[Chronique de Youv derrière les barreaux] « J’étais en cellule avec deux mecs de ma zone (78), de vrais gremlins, des sheytans, en m’ajoutant dedans ça a fait un cocktail explosif, une cellule de fous c’était la colonie de vacances »

http://juralib.noblogs.org/files/2012/09/0513.jpg[30 janvier 2012]
Partie : On ne peut pas tout avoir

ON NE PEUT PAS TOUT AVOIR DONC GARDONS BIEN PRÉCIEUSEMENT CE QU’ON A !

On n’est jamais satisfait de ce que l’on a on en veut toujours plus, dehors je tournais à 10’000 euros par semaine, mais je n’étais pas content de ce que j’avais, je me suis noyé sur le chemin glissant de l’appât du gain. L’argent acquis est aussitôt dilapidé dans les sapes, les restos, les voitures, les va-et-vient entre Mantes-la-Jolie et Toulouse, je me croyais tout permis, enchaînais des séries de braquages, comme des séries de matchs de foot, on croyait trop que le monde appartenait à notre père, je connaissais plus de monde qu’il n’en faut du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, j’avais un carnet d’adresses tel un ministre spécialiste en tous genres dans le haram, je n’avais pas de véritables amis que des associés. Pas un pour raisonner les autres, l’appât du gain nous mettait tous d’accord.

2005 : Maison d’arrêt de Bois-d’Arcy, midi toujours ma tête enfouie sous ma couette. J’étais en cellule avec deux mecs de ma zone (78), de vrais gremlins, des sheytans, en m’ajoutant dedans ça a fait un cocktail explosif, une cellule de fous c’était la colonie de vacances. On ne manquait de rien, on avait chacun notre téléphone et on parlait jusqu’à l’aube avec nos compagnes de l’époque. On était déconnectés littéralement de la prison, mais on en voulait toujours plus à l’affût de la moindre carotte qui nous mettrait encore plus à l’aise que l’on ne l’était déjà. Le Sheytan avait élu domicile dans notre cellule, les matons avaient remarqué qu’il s’y passait des choses anormales, mais on n’avait pas besoin d’eux.

Une info est remontée jusqu’à nous, notre voisin d’à côté avait reçu un bigo qui faisait photo, c’était le jackpot pour nous car à l’époque rares étaient les téléphones qui faisaient photo. Maintenant qu’on avait notre cible il nous fallait juste trouver le moyen de le faire lâcher prise. On décide de lui envoyer un fax (lettre écrite sur un bout de papier que l’on se passe de cellule à cellule au dos d’un bon de cantine), que je lui envoyai par yoyo :

Nous : « Wesh mon pote c’est la cellule 214, on a appris que tu avais un bon bigo, nous il nous est arrivé une galère avec nos bigos, on t’expliquera mieux demain en promenade, envoie ton bigo cinq minutes pour joindre la famille il y a eu un décès on compte sur toi. »

(Oulalala la lettre, trop cramé qu’on voulait lui mettre une pilule.)

Lui : « Désolé les frères, j’ai pas de bigo. »

Il nous a répondu aussi sec et nous comme des sheytans on s’engrenait et se chauffait dans la cellule, on voulait le monter en l’air.

(Ça tape dans son mur !)

Nous : « Ouais la famille, c’est la 214 ! »

Lui : « Wesh la 214 ça va ou quoi ? »

Nous : « Non ça va pas on est en galère tu fais le bâtard là, envoie ton bigo, on fait ce qu’on a à faire et dans quinze minutes tu l’as ! »

Lui : « Vas-y OK ! Je vous envoie ça là ! »

Il met ça dans une chaussette et nous l’envoie par yoyo, dès que nous étions sûrs que c’était le bigo, on s’est mis par la fenêtre et on l’a insulté :

Nous : « Eh le mec de la 212, va niquer ta mère ! Le téléphone il est à nous ! »

Comme des hyènes on ricanait entre nous dans la cellule, on était contents de notre coup de lâche et on n’avait même pas encore fini de rire que la porte de la cellule s’ouvre, dix matons déboulent dans la cellule et nous dépossèdent de quatre téléphones, ils avaient cramé tout notre manège à 3 heures du matin, des va-et-vient des yoyos on éveillait leur suspicion. On avait tout et on a tout perdu, on se retrouvait tous les trois au mitard en plein hiver, et c’était bien fait pour nous.

BIEN MAL ACQUIS NOUS ENVOYAIT AU MITARD, ON AVAIT TOUT ON MANQUAIT DE RIEN ET ON VOULAIT ENCORE PLUS, NOS RÊVES ONT LA DALLE ET ON LES NOURRIT COMME ON PEUT !

FAUT SE CONTENTER DE CE QUE L’ON A PARFOIS, MAIS ON A LES YEUX PLUS GROS QUE LE VENTRE, À FORCE D’AVOIR TROP LA DALLE ON RISQUE DE MOURIR DE FAIM !

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