[Chronique de Youv derrière les barreaux] Partie 10 – « On casse on vole brûle nos propres biens un genre de suicide collectif mais y a que comme ça qu’on se faisait entendre »

Partie 10

J’AI APPRIS QUE LA PROF DONT JE PARLE DANS LA PARTIE D’AVANT ÉTAIT DÉCÉDÉE DONC POUR LUI RENDRE HOMMAGE EXCEPTIONNELLEMENT ON RESTE EN MODE 1991 PAIX À SON ÂME…

C’était une prof sous ses airs de dame sévère, elle voulait que notre réussite elle était investie à fond dans sa classe c’était une légende elle a traumatisé des générations d’élèves made in la rue.

Sous ses airs de Cruella des 101 Dalmatiens j’étais sûr qu’elle avait un côté gentil, je l’avais jamais vu sourire mais faut la comprendre elle était prof à Mantes-la-Jolie.

Y avait que des psychopathes pour la plupart, on était la troisième génération de fils d’immigrés un monde séparé la vie à la maison et ce qu’on vivait à l’école nos parents étaient fiers que l’on soit scolarisés. Alors que pour nous c’était normal d’être scolarisés on n’avait pas saisi la chance d’aller à l’école donc on y allait mais à reculons c’était plutôt pour voir les potes.

(PETIT DOSSIER : C’EST À L’ÂGE DE 25 ANS QUE J’AI APPRIS À POSER UNE DIVISION LOL.)

La seule fois où j’ai vu la prof en mode tranquille c’était le Noël 1991, notre classe de K-sos avait était invitée à l’Élysée.

À l’époque chaque année MITTERRAND avait la tradition d’inviter plusieurs classes pour passer Noël avec eux.

Et on avait été choisis par l’académie de Versailles y avait toutes les régions de France qui étaient représentées. Et nous on représentait les pauvres des pauvres c’était mashallah on a kiffé la prof s’était métamorphosée polie etc…

Alors que Mantes c’est à coups de manchette qu’elle te réglait et je m’en rappelle on avait pris la confiance on tapait des barres avec elle LOL.

C’etait trop beau wallah mieux que Eurodisney l’Élysée un repas de luxe nous avait été servi sur une table de 10 mètres de long.

C’était du lourd c’était trop marrant wallah c’était cramé qu’on venait du ghetto on parlait fort indisciplinés MDR alors que les autres élèves étaient sages en rangs deux par deux laisse tomber même trois par trois c’était impossible de nous y soumettre…

Mais au fond on la kiffait cette prof pour rien au monde on n’aurait voulu la changer notre Cruella.

C’était une fierté de dire que l’on était passé chez elle elle avait dompté les indomptables RESPECT À ELLE.

Début des années 90 dans la 6t on avait beaucoup de respect pour les anciens anciennes jamais il nous serait venu à l’idée de manquer de respect à un plus vieux au risque de se faire marave.

Mais ils nous [le] rendaient bien, ils prenaient soin de nous on manquait de rien. C’est pour ça que plus tard je prenais soin des petits de mon quartier j’ai jamais hagar ni tapé un mec si il le mérite pas tous les grands de la 6t étaient comme des grands frères pas [de] différence, rebeu renoi français pakos turc on formait une grande famille.

Nos daronnes sortaient les tapis et se posaient en plein été t’avais l’impression de voyager à Dakar Casa Alger Bamako Tunis ou Nouakchott.

Mais dans mon quartier y avait une particularité propre à Mantes c’était les mecs et les meufs ne se mélangeaient pas par pudeur.

Mais les meufs faisaient leur vie de leur côté et nous pareil. Rare celle qui osait se poser avec les mecs peur du BLABLABLA à l’école wallah j’avais pas la cote trop sauvage MDR elles avaient peur de moi Dieu merci.

La roue a tourné avec l’âge on devient frais c’était la mission pour sortir avec une meuf du quartier alors que son frère c’est ton pote, laisse tomber impossible ce qu’on tentait on a perdu des chicots mais moi cette situation m’arrangeait parce que j’étais un bordélique et ma priorité c’était les conneries.

Un jour j’étais avec des potes en bas de chez moi comme des petits diables on décide de faire une bêtise on [a] enlevé la plaque d’égout et l’a remplacée par des papiers journal puis on s’est cachés en face dans le parking, prêts à taper des barres de rire à la vue du passant qui tomberait dans le trou et ce jour-là aïe aïe catastrophe…

C’était le daron à un mec de mon quartier qui est tombé, ambulance samu etc. on n’a jamais avoué ni dit à quelqu’un que c’était nous.

C’était la dernière fois qu’on a fait ce piège MDR on était une vraie bande de oufs le pire truc qu’on a fait que je regrette tah les malades c’était dans la boulangerie de ma 6t ils avaient déposé une boîte avec de l’argent en fait c’était des bons pour financer l’enterrement d’un mec.

Le matin en allant acheter le pain je vois la boîte donc l’aprème j’en parle à deux trois potes, on avait à peine 10 ans mais je les entraînai jusqu’à la boulangerie le plan c’était mon pote fait semblant d’acheter une baguette dès que la vendeuse se retourne je pars en courant avec la boîte c’est ce qu’on a fait sans problème on court jusqu’au dernier étage d’une tour pour faire le partage.

Mais en courant j’ai chargé mes poches MDR. « C’est avec grand regret que je repense à ce vol mais je vous dis tout sans censure ni mytho. »

On était des jeunes perdus à la recherche d’une reconnaissance ou d’une considération qui ne venait pas enfants de prolétaires (travailleurs pauvres).

Je savais que ma place n’était pas dans cette jungle de béton c’est comme si on était enfermés dehors.

Nos rêves étaient à l’étroit limite au frites-merguez et d’une canette de Tropico MDR. Moi je voulais plus beaucoup plus et je payerai le prix de ma lucidité plus tard mais fallait montrer qu’on n’était pas dupes de ce qui se passait on casse on vole brûle nos propres biens un genre de suicide collectif mais y a que comme ça qu’on se faisait entendre j’ai grandi avec une voix qui me disait tout le temps dans ma tête « VAUT MIEUX DIRE UN MOT GENTIL AVEC UN CALIBRE QUE UN MOT GENTIL TOUT SEUL ».

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