[Révolution tunisienne] « On n’a pas peur, c’est le peuple qui est ici »

Les manifestants piégés, puis aspergés de gaz lacrymogènes

Le ministère de l’Intérieur s’est résolu à appliquer à la lettre sa décision d’interdire les manifestations à l’avenue Habib Bourguiba.

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Photo d’archives de la manifestation du samedi 7 avril.

Vers 10h30, les quelques milliers de manifestants présents (moins de cinq mille au début, mais tout le monde n’était pas encore arrivés) étaient réunis devant le Théâtre municipal. Ils se dirigeaient vers le ministère de l’Intérieur, à quelques centaines de mètres. Les agents de l’ordre présents leur ont facilité la tâche en retirant les barrières. Une fois les manifestants passés, ils ont été aspergés de gaz lacrymogènes afin de les disperser. Les manifestants ont répliqué par des jets de pierre dans une tentative de forcer les policiers à reculer.

Nos journalistes présents sur place disent qu’il n’y a pas encore d’agressions physiques, à coups de matraques, mais cela ne saurait tarder, craignent-ils.

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En effet, quelques minutes plus tard, vers 11h45 [10h45 ?], on a constaté des agressions par des matraques, non seulement de la part de policiers en tenue officielle, mais également par des agents en tenue civile ordinaire, comme s’ils étaient de simples citoyens. On a également constaté quelques cas d’étouffements.

Nous mettrons à jour cet article au fur et à mesure de l’évolution de la situation. Et il est fort à craindre qu’elle va évoluer vers le pire.

Publié par des ennemis de la révolution (BusinessNews.com.tn, 9 avril 2012)


Tunis : Évacuation de l’avenue Habib Bourguiba aux gaz lacrymogènes

Le correspondant de TunisieNumerique sur place a affirmé que l’ambiance est très tendue à l’avenue Habib Bourguiba. Des groupes de personnes sont venus prêter main forte aux agents de sécurité, ces groupes seraient, semble-t-il, des milices du mouvement Ennahdha disponibles pour boycotter et contrer toute manifestation.

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Ahmed Seddik, responsable de l’information de l’Ordre National des Avocats a confirmé qu’il a été agressé par des partisans du mouvement Ennahdha, regroupés en milices.

Abdelwahab El Heni, président du parti « Al Majd » a de sa part, confirmé la déclaration de Ahmed Seddik concernant l’intervention des milices d’Ennahdha.

Les manifestants sont encore rassemblés en groupuscules dans les rues avoisinantes.

À suivre…

Publié par des ennemis de la révolution (Chawki Rouissi, TunisieNumerique.com, 9 avril)


(…) Des manifestants ont accusé Ennahda de se comporter en « nouveaux Trabelsi », le clan familial honni de l’épouse de l’ex-président Ben Ali et accusé par les Tunisiens de corruption dans les dernières années du règne de Zine ben Ali. « Les gens en ont marre des nouveaux Trabelsi ! », scandait la foule.

« Le peuple veut la chute du régime ! », lançaient les manifestants en reprenant à leur compte l’un des slogans-phares de la « révolution de jasmin » de janvier 2011, précurseur du « printemps des peuples arabes ». (…)

Leur presse (Reuters, 9 avril)


Tunisie : tirs de lacrymos pour disperser une manifestation interdite

TUNIS – Plusieurs centaines de personnes qui manifestaient lundi sur la grande artère de Tunis, l’avenue Habib Bourguiba interdite aux rassemblements, ont été violemment dispersées à coup de gaz lacrymogène, a constaté une journaliste de l’AFP.

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Les manifestants, qui voulaient commémorer la journée des martyrs tunisiens et protester contre l’interdiction depuis le 28 mars de tout rassemblement sur l’avenue, ont été chassés à coup de lacrymogènes et ont dû se réfugier dans les ruelles avoisinantes ou les commerces de l’avenue.

Enroulés dans des drapeaux tunisiens, criant : on n’a pas peur, c’est le peuple qui est ici, les manifestants avaient commencé à investir l’avenue Bourguiba vers 10H00 (08H00 GMT), remontant la rue au pas de course dans une ambiance très tendue.

De nombreux policiers casqués et matraques en main avaient été déployés sur l’avenue.

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Je suis là pour honorer nos martyrs, et pour protester contre l’interdiction de manifester ici. C’est nous qui avons libéré la Tunisie, ils n’ont pas le droit d’interdire des marches pacifiques, a déclaré à l’AFP Mohsen Ben Henda, un septuagénaire tout juste sorti de l’hôpital venu participer au rassemblement.

La manifestation n’a pas duré plus d’une demi-heure, avant les premiers tirs nourris de lacrymogènes. Les gens se sont enfuis dans les rues perpendiculaires ou se sont réfugiés dans les cafés encore ouverts de l’avenue.

La Tunisie commémore lundi la journée des martyrs, en souvenir de la répression sanglante par les troupes françaises d’une manifestation à Tunis le 9 avril 1938.

L’avenue Bourguiba, artère symbole de la révolution tunisienne et endroit où sont généralement organisées tous les mouvements de contestation, est interdite aux rassemblements depuis le 28 mars suite à des incidents lors d’une manifestation d’islamistes qui s’en étaient pris à des artistes.

Publié par des ennemis de la révolution (Agence Faut Payer, 9 avril)


Tunisie : tension toujours très vive dans le centre de Tunis où les heurts continuent

TUNIS — La tension restait très vive lundi dans le centre-ville de Tunis, les policiers chargeant et tirant des lacrymogènes sur des manifestants repliés dans les alentours de l’avenue Habib Bourguiba, où un rassemblement venait d’être violemment dispersé, a constaté l’AFP.

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Après avoir été chassés de l’avenue centrale Habib Bourguiba, interdite, les manifestants ont rejoint un autre rassemblement sur l’avenue perpendiculaire Mohamed V. Là encore, les policiers ont tiré des grenades lacrymogènes pour disperser les gens.

Dans les ruelles autour de l’avenue Bourguiba, des policiers armés de matraques, très agressifs, ont chargé sur des petits groupes de manifestants. D’autres policiers en civil chargeaient à mobylette.

Des personnes ont été tabassées et blessées, selon un témoin.

Les gens criaient : « Dégage ! Dégage !  » reprenant le slogan de la révolution et hurlaient : « on n’a pas peur, la rue est au peuple ! ». La plupart des cafés et boutiques avaient fermé leurs rideaux et certaines rues étaient désertes, jonchées de pierres et de grenades lacrymogènes.

« Je suis consterné. Les gens que la révolution a amenés au pouvoir sont aujourd’hui ceux qui nous empêchent de manifester », a déclaré à l’AFP l’ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme Mokhtar Trifi.

La manifestation de lundi avait été appelée sur les réseaux sociaux pour commémorer « la journée des martyrs », en souvenir de la répression sanglante par les troupes françaises d’une manifestation à Tunis le 9 avril 1938.

L’avenue Bourguiba, artère symbole de la révolution tunisienne et endroit où sont généralement organisés tous les mouvements de contestation, est interdite aux rassemblements depuis le 28 mars suite à des incidents lors d’une manifestation d’islamistes qui s’en étaient pris à des artistes.

Publié par des ennemis de la révolution (Agence Faut Payer, 9 avril)


Tunis : une manifestation violemment réprimée à l’occasion de la Fête des martyrs

TUNIS (AP) — La police a réprimé lundi à coups de matraques et de grenades lacrymogènes une manifestation organisée à Tunis pour marquer l’anniversaire de la Fête des martyrs, faisant plusieurs blessés, a-t-on constaté sur place.

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Venu à l’appel de plusieurs associations de la société civile, quelque 2.000 manifestants avaient commencé à défiler sur l’avenue Habib-Bourguiba, la grande artère de la capitale, interdite récemment à toute manifestation pour cause de « troubles à l’ordre public ».

Arrivés devant le ministère de l’Intérieur, ils ont été violemment réprimés par les forces de l’ordre. Pourchassés par les policiers anti-émeutes, les manifestants ont fui vers les rues avoisinantes. « Ils étaient d’une rare agressivité. C’est du jamais vu ! », a lâché, les yeux rougis, la journaliste Zohra Abid en se plaignant aussi de coups sur la nuque.

Rues jonchées de pierre, emplies de l’odeur asphyxiante du lacrymogène, voitures de police sillonnant la capitale, l’atmosphère à Tunis ressemblait un peu aux jours de braise du soulèvement populaire qui a causé la chute du régime totalitaire de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali le 14 janvier 2011.

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La présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), Souhair Belhassen, avait fait le déplacement depuis Paris pour « témoigner de sa solidarité avec la société civile qui lutte pour la liberté de manifester ».

« Cette journée revêt une force symbolique parce que le 9 avril 1938 des martyrs étaient tombés sous les balles des forces françaises pour revendiquer une Constitution qui assure les libertés et aujourd’hui on est dans la même conjoncture, le combat continue », a-t-elle déclaré à l’Associated Press en dénonçant « la répression que rencontre ce mouvement ».

Sur l’avenue Mohammed V, toute proche, des affrontements entre manifestants et policiers ont fait plusieurs blessés, dont un officier de sécurité touché à la tête par des bris de verre. Une délégation de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme (LTDH) conduite par son président, l’ex-bâtonnier Abdessattar ben Moussa, a été prise à partie dans une rue adjacente. Pris de malaise, un membre de la LTDH, Mohamed Attia, a été transféré à l’hôpital dans « un état critique », selon Me Ben Moussa.

« C’est nous qui les défendions quant ils étaient réprimés sous Ben Ali et aujourd’hui, une fois au pouvoir, ils ne trouvent pas mieux que de nous réprimer avec les mêmes pratiques de l’ancien régime », s’est élevée Moufida Belghith de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), en allusion aux dirigeants du mouvement islamiste Ennahdha.

« Comme on a dégagé Ben Ali, nous sommes en mesure de leur dire ‘dégage’ à leur tour et on est prêt à d’autres martyrs », a lancé Jalila Bellalouna, une militante de l’Association tunisienne de transparence financière originaire de Sousse (centre-est), relayée par le chef du Parti communiste ouvrier tunisien (PCOT) Hamma Hammami.

Leur presse (AP, 9 avril)


À Tunis, la fête des Martyrs violemment réprimée

Des milliers de manifestants tunisiens sont descendus dans les rues pour la fête des Martyrs. Les policiers ont fait barrage.

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Dix heures du matin, ce 9 avril. Les manifestants se rassemblent place des Droits de l’homme sur l’avenue Mohamed V, à Tunis. « Le 9 avril est la fête des Martyrs, de ceux qui sont tombés pour le pays au moment de l’indépendance, mais aussi de ceux qui se sont battus pour les libertés sous la dictature. » Emna Menif, présidente du mouvement associatif Kolna Tounes, est vêtue de rouge, un drapeau tunisien à la main droite et un mégaphone en bandoulière. Son téléphone sonne. Elle vient d’être informée que des manifestants se font « frapper » devant le ministère de l’Intérieur, sur l’avenue Habib-Bourguiba. La principale avenue de Tunis est interdite à toute manifestation depuis le 28 mars dernier, après l’agression de comédiens, le 25 mars, par des salafistes. Le ministère avait alors autorisé ces deux manifestations en même temps.

« Nous avons fait cette révolution pour l’emploi, la liberté, la dignité. Samedi [7 avril], des chômeurs se sont fait tabasser. Les membres du gouvernement ne doivent pas oublier que c’est grâce à eux et à la révolution qu’ils sont à ces postes. Tous les symboles de la révolution sont balayés. Les familles des martyrs sont toujours en attente, les blessés de la révolution aussi. Les chômeurs et toutes les revendications pour les libertés sont oubliés. Nous avons déposé une demande pour manifester sur l’avenue Bourguiba, mais on a refusé de la réceptionner », poursuit-elle.

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Gaz lacrymogènes

Des drapeaux tunisiens flottent, l’hymne national est entonné. Pendant que des milliers de manifestants se dirigent vers l’avenue Habib-Bourguiba, les policiers s’organisent sur l’avenue Mohamed V. Casqués, armés de boucliers et de pistolets à gaz lacrymogènes, ils font barrage.

« Dégage ! Dégage ! », « la rue est au peuple », scandent les manifestants. Dans la foule, un morceau de citron à la main pour dissiper les effets des gaz lacrymogènes, Radhia Nasraoui, avocate et militante des droits de l’homme, accompagnée de son mari Hamma Hamami, porte-parole du PCOT (Parti communiste des ouvriers de Tunisie), assure être en train de « revivre tout ce qu'[elle] a vécu sous Ben Ali : la répression, le fait de ne pas avoir le droit de s’exprimer ». « L’avenue Habib-Bourguiba est un symbole, nous voulons la libérer. »

Quelques manifestants arrivent alors à s’infiltrer à travers le cordon de police, qui répond en envoyant des gaz lacrymogènes. La foule se disperse et certains se réfugient dans les rues adjacentes. Tout le centre de Tunis est bouclé. Selon certains manifestants, ce n’était pas arrivé depuis février 2011. Dans les rues voisines, des affrontements ont lieu. Près du Monoprix, non loin de la rue de Marseille, des pierres jonchent le sol. Des barricades sont montées, un camion de police n’hésite pas à foncer sur des manifestants, ne touchant heureusement personne. Un rideau de fer se lève, quatre hommes sortent. Ils s’étaient réfugiés dans ce magasin de musique pendant près de 30 minutes, « à cause des gaz lacrymogènes ».

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Journalistes agressés

Mêmes scènes sur l’avenue Habib-Bourguiba. Les rideaux de fer sont baissés. Les terrasses des cafés sont bouclées. Les chaises sont empilées les unes sur les autres. Près de l’hôtel International, à l’angle de l’avenue de Paris, des gaz lacrymogènes sont envoyés. Des policiers, en uniforme et en civil, chargent les manifestants, dont certains frappent aux portes des magasins pour trouver un refuge. Des journalistes se sont fait agresser, dont Zohra Abid, journaliste de Kapitalis. Fatma Riahi, présidente de l’Association des blogueurs, a été transportée à l’hôpital. Des arrestations ont également eu lieu, dont celle de Jaouhar Ben Mbarek, membre du réseau Doustourna, qui avait alors le bras en écharpe. Il était présent dans la matinée devant le ministère de l’Intérieur, cerclé de barbelés.

« On ne va pas laisser s’installer le chaos. Les gens ont la possibilité de manifester ailleurs que sur l’avenue Bourguiba », a déclaré, selon l’AFP, le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Khaled Tarrouche, sur la radio nationale. En début d’après-midi, un sit-in était en train de s’organiser devant l’Assemblée constituante au Bardo.


« J’ai été frappée par les policiers tunisiens »

Lors de la manifestation de lundi à Tunis, plusieurs journalistes ont été pris à partie. Témoignage.

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Avenue Habib Bourguiba. 12h30. Cela fait pratiquement une heure que les policiers répondent aux manifestants par des gaz lacrymogènes. Certains n’hésitent pas à user de leur matraque. À l’angle de l’avenue de Paris, des arrestations ont lieu, dont celle de Jaouhar Ben Mbarek, bras en écharpe, membre du réseau Doustourna (mouvement associatif indépendant qui se veut le garant des acquis des Tunisiens). Un homme âgé, cheveux blancs et bien habillé, tente d’échapper à la police. Il tombe devant un lampadaire. Le policier lève sur lui sa matraque. Un journaliste intervient pour l’arrêter. Je m’approche. Quelques policiers arrivent. Face au cordon qui s’est mis en place près de l’homme, ils ne font rien.

C’est le flou total. La scène est surréaliste. Des gens courent partout, des gaz lacrymogènes sont envoyés, des policiers chargent, des camions arrivent. Une femme crie, se débat. Elle est maintenue par deux policiers, visage découvert. D’autres portent des cagoules. Je lance un « sahafié », journaliste en arabe. Je prends une photo. Le policier à la gauche de cette femme, portant des lunettes à montures fines, les cheveux courts et un haut marron, abaisse mon appareil. Dans ses yeux, seule la colère transparaît. Je m’exécute et lui reprécise que je suis journaliste. À ce moment-là, des hommes arrivent. Certains ont des uniformes, d’autres non. L’un d’entre eux essaie de m’arracher mon appareil photo. Je maintiens mon boîtier avec ma main droite. Dans ma main gauche, j’ai mon carnet et mon stylo. Je suis bousculée. Je ne peux pas accéder à ma carte de presse qui se trouve dans la poche droite de mon blouson.

Coups dans le dos, dans les fesses

Tout va très vite. En quelques minutes, je me retrouve au sol. Je reçois des coups dans le dos, dans les fesses. Je porte mon sac à dos sur le devant. Plus pratique pour sortir mon matériel. Dans l’agitation, je perds mes lunettes de soleil. Je ne pense pas à repréciser que je suis journaliste, je ne pense qu’à mon appareil photo, à ma carte mémoire, aux clichés que j’ai déjà pris. Le besoin de se focaliser sur quelque chose d’autre est le plus important. Le besoin de ne pas réaliser ce qui se passe supplante le reste. Je ne sais pas combien de temps la scène a duré. Je ne cesse de penser à mon appareil. En tentant de le retenir, mon pouce, coincé dans la lanière, se tord. Depuis, il est gonflé et bleu.

Finalement, au loin, j’entends mon appareil fracassé sur le trottoir. Plusieurs fois. Des gens me hissent et me relèvent. Policiers ? Civils ? Je ne sais pas. Je suis poussée, tirée vers un fourgon de police. Un représentant du Pôle démocratique moderniste intervient et lance que je suis journaliste. Je le répète alors. Rien à faire. Je reçois encore des coups sur la tête. Certains sont donnés avec le plat de la main. D’autres, je ne sais pas. Des matraques peut-être. Aucune idée.

Sourire mesquin

La plupart des policiers s’éloignent pendant que d’autres m’emmènent à l’arrière d’un fourgon parqué non loin. Des personnes continuent de se faire arrêter. Pensant qu’ils cherchent à me mettre en sécurité, je relâche la pression. Je suis de nouveau poussée, j’ai alors l’impression qu’on veut m’embarquer. Je reprécise que je suis journaliste. Je glisse mes doigts dans les barreaux blancs du fourgon bleu pour prendre appui. Ma carte de presse est toujours dans mon blouson. On ne m’a pas demandé de la présenter. Un militant d’Ennahda, que j’ai rencontré à plusieurs reprises lors de meetings ou au siège du parti, apparaît. Il parle aux policiers. Je suis alors relâchée.

Je me dirige vers le lieu où mon appareil a été fracassé. Je retrouve mon objectif, à peu près intact. Un homme vêtu de noir passe, me le prend et le balance sur le sol avant de se retourner et de me lâcher un sourire mesquin. L’objectif est éclaté en plusieurs morceaux. Je ramasse les débris. Des policiers les poussent à coups de pied. Je suis à la recherche de ma carte mémoire, mais rien. Je reste quelques minutes en retrait avec d’autres journalistes pour observer la scène. Des policiers passent en scooter. Des camions arrivent. Encore des charges. Toujours des gaz lacrymogènes dont le goût âpre reste des heures dans la bouche.

Avec le calme, la douleur se fait sentir, devient plus vive. J’ai des hématomes un peu partout. Sur le chemin du retour, je constate que j’ai dû mal à marcher. L’avenue de Paris offre le même spectacle de désolation. Des enfants qui se promenaient avec leurs parents crient et pleurent. Les devantures des magasins sont baissées. C’est alors qu’un homme me tend une fleur. Fragile, de couleur fuchsia et odorante, elle contraste avec l’âpreté et la violence ambiantes.

Leur presse (Julie Schneider à Tunis, LePoint.fr, 9 avril)

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