[Chronique de Youv derrière les barreaux] Partie 55 – « Quelques mois seulement après sa libération le sort s’acharnait sur lui, il perd l’usage de ses jambes »

Partie 55

L’Artificier c’était un jeune Marocain issu d’un quartier voisin du mien, sa détermination et son culot [ont] fait tout naturellement que nos chemins se croisent dans les rues de Mantes-la-Jolie, en 2003 il vient me voir, je sortais tout juste de Fresnes pour l’histoire avec les condés, il m’a proposé quelques plans pour aller chercher des bolides, étonné par le culot de ce jeune, j’ai décidé de le prendre sous mon aile, il n’avait pas besoin de moi pour rentrer dans l’illicite, mais ma réputation et les circonstances ont fait que c’est vers moi qu’il s’est tourné, on a pillé les banques françaises de long en large, plus on tapait et plus il me prouvait que j’avais eu raison de lui laisser faire ses preuves, alors que la plupart de mes autres associés me prenaient pour un dingue et me reprochaient de bosser avec un amateur dans les bracos, ils l’ont sous-estimé et pensaient qu’il n’allait pas tenir sa langue en cas de pépin, j’aimais prendre des risques, et surtout je n’écoute pas le blabla des gens, je me faisais ma propre opinion selon mon ressenti et ce que la personne me démontrait, il s’est avéré plus tard qu’il était plus que fiable, plus professionnel que ses détracteurs, il était autodidacte, apprenait très très vite je pouvais compter sur lui les yeux fermés, une fois qu’on s’est fait sauter il a eu un comportement exemplaire devant la juge et la cour d’assises, c’est pas pour rien qu’ils lui ont infligé sept ans, c’était deux ans de moins que moi qu’ils considéraient comme le leader, il avait fait plus que ses preuves en prison, il a tenu plus que la route. Malgré les années d’incarcération personne ne pouvait rien lui reprocher.

Ils finissent par le libérer après plus de cinq ans d’incarcération, vu qu’il était primaire et son avocat avait fait du bon boulot, j’étais heureux qu’il retrouve l’air pur, mais quelques mois seulement après sa libération le sort s’acharnait sur lui, il perd l’usage de ses jambes quand j’ai appris la nouvelle, c’était la douche froide, la dernière fois que je l’ai vu il pétait la forme en prison. Après tant d’années perdre l’usage de ses jambes c’était une souffrance sans limite, fallait être un sacré bonhomme pour encaisser le coup, mais faut accepter son destin même si le sort s’acharne et c’est dans ces épreuves de la vie que l’on puise dans son mental pour ne pas craquer, c’était facile à dire mais le vivre c’était autre chose. Tout le monde avait pris ses distances avec lui, les anciens potes le négligeaient alors que quelques mois auparavant il les faisait croquer, les meufs ont pris peur du fauteuil roulant et beaucoup se sont éloignées, c’est dans ces durs moments que t’as besoin de tes proches les plus fidèles et malgré ces dures épreuves il reste fier et autonome, il se bat d’arrache-pied pour retrouver l’usage de ses jambes, il m’appelle souvent, il a pas changé, cette épreuve n’a pas affecté son mental, UN GUERRIER RESTE UN GUERRIER MÊME SI LE COMBAT EST RUDE.

Lui rendre hommage c’était pour moi une obligation, il le mérite cent fois c’est un bon assis ou debout, l’Artificier reste l’Artificier, COURAGE MON POTE LÂCHE RIEN, ON EST TOUS DERRIÈRE TOI C’EST AU PIED DU MUR QU’ON VOIT LES VRAIS DURS JE TE SOUTIENS QUOI QU’IL ARRIVE TU POURRAS TOUJOURS COMPTER SUR MOI.

Comment pouvais-je me plaindre après tout ça, on avait tous des épreuves à surmonter plus ou moins dures, l’essentiel c’est de les surmonter, rien n’est insurmontable c’est pour ça qu’il ne faut rien lâcher, PLUS L’ÉPREUVE TE SEMBLE INSURMONTABLE ET PLUS TA VICTOIRE SERA HONORABLE. C’est avec cette devise en tête que j’ai affronté mes longues années derrière les barreaux, il y a toujours pire ailleurs, on est toujours le riche de quelqu’un donc je patiente et attends mon tour, [j’aurai] beau crier et taper ma tête contre les murs de ma cellule ça ne changera rien à ma situation.

2011, le 16 août j’ai décidé de partager mon expérience sur un coup de tête à chaud j’ai écrit la première partie et ainsi de suite jusqu’à la partie de ce soir, j’espère qu’à la fin de toutes mes parties, j’aurai réussi à retranscrire mes émotions, ce qui se passe dans la tête d’un mec de cité, entre quatre murs, il visait la Lune sans avoir la fusée, j’ai toujours été jusqu’au bout de mes projets, ce projet j’y tiens particulièrement, partager ma vie en temps réel sans aucune censure si moi de ma cellule j’arrive à mettre en place des projets, toi qui es dehors tu n’as aucune excuse à t’apitoyer sur ton sort. « Avant de vous faire part de la vie et de la situation de mon pote l’Artificier, j’en ai discuté avec lui hier soir au tel, il m’a donné son accord total, il vous passe à tous un grand salem et m’encourage à continuer à utiliser la plume comme arme, donc un grand salem à toi l’Artificier. »

J’ai passé ma journée à imaginer la manière dont je vous ferai part et vous retranscrirai le courage et la qualité de l’Artificier, j’espère réellement avoir réussi à rendre un bel hommage à un ami.

ON CHOISIT PAS SA FAMILLE MAIS SES POTEAUX.

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