Déclaration des demandeurs d’asile de Dijon

Nous sommes environ 300 demandeurs d’asile, dont des familles et des enfants, majoritairement de pays africains (Soudan, Somalie, Érythrée, Tchad, RDC, Libye…), du Moyen Orient (Syrie…) ainsi que d’Europe de l’est (Kosovo, Arménie…). Nous avons trouvé domicile dans un bâtiment d’État laissé vide. Nous l’avons occupé le 26 janvier avec le soutien d’associations, pour ne pas être laissés dans la rue à Dijon en plein hiver.

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Nous demandons l’asile en France parce que nos vies sont menacées dans nos pays pour les raisons suivantes : guerres civiles, répression politique, dictature de l’État ou domination de milices armées, persécutions patriarcales, ethniques et religieuses — dans des contextes d’inégalités sociales… Beaucoup d’entre nous ont vécu la prison, la torture, la guerre, l’esclavage et d’autres situations qui créent des traumatismes. Nous demandons l’asile en France parce que nous espérons pouvoir échapper à ces persécutions et pensons pouvoir être accueillis ici avec humanité. Nous cherchions une “terre d’asile”, mais la situation d’accueil en France est aujourd’hui très difficile pour nous :

• malgré les engagements internationaux de l’État français au sujet du “droit d’asile”, la grande majorité d’entre nous n’a pas de place d’hébergement en foyer durant le temps d’examen des dossiers et cherche des solutions pour ne pas rester dehors.

• au cours de ces derniers mois, les demandes d’asile ont fait l’objet de nombreux freins : difficultés de traduction sur les dossiers, d’accès aux soins et aux courriers, refus d’ouverture de comptes postaux… Du fait de blocages sur l’obtention de l’Aide Temporaire d’Attente, censée nous permettre de subsister pendant le temps de l’examen de notre demande d’asile, beaucoup d’entre nous ne bénéficient plus d’aucune ressources, si ce n’est de l’aide d’associations.

• nous faisons face à un rejet quasi systématique des demandes d’asile à l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides). Les décisions nous semblent prises d’avance. Nous avons perdu confiance dans le rôle de l’OFPRA et dans son indépendance proclamée.

• la Préfecture et la Mairie de Dijon affirment qu’un certain nombre d’entre nous seraient déjà expulsables, or ces personnes attendent toujours le résultat de leur recours devant la Cour Nationale du Droit d’Asile.

Face à ces barrières renouvelées nous avons le sentiment que l’on veut nous faire perdre espoir. Nous ne pouvons pourtant retourner d’où nous venons.

Avec le soutien d’une trentaine d’associations dijonnaises, nous avons effectué plusieurs recours juridiques pour faire respecter un certain nombre de droits, et participé à des manifestations dans Dijon. Nous avons obtenu la possibilité de rester jusqu’au 15 juillet au bvd de la Marne grâce à des décisions judiciaires rappelant l’obligation qu’avait l’État de nous loger. Aujourd’hui, les pouvoirs publics, Préfecture et Mairie, déclarent publiquement qu’il y aurait des bagarres dans le squat. Nous pensons qu’ils exagèrent fortement la présence de tensions pour pouvoir justifier une expulsion du bâtiment, et ce, sans pour autant proposer de solutions alternatives. Nous venons de différentes situations et de différents pays, mais pour la très grande majorité nous cohabitons bien. Nous nous attachons à être solidaires, à nous entraider, et à partager le peu que nous avons. Nous respectons les Dijonnais, le voisinage et les étudiants de l’école des Greffes.

Nous tenons à remercier toutes les personnes, associations et avocats qui nous ont soutenus au quotidien ces derniers mois : aide matérielle, cours, accompagnement juridique, médical… Nous participerons avec eux mardi 19 juin à une nouvelle manifestation. Mais dans cette situation d’impasse, nous nous adressons dès aujourd’hui aux pouvoirs publics et espérons qu’ils nous entendent :

• nous demandons à ce que des solutions de logement soient trouvées pour chaque personne dans le squat et à ce que nous ne soyons pas expulsés et remis à la rue avant.

• nous demandons à pouvoir continuer à bénéficier de l’aide censée nous permettre de subsister durant le temps de l’examen de notre demande d’asile et ce jusqu’à la fin du  recours à la CNDA.

• nous demandons enfin et surtout l’arrêt de la politique actuelle de rejet massif des demandes d’asile.

Pour un vrai droit d’asile ! Pour la dignité ! Pour l’espoir !

Dijon le 15 juin 2012 – Les demandeurs d’asile du bvd de la Marne

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