Un internat d’État occupé publiquement par les migrants à Dijon dans la foulée d’une manifestation

Un nouveau lieu occupé par les migrant-es à Dijon

Dernières nouvelles : le bâtiment appartient en fait au domaine, donc à l’État. Le propriétaire est le Préfet qui est justement censé loger les demandeur-euse-s d’asile et ne le fait pas. Nous ne savons toujours pas comment le préfet en question va réagir. Toutes les pressions et soutiens sont les bienvenus.

Réunion de soutien à 17h ce vendredi sur place.

Soutien bienvenu à l’intersection du boulevard de la Marne et de l’avenue Arstide Brillant.

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Depuis plusieurs mois déjà à Dijon, la situation critique des demandeurs et demandeuses d’asile est de plus en plus médiatisée. La régionalisation des demandes d’asile, contraignant les migrant-es à faire leur demande à la préfecture de région et donc à Dijon, a entraîné une hausse du nombre de migrant-es présents dans la ville. La fRance, signataire de la convention de Genève, s’est engagée à accueillir les demandeurs et demandeuses d’asile dans les meilleures conditions, notamment en leur proposant un hébergement décent et des possibilités de s’alimenter convenablement. La préfecture de Côte d’Or, comme bien d’autres en fRance, ne respecte pas ses obligations. C’est ainsi que depuis l’été dernier, plusieurs centaines de personnes en attente de papiers vivent à la rue à Dijon. La préfecture a accordé deux rendez-vous aux associations qui soutiennent juridiquement et matériellement les personnes migrantes. Ces associations demandaient à la préfecture d’opérer des réquisitions pour les accueillir, mais aucune mesure n’est prise pour les loger, la préfecture prétextant l’inexistence de lieux pouvant accueillir tant de personnes. Aucune réquisition ni mesure d’urgence ne sont envisagées. Dans ce contexte, deux lieux avaient déjà été ouverts et occupés par des demandeurs et demandeuses d’asile, venant essentiellement de pays d’Afrique de l’Est où la situation politique est plus que fragile (Somalie, Éthiopie, Érythrée notamment).

Ce désengagement de l’État et le nombre important de personnes concernées associés au fait que ces personnes arrivent de pays en guerre (et donc risquent réellement leur vie dans leur pays d’origine, plus que si illes étaient de « simples » réfugié-es économiques, aux dires des membres de certaines associations) ont fait fondre la frilosité à laquelle les associations « citoyennistes » nous avaient habitué-es face à la « réquisition » non-officielle de logements vides pour les migrant-es. C’est ainsi que ce jeudi 26 novembre a eu lieu l’ouverture publique d’un nouveau squat de demandeurs et demandeuses d’asile à Dijon, avec le soutien des membres de ces associations (voir le texte de l’appel à la manif ayant amené au squat).

Pour les militant-es squatteur-euses habitué-es à ce type d’évènement, cette expérience était à la fois nouvelle et enrichissante : une nouveauté dijonnaise que d’ouvrir ensemble, entre personnes de tous âges et tous horizons sociaux, un bâtiment permettant d’héberger des migrant-es au sein d’un endroit adapté, propre, avec chauffage, eau et électricité.

Ce bâtiment n’est par ailleurs pas anodin, symboliquement, puisqu’il s’agit de l’ancien internat de l’École Nationale des Greffes, et qu’il appartient au Ministère de la Justice. Il est occupé depuis le mardi 24 novembre par une vingtaine de personnes.

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Ce jeudi 26, une manif organisée en soutien aux demandeurs et demandeuses d’asile s’est terminée sur les lieux occupés. Environ 150 personnes étaient présentes, migrant-es et soutiens confondus. À notre arrivée, l’occupation qui se déroulait clandestinement depuis deux jours a été rendue publique, une banderole a été déployée sur la façade du bâtiment, clamant « Un toit pour tous et toutes. Solidarité avec les migrant-es ».

Le directeur de l’École ne le prend pas sur le même ton enjoué, en voyant arriver une foule hétéroclite et ravie, qui, sur fond d’une sono poussive scandant des chants qui évoquent la situation des migrant-es en fRance (et ailleurs), visite et s’enthousiasme des capacités d’accueil du lieu. Les migrant-es téléphonent à leurs ami-es pour les inviter à les rejoindre. C’est l’effervescence à tous les étages, très vite les 50 chambres sont occupées.

Le directeur nous rencontre pour nous expliquer qu’une décision par rapport à cette occupation n’est pas de son ressort et qu’il va en informer sa hiérarchie, le ministère de la Justice lui-même. C’est nous faire trop d’honneur. De notre côté, nous lui expliquons que les personnes occupant le lieu y étant depuis plus de 48 heures, ce lieu est devenu désormais leur domicile, qu’il ne peut donc plus agir autrement qu’avec une procédure au tribunal…

D’ici à ce qu’il reçoive ses ordres de sa hiérarchie, et pour être sûr que nous ne pénétrions pas plus avant dans l’enceinte de l’école, il fait venir une patrouille de flics, qui nous chaperonneront toute la nuit, allant jusqu’à interdire le passage aux stagiaires et autres personnels du ministère de la Justice domicilié-es sur place et refusant de montrer leurs papiers pour rentrer chez elleux (ce qui fera repartir certains « fonctionnaires de justice » en criant « À bas l’État policier »…). Les flics continuent d’ailleurs leur manège le matin et refoulent les stagiaires qui amènent leurs enfants à la crèche interne voisine, obligés de passer par une autre entrée. En attendant, la nuit s’avance, une gamelle de pâtes apparaît miraculeusement, accompagnée de thermos de thé, de matelas et de couvertures. Les gens commencent à s’installer pour une nuit dont on espère qu’elle ne sera pas trop courte, et l’on aspire à ce que les pandores ne débarquent pas à six heures du matin pour expulser tout ce beau monde.

C’est la naissance d’un troisième lieu d’accueil pour les migrant-es à Dijon, qui s’ajoute à la Boucherie rue Bertillon et à une maison sur Chenôve, en attendant que les demandes de papiers prennent moins de temps et que chacun-e puisse vivre en fRance comme ille l’entend ; en attendant qu’il n’y ait plus ni frontières, ni papiers.

Brassicanigra, 27 janvier 2012.

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