Tunisie : regain de tensions à Sidi Bouzid entre forces de l’ordre et opposants
La police tunisienne a dispersé dans la nuit de jeudi 9 à vendredi 10 août une deuxième manifestation contre le gouvernement à Sidi Bouzid, berceau de la révolution de 2011, alors que les critiques contre le pouvoir dominé par les islamistes se multiplient. Environ huit cents manifestants, qui protestaient contre l’intervention de la police lors d’un premier rassemblement dans la matinée et contre le gouvernement, ont jeté des pierres sur les forces de l’ordre, qui ont répliqué par des tirs de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogène. Aucune information sur des blessés n’était disponible dans la nuit.
« LE GOUVERNEMENT N’EST PAS AU SERVICE DE CE PEUPLE »
Dans la matinée, la police avait dispersé de la même manière une manifestation d’opposition lorsque les protestataires avaient tenté de pénétrer de force dans le siège du gouvernorat de cette ville du centre-ouest du pays. Une personne blessée par une balle en caoutchouc et quatre autres intoxiquées par le gaz avaient alors été transférées à l’hôpital de la ville, selon le surveillant général de l’établissement, Adel Dhaï, évoquant des blessures sans gravité.
Plusieurs partis d’opposition avaient participé au rassemblement comme le Parti républicain (centre), le Parti des travailleurs tunisiens (communiste), et Al-Watan (la nation). « Les revendications du peuple relatives à l’amélioration de sa situation sociale deviennent de plus en plus insistantes mais malheureusement le gouvernement n’est pas au service de ce peuple », a déploré Mohamed Ghadri du Parti républicain.
BERCEAU DE LA RÉVOLUTION TUNISIENNE
Le Parti des travailleurs a, dans un communiqué, dénoncé l’usage de la force dans la matinée par la police et exprimé son appui aux revendications des manifestants exigeant entre autres le limogeage du gouverneur – équivalent du préfet –, du chef de la garde nationale et du procureur de la république. Le parti communiste réclame dans son communiqué la libération de quatre manifestants interpellés jeudi, selon lui.
Sidi Bouzid est située dans une région particulièrement pauvre et marginalisée sous l’ancien régime. Or, selon des analystes, la situation ne s’y est guère améliorée depuis la révolution. « Les habitants de Sidi Bouzid vivent dans des conditions très difficiles surtout ces derniers temps avec les coupures d’électricité et d’eau », relève le politologue Ahmed Manaï, « il fallait s’attendre à ces manifestations. » La ville est le berceau de la révolte qui a abouti le 14 janvier 2011 à la fuite du président Zine El Abidine Ben Ali en Arabie saoudite. Le point de départ avait été la mort le 17 décembre 2010 de Mohamed Bouazizi, 26 ans, un vendeur ambulant qui s’était immolé par le feu pour protester contre les saisies musclées de la police de ses marchandises.
Publié par des ennemis de la révolution (LeMonde.fr avec l’Agence Faut Payer, 10 août 2012)