La police du Nord dans la ligne de mire
On sait déjà qu’il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark. Mais quid de la police du Nord ? Avec pas moins de cinq affaires obscures, l’actualité de ces derniers mois n’a guère été indulgente avec cette administration qui compte 4800 fonctionnaires.
Dernier rebondissement, l’arrivée hier à Lille de la police des polices, venue éclaircir un dossier de harcèlement moral (lire ci-contre). Deux plaintes ont été déposées par des fonctionnaires. Jean-Claude Menault, patron de la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de 2008 à 2011, au moment des faits, préfère ironiser sur ceux qui confondent harcèlement et commandement, « en général pas les meilleurs ». Ambiance.
Quelle que soit l’issue de ces procédures, l’image de la police départementale ne risque pas de s’améliorer, elle qui depuis près d’un an est éclaboussée par un autre dossier explosif, le Carlton de Lille, dont Jean-Claude Menault est apparu comme une victime officielle : placé en garde à vue en octobre, muté à Paris dans la foulée, retraité en février. L’homme s’est vu reprocher un voyage à Washington où il a rencontré Dominique Strauss-Kahn. Le commissaire divisionnaire Jean-Christophe Lagarde, patron de la sûreté départementale du Nord depuis 2006, était quant à lui mis en examen en octobre pour proxénétisme aggravé et recel d’abus de biens sociaux dans le cadre de cette même affaire DSK.
« Boîte de Pandore »
Ce qui n’a pas empêché Didier Perroudon, successeur de Jean-Claude Menault à la DDSP, de rester optimiste début décembre : « Je n’ai pas le sentiment d’une ambiance dégradée. Il y a des états d’âme qui me semblent marginaux. La police du Nord n’est pas malade. » Dès lors, comment interpréter les autres intrigues mises au jour la semaine dernière ? D’abord ces trois policiers de Roubaix mis en examen mercredi pour faux et usage de faux, et suspendus. Il leur est reproché d’avoir grillé un feu rouge, percuté un autre véhicule, falsifié les constatations, et dissimulé un état d’ivresse. C’est le courrier laissé par un policier roubaisien ayant mis fin à ses jours en janvier qui a révélé l’épisode.
Vendredi, le parquet de Lille confirmait qu’une enquête préliminaire s’intéressait à un officier de police lillois. En cause : la disparition d’un ordinateur portable au domicile d’une personne décédée en mars 2011. L’appareil a été retrouvé sur un site de ventes entre particuliers. Les enquêteurs sont remontés jusqu’au vendeur, l’officier lillois, qui explique avoir acquis l’objet sur le Web. Mais son vendeur à lui n’a pas pu être identifié.
La semaine dernière avait débuté avec la révélation d’une combine ayant cours dans les commissariats de Lille, Roubaix et Tourcoing : des policiers revendaient à des ferrailleurs des objets récupérés en mission et voués à la destruction (vélos, scooters…). Les cagnottes constituées devaient servir à de modestes dépenses de fonctionnement (sandwiches et lampes de poche !). Pas d’enrichissement personnel, a assuré le DDSP… qui a néanmoins informé le procureur.
« La boîte de Pandore a été ouverte », nous expliquait un gradé, fin novembre, dénonçant même une « atmosphère délétère ». Toutes ces affaires n’ont peut-être rien à voir les unes avec les autres et ne touchent qu’une minorité des quelque 4800 valeureux policiers nordistes. Mais leur accumulation pose question, d’autant que la police avait terminé l’année 2011 sur une note positive avec le versement d’une prime de résultat collective (600 euros par fonctionnaire) : évolution de la délinquance, taux d’élucidation, travail des services… Dans ce tableau d’honneur, la plus grosse DDSP de France (le Nord) s’était aussi montrée la meilleure !
La police des polices débarque à Lille
Arrivée hier à l’hôtel de police de Lille Sud, l’IGPN entendra cette semaine une vingtaine de policiers. Une descente dans le cadre d’une enquête ouverte par le parquet après la plainte contre X déposée par Philippe Patisson en février. Le commissaire dénonce le harcèlement moral, l’homophobie et la discrimination qu’il aurait subis comme chef du SDIG (service départemental de l’information générale – ex-RG) du Nord de 2008 à 2011. Un conflit entre clans avait alors éclaté. Différents fonctionnaires, dont Jean-Claude Menault, ancien patron de la police nordiste, sont ciblés. De violents propos racistes et homophobes sont rapportés, concernant également une policière d’origine maghrébine. Un salut nazi devant le bureau de cette fonctionnaire, qui a déposé une plainte pour harcèlement et discrimination, est aussi dénoncé. Et Philippe Patisson fustige une enquête illégale visant à le salir. Un commissaire et des officiers auraient menacé son garagiste afin d’obtenir une fausse attestation montrant de prétendues réparations gratuites. Après une dépression, il a demandé sa mutation. Il est aujourd’hui chef du CCPD (centre de coopération policière et douanière) de Tournai (B).
Leur presse (lavoixdunord.fr, 17 avril 2012)