[Notre-Dame-des-Landes] « L’attaque des CRS a rapproché tout le monde »

Près de Nantes, au cœur du bocage anti-aéroport

Un mois après les premières interventions de centaines de gendarmes mobiles et de CRS, on se serre les coudes à Notre-Dame-des-Landes. Opposants de longue date à l’aéroport, paysans, militants politiques, squatters, préparent une manifestation de réoccupation de la zone, samedi. Rencontres.

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Sylvain Fresneau (à droite) a mis son hangar agricole à disposition des expulsés et de ceux qui affrontent les forces de l’ordre.

Permanence des opposants à l’aéroport, devant la mairie de Notre-Dame-des-Landes. Une délégation venue de Dinan-Saint-Malo se présente avec pâtes, riz, fruits secs, et crêpes dentelles.

Mais Julien Durand et Michel Tarin, paysans retraités et piliers de la contestation, doivent d’abord régler une urgence : négocier avec une poignée de jeunes. Fraîchement débarqués, ceux-ci barrent une route départementale. Pas besoin d’en rajouter, alors qu’aucune force de l’ordre n’est signalée dans le secteur.

Surtout que des riverains expriment leur lassitude. Comme cette jeune femme, qui a appelé notre rédaction, racontant ses difficultés quotidiennes de déplacement, pour cause de routes défoncées, de barricades en feu, et de barrages de gendarmerie…

Direction la Vache-Rit, hangar agricole devenu base de vie et centre opérationnel des occupants de la ZAD (comprendre « zone à défendre »). L’ancien docker nazairien Gilles Denigot y a installé une grande marmite récupérée chez un copain charcutier bio. « On peut y préparer à manger pour 300 personnes. »

Expulsés des maisons vides qu’ils squattaient, délogés de constructions en bois et en terre, les militants anti-aéroport viennent ici se réchauffer, se nourrir, changer de vêtements avant de repartir harceler gendarmes mobiles et CRS.

Une partie du hangar est envahie par des collines de vêtements secs, des forêts de bottes, déposés par des soutiens extérieurs. Un couple de Carquefou est venu chercher des vêtements boueux, et les a lavés. Plus loin, l’espace nourriture. « Une fois par semaine j’apporte des légumes », témoigne Thérèse, une retraitée de Guenrouët.

La vache-Rit est sur le terrain de Sylvain Fresneau, 50 ans, cinquième génération de paysans. Son Gaec des Pommiers, 90 vaches laitières, est en cours d’expropriation. Le paysan a mis le hangar à disposition de ceux qu’il appelle « les jeunes ». Il déteste le mot « squatters ».

« Les CRS nous ont rapprochés »

« Sans eux, nous serions restés bien seuls dans la lutte. Les premiers sont arrivés il y a trois ans. Des relations se sont nouées. On se rend service. Aujourd’hui, certains vont m’aider à collecter les ficelles de bottes de paille et les bâches d’ensilage. » Au Liminbout, autre exploitation condamnée, Sylvie Thébault, exploitante de 46 ans, confirme. Elle avait aidé « les nouveaux habitants » qui retapaient Les Planchettes, une maison vide, rasée mi-octobre. « Quand mon mari a fait la grève de la faim, ils ont assuré la traite du soir ».

Alain Bretesché, lui, vit à la Rolandière depuis vingt ans, dans une maison désormais propriété d’Aéroports du Grand Ouest. Un sursis, obtenu par les grévistes de la faim du printemps, protège temporairement le couple de l’expulsion. Il a recueilli chez lui une éducatrice allemande et ses trois enfants, restés sur zone après un rassemblement anti-aéroport.

Aux Fosses noires, Élisabeth, 53 ans, locataire elle aussi bénéficiaire du sursis, a ouvert ses dépendances aux expulsés. Damien, 30 ans, y prépare une fournée. Venu « lutter contre l’aéroport, et expérimenter un autre mode de vie », le boulanger vivait aux 100 Chênes. « On avait des ruches, un jardin, on était autonomes ». Il a eu le temps de démonter son four avant l’arrivée des pelleteuses.

Camille, jeune maraîcher diplômé en environnement, avait été installé sur le terrain du Sabot par le mouvement international Reclaim the fields (Récupérons les champs). « On produisait des légumes pour les occupants de la zone. On nourrissait les antinucléaires, et les opposants aux lignes très haute tension. » Il ne reste rien du Sabot.

Un tracteur passe, la remorque chargée de matériaux de récupération. Samedi, les opposants appellent à une manifestation dite de « réoccupation ». Avec en point d’orgue la construction d’un bâtiment collectif.

D’autres abris sont déja en construction sur des terres mises à disposition par des propriétaires pas encore expulsables. Déjà ça trie, dépointe, préassemble. Par le passé, les occupants de la zone et les opposants historiques ont pu diverger dans leurs stratégies. « L’attaque des CRS a rapproché tout le monde », résume Alain Godin, paysan bio de 63 ans, un des pionniers de l’opposition à l’aéroport.

Publié par des larbins de la maison Poulaga (Marc Le Duc, Ouest-France.fr, 13 novembre 2012)

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