[Le Caire] Des milliers d’Égyptiennes dénoncent les violences du régime militaire

Des milliers d’Égyptiennes ont manifesté dans les rues du Caire, mardi, pour dénoncer les abus commis contre les femmes lors de la répression des manifestations sur la place Tahrir au cours des derniers jours.

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De nombreuses vidéos et images ont été mises en ligne sur les réseaux sociaux, témoignant de la brutalité de l’intervention des militaires. Des manifestants ont été passés à tabac et frappés à coups de pied à la tête, tandis que des femmes ont été agrippées par les cheveux et projetées par terre. L’une d’entre elles s’est retrouvée à moitié nue sur le sol après s’être fait arracher sa robe par des soldats.

En marchant de la place Tahrir au centre-ville, des manifestantes ont brandi la photo de la jeune femme à moitié déshabillée par les militaires, où l’on peut la voir allongée au sol vêtue d’un soutien-gorge bleu.

« Tantaoui a mis nos femmes à nu, joignez-vous à nous ! », a scandé la foule, en référence au maréchal Hussein Tantaoui, chef du conseil militaire qui dirige l’Égypte depuis la chute de Hosni Moubarak, le 11 février. « Les filles d’Égypte sont une ligne rouge à ne pas franchir », ont crié les manifestantes.

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Avant même la fin de la manifestation, le conseil militaire a diffusé une déclaration inhabituelle exprimant ses regrets pour ce qu’il a qualifié de « violations » contre les femmes, un revirement inattendu après plusieurs jours de déni quant à la gravité des abus commis par les militaires.

Le conseil a exprimé ses « profonds regrets pour les femmes d’Égypte » et a affirmé son « respect et son appréciation totale » envers les femmes et leur droit de manifester et de participer à la vie politique. Le conseil a promis de prendre des mesures pour punir les responsables des violations.

Cette déclaration laisse penser que les militaires craignent que les attaques contre les femmes ne nuisent à leur réputation dans le pays et à l’étranger, une réputation déjà entachée par la répression violente des manifestations au Caire depuis cinq jours. (…)

La répression des manifestations au Caire a fait au moins 14 morts et des centaines de blessés en cinq jours, selon le plus récent bilan officiel.

Les violences ont débuté dans la nuit du 16 au 17 décembre, quand l’armée a délogé brutalement des manifestants qui campaient pacifiquement depuis trois semaines devant le siège du gouvernement pour demander le transfert du pouvoir aux civils. Depuis, la violence s’est déchaînée sur la place Tahrir, épicentre du soulèvement populaire de janvier dernier, et dans les environs.

Les images de la manifestante à moitié déshabillée, dont l’identité n’est pas connue, a touché une corde sensible chez les Égyptiens. Une bannière montrant la jeune femme violentée par les soldats a été affichée sur la place Tahrir pour que les passants puissent la voir.

« Cette fille est comme la mienne », a dit Um Hossam, une Égyptienne âgée de 54 ans vêtue d’une robe noire et d’un hijab, qui participait à la manifestation de mardi. « Je suis une femme libre, et attaquer cette femme ou tuer des manifestants revient à s’en prendre à mes propres enfants », a-t-elle dit.

Protégées par une chaîne humaine entièrement masculine, les manifestantes ont marché de la place Tahrir au syndicat des journalistes, à plusieurs coins de rue de là, en scandant des slogans demandant la démission du conseil militaire.

Plusieurs ont accusé les militaires de viser intentionnellement les femmes pour les effrayer et pour dissuader leurs proches de sexe masculin de participer aux manifestations contre les généraux.

Les militaires ont déjà laissé entendre que les femmes qui participent aux manifestations étaient des femmes aux mœurs légères. En mars, des soldats ont même contraint des manifestantes à se soumettre à des tests de virginité.

« Ils tentent de briser l’esprit des femmes, en commençant par les tests de virginité. Ils veulent briser leur dignité afin qu’elles ne sortent pas pour manifester », a estimé Maha Abdel-Nasser, une ingénieure qui a participé à la manifestation.

Leur presse (Associated Press), 20 décembre 2011.

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