[Travailler gratuitement les samedis ?] Les syndicats UGT et Commissions ouvrières (CCOO), qui appellent pour le 14 novembre à une grève de 24 heures, signent deux jours auparavant un accord avec Renault sur la flexibilité

En France, Renault veut une compétitivité espagnole

C’est la dernière ligne droite pour les salariés espagnols de Renault. Jeudi 8 novembre, la direction du groupe français à Madrid et ses syndicats doivent conclure un mois d’âpres négociations pour un nouvel accord de compétitivité des quatre usines locales du constructeur, après celui signé en 2009 [Selon Planet Labor (12 novembre 2012), la direction de Renault et les trois syndicats majoritaires UGT, Commissions ouvrières (CCOO) et la Confédération des cadres (CCP), ont conclu « un accord de flexibilité dans l’espoir de décrocher la création de 1300 emplois » (Note du JL)].

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En France, ces discussions sont scrutées par les syndicats de l’ex-Régie, après l’ouverture officielle, mardi, d’une négociation similaire censée « assurer une base industrielle solide et durable en France ».

Car la direction du groupe a été claire. Elle n’attribuera de nouveaux véhicules ainsi que des volumes minimaux de production à ses différents sites hexagonaux que si un accord est trouvé sur une meilleure organisation du travail et les salaires. Avec comme modèle le site de Palencia, en Espagne, qui serait – c’est en tout cas ce que les partenaires sociaux entendent à longueur de réunions – le plus compétitif du groupe.

Dans la péninsule Ibérique, Renault brandit une autre référence – l’usine roumaine – pour
obtenir là aussi des efforts de ses salariés. Le groupe a annoncé un « plan industriel » qui prévoit l’embauche de 1300 personnes pour ses sites d’assemblage de Palencia et Valladolid et ceux de production de boîtes de vitesse et de moteurs de Séville et Valladolid. En échange, le constructeur exige des concessions des syndicats.

ÉCONOMISER 400 EUROS PAR VÉHICULE

« Les prétentions de l’entreprise lors la première réunion, mi-octobre, étaient de faire gagner de la compétitivité essentiellement par le biais des baisses de salaire et de l’augmentation du temps de travail », rappelle Leandro Martin Puertas, de l’Union générale des travailleurs, syndicat majoritaire de la marque au losange en Espagne.

« Les conditions qui accompagnent le plan industriel de Renault sont, à nos yeux, exorbitantes et difficiles à accepter », juge Ruben Gonzalez, de Commissions ouvrières, le second syndicat de Renault.

« Pour être plus compétitifs, Renault nous demande de parvenir à économiser 400 euros sur le coût de fabrication de chaque véhicule, reprend M. Martin Puertas. La moitié de cette somme serait gagnée grâce à des sites de production plus resserrés [ce qui permettrait de réduire les coûts logistiques], 100 euros par une rotation plus rapide des stocks, et 100 euros grâce à une réduction des salaires des personnels. Cela passe par la suppression de demi-salaires supplémentaires en mars et septembre et d’une prime pour le travail le samedi, mais aussi par l’augmentation du temps de travail et la baisse de 27 % du salaire des nouvelles recrues… »

« SANS CESSE EN CONCURRENCE »

Depuis le 15 octobre, Renault et les syndicats se sont accordés sur plusieurs points. Mais, mercredi soir, les négociations étaient toujours dans l’impasse. « La question des salaires pose toujours problème, indique M. Gonzalez. Nous considérons important de maintenir les deux demi-salaires supplémentaires de mars et septembre, obtenus il y a quelques années par des grèves. Si l’entreprise nous les supprime, cela correspondrait à une baisse de 6 % de notre salaire, après les avoir  gelés trois ans ! »

Avec 25 % de chômage en Espagne, les syndicats locaux savent que le rapport de force est en leur défaveur. « Renault en joue », confirme M. Martin Puertas. En l’absence de concessions des syndicats fin octobre, le constructeur a menacé tout simplement de retirer son plan industriel.

« Nous ne pouvons pas tout accepter, mais pas non plus être trop exigeants dans les négociations, car ce plan est très important pour nous, reprend M. Martin Puertas. Il permettrait de créer de l’emploi dans les usines Renault durant plusieurs années. »

Ce qui agace le plus en Espagne, comme en France, conclut M. Gonzalez, c’est d' »être mis sans cesse en concurrence avec les autres usines du groupe. Renault dit en France que l’Espagne est plus compétitive, mais ici on nous compare avec la Roumanie en nous demandant de travailler gratuitement les samedis, comme là-bas. Nous ne sommes pas disposés à céder à ce genre de chantage ! »

Presse esclavagiste (Philippe Jacqué & Sandrine Morel à Madrid, LeMonde.fr, 8 novembre 2012)

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