[Chronique de Youv derrière les barreaux] Partie 65 – « À quoi bon vivre si c’est pour survivre dans la zermi, j’ai versé toutes les larmes de mon corps quand je voyais nos mères illettrées mais dignes à qui la dame du guichet de la CAF les traitait de profiteuses du système, quel système ? dans nos ascenseurs ça pue la pisse, on vit entassés dans des F4, on devait rester là ne rien dire, subir mais nos mères jamais un mot plus haut que l’autre, même face à toutes ces réflexions, tout ça me remplissait de colère, j’étais haut comme trois pommes mais je voulais porter ma mère sur mon dos, sécher ces larmes qui coulaient à l’intérieur, je me suis juré de les sortir de là »

Partie 65

ON AIME TOUS ALLER VOIR LES LIONS AU ZOO MAIS QUI OSE DESCENDRE DANS LA FOSSE AUX LIONS ?

À l’âge de 4 ans j’arrive à Mantes-la-Jolie, trois ans plus tôt j’atterrissais à Orly tout droit débarqué de ma Mauritanie natale, issu d’une famille pieuse 100 % musulmane, qui aurait cru que vingt-cinq ans plus tard je dormirais en cellule, sans escale. Que s’est-il passé pendant ce quart de siècle ? Qu’est-ce qui a poussé un jeune immigré d’une famille aimante à sortir les crocs face à Marianne ? Parti de Mantes-la-Jolie pour un long périple, les braquages comme motivation, sortir les miens du ciment comme conclusion j’étais prêt à me sacrifier à 100 % pour ceux que j’aime. À quoi bon vivre si c’est pour survivre dans la zermi, j’ai versé toutes les larmes de mon corps quand je voyais nos mères illettrées mais dignes à qui la dame du guichet de la CAF les traitait de profiteuses du système, quel système ? dans nos ascenseurs ça pue la pisse, on vit entassés dans des F4, on devait rester là ne rien dire, subir mais nos mères jamais un mot plus haut que l’autre, même face à toutes ces réflexions, tout ça me remplissait de colère, j’étais haut comme trois pommes mais je voulais porter ma mère sur mon dos, sécher ces larmes qui coulaient à l’intérieur, je me suis juré de les sortir de là. J’étais qu’un jeune lionceau mais j’avais les mêmes ambitions que le roi de la jungle étant parti de rien je n’avais rien à perdre, la prison ce n’était qu’un détail, mes huit ans d’enfermement aussi, quand ta cause est juste tu pouvais tout affronter, mes paroles peuvent paraître une folie pour certains mais chaque syllabe qui sort de ma bouche est assumée, je donnerais ma vie pour que mes proches soient à l’abri.

LE PARADIS SE TROUVE SOUS LES PIEDS DE NOS MÈRES ET MÊME SI IL NE S’Y TROUVAIT PAS MOI JE LUI DONNERAI MA VIE.

Personne pourra m’arrêter y a que Dieu qui pouvait me juger, même après ma mort, mes écrits resteront et mettront tout le monde d’accord, et même les jaloux qui diront « wallah Oumar Allah y rahmo, il avait trop raison, ces textes puaient trop la réalité ».

Je ne suis pas à plaindre, tous les jours je mange à ma faim, j’ai assez de sape pour saper trois villages hamdoulilah LOL donc tranquille je patientais bientôt ils ouvriront les portes de la prison tellement j’étais pressé, je dormais même avec mes baskets MDR. Fini les armes, les bracos les soirées à m’abrutir en discothèque, je plaignais ma femme car je voulais minimum cinq enfants direct, j’ai plus de temps à perdre, y en a ils font des chichis quand leur marmot les réveille en pleine nuit en pleurant, non moi je vais trop kiffer, j’ai tellement attendu je crois que je vais même planter une tente à côté de son berceau et dès le premier cri je le bercerai jusqu’à l’aube.

Aussi longtemps que je me souvienne, ils ont toujours tout fait pour me faire craquer, que je sorte de prison sans neurone, j’étais tombé pour la Ligue des champions seul je ressortirai champion du monde avec mon cerveau intact et sans aucune égratignure, ce qu’ils ne savaient pas c’est qu’on avait le dine comme couverture et face à leurs prisons je suis immunisé.

Un jour alors que j’étais en cellule avec Kamel, on avait chacun notre bigo perso puis le surveillant nous amène un troisième codétenu qui était de Mantes, comme il venait de Mantes on l’a accueilli sans faire d’histoire, on l’a mis plus qu’à l’aise il manquait de rien, je lui ai même trouvé un téléphone perso pour qu’il ne fasse pas la queue à attendre après Kamel et moi qu’on lui passe notre téléphone. Il aimait trop parler jusqu’à des 6 heures du matin, ce qui me posait pas de problème à partir du moment où il rangeait le téléphone dans la cachette que je lui ai montrée. Le lendemain matin, on s’est mangé une sacrée fouille et on se retrouvait à trois dans une salle d’attente Kamel et moi étions sereins car on avait rangé nos téléphones en lieu sûr, mais le troisième avait l’air inquiet, donc je le questionne et il me répond qu’il a oublié de mettre le téléphone dans la planque mais l’a dissimulé dans les affaires à Kamel, on a pété les plombs c’est parti en couille, on pensait qu’il allait porter ses couilles et assumer le téléphone ce qu’il n’a pas fait, il a nié le téléphone, c’était un truc de fou une vraie trompette. Comme ils avaient trouvé ça dans les affaires à Kamel, Kamel s’est sacrifié et a pris vingt jours de mitard avec le seum.

SI J’AI LE CŒUR BALAFRÉ C’EST QUE J’AI FAIT LA BISE À DES TRAÎTRES !

Ce contenu a été publié dans Beau comme une prison qui brûle, avec comme mot(s)-clé(s) , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.