[Impunité légale des harceleurs sexuels] Femmes, vous ne pouvez plus compter que sur vous-mêmes : visez les couilles et frappez fort !

Plus de 200 personnes se sont réunies à Paris samedi matin pour protester contre l’abrogation immédiate de la loi sur le harcèlement sexuel. Le rassemblement, initié par des associations féministes, s’est déroulé place Colette (1er arrondissement de Paris), à quelques mètres du Conseil constitutionnel qui a rendu sa décision polémique vendredi.

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« En décidant d’abroger la loi, sans utiliser la faculté qu’il avait de différer cette abrogation, le Conseil constitutionnel a fait un choix politique qui doit être considéré comme un affront pour les droits des femmes », a lancé Marilyn Baldeck, déléguée générale de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT).

« Cette abrogation est un véritable permis de chasser », « on parle des Sages du Conseil constitutionnel, qu’ont-ils de sages à part leur titre ? », « tout est perdu, mon harceleur se pavane depuis ce matin » : ce sont quelques-uns des témoignages, lus à une tribune, de femmes victimes de harcèlement et dont les plaintes sont annulées à la suite de la décision des neuf Sages. « Les responsabilités de cette abrogation doivent être posées, elles sont d’ordre politique », a insisté Marilyn Baldeck.

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Les associations féministes « réfléchissent à une procédure judiciaire mettant en cause la responsabilité de l’État pour que les préjudices des victimes dont les procédures sont aujourd’hui annulées soient intégralement indemnisés ». La dirigeante féministe a appelé le « prochain gouvernement et l’Assemblée nouvellement élue » en juin à « faire du vote d’une nouvelle loi sur le harcèlement sexuel son tout premier chantier ». Ce nouveau texte, a-t-elle souligné, « devra répondre aux critères » fixés par les associations féministes. Les deux candidats à la présidentielle se sont déjà engagés à soumettre au Parlement un projet de loi.

Le Conseil constitutionnel a décidé d’abroger avec un effet immédiat la loi condamnant le harcèlement sexuel car la définition de cet acte était trop floue. Dans l’attente d’un texte, le ministre de la Justice donnera instruction aux parquets de poursuivre les faits de harcèlement sexuels sur d’autres bases juridiques, notamment la violence volontaire, a annoncé l’Élysée. Une nouvelle manifestation est prévue le 14 mai devant la Bourse du travail.

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Une loi critiquée depuis plusieurs années par les associations féministes

La loi sur le harcèlement a été adoptée le 22 octobre 1992, faisant de la France le premier pays à se conformer aux recommandations de la Commission européenne en la matière. Mais les associations féministes ont très vite dénoncé le texte. « La France a été pionnière, mais avec une loi qui n’était pas satisfaisante pour les victimes et qui ménageait très largement les privilèges sexuels des hommes dans les relations de travail », regrette Marilyn Baldeck. « Les harceleurs sexuels n’ont jamais été très gênés. Par ailleurs, cette loi a profité à des hommes poursuivis pour harcèlement sexuel, car ils ont bénéficié de déqualifications d’agressions sexuelles qui auraient dû être condamnées plus lourdement. »

L’association AVFT dénonce depuis des années le flou du texte. « S’il n’y avait pas d’attouchement sur le corps de la femme, la loi n’était pas applicable. Même le terme de “faveurs” inscrit dans la loi appartient au champ lexical de la séduction. Il y avait du flou, de l’ambiguïté dans le texte. Le législateur n’a pas voulu prendre la mesure de la gravité des faits. »

Leur presse (Le Figaro, 5 mai 2012)


Harcèlement sexuel : quatre « sages » connaissaient le requérant

Gérard Ducray, l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui a conduit le Conseil constitutionnel à censurer la loi sur le harcèlement sexuel, va donc être blanchi et sa condamnation cassée.

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Gérard Ducray

Cependant M. Ducray n’est pas un total inconnu d’au moins quatre des membres du Conseil. Il a été secrétaire d’État au tourisme de 1974 à 1976, le chef de l’État était alors Valéry Giscard d’Estaing, le premier ministre Jacques Chirac, tous deux membres de droit du Conseil constitutionnel, même s’ils ne siègent plus.

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Jacques Barrot

En revanche, Jacques Barrot, qui était secrétaire d’État au logement dans le même gouvernement que M. Ducray, a, lui, statué sur la QPC qui a de fait annulé la condamnation de son ancien collègue. Hubert Haenel, qui a lui aussi siégé, était de son côté conseiller pour les questions judiciaires à l’Élysée de 1975 à 1977.

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Hubert Haenel

Si les membres du Conseil sont impartiaux, ils doivent aussi juridiquement en donner « l’apparence », et faute pour deux d’entre eux de s’être déportés (s’être abstenus de siéger), se pose une nouvelle fois la question de la composition du Conseil. « Les conditions de déport sont très strictes, fait valoir la haute juridiction, la seule question qui se pose, c’est de savoir si les membres ont participé à l’élaboration de la norme, c’est-à-dire le vote de la loi. Ce n’est pas le cas. »

Leur presse (Le Monde, 5 mai 2012)

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