[Montpellier] « L’un m’a demandé si je ne faisais pas partie de Copwatch »

Montpellier. Il filme des policiers en train de griller un feu : « Efface ton film ou on t’embarque »

L’utilisation de la fonction caméra sur un téléphone portable peut devenir la source d’ennuis insoupçonnés. Surtout si la scène filmée sur la voie publique fait apparaître des policiers. Ce constat amer est dressé par un jeune commerçant montpelliérain qui raconte volontiers sa désagréable expérience survenue le 23 juillet dernier, en milieu de journée.

Il est un peu plus de midi et Arnaud est assis en terrasse, en compagnie d’un ami, au bout du boulevard Louis-Blanc, côté Corum. Quelques jours plus tôt, sur le même boulevard, il s’est fait enlever son véhicule, stationné sur une place livraison, mais il conteste l’intervention de la fourrière et entend préparer un dossier afin de faire annuler le procès-verbal qui lui a été adressé.

Il filme des policiers en train de griller un feu

« J’ai pris des tas de photos de voitures de la police municipale, garées sur des emplacements réservés. Et là, je filme une voiture, toujours de la police, qui est en train de griller un feu, sans gyrophare. Derrière elle, se trouve une autre voiture qui passe aussi au feu rouge », explique le jeune homme, qui n’a par ailleurs pas d’activité militante particulière.

Il se trouve que le second véhicule est occupé par trois policiers en civil et qu’au moins un des fonctionnaires a remarqué que la scène venait d’être enregistrée par Arnaud avec son téléphone. La voiture banalisée s’arrête. « Après quelques tutoiements sommaires et un comportement qui m’a indigné », assure son ami, les policiers demandent à voir le petit film et exigent aussitôt sa suppression. « L’un m’a dit : « Je ne veux pas voir ma tête sur une vidéo. » Mais on les aperçoit trois secondes. »

Les policiers demandent la suppression des images

Arnaud et son ami rappellent qu’il est légal « de filmer la voie publique ainsi que tout représentant de la fonction publique ». Mais pour les policiers, les images doivent être supprimées, assure encore Arnaud. Face à son refus formel, il est donc « convié avec insistance » au commissariat central, où le bras de fer se poursuit.

« D’autres policiers sont venus. Ils m’ont dit qu’un technicien allait effacer juste les images où ils apparaissaient. Ils ont tous ordonné que j’efface la vidéo. L’un m’a demandé si je ne faisais pas partie de Copwatch. Au début, je n’ai pas compris. »

Le commerçant assure que l’entrevue, qui va durer jusqu’à 15 h 30, se déroule hors de tout cadre légal en dépit de ses demandes d’être entendu par un représentant du parquet ou d’appeler un avocat. Alertés, les services du commissariat indiquent effectivement qu’aucune procédure particulière n’a été consignée au sujet d’une vidéo controversée…

De guerre lasse, après deux heures de pression, Arnaud finit par accepter de faire disparaître le petit film. Son portable passe ensuite de main en main d’agents, qui tiennent à vérifier que l’appareil ne recèle pas un enregistrement caché.

Commerçant dans le centre-ville, le jeune homme dit entretenir des bonnes relations avec les policiers de la ville et n’a donc pas souhaité engager une procédure pour abus de pouvoir. Son trouble n’en est pas pour autant dissipé.

Presse estivale (Guy Trubuil, MidiLibre.fr, 7 août 2012)

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