Chasse aux putes : tous les prétextes sont bons…
À l’approche de l’été et sous couvert de motifs tous plus honorables les uns que les autres, la chasse aux putes a été officiellement ouverte le 1er mars dernier. Confirmant la fructueuse et pérenne collaboration du PS et de l’UMP en matière de répression des travailleurSEs du sexe, la préfecture de police et la mairie de Paris ont pris un arrêté interdisant « l’arrêt et le stationnement des véhicules conçus et construits pour le transport de marchandises et ayant au moins quatre roues » dans les bois de Boulogne et de Vincennes.
Point n’est besoin de lire les motifs de la décision pour constater que ces autorités ont décidé de nettoyer les bois au kärcher comme disait l’autre, en d’autres termes d’aller chercher les putes jusque dans les bois où elles s’étaient réfugiéEs depuis la mise en œuvre de la LSI et l’aggravation de la répression du racolage public, afin de bien leur faire comprendre qu’en France, les travailleurSEs du sexe sont persona non grata. Aux motifs que les bois sont « des espaces ouverts à tous les publics » et qu’il faut préserver « la sécurité et la tranquillité des usagers de l’espace public », les putes sont excluEs, harceléEs, verbaliséEs. Ne font-elles pas partie des « usagerEs de l’espace public » ? Leur sécurité ne doit-elle être préservée ?
C’est bien de cela qu’il s’agit : sous couvert de préserver une quiétude urbaine et un environnement bucolique, mairie et préfecture envoient les forces de l’ordre chasser les prostituéEs, à grand renfort de sanctions pécuniaires et de mises en fourrière.
La répression du racolage public a déjà éloigné les travailleurSEs du sexe des regards et des structures d’accès au droit et aux soins, de prévention et de santé. Cet arrêté les en éloigne encore davantage. On ne peut que reconnaître l’efficacité de cette tartufferie : quand les putes seront mortes, vous ne les verrez plus !
Nous exigeons :
• l’abrogation de l’arrêté du 1er mars 2012 interdisant l’arrêt et le stationnement des camionnettes dans les bois de Boulogne et de Vincennes ;
• l’abrogation du délit de racolage public ;
• l’application du droit commun pour les travailleurSEs du sexe.
Signataires : Acceptess-T, Act Up-Paris, Aides, les Amis du Bus des Femmes, A.N.A, Avec Nos Aînées, STS, Support Transgenre Strasbourg, Strass, Syndicat du Travail Sexuel.
Des prostituées du bois de Boulogne défilent contre le « harcèlement policier et judiciaire »
Une cinquantaine de prostituées et transsexuels exerçant au bois de Boulogne dans des véhicules ont manifesté vendredi 18 mai pour dénoncer le « harcèlement policier et judiciaire » dont ils se disent victimes. Selon Me Stéphanie Marcie-Hullin, avocate présente à la manifestation, depuis un arrêté en date du 1er mars interdisant le stationnement de véhicules au bois de Bologne, des prostituées sont arrêtées « quotidiennement » par la police pour racolage, « alors même qu’il n’y a pas d’infraction », puisqu’elles exercent dans leur véhicule sans interpeller le client, explique-t-elle.
« On subit une répression continue, journalière. On nous prend à la sortie du client, mais on ne racole jamais dans notre camionnette ou notre voiture. On est emmenées systématiquement pour racolage, pour vingt-quatre heures, et on nous met au dépôt de la cité judiciaire », a dénoncé Corinne, une autre prostituée, porte-parole du Collectif 16e arrondissement des prostituées du bois de Boulogne, qui vient de se créer. La prostitution n’est pas illégale en France, rappelle Me Marcie-Hullin.
Au bout de vingt-quatre heures, les prostituées sont présentées au délégué du procureur, et ressortent libres, parfois avec un rappel à la loi et une amende, parfois sans condamnation, explique Me Marcie-Hullin. « Cette procédure pénale rapide, dite de troisième loi, permet d’éviter d’aller au procès, où un avocat dénoncerait le scandale et où un magistrat indépendant prononcerait forcément la relaxe », affirme-t-elle.
L’avocate et le Collectif demandent à rencontrer le préfet de police de Paris et le procureur de la République. En attendant, « dès qu’on vous arrête, il faut demander un avocat », a-t-elle insisté auprès des prostituées présentes. C’est à cause de la loi de 2003 pénalisant le racolage passif que les prostituées et transsexuels se sont mis à exercer dans des véhicules, afin d’être « plus discrètes et plus protégées », a jugé l’avocate.
Leur presse (LeMonde.fr, 18 mai 2012)