Les Frères musulmans et les Salafistes ont mobilisé leurs membres et supporters les transportant dans des centaines d’autobus des provinces vers le Caire pour manifester place Tahrir au Caire mardi 20 juin (cf. brèves du 19 juin).
Très peu de mouvements révolutionnaires s’y sont ralliés, mis à part le 6 Avril, branche Ahmad Mater qui a apporté clairement son soutien au candidat Morsi, aucun parti politique ni coalition de jeunes révolutionnaires n’a participé à ce rassemblement.
Ayant déclaré qu’ils occupaient la place jusqu’à satisfaction de leurs revendications : retrait de la déclaration constitutionnelle et rétablissement du Parlement, les manifestants ont dû évacuer la place suite à un avertissement du SCFA. Vers minuit, il ne restait plus que quelques dizaines. Le bruit avait couru que deux des membres puissants du parti Horéya et Adla et du bureau de la confrérie, Khayrat El Chater et El Beltagui avaient été arrêtés avec 30 juges du sud de l’Égypte pour avoir organisé des fraudes électorales en Haute Égypte et terrorisé des villages entiers à majorité chrétienne les empêchant ainsi de voter pour le général ChafiK. Ce dernier a annoncé sa victoire hier au cours d’une conférence de presse.
Il est peu probable que les résultats soient publiés demain jeudi, tant les plaintes pour fraude provenant des deux rivaux et adressées au comité des élections sont nombreuses : 122 par Horéya Et Adala et 244 par ChafiK. Les médias parlent de l’usage de faux bulletins issus des grandes imprimeries nationales en faveur de Morsi. Khayrat El Chater est accusé d’avoir soudoyé un des fonctionnaires qui aurait avoué ce délit. Les faux bulletins qui se chiffrent par centaines de milliers auraient été ensuite mis dans les urnes avec la complicité de certains juges présidents des bureaux de vote au sud de l’Égypte.
Par ailleurs la mort clinique du président Moubarak a été annoncée hier soir, ce qui a impliqué son transfert de la prison de Torah vers l’hôpital militaire de Maadi. Seulement, il a ressuscité aujourd’hui, ce qui porte à croire qu’il s’agit d’une manœuvre qui profita du contexte conflictuel en cours pour contourner le jugement et sortir Moubarak de prison.
Le conflit de pouvoir entre le Asakari et les Frères pourraient prendre une tournure violente aux prochains jours. Les autorités se préparent à une guerre, les institutions publiques et étatiques et les banques ont reçu des directives leur demandant de mettre leurs archives à l’abri. Les fonctionnaires ont été payés avec une semaine d’avance en prévision de la fermeture des banques. Le bruit court que le couvre feu sera imposé au pays demain jeudi.
L’attitude des Frères pose quelques interrogations. Vont-ils continuer leur escalade et défier le SCFA en poussant Morsi à prêter serment à la place Tahrir comme ils l’ont déclaré hier ? Vont-ils calmer le jeu en essayant de manœuvrer et de négocier et d’obtenir quelques concessions et un partage équitable du pouvoir ? Rien n’est moins sûr, car depuis 80 ans ils attendent ce moment, leur rêve de devenir les maîtres absolus de l’Égypte est plus que jamais à portée de leur main, ils feront tout, même au prix de la destruction du pays pour y parvenir.
Galila El Kadi (mailing), 20 juin 2012
Frères musulmans et révolutionnaires se rassemblent place Tahrir
Les Frères musulmans se sont rassemblés mardi place Tahrir, l’épicentre de la « révolution du Nil » au centre du Caire, aux côtés des jeunes élites laïques à l’origine du soulèvement contre Moubarak, pour protester contre la décision des généraux de s’octroyer de nouveaux pouvoirs.
Des milliers de personnes se sont réunies à la tombée du jour pour dénoncer la dissolution du Parlement dominé par les islamistes et le transfert du pouvoir législatif à l’armée, ainsi que la limitation des pouvoirs du futur président.
Une manifestation a également eu lieu à Alexandrie.
La jeunesse urbaine du Caire et les Frères musulmans considèrent ces décisions comme une volonté des militaires et des élites de l’ancien régime de se maintenir au pouvoir, et de confisquer définitivement les premiers acquis de la révolution.
Mais alors que les candidats se disputent les résultats du second tour de la présidentielle, qui seront normalement connus officiellement jeudi, les Frères musulmans ne semblent pas prêts à en découdre avec l’armée.
La confrérie a déclaré lundi que son candidat, Mohamed Morsi, devançait largement avec 52% des voix son rival Ahmed Chafik, dernier Premier ministre du président déchu Hosni Moubarak. Une victoire aussitôt contestée par l’équipe de campagne d’Ahmed Chafik.
Quel que soit le vainqueur, les pouvoirs du futur président seront strictement limités par le décret publié dimanche par le Conseil suprême des forces armées (CSFA) dirigé par le maréchal Hussein Tantaoui, ministre de la Défense de Moubarak pendant vingt ans, jusqu’à la chute du « raïs » en février 2011.
Premiers déçus par une élection qui ne leur laissait le choix qu’entre l’armée et l’islam, les jeunes Cairotes ont appelé à se mobiliser avant même la publication officielle des résultats du vote.
« Le décret confirme le maintien du conseil militaire à la tête de l’État et l’absence de transmission des pouvoirs à un président élu, contrairement à ce qui avait été promis au début de la révolution », a déclaré la Coalition de la jeunesse révolutionnaire, rassemblement de plusieurs mouvements.
Pour Khaled Ali, avocat militant éliminé au premier tour de l’élection, le CSFA ne doit pas être autorisé à légiférer à la place du parlement dissous. « Chaque patriote doit s’élever contre la tentative de s’approprier ces droits », a-t-il dit.
Hussein Ibrahim, membre des Frères musulmans et de l’assemblée dissoute, a déclaré pour sa part à Reuters que le décret du CSFA prolongerait le régime militaire.
Mais un porte-parole des Frères a minimisé mardi, lors d’une conférence de presse, le risque d’un conflit frontal avec les généraux.
« Pourquoi se ruer sur le mot ‘confrontation’ ? », s’est interrogé Yasser Ali. « Nous ne cherchons de confrontation avec personne. Personne en Égypte ne veut de confrontation (…) Il doit y avoir un dialogue entre les forces nationales, et le peuple doit décider seul de son destin. »
Cette volonté d’apaisement intervient au moment où un tribunal égyptien annonce le report en septembre de l’examen de six plaintes réclamant la dissolution de la confrérie et de sa vitrine politique, le Parti de la liberté et la justice (PJL).
Six avocats ont déposé plainte contre la confrérie, exigeant la publication de ses sources de financement, ont déclaré des sources judiciaires. Un diplomate occidental a réagi à cette annonce en soulignant que tout jugement visant à dissoudre les Frères musulmans, quel que soit ses fondements juridiques, ne ferait que multiplier les troubles dans un pays déjà en crise politique.
L’armée, qui a fourni à l’Égypte tous ses présidents depuis le renversement de la monarchie en 1952, a promis de remettre le pouvoir aux civils d’ici au 1er juillet. Mais le président n’aura comme seule prérogative que de nommer un gouvernement dont chaque loi devra être validée par les militaires.
Leur presse (Assawra avec les agences, 19 juin 2012)