Le vendredi 21 septembre 2001, à 10h17 à Toulouse, 300 tonnes de nitrate d’ammonium explosent à l’usine chimique Azote Fertilisants (AZF, une usine impliquée aussi dans la fabrication d’explosifs à usage civil et militaire). Le bilan officiel fait état de 31 morts (mais oublie de parler des dizaines de décès suivant les jours de l’explosion), des milliers de blessés (mutilés à vie, polytraumatisés, brûlés, aveugles, sourds…), plus de 50’000 personnes souffrant de troubles psychologiques, 27’000 logements, un hôpital, des lycées, des collèges, des écoles, 144 entreprises endommagées ou dévastées, des milliers de salariés en difficulté, etc.
Le 24.09.12, la cour d’appel de Toulouse condamne l’ancien directeur de l’usine, Serge Biechlin, à 3 ans de prison (deux avec sursis et un en semi liberté) pour homicide involontaire et à une amende de 45’000€. La société Grande Paroisse doit payer quant à elle une amende de 225’000€.
VOUS AVEZ AIMÉ AZF, NE LOUPEZ PAS SNPE/SME-SAFRAN
La double condamnation prononcée par la cour d’appel de Toulouse contre l’entreprise Grande Paroisse et le directeur de l’usine AZF est une satisfaction pour les parties civiles (avocats et associations de défense des victimes). Pour certains c’est une grande victoire, pour nous c’est une défaite.
Une défaite, parce que la condamnation symbolique de Grande Paroisse et du directeur d’AZF est une triste farce qui a pour unique but de rassurer l’opinion publique. Une défaite, parce que même si ces lampistes avaient été plus lourdement condamnés, les actionnaires et les pouvoirs publics eux (des institutions de l’état aux collectivités locales qui donnent les autorisations d’exploitation aux industriels et qui développent l’urbanisme autour des usines), s’en seraient de toute manière toujours bien sortis. Les véritables responsables des catastrophes sont sûrs de leur impunité parce qu’ils ne sont jamais directement mis en cause par la justice et jamais directement touchés.
Une défaite, parce que cette justice aux ordres adresse encore ici un signal de complaisance à tous les hauts responsables qui privilégient les profits à la sécurité des salariés et des riverains des usines. Une justice à deux vitesses qui accorde à un serviteur zélé un an en semi liberté, pour plusieurs dizaines de morts et des milliers de blessés, alors que chaque jour ces mêmes juges enferment les pauvres pour de nombreuses années. Mais la prison n’a jamais rien résolu et il ne s’agit pas ici de réclamer une peine plus dure.
Une défaite, parce que ce jugement est une assurance pour tous les directeurs d’usines : vous ne risquez pas grand chose. Un jugement qui leur donne carte blanche pour continuer à satisfaire les conseils d’administration réticents à investir dans la sécurité des établissements. Même si tout le monde s’accorde pour dire que la sécurité techno/industrielle totale est impossible.
Une défaite, parce que ce jugement fait croire aux salariés maintenus dans leur condition d’exploités que leur sécurité et leurs conditions de travail sont prises en compte, qu’ils peuvent améliorer leur vie et celles de leurs proches en faisant appel à la justice.
Une défaite parce que ce jugement s’appuie sur une version chimique de l’explosion qui ne satisfait que les pouvoirs publics et les naïfs, alors que le trouble et la raison d’État règne toujours sur les causes de la catastrophe, alors que rien n’explique la coupure électrique qui s’est produite sur le site et dans le quartier quelques secondes avant.
Une défaite, parce qu’au final le pôle chimique de Toulouse Sud est toujours là, dans la ville, avec sa production de mort. Avec de nouvelles entreprises de bio et nano-technologies civiles et guerrières. Avec l’ancienne SNPE, Société Nationale des Poudres et Explosifs qui s’appelle aujourd’hui la société HÉRACLÈS appartenant au groupe SAFRAN (seule entreprise stratégique française à fabriquer les carburants des fusées spatiales et des missiles de la force de frappe nucléaire. Des entreprises soumises au secret défense qui manipulent des tonnes de produits toxiques et explosifs.
Une défaite, parce qu’avec de telles productions, une nouvelle catastrophe est toujours possible et même prévisible.
Nous ne crions pas victoire, parce que le combat contre le complexe militaro-industriel ne s’arrête pas aujourd’hui avec ce jugement. Il y a un monde à détruire, des milliers de sites industriels producteurs de mort, des milliers d’AZF en puissance à sortir de nos vies. Il y a un futur à construire, sans État, sans actionnaires, sans salariés, sans patrons…
Aucune réforme législative, révision de la loi Bachelot sur les risques industriels, négociation au Ministère de l’Écologie ou autres foutaises sécuritaires ne permettront la réduction des risques nécro-industriels pour la population mondiale dans son ensemble. Seule une révolution sociale globale a une chance d’arrêter le processus de destruction planétaire engagé par l’industrie guerrière, civile et militaire.
Moins toujours ça, ici et partout – Des riverains du pôle chimique de Toulouse Sud – 26.09.12