idées de Chomsky ou Bourdieu est aussi très éclairant.
Cette question est importante pour une lutte et doit se poser clairement. Surtout en ces temps ou le pouvoir cherche à temporiser. D’autant plus quand on voit comment les médias ont passé sous silence cette occupation dès le départ et même au début des expulsions. Le fait que les informations circulaient en dehors de la presse a participé à les contraindre à en parler. C’est un atout à ne pas oublier et à conserver pour la suite.
Prendre le risque de vouloir axer la communication par le biais de la presse ne peut se faire sans en connaître les conséquences : la désignation de leaders par celle-ci, l’obligation de dépendre des journalistes et de se plier à leurs multiples exigences (qui ne sont pas sans conséquences pour une lutte), se plier aussi au mythe de l’opinion publique, l’instillation de divisions dans le mouvement. Le faire sans préparation, c’est prêter le flan à toute sorte de fragilités qui peuvent se révéler fatales conjuguées à d’autres.
Ce serait sans doute bénéfique pour ce mouvement que ce débat prenne place complètement. Faire circuler des textes serait certainement un premier pas.
Indymedia Nantes, 3 décembre 2012