[Chronique de Youv derrière les barreaux] Partie 32 – « J’aimais trop cette ambiance où tous les coups étaient permis »

Partie 32

Un parfum de Sud m’envahissait, de soleil à gogo, short et t-shirt pendant six mois de l’année, c’était un temps idéal pour les personnes à l’extérieur, mais en prison le temps nous importait peu, les saisons se ressemblaient toutes qu’il pleuve ou qu’il neige c’était la même, je me suis intégré et fait ma place direct dans cette prison du Sud, j’ai retrouvé des visages que j’avais croisés dans les prisons du Nord, la mentalité des mecs du Sud n’avait rien à voir avec celle du Nord, dans le Sud ils vivaient encore dans le culte des voyous à l’ancienne, les parrains de Marseille, des équipes corses, moi c’était pas dans ma culture urbaine, je respectais ni parrain ni marraine LOL je respectais que celui qui me respecte, y avait pas de parrain qui tienne.

Un jour alors que j’étais dans une prison parisienne, pendant la séance de sport on jouait au foot, y avait des feuilles mortes sur le terrain, un daron rentre et commence à balayer, je lui dis : « Tu vois pas qu’on joue au foot tu balayeras après ? » j’ai appris plus tard que ce fameux daron était une ancienne grosse pointure du milieu corse, wallah des barres, j’ai jamais compris comment tu pouvais être contre le système contre l’État, et balayer nettoyer jusqu’au bureau des surveillants, je comprendrai jamais cet écart de mental, pour rien au monde je baisserai mon froc pour quoi et pour qui que ce soit ! Pendant mon incarcération j’en ai vu de toutes les couleurs : 2002 à Fresnes alors qu’on descendait pour aller en sport, avant d’accéder au terrain de sport on nous enfermait dans une salle d’attente pour faire l’appel, on était séparés en deux salles, il y avait la salle avec les renois, rebeus, français et mecs de cité, et dans l’autre les Corses… ce jour-là notre salle était blindée les surveillants avaient mis avec les Corses deux mecs de cité, les Corses ne fumant pas les deux jeunes banlieusards avaient à peine eu le temps d’allumer leurs cigarettes qu’ils se sont fait passer à tabac, dès qu’on est sortis sur le terrain de sport on a tous appris la nouvelle et c’est parti en bagarre générale j’aimais trop cette ambiance où tous les coups étaient permis, en prison tous les jours il pouvait se passer un truc de fou, personne était à l’abri d’un coup de fourchette dans le dos, sans raison pour un regard de travers qui date de six mois en arrière, y avait des vrais malades, des vrais zinzins, fallait se méfier de tout le monde sous prétexte que sa meuf l’a quitté que sa mère était décédée un mec pouvait te sauter dessus trop de bagarres qui avaient commencé par une broutille, finissaient souvent en bains de sang, au mitard, en transfert, les suicides étaient fréquents trop de mecs en apparence solides se passaient la corde au cou seuls dans leur cellule, seuls avec leur peine c’était la misère humaine dans toute sa splendeur, y avait des mecs qui n’avaient plus aucun espoir de sortir, délaissés, matés, humiliés sous pression, préféraient le suicide que d’affronter ce qu’ils pensaient être l’inaffrontable, un homme pris par le désespoir est un homme incontrôlable, il n’avait plus rien à perdre, donc ses réactions étaient imprévisibles ! « LE DÉSESPOIR POUSSE AU CRIME ».

En prison j’avais formé une équipe composée de mecs sûrs venant des quatre coins de la France, avec un mental d’acier, un moral à toute épreuve même les yeux fermés je pouvais compter sur eux, on se protégeait les uns les autres même si mon pote était en tort je n’hésitais pas à prendre son parti, je prenais parti direct, c’était à la vie à la mort, personne nous manquait de respect, même dans le Sud j’étais chez moi j’avais converti des Sudistes à la mentalité parisienne, imaginez-vous, un mec du Sud avec les expressions parisiennes, si si des vrais mecs de Paname LOL.

Dès ma sortie, j’étais condamné à réussir plus de temps à perdre je devais me faire oublier, mais je savais que pendant longtemps les flics allaient me mettre sous surveillance, ils pourront toujours le faire j’ai échangé mon arme pour une plume, une prise de conscience inattendue m’a gagné, j’étais fier de ma situation mais j’ai besoin de voir d’autres horizons, trop d’années à rattraper et surtout une famille à construire, et à assumer, je regrettais rien de ma vie, tout ce qui s’est passé fait partie de mon destin, le destin d’un jeune de banlieue qui était condamné au « wesh wesh » mais qui voulait un palais pour y caser ses proches, ce rêve est toujours d’actualité j’ai juste changé de mode d’emploi, je dis pas que ça va être facile mais j’avais les reins solides et plus que prêt à surmonter n’importe quel obstacle.

C’EST PAS PARCE QUE C’EST DIFFICILE QUE NOUS N’OSONS PAS C’EST PARCE QUE NOUS N’OSONS PAS QUE C’EST DIFFICILE !

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