[Chronique de Youv derrière les barreaux] Partie 30 – « On était toujours là l’un pour l’autre de sacrées fraternités naissaient dans certaines cours de promenade »

Partie 30

Mine de rien, je venais de prendre deux lourdes peines consécutives, si j’obtenais pas la confusion des deux peines, j’étais parti pour vingt ans de prison et plus exactement dix ans pleins avant d’accéder à une quelconque sortie conditionnelle « LE JEU EN VALAIT-IL LA CHANDELLE ? » mais pas le temps d’y songer j’avais une peine à effectuer de gré ou de force, je ferai le bilan de ma vie aux alentours de mes 50 piges inchallah. Les épreuves font partie de la vie et rares ceux qui durant toute leur vie n’avaient aucune épreuve ni choix déterminant à faire, on dit que Dieu éprouve ceux qu’il aime, donc je prends mes épreuves comme une bénédiction LOL, je me rassure comme je peux, une chose est sûre maintenant je sais ce que je ne veux pas et que dans les épreuves seuls les vrais restent à tes côtés, tout le monde te fuit comme la peste, une fois dehors comme par magie les amis de circonstance réapparaissent de tous les côtés. Mais j’en veux à personne, je n’ai aucune haine serait perdre des forces dans ma bataille, je les ai pas mis à l’aise dehors en attendant un retour de leur part « C’ÉTAIT DU BÉNÉVOLAT » LOL dans nos rues rares étaient les poteaux sur qui tu pouvais compter à 100 %, chacun guettait un moment de faiblesse pour te planter un sabre dans le dos, mentalité pirate dans ce cas de figure c’était le plus gros traître qui gagnait la partie, moi je pouvais pas jouer disqualifié dès le premier round, j’étais trop vrai trop entier, pour jouer dans cette cour « VAUT MIEUX UN TRAÎTRE QUE LA MOITIÉ D’UN POTEAU ».

Un jour alors que j’étais en promenade à Fresnes si on peut appeler ça une promenade, dix mètres carrés, on tournait à quinze dedans, on risquait un coup d’épaule à chaque tour mais parfois on y faisait de drôles de rencontres, on s’y attend pas, 2003 alors que je marchais en promenade avec mon pote Hakim d’Aubervilliers « 93 » un daron turc rentre avec l’air déboussolé parlait pas un mot de français il venait de tuer sa femme, il l’avait cramée en flag dans un lit avec un autre, catastrophe, il l’a allumée à bout portant, ce qu’ils appellent en taule un crime d’honneur, il me faisait grave de la peine je l’ai mis bien, je lui faisais à manger, je m’occupais de lui, je voyais à travers ce daron, un daron du quartier, à l’époque j’avais pris dix-huit mois pour l’affaire du lieutenant de police, deux jours avant ma sortie le daron turc me donne un courrier, écrit en turc, que je devais remettre à l’un de ses proches dans un café de Joinville « 94 » une fois dehors j’appelle ce fameux contact, on se voit je lui remets le courrier, il le lit devant moi, sa tête a changé il m’invite dans l’arrière-salle du café qui lui appartenait, et me propose de la coke, des armes, gyrophare, gilet pare-balles, le fameux daron turc de ma promenade était le chef d’un réseau international de trafic de drogue, il avait indiqué dans sa lettre que j’avais pris soin de lui en détention et pour me remercier il a mis à ma disposition tout un arsenal, comme quoi quand tu fais du bien tôt ou tard la roue tourne, ce qui ne m’a pas empêché quelques mois plus tard de retomber mais ça vous le savez déja.

2007 à Fresnes, je me tue au sport en attendant d’aller dans une centrale. Mashallah on était une équipe de vaillants, des vrais bonshommes du bitume, on avait tous pris des peines à deux chiffres malgré que l’on venait de quartiers et de régions différentes, on avait l’impression de se connaître depuis des années mecs de cité ou pas c’est pas la ville qui fait l’homme. On était toujours là l’un pour l’autre de sacrées fraternités naissaient dans certaines cours de promenade, avec les années j’ai appris à reconnaître un bonhomme dès le premier regard, selon ton attitude, tes paroles, on savait qui était qui, tu pouvais pas te cacher derrière ta ville ou ton département. En prison, on s’en tape que tu sois du 93 du 94 du 78 du 77 de Marseille ou de Lyon, c’est ce que t’avais entre les jambes qui garantissait ta sécu, un imposteur se faisait cramer tôt ou tard, les dossiers remontaient toujours à la surface, en huit ans je me suis tapé, j’ai balafré, j’ai bougé dans des histoires pour mes potes, j’ai fait plus d’un an de mitard, jusqu’au jour où je me suis posé avec l’âge on devient plus sage, plus raisonnable, j’ai fait ma place parmi les hyènes, toujours porté mes couilles, jamais trahi même un traître, j’ai même plus la notion du temps, j’ai réussi à le dompter, c’était le seul moyen d’affronter les années sans séquelles, sans haine contre qui que ce soit, à chaud quand tu as le seum tu perds toute lucidité et tu oublies tes priorités…

PENDANT QUE NOS MÈRES NE DORMAIENT PAS DE LA NUIT, ON PRENAIT D’ASSAUT DES BANQUETTES POUR QUELQUES MIETTES, QUI SÈCHE LEURS LARMES MAINTENANT ? RÉFLÉCHIS AVANT QUE L’ARGENT T’ÉLOIGNE DES VALEURS DE NOS PARENTS !!!!!!!!!

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