Abdelkrim Ag Tayyeb. Chef des cinq régions de l’Azawad
« Il n’est pas question pour le moment d’ouvrir un nouveau front avec Al Qaîda »
(…)
Vous êtes responsable des cinq régions qui l’Azawad. Peut-on connaître les dernières nouvelles sur les sept otages algériens détenus depuis plus de trois semaines par Al Qaîda sur votre territoire ?
Il est vrai que des négociations pour leur libération se poursuivent et que les contacts avec les ravisseurs sont toujours en cours. Je ne peux en dire plus, sauf que nous croyons à une libération rapide. C’est une question de temps seulement.
Aujourd’hui, Gao abrite un congrès de trois jours. Pouvons-nous en savoir plus sur les participants et son ordre du jour ?
Ce congrès est décisif pour le MNLA. Plusieurs centaines de personnes entre chefs de tribu, notables, personnalités politiques et cadres du mouvement y sont conviés pour permettre à toutes les composantes de la société de l’Azawad de prendre part à la destinée de notre pays. Ce sera l’occasion d’assainir la situation interne du mouvement et de régler les divergences internes et externes qui minent pour l’instant le MNLA. Les solutions à ces problèmes seront, de ce fait, décidées d’une manière consensuelle et non unilatérale.
Pour l’instant, le plus grand problème est lié à la présence des groupes de djihadistes sur le territoire de l’Azawad. Quelle position allez-vous adopter par rapport à leurs activités ?
Ce point précis sera discuté au sein du congrès. Un message très clair sera adressé à ces groupes afin qu’ils cessent toute activité qui nuit à la sécurité et à la souveraineté de l’Azawad. Nous allons procéder dans un premier temps d’une manière diplomatique, et dans le cas où ils n’obtempèrent pas à nos demandes, nous prendrons les mesures qu’il faut. Nous avons fait exprès d’impliquer tous les chefs de tribu et les notables afin de les sensibiliser sur la nécessité de faire en sorte que leurs enfants ne soient plus mêlés à ces groupes. Ces groupes ne sont pas aussi importants que la presse le prétend. Ils ont juste profité d’une situation de vide pour intensifier leurs actions, et à laquelle le congrès va trouver une solution. C’est vrai qu’aujourd’hui ils sont partout sur le territoire, mais nous avons les capacités de les contenir avec l’aide de la population. C’est pour cette raison que nous avons réuni toutes les notabilités et les personnalités influentes de la région.
Pensez-vous être en mesure de contenir également Ançar Eddine, lui qui ne reconnaît pas l’indépendance de l’Azawad et qui veut plutôt instaurer la charia ?
Nous n’avons aucun problème avec la religion. Si demain le peuple de l’Azawad veut la charia, personne ne l’empêchera. Nous sommes tous des musulmans. Le fait d’instaurer la charia ne nous fait pas peur. Je ne pense pas que Iyad et son groupe Ançar Eddine puissent se mettre à l’écart du combat du MNLA pour l’indépendance de l’Azawad. Ils travaillent en étroite collaboration avec le mouvement. Leur combat est le même. De plus, il ne représente pas la majorité au sein de la société. Aujourd’hui, notre principale préoccupation vient plutôt des extrémistes.
Comme Al Qaîda ?
Oui, Al Qaîda et Boko Haram constituent une vraie préoccupation pour nous, même si nous savons que sur le terrain, ils n’ont aucun poids. Nous ferons tout pour que les composantes influentes de l’Azawad prennent leur responsabilité et diffusent le message que nous allons adresser à ces organisations.
Pensez-vous qu’elles accepteront de quitter un territoire qu’elles ont acquis ?
Nous ferons tout pour qu’elles comprennent qu’elles ne peuvent plus agir comme elles le faisaient avant. Il y a une nouvelle situation qu’elles doivent respecter. Dans le cas où elles refuseraient, nous prendrons d’autres mesures.
Lesquelles ?
Je ne sais pas, mais cette éventualité a été prise en compte. Pour l’instant, il n’est pas question d’ouvrir un nouveau front avec Al Qaîda. Nous ne sommes pas prêts à une quelconque confrontation, mais nous allons trouver des solutions plus diplomatiques.
Le tout nouveau Premier ministre malien a appelé, jeudi dernier, les groupes qui occupent le Nord à négocier. Quelle a été votre réponse ?
Nous sommes tous pour le dialogue. Il y a eu des contacts entre nos représentants et des responsables maliens à Nouakchott avec une médiation mauritanienne. Mais cela n’a servi à rien, tout simplement parce qu’à Bamako, les choses ne sont pas encore claires et la situation est très instable. Avec qui allons-nous discuter ? Avec une junte qui ne contrôle rien ? Avec un Premier ministre qui ne gère que la transition ? Je pense qu’il est prématuré de parler de dialogue. Nous discuterons le jour où la situation sera moins confuse à Bamako.
Jusqu’à maintenant, ni le Mali ni la communauté internationale et encore moins les pays voisins n’ont accepté la partition du Mali. Allez-vous revoir votre position par rapport à cette question ?
Cette question sera tranchée par le congrès. Mais sachez que la majorité écrasante des participants à ce congrès n’est prête à revenir sur l’indépendance. Il s’agit d’un principe que rares sont ceux qui acceptent de le discuter. Néanmoins, nous laissons les portes du dialogue ouvertes. Nous voulons que les négociations aient lieu sur un terrain neutre, ailleurs qu’au Mali et sous la supervision de pays qui ont de l’influence sur la région. Nous ne voulons plus rééditer les accords signés à l’issue des rebellions des années 1960, 1990 et 2000.
Presse terrroriste (Salima Tlemçani, ElWatan.com, 25 avril 2012)
Azawad : le MNLA tient son premier congrès
Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) tient son premier congrès du 25 au 27 avril 2012 à Gao, ville où son Comité politique a élu domicile au lendemain de la libération totale du territoire de l’Azawad.
Ainsi le MNLA rassemblera l’ensemble de ses cadres pour prendre les décisions les plus urgentes dans cette étape transitoire qui doit conduire à la mise en place des institutions du nouvel état de l’Azawad. Aux cadres du MNLA seront associés également les différents acteurs de la société civile de l’Azawad.
Il s’agira donc de mettre en place des structures ayant acquis l’adhésion des Azawadiennes et Azawadiens, car jusque-là le MNLA a été dirigé par un Bureau exécutif constitué dans l’urgence suite au déclenchement des hostilités avec l’armée malienne.
À l’issue de ce congrès, il sera nommé soit un Gouvernement ou un Conseil national qui aura pour tâche prioritaire de donner davantage de visibilité à l’Azawad sur le plan international. Il sera aussi question de nommer dans cette institution les femmes et les hommes d’un niveau qui soit à la hauteur des aspirations de l’Azawad et qui devront défier un monde hostile et montrer leur capacité à instaurer un État capable d’assurer la sécurité des Azawadiennes et Azawadiens, un État civilisé qui redonnera au peuple de l’Azawad sa dignité et sa fierté, qui lui assurera épanouissement et développement et le sortira de la situation misérable et humiliante dans laquelle l’État malien l’a plongé.
L’une des premières missions étant d’accomplir un travail de grande envergure sur le plan diplomatique en vue de dénoncer la campagne de désinformation qui vise le MNLA et montrer à l’opinion internationale que le MNLA est porteur d’un projet moderne, qu’au sein de la société touarègue, où la femme jouit d’une liberté exemplaire, il n’y a pas de place à l’obscurantisme et aux idéologies rétrogrades. Les futurs représentants de l’Azawad auront à dévoiler ce plan machiavélique que certaines puissances, en « collaboration » avec les systèmes voyous voisins de l’Azawad, ont mis en place pour disqualifier l’Azawad de l’accès à son indépendance.
Selon Mossa ag Attaher, porte parole du MNLA en Europe, le congrès du MNLA et de la société civile de l’Azawad sortira aussi avec des dispositions claires et fermes concernant l’attitude à adopter quant aux groupes islamistes qui sont en train d’agir dans l’Azawad et qui tentent d’y semer terreur et violence. Le MNLA aura à mettre en place une stratégie pour combattre ces groupes et neutraliser leur nuisance dans le pays.
Masin Ferkal – Tamazgha, 24 avril 2012
Il tient son congrès aujourd’hui : l’Azawad face au défi d’Al Qaîda et des cartels de la cocaïne
Plus d’une centaine de cadres, de chefs de tribu, de personnalités influentes et de notables prendront part, aujourd’hui, au congrès de l’Azawad, à Gao, au nord du Mali.
Au fond, c’est plus la question des groupes islamistes armés, Ançar Eddine et Al Qaîda, qui sera tranchée, avec l’ensemble des composantes de l’Azawad. C’est dans un contexte particulièrement très difficile que les travaux du congrès de l’Azawad s’ouvrent aujourd’hui à Gao. Organisée par le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), cette rencontre réunira l’ensemble des chefs des tribus touareg, arabes, songhaï, bombara… ainsi que des personnalités influentes et cadres dirigeants du MNLA pour débattre surtout de la présence des groupes islamistes armés, d’Al Qaîda et de Ançar Eddine. « Le MNLA veut amener les grandes tribus à se détacher d’Al Qaîda, mais également pousser Ançar Eddine à désarmer son organisation et à couper les liens avec Al Qaîda. Ayad veut être en haut de l’organisation. Il est question de lui proposer un poste important au sein du mouvement en contrepartie de son ralliement et de son éloignement des groupes salafiste. Ayad est issu d’une tribu très influente, il sera plus rentable de l’avoir avec le MNLA que contre », affirme notre source.
Pour elle, il est probable que Ayad accepte l’offre, d’autant qu’elle sera faite par deux de ses plus proches alliés que le MNLA courtise actuellement. « Son ralliement est très important, dans la mesure où il permettra de couper l’herbe sous le pied des autres groupes djihadistes, notamment Al Qaîda », affirme notre source. En fait, ajoute-t-elle, le Mouvement ne veut pas s’attaquer directement aux trafiquants de drogue ou à Al Qaîda. « Il veut impliquer les tribus parce que sans elles, il sait qu’il ne peut rien faire », explique notre interlocuteur. Selon lui, l’enjeu de ce congrès est très important. « Il va déterminer l’avenir de l’organisation et rien n’indique présentement que les tribus acceptent le deal que leur offre le Mouvement. Les organisations islamistes, notamment Al Qaîda et les trafiquants de drogue, ont des moyens financiers colossaux qui leur permettent d’acheter tous les notables de cette région très pauvre. Or, le MNLA a peut-être des armes mais ne possède pas l’argent, qui constitue le nerf de la guerre », indique-t-il.
Tous contre Al Qaîda
Selon lui, les groupes islamistes armés sont en train d’évoluer à une vitesse vertigineuse en profitant du vide qu’il y a sur le terrain. « Après avoir participé à la libération de Gao, Kidal et Tombouctou, ils ont commis des actes de vandalisme contre certains sites, comme les bars, les hôtels, les banques et même contre les distributeurs électroniques de billets de banque. La population a eu très peur, d’autant que leur message était très clair : l’instauration d’un émirat religieux. L’enlèvement des membres de la mission diplomatique algérienne de Gao n’a pas été très porteur pour eux, parce que la population n’était pas d’accord avec cet acte.
Depuis, ils sont en train de faire des campagnes pour redorer leur image de marque. Ils donnent de l’argent aux pauvres, ils volent des voitures, ils reviennent les remettre à leurs propriétaires, en se présentant comme des sauveurs. Ils font tout pour montrer patte blanche dans le but de gagner la population. Leur stratégie marche très bien. Pendant cette période, ils ont réussi à renforcer le recrutement non seulement dans la région, mais également dans les pays du champ comme la Mauritanie, le Tchad, le Nigeria, le Burkina Faso, le Niger, et même le Soudan et la Somalie. Des colonnes entières de nouvelles recrues sont arrivées ces derniers jours au nord du Mali. La majorité sont venus renflouer les rangs du Mouvement pour l’unicité du djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) que beaucoup appellent Boko Haram (en référence aux groupes intégristes armés du Nigeria) » précise notre interlocuteur, un notable de Gao.
Sur le terrain du Mujao à Gao
Dans le cas où le MNLA n’arrive pas à trouver un consensus autour du problème de la drogue et des organisations religieuses armées, « il sera nécessairement confronté à une lutte interne qui le mènera à l’implosion. Tout le monde est conscient de ce danger, mais ces groupes sont devenus tellement puissants, que le mouvement a peur de les affronter directement. » En tout état de cause, à Gao, les dirigeants du MNLA ont mis en alerte quelque 400 combattants mobilisés d’ailleurs pour assurer la sécurité, durant les trois jours du congrès (du 25 au 27 avril).
Gao, faut-il préciser, est une place forte du Mujao, ce groupe dissident de l’AQMI que dirige Abou Zeid. Ayant pour émir un Malien, « ce groupe est en train de devenir le plus puissant sur la scène, que ce soit en matière de troupes, d’armement ou de finance. Il avait à peine une centaine d’hommes vers la fin de l’année 2011, et aujourd’hui, il compte près de 400 djihadistes puissamment armés. Il entretient des relations avec les autres organisations, dont Ançar Eddine, et contrôle une bonne partie des territoires de Kidal de Gao et de Tombouctou », explique un notable de Kidal, qui conclut en exprimant sa crainte pour l’avenir de l’Azawad. « Nous avons tous conscience de la puissance de ces organisations. Pour l’instant, les affronter serait suicidaire. Il faut que toute la population s’implique. Or, celle-ci trouve son compte avec eux. Ils payent grassement les services qu’ils lui demandent », dit-il.
Presse terroriste (Salima Tlemçani, ElWatan.com, 25 avril 2012)