[Tunisie] Émeutes à Sidi Bouzid en réaction aux élections

En Tunisie, les troubles se poursuivent à Sidi Bouzid après une nuit de violences

La tension restait vive vendredi 28 octobre au soir à Sidi Bouzid, ville symbole de la révolution tunisienne, malgré l’instauration d’un couvre-feu destiné à empêcher de nouvelles violences dans cette ville du centre-ouest du pays. Des groupes ont menacé de détruire « ce qui reste » cette nuit, a indiqué l’AFP.

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Le local d'Ennahda, attaqué à Sidi Bouzid

« Un couvre-feu sera instauré à partir de ce soir 19 heures (18 heures GMT) jusqu’à 5 heures demain matin (4 heures GMT), et ce tous les jours jusqu’à nouvel ordre », avait déclaré plus tôt dans la journée le porte-parole du ministère de l’intérieur. Les troubles, qui ont éclaté jeudi soir après l’annonce du résultat des élections du 23 octobre, ont donné lieu à une nuit de violences.

Rached Ghannouchi, le chef du parti islamiste Ennahda, a lancé vendredi un appel au calme, alors que le local d’Ennahda et des bâtiments publics de cette ville du centre du pays ont été mis à sac et des dossiers administratifs brûlés. « Nous appelons au calme et à la préservation des biens publics », a déclaré M. Ghannouchi, dont le parti est sorti vainqueur du scrutin. Il a affirmé voir dans ces troubles « la main du RCD dissous », l’ancien parti du président Zine El Abidine Ben Ali.

TROUBLES APRÈS LES RÉSULTATS

Les violences ont repris vendredi dans les rues de Sidi Bouzid après quelques heures de calme. Plusieurs milliers de manifestants stationnaient de nouveau à la mi-journée devant la mairie.

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Les forces de sécurité ont tiré en l’air pour tenter de disperser une foule de manifestants qui tentaient d’attaquer les bureaux du gouvernement régional. « L’armée tente de disperser les manifestants en tirant en l’air et en utilisant du gaz lacrymogène », a indiqué un des témoins, Attia Athmouni. Selon un autre témoin, Mahdi Horchani, l’armée est intervenue lorsque la foule a tenté de s’en prendre au bureau du gouverneur. Par ailleurs, des policiers retranchés dans le commissariat ont fait usage de gaz lacrymogènes pour dissuader les manifestants de s’en prendre au bâtiment, après qu’une voiture de la police a été brûlée, a indiqué le ministère de l’intérieur qui ne signale toutefois aucun blessé.

Environ un millier de personnes s’étaient rassemblées dans la nuit de jeudi à vendredi dans la rue principale de la ville pour protester contre l’invalidation de six listes de Hechmi Haamdi, richissime homme d’affaires, dont les bulletins n’ont pas été comptabilisés en raison d’irrégularités. Des membres de la tribu de M. Haamdi ont été vus à la tête des manifestants, ainsi que des figures de l’ancien parti-État de Ben Ali, soupçonné d’être derrière le succès inattendu de La Pétition populaire de Hechmi Haamdi, selon l’AFP. Certains ont exigé des excuses de Hamadi Jebali, qui avait déclaré que Ennahda ne négocierait pas avec Haamdi, d’autres criant « Jebali tu es lâche, les hommes libres de Bouzid ne se laisseront pas humilier ».

Outre la mise à sac du local du parti islamiste Ennahda, des jeunes cagoulés ont incendié le tribunal local, des postes et un district de la gendarmerie, et ont saccagé un centre de formation professionnelle. Les troubles ont duré jusqu’à 4 heures du matin (3 heures, heure de Paris) et une quinzaine de personnes ont été interpellées. Des manifestations similaires ont eu lieu dans des bourgades autour de Sidi Bouzid, d’où est originaire l’homme d’affaires.

La Pétition populaire, liste totalement absente sur le terrain pendant la campagne électorale, a obtenu 19 sièges dans l’Assemblée constituante sur 217. Hechmi Haamdi a fait campagne de Londres par le biais de sa télévision satellitaire Al-Mustakilla. Jeudi soir, il a annoncé son retrait de l’Assemblée constituante pour protester contre les invalidations de ses listes.

Leur presse (Le Monde.fr), 28 octobre 2011.

 

Heurts à Sidi Bouzid après l’annonce de la victoire d’Ennahda

Le calme est revenu vendredi matin à Sidi Bouzid, après une nuit de troubles au cours de laquelle plusieurs bâtiments publics ont été vandalisés et pillés. Les écoles sont fermées et seuls quelques cafés sont ouverts, selon le correspondant de l’AFP. Des dizaines de personnes étaient rassemblées devant les bâtiments vandalisés, selon la même source. Les violences ont éclaté jeudi soir dans cette ville du centre de la Tunisie où a commencé la révolution, après l’annonce par la commission électorale des résultats des élections du 23 octobre.

Des groupes de jeunes ont mis à sac le local du parti islamiste Ennahda, vainqueur du scrutin, et jeté des pierres sur les forces de l’ordre, après l’annonce de l’invalidation de six listes d’Hechmi Haamdi, richissime homme d’affaires qui avait notamment remporté le scrutin dans la circonscription de Sidi Bouzid. Environ 2000 jeunes ont jeté des pierres et brisé les portes et fenêtres du local d’Ennahda, et incendié des pneus sur la rue principale en criant « par notre âme et par notre sang, nous soutenons Sidi Bouzid ». Selon l’Agence de presse tunisienne (TAP), « des actes de destruction et de pillage ont également ciblé le siège de la municipalité ».

Une manifestation similaire était en cours à Regueb, à une cinquantaine de kilomètres de Sidi Bouzid, et des témoins ont raconté qu’un coup de feu avait été tiré sur le siège local d’Ennahda. La « Pétition populaire » d’Hechmi Haamdi, liste totalement absente sur le terrain pendant la campagne électorale, a obtenu 19 sièges dans l’Assemblée constituante. Elle a toutefois été invalidée dans six circonscriptions, notamment à Sidi Bouzid où elle était arrivée en tête à la surprise générale.

Hechmi Haamdi, originaire de Sidi Bouzid, a fait campagne de Londres par le biais de sa télévision satellitaire Al-Mustakilla. Sur cette chaîne, il a annoncé jeudi « craindre » que son électorat ne manifeste sa colère après le refus d’Ennahda d’associer cette liste aux tractations en cours pour la formation d’un gouvernement.

Les manifestations avaient commencé dans la journée à Sidi Bouzid pour protester contre des propos du numéro 2 d’Ennahda, Hamadi Jebali, qui a refusé toute négociation avec les listes « Pétition populaire ». Elles ont dégénéré après l’annonce, dans la soirée, de l’invalidation de six listes de Haamdi par la commission électorale.

Leur presse (Le Monde.fr), 28 octobre 2011.

 

Tension et couvre-feu à Sidi Bouzid

La situation était tendue vendredi à Sidi Bouzid, au lendemain des troubles ayant suivi l’invalidation de plusieurs listes d’« Al Aridha Chaâbia » (la Pétition populaire), parti du patron de la chaîne « Al Mustakilla » émettant depuis Londres, originaire de cette ville du centre-ouest tunisien.

Selon l’agence de presse officielle TAP, toutes les administrations publiques étaient fermées à la suite de l’appel à la grève générale lancé la veille.

L’agence a fait état de la poursuite des actes de vandalisme et d’anarchie à Sidi Bouzid, épicentre du soulèvement populaire qui a fait chuter en janvier dernier le régime totalitaire de l’ex-président Zine el Abidine ben Ali et donné le départ du Printemps arabe.

Plus tard dans la journée, Rached Ghannouchi, chef du mouvement islamiste Ennahda arrivé largement en tête des élections de dimanche, a tenté d’apaiser les esprits. « Nous appelons au calme les habitants de Sidi Bouzid, le berceau de la révolution, qui doit être au premier rang pour la préservation des biens publics », a-t-il lancé lors d’une conférence de presse.

Il a promis que la région de Sidi Bouzid aurait la priorité dans les projets de développement à venir.

Selon la radio privée Mosaïque FM, des rassemblements avaient lieu dans le centre-ville. Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes, tandis que deux hélicoptères sillonnaient le ciel, a relaté la radio.

Un habitant de la ville Mourad Barhoumi a estimé à quelque 3.000 personnes le nombre des manifestants. Un poste de la Garde nationale, un centre de formation et d’autres équipements publics ont été incendiés, a-t-il rapporté à l’Associated Press.

Face à la dégradation de la situation, les autorités ont décrété un couvre-feu nocturne qui devait entrer en vigueur vendredi, de 19h00 à 05h00 locales (20h00 à 06h00 GMT).

Cette mesure tend à assurer la protection des personnes et des biens publics et privés, a précisé à l’AP le porte-parole du ministère de l’Intérieur Hichem Meddeb notant qu’une voiture avait été incendiée devant la sous-préfecture et trois magasins saccagés.

Leur presse (AP), 28 octobre 2011.

 

Après Sidi Bouzid, la situation dégénère dans d’autres villes

Après Sidi Bouzid, la situation a dégénéré dans plusieurs autres villes du gouvernorat vendredi 28 octobre 2011 dans la matinée et ce suite à l’invalidation des listes d’El Aridha par l’Instance supérieure indépendante des élections.

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Le siège du gouvernorat est actuellement la cible de jets de pierre et de tentatives de pénétration par la force. La police et l’armée sont sur les lieux et tentent de disperser les manifestants par des gaz lacrymogènes. Les accès à la ville de Sidi Bouzid sont fermés par des pneus en feu et des amas de pierre. L’ensemble des magasins, des écoles et des bâtiments administratifs sont fermés en signe de grève générale.

On note le saccage de la mairie et du Tribunal de première instance de Sidi Bouzid ainsi que l’incendie du siège d’Ennahdha. On a également pénétré une école de formation professionnelle et incendié deux voitures lui appartenant. Les panneaux publicitaires et de signalisation ont été endommagés.

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On signale aussi des manifestations à Meknassi, Menzel Bouzayène, Regueb, Bir Lahfey et Mazouna où l’on demande l’arrêt de cette politique de l’exclusion. On a par ailleurs saccagé et incendiés des locaux et des dépôts d’Ennahdha à Meknassi, Menzel Bouzayène, Regueb et Bir Lahfey. À Meknassi, on a enregistré l’incendie d’un wagon de train.

Leur presse (Business News.com.tn), 28 octobre 2011.

 

À Sidi Bouzid, la révolution gronde toujours

Fiers d’être les instigateurs de la révolution tunisienne, les Bouzidiens se montrent de plus en plus déçus et impatients La faute à une situation sociale précaire et à un quotidien inchangé Suspicieux face aux élections de dimanche, ils n’hésitent pas à menacer de reprendre la rébellion en cas de déception.

« La révolution a débuté le 17 décembre, pas le 14 janvier » (date de la fuite de Ben Ali) : le slogan est porté par tous les murs de Sidi Bouzid, ou peu s’en faut. Manière de rappeler que c’est ici, dans ce chef-lieu de 40’000 habitants, à plus de 250 km de la capitale, qu’est né le Printemps arabe. « On a parfois l’impression qu’à Tunis on veut oublier que, pendant dix jours, nous avons mené le combat seuls », témoigne Lamine Bouazizi, professeur à l’Institut national du patrimoine.

Alors, pour qu’on n’oublie rien, rien n’a été effacé. Rebaptisée Mohamed Bouazizi [Jeune vendeur ambulant tunisien qui s’est immolé le 17 décembre 2010. Sa mort est à l’origine des émeutes qui concourent au déclenchement de la révolution tunisienne.], l’artère principale de cette oasis urbaine perdue au milieu des vergers d’amandiers et d’oliviers porte les stigmates des combats. Sur toutes les administrations, écoles ou commissariats, subsistent les appels au soulèvement.

À l’ombre des ficus, toutes les terrasses bruissent de discussions politiques. « Depuis dix mois, la politique est omniprésente, on débat de tout et de n’importe quoi », opine Sayf Nsiri, 34 ans, blogueur durant la révolution.

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Mais, pour Lamine Bouazizi, le temps de l’euphorie est révolu. « Cette liberté d’expression, c’est le seul gain de la révolution. Car les problèmes de l’ère Ben Ali, eux, persistent. » Enclavée au centre du pays, la ville n’a pas de zone industrielle. Seuls les innombrables garages des faubourgs, et le marché, dont les étals envahissent le moindre recoin du centre-ville, témoignent d’une faible activité économique.

Avec plus de 8000 diplômés sans emploi, triste record national, Sidi Bouzid n’a cessé de voir le chômage s’amplifier. La révolution est devenue permanente. Sit-in, manifestations et piquets de grève se succèdent dans les hôpitaux, les écoles et les administrations. Cette semaine encore, le tribunal a fermé ses portes quelques heures. « Les revendications sont toujours les mêmes : titularisation du personnel vacataire, hausse des salaires et améliorations des conditions de travail », détaille maître Khaled Aouaïania, avocat à la Cour de cassation.

Quant aux élections de dimanche (huit sièges à l’Assemblée constituante sont en jeu), elles n’inspirent pas plus d’optimisme. Seulement la moitié des électeurs potentiels se sont inscrits et un seul mot revient dans leur bouche : « Méfiance ». « Beaucoup ont l’impression que les anciens benalistes sont revenus, témoigne Lamine. Quant aux autres, surtout dans les campagnes, ils iront voter Ennahda [le parti islamiste], persuadés que l’islam est attaqué », se désole-t-il.

Les bonnes ondes d’Al Karama

« Votez pour qui vous voulez, mais votez ! » Née le 27 septembre dernier, la radio Al Karama (la Dignité) affiche clairement son engagement. « On veut que le citoyen puisse prendre la politique en main », témoigne Rabah Hajlaoui, son directeur. Dans le studio, qui sent toujours la peinture fraî­che, une vingtaine de journalistes, d’animateurs et de techniciens se succèdent pour offrir un temps d’antenne rigoureusement identique aux 65 listes en lice. Mais la radio, qui émet à 40 kilomètres à la ronde, a d’autres visées que le scrutin de dimanche. Ainsi, ses locaux sont le refuge du centre stratégique de développement de Sidi Bouzid, sorte de think tank de l’après-révolution. Il y a un mois et demi, ce dernier a envoyé au gouvernement ses propositions en matière d’économie locale, fruit du travail de près de 300 collaborateurs.

Leur presse (Metro France.com), 21 octobre 2011.

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