[Chronique de Youv derrière les barreaux] « Nique les limitations de vitesse ! »

http://juralib.noblogs.org/files/2012/09/0513.jpg[1er mars 2012]
Lettre moto-cross

PAS BESOIN DE PERMIS MOTO ACCROCHE-TOI BIEN DERRIÈRE MOI JE T’EMMÈNE

Je monte sur ma bécane un coup de cric je passe la première accroche-toi bien même si je n’ai que 14 ans je mange le bitume de ma cité en passant je passe le salam à mes proches ma famille qui m’aime pour ce que je suis, pas pour ce que j’ai fait. 15 ans je passe la deuxième toujours sur le bitume chaud de ma rue j’pose vite fait ma moto pour taper un match de foot enragé en bas des tours HLM. Après deux-trois frappes je chevauche à nouveau mon cross pour arpenter ma tess cette jungle urbaine où la mentalité y est pirate ! Nique les limitations de vitesse ! 16 ans je roule toujours en deuxième en roue arrière dans des sens interdits, ce qui devait arriver arriva… Accident je tombe trois mois à Bois-d’Arcy mais les semelles de mes Stan Smith remplacent les pneus de ma bécane je roule et déroule en promenade, voilà ce qui arrive quand tu ne respectes pas leur code de la route, mais comment respecter un code que l’on a du mal à déchiffrer, on s’est pas inscrits dans leur auto-école, c’est pour ça que l’on roule n’importe comment, que l’on est souvent dans l’excès en grillant des feux rouges, à chaque fois que l’on a essayé de rouler normal sur leur autoroute on nous jetait sur la bande d’arrêt d’urgence. Donc on a pris goût à rouler en marge de la société et c’est malgré nous que l’on roule à contresens. 17 ans je passe la troisième à ma sortie à cent à l’heure sur l’autoroute du haram, encensé par la critique du ghetto c’est légi­timement que j’embrasse les chemins de l’illicite, voitures volées, rébellions, pillages de grandes surfaces au rayon Super Nintendo et Sega Megadrive voilà mon quotidien à cette époque pourquoi acheter ce que l’on pouvait avoir à l’œil ? Sans CV ni lettre de moti­vation la seule condition requise était de tenir sa langue en cas de pépin, jamais donner le nom de qui que ce soit ! Une fois que tu as compris ses règles la rue t’ouvrait grand ses bras. 18-19 ans je passe la quatrième après de nombreux va-et-vient entre la GAV et la prison j’ai fait à cette époque une escale sentimentale dans les bras d’une rose du bitume, agréable fut l’escale mais certaine rose quand vous la serrez trop fort, elle sort ses épines, donc j’ai repris ma route à 200 % la tête baissée sur la voie de droite j’ouvre les yeux à nouveau menotté enfant trop agité m’a diagnostiqué cette République, elle me jette en centre de rétention pour me rapatrier d’urgence dans ma patrie natale. Je passe la cinquième et réussis à esquiver le charter de la double peine à nouveau dehors la rage décuplée fini de faire semblant je ne faisais plus de détail comme ils ne rigolaient pas avec nous je décide d’en faire autant contre eux. Finis les petits larcins quitte à retourner à l’ombre il fallait y aller pour des trucs sérieux. J’ai pris les armes avec un groupe de soldats, on a pris le maquis, s’enrichir par tous les moyens était notre seul slogan, on a fait flotter notre étendard sur les toits de plusieurs agences bancaires, je ne m’en félicite pas donc je passe vite fait la sixième dix ans plus tard avec pertes et fracas, le moteur de ma bécane est toujours chaud bouillant toujours intact, j’écris ce texte enchaîné dans ma grotte, mais l’enfant du ghetto n’a pas pris une ride même si le temps est passé car le temps n’attend personne, et de l’eau a coulé sous les ponts, ma détermination reste la même car dans nos rues existent et persistent les mêmes problèmes les mêmes injustices, je passe la septième pour conclure ce texte qui est le cri muet d’un banlieusard que l’ambition a failli détruire enterré sous des barbelés.

ENFANT DU GHETTO FAIS DOUCEMENT NE ROULE PAS TROP VITE SUR L’AUTO­ROUTE DE L’ILLICITE CAR SOUVENT SE CACHE UN DRAME AU TOURNANT !

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