Restructuration sans fin

Flexibilité, extension des contrats à durée déterminée, licenciements sans que l’employeur ait besoin de recourir à un plan de sauvegarde de l’emploi, etc., etc… [Les phrases soulignées sont de notre fait. (NdJL)]


Marché du travail : le projet du patronat insiste sur la flexibilité

Un timide geste vers les organisations syndicales. Après trois semaines de réflexion, le patronat a soumis à la négociation un premier projet d’accord sur le marché du travail, mercredi 14 novembre. Ce projet, qui doit être discuté jeudi en séance, fait un petit pas vers les attentes syndicales en matière de sécurisation de l’emploi, tout en détaillant les attentes patronales de flexibilité. François Hollande a rappelé mardi, lors de sa conférence de presse, qu’il attendait que cette négociation donne « aux salariés et aux entreprises plus de souplesse et plus de protection face aux aléas de la conjoncture ».

Le patronat évoque plusieurs pistes qui pourraient renforcer les droits des salariés précaires, mais sans rentrer dans les détails. Le texte propose ainsi par exemple « d’améliorer la couverture complémentaire pour tous les salariés », de renforcer les droits à la formation des personnes en CDD ou de « faciliter l’accès au logement ». Autant d’idées qui pourraient séduire des syndicats, à condition qu’elles soient précisées.

Car côté flexibilisation, le texte patronal est parallèlement nettement plus détaillé. Il prévoit ainsi que les CDI de mission, conclus pour l’exécution d’un projet déterminé, puissent être utilisés beaucoup plus facilement. Le patronat veut également que le délai de prescription pour saisir les prud’hommes soit ramené de cinq ans à douze mois et que le montant des condamnations pour licenciement sans motif réel et sérieux soit limité.

« RÉGRESSION HISTORIQUE »

Par ailleurs, les accords compétitivité-emploi, qui doivent permettre de garantir l’emploi dans les entreprises en difficulté en échange de sacrifices des salariés, seraient largement facilités. Les personnes qui refuseraient les sacrifices pourraient être licenciées sans que leur employeur ait besoin de recourir à un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), qui comporte bien souvent de coûteuses obligations de suivi et de reclassement. En contrepartie, le patronat propose que ces accords de compétitivité-emploi ne puissent pas durer plus de deux ans.

Le texte prévoit également de faciliter les licenciements économiques. Les salariés qui se verraient proposer une offre de reclassement qualifiée de « valable » perdraient la capacité de contester en justice leur licenciement. S’ils refusent cette offre, ils pourraient même voir leurs indemnités chômage « diminuées ». Pendant toute la période de reclassement, les recours ne seraient possibles que devant la justice administrative et uniquement « sur la procédure et/ou la qualité du plan de reclassement ».

Des propositions qui ont immédiatement suscité les critiques des syndicats. Il s’agit « d’une régression historique » vers « la précarisation du CDI et plus de flexibilité », a réagi la négociatrice de la CGT Agnès Le Bot auprès de l’AFP. « Ce texte, assez éloigné de ce que l’on veut, ouvre de petites portes. Il a au moins le mérite d’ouvrir la négociation », a expliqué plus prudemment Patrick Pierron (CFDT). Côté patronal, on ne cache pas que le texte, délibérément flou, sera amendé d’ici à la fin de la négociation, prévue pour durer jusqu’à la fin de l’année. « Derrière chaque item sur la sécurisation, nous mettrons des choses plus détaillées », promet-on au sein du Medef.

Un sujet apparaît malgré tout nettement en retrait, et ce alors que des attentes fortes ont été exprimées à la fois par les syndicats et le gouvernement : celui de la taxation des contrats courts. La CGPME ne cache pas son hostilité à tout relèvement de cotisation chômage pour les CDD ou l’intérim.

Le texte, fruit d’un dur compromis au sein du patronat, évoque, avec un maximum de prudence, l’idée que « la durée de périodes d’emploi » et « les efforts d’employabilité développés par l’entreprise », puissent être « pris en compte ». Une formulation floue qui a de quoi décevoir les attentes syndicales, d’autant plus qu’en parallèle le patronat remet sur la table l’idée d’un retour à la dégressivité dans le temps des indemnités chômage.

Presse esclavagiste (LeMonde.fr, 15 novembre 2012)

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